For my English-speaking readers, as I've noticed in the stats, let me remind you that an English translation is available on AO3. Just type Bellatrix and her Master SamaraXX AO3 into any search engine. I promise it's far better than Google's auto-translate! :)


Ce chapitre révèle le rebondissement auquel j'ai pensé en 2011, lorsque j'ai commencé à écrire ma fiction et à la publier ici. Peut-être que cette idée a été exploitée depuis, mais à l'époque, je ne l'avais encore jamais rencontrée dans mes lectures sur Bellatrix et Voldemort.

J'espère que cela vous plaira, mais n'oubliez pas que la fiction n'est pas encore terminée. Merci à ceux qui continuent à lire cette fic.


Chapitre XIX: La Sœur

Août 1973,

Édimbourg.

Il y eut une perturbation, invisible, mais que la jeune femme perçut malgré les va-et-vient des bus de ville, dont le vacarme des portes, des grincements et des sonnettes s'élevait jusqu'aux fenêtres fermées du deuxième étage. Un bruit de succion, bref mais distinct, la tira de son sommeil. Andromeda se redressa. Cela ressemblait à des sceaux magiques que l'on désactivait. Avait-elle rêvé? Il était encore tôt. Ted était parti depuis moins d'une heure. Dans les rues froides, une brume persistante flottait sur les pavés luisants de pluie, malgré la saison estivale. Rien ne semblait anormal sur le trottoir en bas, qu'elle scrutait à travers la petite fenêtre poussiéreuse de sa chambre.

En se cognant contre la table de chevet pour attraper la robe de chambre rose pâle négligemment jetée sur le lit, elle lâcha un « merde » étouffé avant de s'en draper, frissonnant sous le froid qui mordait ses jambes nues. Où était sa baguette ? Entre les coussins et les magazines de mode jonchant le sol, elle ne distinguait plus rien.

La sonnette retentit.

Quelque chose clochait. Personne ne sonnait jamais à leur porte. Ils n'avaient jamais de visiteurs. Leur seule amie vivait à l'autre bout de la planète. Andromeda pesta. Pourquoi fallait-il que cela arrive justement ce jour-là, alors que Ted était absent à Londres ? Seule, elle se sentait vulnérable dans sa robe de chambre élimée, transie et inquiète. L'inconnu finirait par s'en aller. Une erreur, sans doute. Le facteur qui s'était trompé d'appartement.

Mais il était si tôt. Les facteurs passaient-ils à cette heure-là ? Andromeda n'en savait rien. Elle recevait rarement du courrier par la poste moldue. C'était toujours Ted qui s'en occupait. Andromeda préférait éviter les interactions avec les Moldus – elle disait toujours des absurdités qui rendaient chaque rencontre embarrassante.

Elle se dirigea vers la petite cuisine en formica orange. Sur la table, entre un cendrier débordant de mégots et une assiette où restait un sandwich au corned beef à moitié grignoté, sa baguette l'attendait.

On frappa à la porte. Trois coups secs, rapides. L'assurance implacable de ce geste la pétrifia. Immobile au milieu de la cuisine, les cheveux en bataille, l'œil hagard, elle resta figée.

Puis une voix s'éleva.

— Dromeda…

Le timbre profond, à la fois chaud et fier, résonna à travers la porte. Inoubliable. Merlin… Bellatrix.

Que faisait-elle là ? Comment l'avait-elle retrouvée ?

— Dromeda, ouvre-moi, je t'en prie…

La supplique la fit avancer malgré elle vers la porte.

— Bellatrix ? Qu'est-ce que tu veux ?

— J'ai besoin d'aide. Ouvre-moi.

Andromeda était méfiante. Bellatrix était tout à fait capable de feindre la détresse pour arriver à ses fins. Manipulatrice, elle savait jouer ce rôle à la perfection. Mais un reste d'affection dans son cœur la fit vaciller. S'il existait ne serait-ce qu'une infime chance que sa sœur fût réellement en danger, elle ne pouvait l'ignorer.

Elle entrouvrit la porte, prudente. Un mince filet de lumière découpa le visage de Bellatrix, prostrée dans l'ombre du palier.

— Dromeda…

Bellatrix renifla. À la stupéfaction d'Andromeda, elle pleurait. Courbée, les épaules affaissées, les yeux rougis par la fatigue, elle se tenait contre le mur. Sans réfléchir davantage, Andromeda ouvrit grand la porte. Bellatrix n'était pas si bonne actrice, pas avec elle.

Bellatrix entra, balayant du regard l'appartement exigu – de la chambre en désordre, visible par la porte entrouverte, à la petite cuisine aux couleurs criardes, étrangement ternes sous la lumière grise du matin.

Ses yeux s'attardèrent sur sa sœur. Andromeda devina sans mal ce qu'elle pensait : « Tu nous as quittés pour vivre dans… ça ? ». Elle ne fit néanmoins aucun commentaire.

— Qu'est-ce que tu veux ? répéta Andromeda, mal-à-l'aise.

Bellatrix renifla encore. Ses longs cheveux noirs, humides, encadraient son visage en boucles éparses. Malgré la lassitude inscrite sur ses traits, Andromeda remarqua à quel point elle ressemblait désormais à ces femmes défilant sur les podiums de haute couture, toutes drapées de noir, longiligne et obsédantes, dans ses magazines. Bellatrix avait plus de formes que ces top-models rachitiques, mais les rondeurs d'enfance de son visage avaient disparu, et avaient laissé place à des traits affinés, racés. Même fatiguée et pâle, elle était d'une beauté remarquable.

Bellatrix écarta les pans de sa cape, et baissa les yeux vers le sol. Suivant son regard, sous les couches de noir, Andromeda discerna un petit ventre, à peine arrondi, mais pointu.

— Tu n'étais pas censée être stérile ? demanda Andromeda, haussant un sourcil.

— C'est compliqué… murmura Bellatrix.

Andromeda resta interdite. Bellatrix était enceinte ? Et alors ? Pourquoi venir à elle?

— Tu en es à combien ?

— Huit mois.

Ah. Trop tard pour avorter.

— Que veux-tu que je…? fit Andromeda, toujours sur ses gardes.

— Il n'est pas de Rodolphus, coupa Bellatrix.

— Ah.

XxXxXxX

Janvier 1973,

Quartier Général.

Sur le divan, simplement drapée dans un plaid en coton aux teintes de vert et de noir, Bellatrix était absorbée par la lecture d'une trilogie d'ouvrages qu'elle trouvait d'une rare fascination. Ces livres, tous signés de la main de Ludmilla Thenn, portaient encore le nom de jeune fille de l'autrice – Ludmilla Thelonious. Leurs titres évocateurs – Dix Remèdes pour Lutter Contre les Effets Secondaires de la Magie Noire, Magie Noire : Préparation et Réceptivité, Magie Noire et Magie Ancienne – témoignaient de leur portée sombre mais originale. Chacun était dédicacé à un certain Tom Jedusor, dans une calligraphie élégante et soignée :

À mon meilleur et pire élève, Tom. Que ces livres puissent lui faire entrouvrir la porte du pouvoir absolu.

La dédicace avait presque arraché un ricanement à Bellatrix. La formule, excessivement grandiloquente, frôlait le ridicule. Pourtant, le contenu même de ces ouvrages ne souffrait d'aucune médiocrité ; il se révélait d'une ingéniosité rare et d'une maîtrise irréprochable. Plutôt que de dresser une simple liste de potions ou d'énumérer des maléfices connus, Ludmilla s'attelait à décrypter l'art d'intensifier n'importe quel sortilège, d'accélérer la récupération après une séance éprouvante de magie noire, ou encore d'abandonner tout contrôle afin d'atteindre des états de conscience amplifiée. Ces pratiques ouvraient des perspectives insoupçonnées, offrant aux sortilèges une profondeur et une puissance redoutables.

Il s'agissait là d'un pan de la magie rarement abordé dans l'enseignement traditionnel. Bellatrix n'avait pas tardé à mettre à l'épreuve les recommandations de Ludmilla et, sans surprise, avait constaté une amélioration tangible : ses enchantements gagnaient en force, en précision, et se manifestaient avec une fulgurance nouvelle. Le feu dans l'âtre du salon-bibliothèque, dont les flammes écarlates dansaient avec impertinence, en était la preuve éclatante.

Lorsque le Seigneur des Ténèbres revint de la mystérieuse mission qui l'avait éloigné de sa servante en début de soirée, il la trouva ainsi absorbée. Bellatrix était étendue sur le ventre, ses jambes oscillant paresseusement au rythme d'une mélodie intérieure, tandis que ses doigts fins s'agrippaient à la couverture d'un petit livre de cuir. La chaleur étouffante de la pièce, attisée par les flammes féroces de l'âtre, l'avait contrainte à se délester partiellement du tissu qui l'enveloppait. Elle n'ignorait pas qu'à l'endroit précis où se tenait son Maître, la courbe délicate de ses reins, ainsi que l'arrondi de ses fesses dénudées, s'offraient à son regard sans le moindre artifice.

Elle feignit de ne pas remarquer sa présence et poursuivit sa lecture, dissimulant un sourire mutin derrière les pages du livre de Ludmilla. Il l'avait une fois de plus abandonnée, la laissant seule, alors qu'ils n'avaient pas échangé plus d'un baiser. Il méritait bien, songea-t-elle, d'être légèrement provoqué.

— Encore en train de fouiner dans mes affaires, constata-t-il en s'asseyant près de ses jambes sur le divan.

— Désolée, Maître, cela fait des semaines que ces livres me passionnent. Cette Ludmilla Thenn avance quelques arguments convaincants, répliqua Bellatrix, adoptant un ton faussement désinvolte.

Elle perçut son rire étouffé, grave et moqueur. Sa main se posa sur l'intérieur de son genou, effleurant sa peau nue dans une lente caresse ascendante.

— Quels arguments ? Que copuler et bien dormir renforcent les capacités magiques ?

Bellatrix lui jeta un regard par-dessus son épaule, intriguée par sa remarque condescendante. Pendant ce temps, la main du mage noir poursuivait son ascension le long de sa cuisse, traçant une ligne brûlante dont le contact à peine appuyé la fit tressaillir.

— Elle affirme qu'une bonne hygiène de vie favorise la récupération, en effet, mais ses thèses ne s'arrêtent pas là ! argua-t-elle, dans une tentative qui l'étonnait elle-même de défendre la sorcière. Ses travaux sur la magie ancienne sont remarquables. Elle tisse des liens entre des arcanes ancestrales et la magie noire, ouvrant ainsi des perspectives inédites dans certains sorts de protection.

Mais Bellatrix remarqua bientôt que son interlocuteur ne prêtait guère attention à ses paroles enthousiastes. Ses doigts s'attardaient désormais sur ses fesses nues, écartant lentement le plaid qui couvrait son dos. Qu'il se laisse ainsi distraire, alors que la conversation portait sur les maléfices et la magie, était une rareté qui la laissa presque circonspecte.

— Avez-vous seulement lu ses ouvrages ? demanda-t-elle, cherchant à capter son attention.

— Oui… Une fois, lorsqu'elle me les a remis à Poudlard. Pour être honnête, je n'ai pas besoin de ces remèdes de grand-mère pour renforcer mes sortilèges, répondit-il avec son arrogance familière.

Bellatrix contempla un instant son expression désintéressée, et la trace presque évanouie d'un sourire dédaigneux sur ses lèvres.

— Avez-vous vu mon feu ? Il est superbe ! insista-t-elle. J'ai suivi ses recommandations, et le résultat est indéniable.

Il jeta un bref regard vers l'âtre où les flammes rougeoyaient avec force et orgueil.

— Un peu excessif, non ? murmura-t-il, un sourire à peine voilé dans la voix.

Sa main poursuivit son exploration, s'immisçant avec langueur entre ses cuisses, jusqu'à ce que deux doigts viennent effleurer l'entrée de son sexe, déjà humide. Il ne pénétra pas, se contentant de faire remonter la chaleur jusqu'à l'endroit qu'elle considérait plus intime encore, prenant son temps pour tracer un sillage brûlant et insistant.

— Ne considérez-vous pas Ludmilla Thenn comme une sorcière d'exception ?

— Disons que ses talents avec une baguette m'ont davantage impressionné que ses théories douteuses sur les vertus de la frivolité.

Il avait prononcé le mot «frivolité» avec sarcasme et ponctua sa remarque par l'intrusion inopinée de son pouce dans cette partie jusqu'alors inexplorée, déclenchant en Bellatrix une contraction immédiate. Surprise par l'intensité de la sensation, elle s'enfonça dans le coussin devant elle, abandonnant le livre sans y prêter attention.

— As-tu déjà été prise ainsi, Bellatrix ?

— Non…

— Ni par Rodolphus, ni par le Sang-de-Bourbe ?

L'insensibilité de la question lui monta dans la gorge, faisant battre son cœur un peu plus fort.

— Non… murmura-t-elle, sa réponse étouffée par le coussin.

Ses doigts s'agrippaient au tissu, tandis que le bruit subtil de vêtements qu'on défroisse parvint à ses oreilles. Elle sentit bientôt le divan s'affaisser de part et d'autre de son corps, signe de sa proximité. Le bout de son sexe effleura la peau tendre entre ses fesses. Bellatrix eut un instant de doute, de peur. Pourtant, il ne poursuivit pas son geste là où son pouce s'était attardé, mais glissa en elle d'un mouvement fluide, déclenchant un soupir soulagé mêlé de plaisir.

Les va-et-vient, lents et mesurés, s'accompagnaient des gémissements étouffés de Bellatrix. Elle suréleva un peu les fesses, lui permettant de la pénétrer plus facilement. C'était exquis. Cependant, dans un accès de panique, elle perçut bientôt l'inévitable : il modifia subtilement l'angle de son corps, redirigeant le bout maintenant lubrifié vers cet autre passage qu'il avait effleuré plus tôt, avant de s'y enfoncer.

Elle laissa échapper un cri de surprise et de douleur mêlées.

— Détends-toi, ordonna-t-il d'une voix calme.

— Doucement… Doucement… haleta Bellatrix dans une supplique involontaire.

Il se figea un instant, obéissant à sa requête, avant de poursuivre avec une lenteur infinie, s'insinuant peu à peu en elle. Un gémissement rauque s'échappa de ses lèvres – un son sourd, plus profond que d'ordinaire. Habituellement, Lord Voldemort n'exprimait son plaisir qu'à l'approche du paroxysme ou lorsque la cadence s'intensifiait. Mais cette fois, le râle rauque se fit entendre tout au long de la lente intrusion, dans une satisfaction presque animale.

Pour Bellatrix, la sensation était étrangère – une expérience inconfortable, gênante, douloureuse, qui la laissait presque hagarde. Lorsqu'il se retira brièvement, elle perçut un silence fugace, devinant qu'il appliquait sans doute quelque lubrifiant. La confirmation ne tarda pas : lorsqu'il revint en elle, la froideur du liquide s'ajouta à la pénétration, qui se fit plus aisée, mais aussi plus profonde.

Elle s'exclama bruyamment, surprise de le sentir si vigoureusement enfoncée en elle.

— Doucement, Maître, s'il-vous-plaît, répéta-t-elle d'une voix aiguë qu'elle prit soin d'atténuer dans le coussin qu'elle agrippait.

Loin de l'écouter, ses mouvements devinrent plus brusques, plus rapides. La lenteur et la douceur initiales avaient fait place à une nerveuse brutalité. Bellatrix s'enfonça davantage dans le coussin, y mordant le tissu pour étouffer tout cri, s'interdisant de laisser transparaître la moindre douleur. Au-delà de la gêne, elle éprouvait un sentiment inédit – celle d'être possédée par lui dans cet endroit qu'elle avait toujours considéré comme interdit.

Dans les cercles de Sang-Pur, ces pratiques étaient formellement proscrites, entourées d'un tabou tenace. Jamais elle n'aurait imaginé que son Maître puisse s'en délecter. Sans être véritablement offusquée, Bellatrix ne pouvait nier que cette intrusion avait quelque chose de dérangeant, de presque immoral. Malgré cela, elle devait admettre qu'en sentant ses mouvements erratiques, ses mains possessives sur elle, l'acte éveillait en elle une excitation troublante. Cette transgression l'intriguait. L'idée qu'il s'approprie chaque parcelle de son corps surpassait presque la force de la marque qu'il avait gravée sur son bras.

Après cela, il ne resterait plus rien que le Seigneur des Ténèbres n'ait pas possédé d'elle.

Imperceptiblement, malgré la douleur lancinante, elle se cambra un peu plus. Elle voulait lui signifier, par ce geste, qu'elle goûtait à l'idée qu'il la prenne de cette manière. Aussi indécent que cela pût sembler, l'idée qu'il s'empare de chaque orifice qu'elle possédait, sans retenue ni réserve, lui plaisait plus que de raison.

Dans ce rare silence où ses propres gémissements se faisaient discrets, elle perçut nettement les soupirs graves et rauques du mage noir. Ses mains s'agrippaient à elle avec une ferveur inhabituelle, presque tremblante. Puis, dans un râle étouffé, il jouit en elle. Ça n'avait pas duré longtemps.

Bellatrix, quant à elle, n'était pas certaine d'avoir tiré du plaisir de cette expérience. Mais, lorsqu'elle se retourna et posa les yeux sur son Maître, affalé contre le canapé, encore débraillé et essoufflé, elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire réjoui. Ses paupières mi-closes, il posa distraitement une main sur sa cuisse nue, la caressant du bout des doigts.

— J'ai besoin d'une minute, murmura-t-il.

Bellatrix laissa échapper un léger rire. Si tel était le prix à payer pour le voir ainsi, vulnérable et repu, elle se surprit à penser qu'elle accepterait volontiers de revivre ce moment chaque jour.

Son Maître ne cessait de la surprendre. L'intimité qu'ils partageaient dépassait tout ce qu'elle avait pu imaginer.

Fidèle à sa parole, il n'eut pas besoin d'un long moment de récupération.

Quelques instants plus tard, leurs corps étaient de nouveau entrelacés, immergés dans la partie peu profonde de l'immense baignoire nichée au sous-sol du Quartier Général. L'eau chaude tourbillonnait doucement autour d'eux, faisant éclater des bulles de savon nacrées telles des perles fines, contrastant avec le carrelage noir et argent qui tapissait le bassin.

Bellatrix, perchée à califourchon sur lui, enfouissait ses doigts dans ses cheveux mouillés, laissant ses lèvres effleurer les siennes. Chaque mouvement de ses hanches était lent, se délectant de la sensation, tandis qu'elle gémissait faiblement, frissonnante sous l'assaut de ses propres chevauchements.

— Oh Maître… répétait-elle dans un souffle, les yeux mi-clos d'abandon, rejetant la nuque en arrière.

— C'est ainsi que tu préfères être prise, n'est-ce pas, Bella ? glissa-t-il, son visage pressé contre ses seins luisants de savon.

— Oh oui, Maître, confia-t-elle au bout d'un souffle, les mains mouillées fermement serrées derrière sa nuque.

XxXxXxX

Par un jour glacial de février, la marque s'embrasa contre sa peau, brûlante et impérieuse. Retenue par les protections qui enveloppaient son Quartier Général, elle patienta quelques instants, attendant que l'autorisation de partir lui soit accordée. Puis, elle se retrouva transportée au Sanctuaire. Elle n'avait pas mis les pieds dans cette pièce depuis longtemps, bien que ce fût la toute première qu'elle avait connu dans le dédale formant le Quartier Général de son Maître.

Lord Voldemort, drapé dans l'une de ses capes à capuchon, avait plaqué contre le mur moite du fond de la pièce une sorcière d'âge avancé, entravée par un sortilège. Bellatrix la reconnut sans mal ; il s'agissait d'une Sang-mêlé, son aînée d'au moins quarante ans, proche des Potter et des Macmillan. Si leurs chemins s'étaient croisés lors de quelques réceptions mondaines, elles n'avaient jamais entretenu de relation particulière.

— Ah, Bellatrix, fit-il d'un ton faussement désinvolte. Je te présente la collaboratrice des Aurors qui t'ont interrogée au Ministère. L'un de mes fidèles a eu la bonne idée de me la livrer. Elle détient des informations… mais se montre pour l'instant peu coopérative. Penses-tu pouvoir m'être utile ?

Un sourire carnassier étira les lèvres de Bellatrix.

— Absolument, mon Seigneur.

Sur ces mots, Lord Voldemort s'installa sur l'un des bancs qui bordaient la pièce, observant sa servante avec une attention languide. Sur son visage, habituellement impassible, s'esquissait une lueur fugace – un soupçon de plaisir sauvage. Il n'intervint que rarement dans les méthodes de torture employées par Bellatrix, se contentant de poser, çà et là, les questions qui l'intéressaient.

— Pour quelle raison les Aurors ont-ils pris Enguerrand Avery pour cible ? demanda-t-il d'un ton glacial.

— Il… il allait découvrir l'identité de notre informateur, révéla la sorcière, haletante.

Son visage se tordait de douleur et seule la contrainte des liens la maintenait encore debout.

— Qui est ce traître ?

La femme demeura silencieuse, serrant les dents. Voldemort lança un regard à Bellatrix, qui hocha la tête avec un enthousiasme à peine dissimulé. Son plaisir était palpable ; la perspective d'un nouveau supplice éveillait en elle une joie indicible. Il lui semblait que ce goût pour la torture, lorsqu'elle s'exerçait au service de son Maître, devenait chaque jour plus ardent, bien qu'elle eût encore peu d'occasions de s'y livrer pleinement.

Finalement, la prisonnière céda. Sa voix brisée laissa échapper un nom qui jeta un froid dans la pièce.

— Rodolphus Lestrange, balbutia-t-elle avant de cracher des bulles de sang.

— Menteuse, siffla aussitôt Bellatrix d'une voix acérée, sans la moindre hésitation.

— Redonne-lui du Veritaserum, ordonna Voldemort d'un ton détaché.

Quelques minutes s'écoulèrent dans un silence pesant, seulement troublé par les râles de la prisonnière. Lorsqu'elle parla de nouveau, sa réponse sifflante et moqueuse résonna dans la pièce, identique à la précédente :

— Rodolphus… Rodolphus Lestrange…

Bellatrix observa la femme avec un mépris grandissant, ses lèvres se tordant dans une grimace de dégoût.

— Maître, comme je l'ai moi-même démontré, il est possible de résister au Veritaserum… dit-elle, ses yeux sombres se posant sur leur victime avec une froide satisfaction.

Rodolphus était peut-être un goujat de la pire espèce, possessif et intrigant, capable même de comploter dans l'ombre contre elle. Mais il n'était pas un traître. Jamais il ne se serait compromis auprès d'ennemis du sang pur. L'idée même était absurde.

Malgré la souffrance, la sorcière parvint à soutenir leur regard avec une expression de mépris mêlée de défi.

— Il n'apprécie guère que son Maître lui vole sa femme, murmura-t-elle, le fiel perlant dans chaque mot.

Une légère rougeur envahit les joues de Bellatrix. Voldemort se leva lentement, l'ombre d'une contrariété voilant ses traits.

— Ingénieux, reconnut-il. Rodolphus, absent pour réfuter ces accusations, fait un coupable idéal.

— C'est pourtant Lestrange, que vous le vouliez ou non, insista la prisonnière d'une voix tremblante. Il a compris que la mort de son père n'est pas aussi limpide que vous le prétendez.

Voldemort arqua un sourcil, observant la femme avec un intérêt renouvelé.

— Vraiment ?

— Vous savez, tout comme moi, que Fabian Prewett n'a pas tué Reginaldus Lestrange.

Le regard que Lord Voldemort posa sur elle était glacial et menaçant, abyssal de noirceur. Bellatrix ne l'avait pas vu aussi effrayant depuis son discours aux Mangemorts à propos du traître caché parmi leurs rangs.

— Elle tente de nous duper. Elle ne sait rien. Tue-la, Bellatrix, finit-il par dire, implacable.

— Puis-je m'amuser encore un peu avec elle avant de lui accorder ce privilège, Maître ?

Voldemort s'était déjà détourné, l'intérêt qu'il portait à la prisonnière s'évanouissant, remplacé par d'autres préoccupations.

— Bien-sûr. Rejoins-moi lorsque tu en auras terminé.

— Merci, mon Seigneur, répondit Bellatrix.

Lorsqu'elle eut achevé son œuvre, pleinement satisfaite, elle abandonna la femme à l'oubli et se hâta de rejoindre son Maître.

Elle était contente d'elle. Elle se sentait de plus en plus forte, de plus en plus redoutable.

XxXxXxX

Lord Voldemort l'attendait dans la salle de réunion, un espace peu utilisé, où la longue table rectangulaire s'étendait sous une fine couche de poussière. Dans l'air, il avait dessiné une toile complexe, un enchevêtrement de connexions éthérées reliant des visages entre eux, semblable à un arbre généalogique. Pourtant, ces faisceaux n'évoquaient aucun lien de sang – ils traçaient les relations entre Mangemorts.

Son regard parcourut l'arbre. Bellatrix repéra rapidement son propre visage, relégué dans un coin, relié à Rodolphus, Rabastan, Lucius Malefoy, ainsi qu'aux Carrow, Alecto et Amycus. Un filet spectral l'unissait aussi à Ethan Rosier. Non loin de cette section, une bulle plus imposante et en hauteur contenait Enguerrand Avery, dont le visage était barré d'une fine ligne sombre, tout comme celui de Reginaldus Lestrange. Autour flottaient les visages de George Nott, Charles Mulciber, Antonin Dolohov et Ennius Rosier, ce dernier relié par un mince fil vaporeux à Geraldine.

Le portrait de Geraldine, non marqué du sceau des Mangemorts, apparaissait dans une teinte sépia, pâle et effacée, contrastant avec la vivacité presque éclatante des autres figures, dont les expressions du visage se déployaient avec réalisme. En plissant les yeux, Bellatrix remarqua qu'un autre filet ténu la reliait elle aussi à Geraldine, témoignage discret de leur amitié.

Un peu plus loin, un autre lien attira son attention : partant de son visage, il serpentait vers Lucius, passant par une silhouette plus petite, elle aussi en sépia – celui de Narcissa, dont l'image flottait en arrière-plan comme une ombre discrète. Non loin de Narcissa flottait également le visage d'Andromeda. Sans grande surprise, Bellatrix constata qu'un filet vaporeux, plus mince encore que les autres, reliait sa sœur à Rabastan.

Elle resta un instant bouche bée. Cet arbre dévoilait toutes les relations, qu'elles soient officielles ou secrètes, entre elle et ses proches. Et son regard n'avait effleuré qu'une infime portion de l'ensemble. Sur l'autre pan de la pièce, l'enchevêtrement des liens s'étendait, lézardant dans l'ombre, révélant d'autres Mangemorts, d'autres familles dont les connexions fourmillaient de secrets et d'alliances insoupçonnées.

Lord Voldemort ne semblait rien ignorer des affaires de ses Mangemorts. Il savait tout. Voyait tout.

— En as-tu terminé avec cette semeuse de troubles ? demanda-t-il d'un ton glacial, son regard toujours fixé sur l'arbre, l'expression impassible mais acérée.

— Oui, Maître.

Un silence s'étira, seulement troublé par la lueur bleutée des connexions flottant dans l'air.

— Tu deviens particulièrement habile dans ce genre d'exercice, observa-t-il sans détourner les yeux.

— Merci, Maître.

— Est-ce un autre des conseils de Ludmilla que tu mets en pratique?

Bellatrix esquissa un sourire amusé.

— À la réflexion, oui. C'est une sorte de catharsis, cela me permet de vider totalement mon esprit, en plus de me procurer une immense satisfaction.

— Dois-je m'attendre à devenir ta prochaine victime dans mon sommeil ? demanda-t-il, une inflexion moqueuse dans la voix.

Bellatrix éclata d'un rire joyeux.

— Je ne torture pas ceux que j'aime, Maître, répondit-elle sans réfléchir, un sourire aux lèvres.

Aussitôt, la lourdeur de ses propres mots s'abattit sur elle. L'air sembla se figer. Lord Voldemort tourna lentement la tête vers elle. Ses yeux noirs, veinés d'éclats rouge vif, brillaient d'un éclat insondable.

Il ne prononça pas un seul mot, laissant le silence s'étirer, pesant et insoutenable. Bellatrix sentit la chaleur envahir ses joues. Oh, Merlin… Ne venait-elle pas d'avouer, d'une manière détournée, les sentiments qu'elle portait au mage noir?

Elle se racla la gorge pour se donner contenance, puis, pour changer de sujet, elle détourna le regard vers l'arbre lumineuxqui flottait toujours dans l'immensité de la salle.

— Que cherchez-vous, Maître ?

— Le traître, répondit-il après une brève pause, sans relever davantage ce qu'elle venait d'avouer.

Son regard s'était déjà détourné pour revenir à l'arbre spectral, glissant sur la myriade de visages flottants. Bellatrix suivit discrètement ses yeux et remarqua qu'ils s'attardaient sur le visage éclatant de Rodolphus, suspendu parmi les fils entremêlés.

— Mon Seigneur, cela ne peut être Rodolphus.

— Pourquoi cela?

— Maître, cette femme mentait. Malgré les fautes qu'il a pu commettre, Rodolphus n'est pas un traître.

— Tout comme ta sœur n'en est pas une… ou ton cher cousin Sirius, rétorqua-t-il d'un ton caustique.

Un silence pesant s'installa, que Bellatrix ne chercha pas à rompre.

— Rodolphus est en Sibérie, il traque des loups-garous à longueur de journée. Ce n'était pas une faveur.

— Il l'a bien mérité, Maître.

— Crois-tu qu'il apprécie que je baise sa femme pendant qu'il se les gèle dans la toundra, en charmante compagnie de Greyback ?

Bellatrix soutint son regard sans ciller malgré les joues rosies par le vocabulaire employé par son Maître.

— Ce n'est pas à lui de choisir qui partage mon lit, Maître.

Voldemort ne répondit pas.

— Il sait qui sont nos ennemis, et qui sont nos alliés, reprit-elle d'une voix assurée. Rodolphus vous est fidèle, tout comme l'était son père.

Voldemort se tourna lentement vers elle, et un sourire effleura ses lèvres – séduisant, charmeur, mais menaçant. C'était ce même sourire inquiétant qu'elle avait vu à leur première rencontre, lorsqu'elle n'avait que quatorze ans, le jour de ses fiançailles avec Rodolphus. Un sourire à la fois cruel et sublime.

— Oh, Bella… n'as-tu donc toujours pas compris ?

La froideur dans sa voix lui hérissa le poil.

— Que… Que voulez-vous dire?

— Fabian Prewett n'a pas tué Reginaldus. Il s'est simplement contenté de retrouver son cadavre, dans cette taverne de l'Allée des Embrumes.

— Mais alors… qui ?

— Tu n'as rien deviné en t'aventurant dans ma pensine ?

Un hoquet de stupeur lui échappa. Voulait-il dire qu'il… Son plus vieil ami, son lieutenant le plus fidèle ?

Il émit un rire froid, légèrement désabusé.

— Tu n'as pas idée des désagréments que tu m'as causés. Contre ton gré, j'en conviens, mais tout de même.

— Que voulez-vous dire, Maître? demanda-t-elle, décontenancée.

— Reginaldus n'a jamais accepté ton infertilité, pas plus qu'il n'a accepté que tu sois à mon service. Lorsqu'un gobelin lui a révélé que tu avais déposé un objet précieux dans son coffre, il a voulu s'assurer de ce qu'il en était. D'une impudence ahurissante, il est venu me trouver – la coupe à la main – sachant pertinemment qu'elle m'appartenait et exigeant des explications sur-le-champ. Te rends-tu compte, Bellatrix ?Exiger des explications de Lord Voldemort… sur-le-champ.

Ses yeux étaient levés vers le visage évanescent de Reginaldus, traversé d'un inexorable trait noir.

—Il était consumé par la jalousie à l'idée que je t'aie confié un tel artefact. Il savait que cet objet, d'une valeur inestimable, ne pouvait être remis qu'à ceux en qui j'ai le plus confiance. Il s'est aussitôt persuadé que je t'avais choisie comme maîtresse, que je cherchais à éteindre sa lignée et à humilier sa famille. Franchement, c'était grotesque. Moi qui m'efforçais de garder mes distances, autant que possible… Je t'avais même fait ingérer une potion d'éros pour que tu sois plus… disposée à remplir ton devoir conjugal. Pouvait-on sincèrement m'accuser de m'être immiscé entre toi et ton mari ?

Il était impossible de déterminer s'il était volontairement sarcastique ou s'il croyait réellement à ses propres mots.

— Maître, je…

— Il ne m'a pas laissé le choix, Bellatrix.

La révélation creusa un nœud d'angoisse dans le ventre de Bellatrix, comme une masse gluante mêlée d'horreur et de choc.

Lord Voldemort avait tué Reginaldus Lestrange.

Cela ne devait jamais être su. Le patriarche des Lestrange, respecté et craint dans toute la société sorcière… Reginaldus Lestrange, père de Rodolphus et Rabastan, pilier des Mangemorts. Son beau-père.

— Peux-tu seulement imaginer l'embarras dans lequel cela m'a plongé face à ton époux ? poursuivit-il d'un ton presque léger, teinté d'ironie. Un époux qui, quelques mois plus tard, s'est cru en mesure de se jouer de moi, de m'impliquer dans ses petites histoires puériles… exactement comme son père, et pour des raisons identiques.

Il laissa planer un silence, puis ajouta dans un souffle :

— Ah, Bellatrix… tu as décidément le don de faire perdre la raison à bien des hommes.

Détournant son regard de la toile luminescente, Voldemort s'avança vers elle.

— Il ne fait aucun doute que Rodolphus connaît tout de nos activités nocturnes et je ne serais guère surpris qu'il ait appris, par son frère, les dénégations de Fabian Prewett concernant le meurtre de Reginaldus.

Un mince sourire effleura ses lèvres tandis qu'il ajoutait :

— Une conséquence inattendue de ton petit entretien avec Geraldine Rosier à la Gazette du Sorcier. Tu as été si convaincante, ma chère Bellatrix, que même Dumbledore et ses partisans s'empressent à présent de nier qu'ils s'en prennent aux familles de Sang-pur sous prétexte de leur lignée.

Bellatrix le fixait, à la fois captivée et terrifiée.

— Tout cet imbroglio découle d'une seule décision. Celle de t'avoir acceptée parmi mes rangs, il y a près de quatre ans. Je dois l'admettre, Bella… Lorsque je t'ai vue déclamer ce discours si farouchement déterminé à Enguerrand Avery, en pleine nuit, dans son bureau, j'ai été… charmé. Trop charmé par ta fougue et ta passion pour percevoir le danger de t'accepter à mes côtés.

Son regard s'attarda sur elle, incisif.

— Reginaldus a toujours été fier, arrogant. Je savais qu'il n'accepterait jamais que sa belle-fille rejoigne mes rangs. Cette idée m'a traversé l'esprit, bien sûr… mais je l'ai écartée d'un geste. J'avais devant moi une recrue bien trop fascinante. À l'exception d'Enguerrand, personne n'aurait à le découvrir.

Il s'approcha tout près, si près qu'elle pouvait discerner toutes les nuances de rouge dans ses yeux, et baissa la voix:

— Et que voyais-je dans ton esprit ? Des éclats ardents de désir et d'ambition. À peine cela prenait-il forme dans ta tête que je savais déjà… tu te prosternerais devant moi avec une ferveur que je n'avais jamais rencontrée. Et cela, Bellatrix, m'a séduit au-delà des mots. J'ai été stupide et faible.

— Maître… murmura-t-elle, posant délicatement ses mains sur son torse. En m'acceptant parmi vos rangs, vous avez peut-être transgressé un ordre établi, mais vos serviteurs doivent vous faire confiance. Ils ne peuvent décemment pas croire que nous pourrons reprendre l'ascendant sur le monde sorcier sans l'aide des… sorcières.

Il eut un léger sourire, mais son ton restait grave.

— Ce n'est pas tant que tu sois une femme, bien que cela bouscule leurs traditions, mais que tu sois l'héritière des Black, un joyau que les Lestrange ont âprement combattu pour obtenir. Depuis ta naissance, tu étais l'un des partis les plus convoités du pays, en raison de ta dot prodigieuse, de la pureté de ton sang et de ton statut d'aînée. Par un caprice du destin, les jeunes filles de sang pur se font plus rares que les garçons ces dernières décennies.

Il s'interrompit, observant ses réactions avant de poursuivre, presque amusé :

— Le jour de tes fiançailles, tu étais sans doute loin d'imaginer que cette victoire revenait davantage à Reginaldus qu'à ton père. Ton père, lui, avait été courtisé par toutes les familles sorcières de Grande-Bretagne, et même d'ailleurs en Europe. Certaines n'avaient même pas de prétendant convenable à offrir. Les Parkinson ont même eu l'audace de proposer un vieil oncle célibataire de quatre-vingt-dix-neuf ans. À quoi as-tu échappé, ma pauvre Bellatrix ?

Il esquissa un sourire, à la fois taquin et empreint d'une étrange affection.

— Les négociations ont duré des mois. À vrai dire, j'étais fatigué d'entendre ton nom revenir sans cesse dans les conversations de salon, et même parmi mes Mangemorts, des mois avant que je ne te rencontre.

Bellatrix resta stupéfaite. Elle n'avait jamais imaginé l'ampleur de l'affaire. Dire qu'elle avait été envoyée chez sa tante Walburga pour parfaire son éducation l'été de ses fiançailles… Elle s'était persuadée que cela était dû aux rumeurs mesquines circulant sur ses fréquentations à Poudlard, sur le fait qu'elle était souvent entourée de garçons. Mais à présent, elle comprenait que ses parents avaient subi une pression immense pour la présenter sous son meilleur jour, face à une société sorcière prête à se déchirer à coups de contrats juteux et de fortunes colossales pour obtenir sa main.

Rodolphus avait bien tenté de le lui expliquer, mais elle l'avait méprisé et repoussé sans écouter.

— Cela explique pourquoi vous êtes venu personnellement à mes fiançailles, dit Bellatrix, presque hésitante.

Elle osa poser la question qui la taraudait depuis des années.

— Qu'avez-vous pensé de moi alors ?

Lord Voldemort sembla réfléchir un instant, le regard distant.

— Je n'en garde pas de souvenir marquant. J'étais surtout soulagé que l'affaire soit réglée et que mes fidèles cessent de se chamailler pour des futilités.

Bellatrix sentit une pointe de déception l'envahir, qu'elle s'efforça de masquer. Évidemment, sa petite personne de quatorze ans n'avait pas dû susciter grand intérêt aux yeux du mage noir. Il était loin de s'imaginer que pour elle, cette rencontre avait bouleversé toute sa vie.

Le silence s'installa doucement entre eux. Bellatrix avait sagement retiré ses mains de son torse et, ses yeux errant sur l'arbre aux reflets bleutés et évanescents, les sourcils un peu froncés, elle se rejouait leur échange dans son esprit.

— Pardonnez-moi, je vous en conjure… mais cela ne signifie pas pour autant que Rodolphus soit le traître, murmura-t-elle finalement.

Son regard s'éleva vers lui, empreint d'un mélange de ferveur et d'inquiétude.

— Celui que vous recherchez complote dans l'ombre depuis des mois, reprit-elle. Cela remonte à bien avant le mariage des Rosier… bien avant que les rumeurs autour de Fabian Prewett ou de nos… activités nocturnes aient pu parvenir jusqu'à lui.

Lord Voldemort ne répondit pas immédiatement, mais un voile de réflexion passa sur ses traits. Bellatrix devina que toute trace de confiance s'était évanouie. Sur le maillage lumineux des relations entrelacées des Mangemorts, il avançait désormais avec prudence, mesurant chaque nœud, chaque intersection d'un regard méfiant.

Dans un recoin frémissant de son cœur, elle prit conscience, avec une fascination ébahie, de ce que cela signifiait pour elle. Il lui avait confié un secret d'une portée capitale — un fardeau aussi précieux que dangereux. Pour la première fois, une lueur d'inquiétude effleura son esprit, non pour elle-même, mais pourlui. Si les Mangemorts venaient à apprendre qu'il avait éliminé Reginaldus Lestrange, quelle qu'en soit la justification, ils se détourneraient. Elle le savait. Il devait s'en douter également, sans quoi ce secret n'aurait jamais été si jalousement gardé.

Et pourtant, c'était àellequ'il l'avait révélé.

C'était aussi à elle qu'il dévoilait cette tapisserie vivante – l'ensemble des Mangemorts, exposés, à nu. Il lui suffisait de détourner les yeux vers l'arbre lumineux pour identifier chacun des hommes dissimulés habituellement derrière des masques.

—Regrettez-vous de m'avoir accueillie parmi vos rangs, mon Seigneur ?

— Je ne te mentirai pas, Bellatrix. Cette pensée m'a effleuré plus d'une fois, répondit-il sans détour. Les choses étaient infiniment plus simples lorsque seuls des sorciers composaient mes rangs. Avant de prendre toute la mesure de cette erreur, j'ai toléré l'entrée d'Alecto Carrow. Mais crois-moi… cela ne se reproduira plus.

— Que reprochez-vous à Alecto ? demanda-t-elle, non sans une pointe d'amusement.

— Ne fais pas l'innocente. Tu connais parfaitement le problème qu'elle pose. Elle s'est offerte à la quasi-totalité de mes hommes… leurs pères, leurs frères, et parfois même leurs sœurs. Ce n'est pas tant ses inclinations personnelles qui m'importunent… mais l'effet dévastateur qu'elles produisent sur mes fidèles.

— Les hommes sont des créatures faibles, soupira-t-elle.

— Je le crains, oui, admit Voldemort, le regard perdu dans ses pensées. Ludmilla n'avait sans doute pas mesuré l'ampleur de son égarement lorsqu'elle prônait l'abandon et la complaisance. Sans maîtrise, tout s'effondre rapidement. C'est par faiblesse que je t'ai acceptée dans mes rangs, et ce genre de faiblesses n'engendre que le désordre et le chaos.

Bellatrix baissa les yeux, un sourire discret effleurant ses lèvres. Sur ce point, elle savait qu'ils ne s'accorderaient pas. Aux yeux de Bellatrix, Ludmilla, dans ses divagations sur l'abandon et la magie ancienne, approchait une vérité profonde sur la nature même de la magie.

— Je déplore profondément de vous avoir causé tant de désagréments,souffla-t-elle, ses doigts effleurant à nouveau le tissu sombre de sa comprends, mieux que jamais, à quel point j'ai fait preuve d'inconséquence lorsque ma marque a été révélée. Tout aurait été tellement plus simple si mon allégeance était restée secrète…

— Je ne te le fais pas dire.

— Comment puis-je me faire pardonner, Maître?

Le Seigneur des Ténèbres plongea ses yeux glacés dans les siens:

— Ne me fais jamais regretter de t'avoir préférée à mon plus vieil allié.

XxXxXxX

Les mois s'écoulèrent sans que le traître ne pût être découvert. Le Seigneur des Ténèbres continuait de recevoir des nouvelles de Rodolphus, toutes très satisfaisantes à propos des loups-garous, et rien ne présageait quelconque duplicité ou mensonge. Il avait confié à Bellatrix que sans plus de preuves, il était disposé à ignorer les élucubrations de cette employée du Bureau des Aurors.

Il continuait à la convoquer au Quartier Général ou à la rejoindre au Manoir Lestrange avec une régularité qui ne souffrait presque aucune exception. Leur attraction mutuelle, ce magnétisme inextinguible, semblait incapable de faiblir ou de s'étioler. Bellatrix découvrait chez son Maître des facettes insoupçonnées qui la laissaient émerveillée. Chaque fois qu'elle pensait commencer à le cerner, à saisir les nuances de sa complexité, il se fendait d'un geste inattendu ou d'une parole imprévue qui la plongeait dans un hébétement total.

Lord Voldemort était un amant expérimenté, habile à varier les plaisirs. Il pouvait se montrer égoïste, ne cherchant que sa propre satisfaction, pour ensuite, la nuit suivante, se racheter avec une patience infinie, passant des heures à explorer son corps de caresses, la tête entre ses cuisses, à la conduire à des sommets de plaisir, sans céder à son propre désir et sans attendre la moindre réciprocité. Il la contemplait alors, épiant toutes ses réactions, écoutant tous ses soupirs, passant ses mains froides sur son corps alangui, laissant apparaître sur son visage son admiration franche et sans détour qu'il avait pour elle. Bellatrix, toujours généreuse, veillait néanmoins à ne jamais le laisser frustré.

Lorsque des évènements extérieurs le mettaient en colère, leurs ébats prenaient une tout autre teinte. Il la prenait avec hargne, détachement et brutalité, sans mot ni jeu, laissant sa colère s'exprimer à travers des gestes durs et dominateurs. Il pouvait être violent, s'amusant à la contraindre, à l'humilier ou à l'étrangler, mais cela restait mesuré. Les punitions qu'il lui avait infligées dans le passé avaient été d'une intensité bien supérieure. Rien dans leur intimité ne pouvait se comparer à la douleur qu'il administrait lorsqu'il voulait véritablement punir.

Sur le plan sexuel, Bellatrix aimait penser qu'ils étaient parfaitement assortis. Rien de ce qu'ils avaient partagé n'avait laissé chez elle le moindre sentiment de honte ou de doute. Leur intimité n'avait fait qu'intensifier les sentiments qu'elle nourrissait pour lui. À présent, ce n'était plus qu'une simple dévotion, elle était enivrée, consumée par sa présence suffocante, par le timbre de sa voix où se mêlaient sans cesse cruauté et un petit quelque chose d'affectueux indéfinissable, par son odeur, par son poids sur elle, tangible et immuable.

Elle se savait complètement folle d'amour pour lui, d'une façon qui dépassait l'entendement. Elle le savait, parce qu'il lui était inconcevable de révéler les tréfonds de cet amour à quiconque. Imaginer expliquer cela à Narcissa ou à Geraldine était tout bonnement impensable. Ce qui se passait entre elle et son Maître dépassait de loin tout ce que ces deux jeunes filles pourraient jamais ressentir pour qui que ce soit. C'était d'une complexité sublime et indicible. Personne, jamais, ne pourrait comprendre.

Il lui semblait impossible qu'il existe sur Terre une âme plus éperdument amoureuse qu'elle ne l'était de son Maître. Et si cet amour était excessif, malsain ou toxique, elle n'en avait cure.

Pourtant, un matin de printemps, un événement qu'elle aurait dû prévoir mais qu'elle avait négligé vint éprouver sa loyauté comme jamais auparavant.

Elle découvrit qu'elle était enceinte.

Bellatrix veillait pourtant scrupuleusement à prendre une potion contraceptive chaque matin. Elle préparait elle-même les chaudrons en secret, dans les sous-sols du Manoir Lestrange, et n'en laissait le soin à personne, pas même à l'Elfe de maison. Elle prenait la peine de conserver une dizaine de fioles d'avance, éparpillées entre sa chambre, son sac et même le Quartier Général, où elle avait trouvé une petite place parmi le joyeux chaos des livres qui encombraient la table de nuit.

Certes, elle n'avait pas eu ses règles depuis des mois. Mais cela ne l'avait pas inquiétée : elle modifiait régulièrement son cycle à l'aide de sortilèges, préférant éviter ce désagrément lorsqu'elle recevait son Maître. Aucun autre signe ne l'avait alertée. Pas de nausées, pas de fatigue inhabituelle, pas de prise de poids.

Et pourtant, le verdict était sans appel. Elle était enceinte.

Elle avait répété l'incantation de diagnostic dix fois, bu deux potions différentes pour confirmer le résultat. Le premier indice, celui qui avait semé le doute, c'était la douleur diffuse dans ses seins. Ils avaient légèrement gonflé, lui rappelant la sensation familière qui précède les menstruations. La pensée qu'elle pouvait être enceinte avait effleuré son esprit, mais elle l'avait balayée aussitôt. C'était impossible : elle prenait une potion contraceptive.

Pourtant, d'autres indices s'étaient accumulés, qu'elle avait ignorés sur le moment. Elle se sentait étrangement plus proche de son Maître, presque obsédée par lui. Il lui semblait que son odeur était encore plus capiteuse, que sa voix résonnait avec une intensité particulière, que leurs deux corps s'emboîtaient parfaitement d'une façon presque mystique.

Lord Voldemort n'avait rien dit, habitué à ses frasques, bien qu'il la repoussât parfois d'un geste exaspéré lorsque ses élans devenaient trop fréquents. Elle n'avait rien relevé, convaincue que son attirance démesurée pour lui n'était qu'une constante de sa nature, même si elle savait d'ordinaire mieux maîtriser ses ardeurs.

Puis, il y avait eu ses larmes, incontrôlables et absurdes, pour des raisons si dérisoires qu'elle-même en était agacée.

Elle avait fondu en larmes lorsque le Seigneur des Ténèbres l'avait battue aux échecs version sorcier, incapable de réprimer sa frustration et sa colère.

— Mais… vous n'avez pas le droit d'utiliser ce stratagème, avait-elle protesté, scandalisée.

— Comment ça ? Mes pièces m'ont obéi, c'est donc que j'en avais parfaitement le droit, avait-il rétorqué, un sourire caustique aux lèvres.

— Mais non… Personne ne joue comme ça… c'est contre les règles ! s'était-elle exclamée, sentant avec horreur les larmes lui monter aux yeux.

Lord Voldemort s'était contenté de rire, visiblement satisfait de la voir si déconfite face à sa défaite.

Une autre fois, en marge d'une réunion, il lui avait annoncé qu'il venait de rallier une partie des Détraqueurs à sa cause. Enthousiaste, il lui expliquait comment s'étaient déroulées les négociations. Bellatrix, cependant, n'écoutait qu'à moitié, complètement envoûtée par l'excitation perceptible dans sa voix, par l'éclat ravi dans ses yeux et le sourire comblé qui ne quittait pas ses lèvres.

Et alors que la fierté et le bonheur de son Maître s'affichaient si clairement, Bellatrix s'était mise à pleurer… de joie.

Le mage noir s'était interrompu, la fixant avec une réelle perplexité.

— Qu'est-ce que tu as ? s'était-il inquiété, les sourcils légèrement froncés.

— Oh non, je… je suis simplement heureuse que les Détraqueurs se soient ralliés à vous, Maître, avait-elle balbutié en essuyant ses larmes d'un geste embarrassé.

— Oui, c'est une excellente nouvelle, mais enfin, Bellatrix… il n'y a vraiment pas de quoi pleurer, avait-il ajouté, mi-amusé, mi-exaspéré.

Comment s'était-elle retrouvée dans cette situation? Les calculs arithmantiques qu'elle avait réalisés avec précision lui indiquèrent qu'elle en était à quatre mois, que la conception remontait à la fin du mois de décembre ou début du mois de janvier. Elle tenta de se remémorer cette période, mais c'était quelque peu flou: il s'était absenté une dizaine de jours en décembre, mais ils avaient fait l'amour à de nombreuses reprises. Il ne lui semblait pas avoir oublié de boire sa potion. Elle avait vraisemblablement dû faire une confusion dans la préparation de la potion, une erreur dans le calcul des ingrédients, ou…

Un doute la saisit soudain. Il fallait qu'elle en ait le cœur net.

Un jour, alors que le Seigneur des Ténèbres recevait un petit groupe de Mangemorts dans le salon-bibliothèque du Quartier Général, Bellatrix, confinée dans sa chambre, se saisit de la trilogie de Ludmilla Thenn. Depuis des mois, elle s'efforçait de mettre en pratique les théories audacieuses de Ludmilla, que son Maître, avec son mépris caractéristique, qualifiait de « frivolité ». Selon Ludmilla, l'un des moyens de libérer tout le potentiel de la magie passait par des états spécifiques : le sommeil ou la méditation, la subjugation d'un être à la magie noire (par la torture, par exemple), ou encore par l'acte sexuel. Le livre reposait à sa place habituelle, sur le côté du lit qu'elle occupait lorsqu'elle dormait ici. Elle retrouva rapidement le chapitre consacré à la sexualité, dont le langage ampoulé et inutilement pompeux rendait la compréhension laborieuse :

« Lorsque le corps et l'esprit atteignent un état de réceptivité absolue, frôlant les confins de l'abandon transcendantal, même les plus redoutables barrières magiques vacillent sous l'assaut de forces insoupçonnées. Dans cet abandon sublime – qu'il soit engendré par la méditation extatique, l'épreuve douloureuse ou l'union charnelle sanctifiée – la magie s'émancipe de ses chaînes, transcendant les limites triviales de l'intention consciente pour se mouvoir avec une fluidité presque divine.

Ce phénomène, d'une puissance indicible, s'exacerbe lorsque l'échange énergétique est sublimé par un sentiment véritable envers le partenaire. En ces instants d'authenticité rare, la magie instinctive supplante les carcans artificiels de la potion ou de l'enchantement, redéfinissant ainsi l'essence même de la sorcellerie.

Le corps, alors élevé au rang de sanctuaire cosmique, devient un vaisseau, réceptacle des flux d'énergie primordiale, intensifiés par des émotions profondes, inarticulées mais incommensurables. La magie y retrouve sa vocation originelle : celle de la création ex nihilo. Plus le vaisseau s'abandonne à cette résonance sacrée, plus la magie qui le traverse s'en trouve exaltée, surpassant les lois conventionnelles pour frayer une voie vers une puissance inégalée.

Cet équilibre précaire entre l'abandon et l'intention a été scruté dans les arcanes des pratiques magiques antiques, où l'union des volontés engendrait des phénomènes d'une nature si prodigieuse qu'aucun artifice purement technique ne saurait les égaler. Ainsi se dessine un théâtre où l'archaïque et le plus parfait abandon se fondent en une harmonie ineffable, rappelant que la magie, en son essence la plus pure, transcende les limites du tangible.»

S'installant dans l'un des fauteuils, Bellatrix relut le chapitre au style pénible avec une attention accrue, s'efforçant de comprendre si, sans le vouloir, elle avait compromis l'efficacité de la potion en appliquant les théories de Ludmilla. Dans la magie ancienne, après tout, l'acte charnel avait un but premier : si ce n'était la création, alors la procréation.

N'avait-elle pas, dans cet état de réceptivité totale, permis à son Maître, le sorcier le plus puissant du monde, d'utiliser son corps comme un vaisseau, faisant ainsi voler en éclats les barrières d'une simple potion contraceptive ?

Troublée, Bellatrix resta immobile, le livre de Ludmilla ouvert sur les cuisses. Quatre jours s'étaient écoulés depuis qu'elle avait découvert sa grossesse, et il lui semblait désormais avoir trouvé l'explication. La responsabilité, bien que partagée, incombait surtout à son Maître, à son insu. Si elle s'était offerte comme un vaisseau, c'était la puissance dévastatrice de sa magie qui avait réduit à néant les effets de la potion.

Lorsqu'il entra dans la pièce, il était manifeste qu'il n'était pas d'humeur. Sans accorder un regard à Bellatrix, il se lança dans une diatribe acerbe contre Bartemius Croupton. Ces derniers temps, lorsqu'il ne faisait pas l'amour à Bellatrix, Lord Voldemort semblait exclusivement obsédé par trois sujets : Bartemius Croupton, le traître et Dumbledore.

— Karkaroff et Nott ont été incapables d'infiltrer Sainte-Mangouste, gronda-t-il, dardant un regard sombre sur la pièce tout en rejetant sa cape d'un geste brusque.

Il commença à arpenter la pièce devant la cheminée, son expression plus courroucée à chaque mot.

— C'était une opportunité idéale pour enlever cette précieuse petite épouse à laquelle Croupton tient tant. Mais ces deux incapables n'ont même pas réussi à passer les protections du deuxième étage. Nous parlons de Sainte-Mangouste, pas de Gringotts ! À quoi bon avoir des serviteurs s'ils sont incapables d'accomplir des tâches aussi simples sans alerter les médicomages ?

— Vous avez raison, Maître, répondit Bellatrix d'un ton conciliant. Ce sont des incapables. Permettez-moi d'y aller à leur place, je ne vous décevrai pas.

Il balaya sa proposition d'un revers de main.

— À cause de leur incompétence, les mesures de sécurité ont été renforcées. Madame Croupton, comme l'ensemble de l'hôpital, est désormais inaccessible, sauf pour des proches parents.

— Nous trouverons un moyen de faire pression sur ce zélé assoiffé de sang, répondit-elle avec assurance.

— J'ai envoyé Dolohov surveiller le garçon, mais il est confiné dans la résidence familiale et n'en sort jamais. Croupton est manifestement paranoïaque à son sujet.

— Et à juste titre…

Voldemort s'arrêta soudainement, au pied du fauteuil, ses yeux sombres fixant un point invisible.

— Le garçon entrera à Poudlard en septembre. À partir de ce moment, il me deviendra totalement inaccessible. Si je ne parviens pas à le capturer d'ici-là, je me rabattrai sur sa mère. Quoi qu'il en soit, Croupton paiera.

Bellatrix, toujours pensive, esquissa un sourire.

— Maître… une idée plus cruelle m'est venue.

— Plus cruelle que de massacrer sa famille, Bellatrix ? demanda-t-il en arquant un sourcil, l'air vaguement amusé.

— Croupton est un homme fier et arrogant, convaincu d'être le meilleur chasseur de mages noirs de Grande-Bretagne. Certes, tuer sa famille lui briserait l'âme, mais ne serait-ce pas d'une ironie délicieuse, si son propre fils rejoignait vos rangs ?

Voldemort la scruta, intrigué.

— Le garçon n'a que dix ans.

— Justement, Maître. Il entrera à Poudlard en septembre. Si votre présence physique y est limitée, votre influence idéologique, en revanche, ne connaît pas de telles restrictions. Nous avons plusieurs partisans à Poudlard : Evan Rosier, Ralph Avery… et même mon jeune cousin Regulus, qui, selon Narcissa, est déjà en admiration devant vous.

Il ne répondit pas immédiatement, continuant de la dévisager, songeur.

— Nous pourrions tenter de le séduire, de l'influencer pour qu'il rejoigne votre cause.

— Nous ? murmura-t-il avec un mince sourire. Et que comptes-tu faire, Bellatrix, pour t'assurer de son allégeance ?

— Nous pourrions lui envoyer des lettres, de moi… ou même de vous. Nous lui montrerions tout ce qu'il a à gagner en vous rejoignant.

— Il faudra faire preuve d'une extrême prudence. Ce garçon a été nourri à la propagande du Ministère.

— C'est vrai, Maître. Mais avec douceur et patience, nous avons sept ans pour le rallier à vous.

Voldemort glissa une main dans les boucles sombres de Bellatrix, son sourire s'élargissant.

— J'apprécie cette idée, Bella. Je te félicite. Tu superviseras cette mission. Le garçon devra être surveillé de près et bien entouré à Poudlard, notamment par Regulus. Ce garçon m'intrigue. Tu me le présenteras cet été, lorsqu'il rentrera de Poudlard.

— Bien sûr, Maître.

Alors qu'il détournait son attention, son regard s'attarda sur le livre de Ludmilla, toujours ouvert sur ses cuisses.

Chapitre 4 : L'Union Charnelle comme Catalyseur d'Élévation Spirituelle, lut-il, une note de sarcasme dans la voix. Comment peux-tu accorder crédit à de telles inepties, Bellatrix ?

— Les titres sont ridicules, j'en conviens, mais le contenu est très… révélateur.

Il inclina légèrement la tête, un éclat froid dans le regard.

— Serais-je ton cobaye, Bellatrix ? demanda-t-il d'un ton acerbe.

— Jamais, Maître, répondit-elle immédiatement.

Un doute fugace l'effleura. Ses efforts pour s'abandonner totalement à lui, guidée par les conseils de Ludmilla, pourraient-ils être perçus comme une forme d'expérimentation ? Cette pensée la troubla. Si tel était le cas, elle ne se distinguait guère de Ludmilla, qui était allée jusqu'à droguer son Maître, alors adolescent, pour lui imposer ses théories. Cette pensée éveilla en Bellatrix une honte diffuse. Ce n'était absolument pas ce qu'elle avait voulu.

Alors qu'il quittait la pièce, Bellatrix se promit de lui révéler sa grossesse plus tard, lorsque toute comparaison entre elle et Ludmilla aurait cessé de flotter dans son esprit. Elle savait néanmoins qu'elle devait agir rapidement pour trouver une solution. Une chose était certaine : son Maître ne voulait pas d'enfants, comme il le lui avait clairement rappelé lors d'une conversation survenue quelques mois auparavant.

XxXxXxX

Quelques mois auparavant.

Quartier Général.

— Comment se porte ton amie Geraldine ? demanda-t-il un soir alors qu'elle se blottissait contre lui, les paupières à demi closes.

— Bien mieux, je crois qu'elle attend un enfant, répondit-elle, se remémorant le verre de whisky pur feu qu'elle avait laissé intact sur la table de salon le soir du Nouvel An.

— Mmh…

À cette réponse énigmatique, Bellatrix releva les yeux vers lui. Il paraissait pensif, ni désapprobateur ni véritablement réjoui par la nouvelle.

— C'est une bonne chose pour les Rosier, hasarda-t-elle prudemment.

— Une excellente chose, répéta-t-il, un sourire ironique effleurant ses lèvres.

C'était toujours une nouvelle favorable lorsqu'une famille de Sang-pur s'agrandissait. Il avait déjà fait cette remarque dans le passé, de façon très ironique, juste après lui avoir proposé de mettre fin à sa grossesse. À chaque fois que le sujet des enfants, ou de la procréation, était abordé, il y avait quelque chose de l'ordre du mépris ou de l'ironie la plus mordante.

— N'affectionnez-vous pas les enfants, mon Seigneur ?

Il sembla peser la question un instant.

— Au mieux, ils me laissent totalement indifférent, répondit-il finalement.

— Vous m'avez tenu rigueur d'avoir conservé l'enfant de Rodolphus, observa-t-elle, sachant qu'elle prenait un risque à revenir sur cette conversation sur laquelle planait toujours une tension vivace.

Il soupira un peu, visiblement agacé.

— Je n'aurais jamais imaginé que tu puisses en désirer un jour. Ta décision m'a simplement surpris. Et elle était d'autant plus surprenante qu'elle trahissait une forme d'attachement envers ton époux, alors même que tu ne cessais de t'en plaindre.

Presque inconsciemment, Bellatrix laissa sa main effleurer son bras nu, comme pour se rassurer elle-même. Tout cela n'était-il qu'un rêve ? Elle avait frôlé de le perdre à ce moment-là ; en choisissant Rodolphus, elle avait senti qu'elle l'avait blessé, que cela avait eu une portée plus importante qu'elle ne l'avait imaginé.

— Maître… Il ne se passe pas un jour sans que je regrette d'avoir gardé cet enfant, par respect pour Rodolphus. Et plus encore, maintenant que je sais que cette grossesse était le fruit de ses machinations.

— Pour être exact, elles furent surtout celles de Reginaldus.

Certes, concéda Bellatrix intérieurement, mais Rodolphus était parfaitement au courant, et il avait laissé faire.

— Mais… si cet enfant avait été le vôtre ? osa-t-elle demander timidement.

Elle sentit son corps se raidir.

— Tu connais mon opinion sur le sujet, répondit-il avec froideur. Je ne veux pas d'enfant. Je n'en ai nul besoin. Il ne m'appartient pas de repeupler la société sorcière. Non seulement, c'est indigne de moi, mais mon destin est ailleurs. Pourquoi me poses-tu cette question?

Voyant qu'elle ne répondait pas, il amorça un mouvement pour s'éloigner d'elle. Elle le retint précipitamment contre elle, resserrant son étreinte. Comment aurait-elle pu lui répondre ? À son grand désarroi, malgré tout ce qu'elle était, elle se surprenait parfois, dans des rêves naïfs et grotesques, à imaginer un enfant de lui. C'était ridicule. Évidemment que son destin l'appelait ailleurs.

— Pardonnez-moi, je n'évoquerai plus ce sujet, dit-elle dans un souffle.

— Tu prends bien une potion contraceptive ? demanda-t-il, la voix tranchante.

— Oui, bien-sûr Maître, murmura-t-elle avec douceur. Restez…

Il céda, s'abandonnant de nouveau à ses bras. Bellatrix s'enroula contre lui, ses lèvres chatouillant sa nuque et son torse.

— Ce qui m'a toujours plu chez toi, Bellatrix, c'est ton insoumission. Ton refus obstiné de suivre le chemin que l'on avait tracé pour toi. Ton attrait pour le pouvoir… et ton mépris pour la maternité. Voilà pourquoi, je l'avoue, j'ai été déçu lorsque tu as choisi de garder cet enfant.

— Je comprends, mon Seigneur.

— J'aimerais que tu détermines une fois pour toutes ce qui occupe la première place dans ta vie, Bellatrix, dit-il d'une voix glaciale. Être à mon service, ou te plier aux conventions qui te veulent épouse et mère.

— Maître, ce choix a été fait depuis longtemps, répondit-elle aussitôt.

— Vraiment ? Pas lorsque tu choisis de ne pas avorter. Pas lorsque tu oses me poser des questions absurdes sur mon éventuel désir d'enfants. Alors écoute bien, Bellatrix: si tu souhaites un enfant, il te faudra te réconcilier avec ton mari. Car tout enfant issu de moi sera mis à mort, sans exception. Suis-je suffisamment clair?

Elle le sentait se crisper dans ses bras, devenir menaçant.

— Maître, vous êtes tout pour moi, je ferai toujours tout ce que vous voulez. Être à vos côtés, vous servir, voilà tout ce qui importe. Rien d'autre n'existe, et je n'ai aucune envie d'être mère.

Il l'examina sérieusement de longues secondes. Puis, se saisissant de son menton, il lui chuchota, d'un ton fielleux:

— Tu es ma guerrière, pas ma putain, Bellatrix.

Elle soutint son regard, ses jambes caressant doucement les siennes sous les couvertures, dans un geste apaisant.

— De n'importe quelle façon, je suis entièrement vôtre, Maître.

Cette réponse sembla le calmer un peu, et, dans un geste autoritaire, il déposa un baiser sur ses lèvres. Bellatrix, fidèle à elle-même, laissa échapper un gémissement de désir contre lui, trouvant, comme toujours, un plaisir ardent dans l'évidence absolue de de lui appartenir, corps et âme.

XxXxXxX

Mai 1973,

À son grand désespoir, les semaines s'écoulaient sans que rien ne change dans sa situation. Fort heureusement, son ventre ne s'arrondissait pas, ou à peine. Seuls ses seins avaient pris en volume. Bellatrix passait des heures à se préparer mentalement, répétant inlassablement ses arguments. Elle se promettait de lui présenter ses excuses, d'assurer qu'elle réglerait ce problème sans qu'il n'y ait la moindre répercussion. Mais chaque fois qu'elle se retrouvait face à lui, ses résolutions s'effondraient. Les mots se coinçaient dans sa gorge, et elle demeurait mutique, presque paralysée.

Le temps jouait contre elle. Elle avait désormais entamé son cinquième mois de grossesse ; le délai pour faire disparaître l'embryon à l'aide d'une simple potion était depuis longtemps révolu. Elle aurait besoin d'un sortilège ou d'une concoction bien plus puissante, plus dangereuse. Évidemment, elle se souvenait également du pouvoir écrasant de son Maître, de cette main dont le contact était devenu brûlant contre son ventre, au moment où il s'apprêtait à tuer l'enfant de Rodolphus qu'elle portait. Si elle rassemblait le courage suffisant pour lui avouer qu'elle était enceinte, l'affaire serait réglée en cinq minutes.

Une pensée atroce la traversa alors que cette hypothèse prenait forme dans son esprit. Devrait-elle mettre au monde un enfant mort ? Un fœtus de cinq mois ne disparaîtrait pas si facilement de son ventre... n'est-ce pas ? Cette seule idée lui retournait l'estomac, la laissant nauséeuse.

Elle était plongée dans ces sombres inquiétantes, seule dans la vaste salle à manger du manoir Lestrange. Devant elle, le dîner, pourtant délicieusement préparé par l'elfe de maison, refroidissait, oublié. Ce fut alors que le Seigneur des Ténèbres fit son entrée dans la pièce. Bellatrix sursauta, essuyant précipitamment le coin de sa bouche d'un geste nerveux, avant de se lever maladroitement. Son cœur s'emballa, mais elle força ses traits à rester impassibles.

D'une main rapide, elle vérifia que le sortilège de dissimulation, qu'elle employait pour masquer son ventre à peine arrondi, était toujours en place.

— Oh, pardonnez-moi, Maître, je ne pensais pas que vous me rejoindriez ce soir, s'excusa-t-elle, expirant discrètement pour laisser filer le nœud d'angoisse qui lui serrait l'estomac.

— Es-tu prête? lui demanda-t-il avec impatience et irritation. J'aimerais que tu m'accompagnes pour régler une affaire.

— Bien sûr, Maître, répondit-elle immédiatement. Où allons-nous?

— J'ai retrouvé la trace des Aurors responsables de la mort d'Enguerrand Avery. J'aurai besoin de toi pour les interroger.

Lorsqu'elle fut prête, ils rejoignirent le sas, et il lui prit la main pour transplaner. Un violent tournis la saisit, et elle s'agrippa à lui pour ne pas vaciller lorsque ses pieds touchèrent de nouveau le sol. Les yeux clos contre le torse de son Maître, elle inspira profondément, laissant les effluves de roses mêlés aux embruns de la mer l'envelopper. Lord Voldemort, immobile, lui tenait les bras.

— Reprends-toi. Nous n'avons pas transplané si loin.

— Oui, Maître, répondit aussitôt Bellatrix, s'éloignant alors de son Maître, et masquant le vertige qui la saisissait encore.

Des petites taches noires dansaient devant ses yeux, mais elles se dissipèrent après quelques clignements d'yeux. Ils se trouvaient sur les hauteurs d'un petit village, à proximité d'un muret de pierre usé par le temps. Par-delà ce muret, la mer noire s'étendait en contrebas, déchaînée en vagues vigoureuses sous un ciel flamboyant de nuances orangées. Autour d'eux, un hameau tout de blanc et de bleu semblait accroché à la falaise, égayé par des fleurs roses débordant des portails de pierre.

— Où sommes-nous ? demanda-t-elle, curieuse.

— Au Pays de Galles, dans un village moldu.

Bellatrix n'aurait pas pu le deviner à première vue : aucune machine étrange, pas même de fils électriques dans les rues. Tout ici respirait la simplicité et le charme d'un autre temps. Elle sentit un sort de désillusion la recouvrir, et, d'un geste à peine visible, Lord Voldemort l'invita à avancer dans la ruelle étroite où ils avaient atterri.

— J'ai localisé l'une des cachettes utilisées par les Aurors, une sorte de refuge sécurisé.

La planque se trouvait dans la cave d'une modeste maison de campagne, dont les portes battantes, adossées à la façade, étaient presque entièrement dissimulées sous un épais manteau de lierre. Les protections magiques, bien que présentes, manquaient de raffinement. Voldemort laissa Bellatrix s'en charger, forte de l'expertise en sortilèges de protection que son Maître lui avait récemment enseignée. Elle parvint à en désactiver l'essentiel avec une efficacité remarquable.

À l'intérieur, ils eurent tout juste le temps d'apercevoir trois Aurors attablés autour d'une table de bois. Nonchalamment accoudés, ils sirotaient une bierraubeurre en écoutant la radio. Lorsque leurs regards se posèrent sur les intrus, l'horreur se peignit instantanément sur leurs visages.

— Vous ? s'écria l'un d'eux, incrédule.

Un duel éclata aussitôt, mais les sorts des Aurors furent balayés par Voldemort avec une facilité presque insultante. Bellatrix, habituellement exaltée par la violence et la magie en pleine effervescence, resta en retrait, cachée à moitié derrière son Maître. Une terreur inconnue lui saisissait l'estomac. Sa baguette tremblait légèrement dans sa main, et ses yeux, un peu trop écarquillés, trahissaient une gêne inhabituelle. Que m'arrive-t-il? pensa-t-elle avec désespoir.

Lord Voldemort, quant à lui, n'y prêta aucune attention. D'un calme imperturbable, il neutralisa les trois Aurors en quelques gestes précis, esquissant même un sourire cruel en contemplant son œuvre. Il n'avait pas remarqué que Bellatrix était restée pétrifiée derrière lui.

— À toi, déclara-t-il en lui cédant la place pour l'interrogatoire.

Bellatrix sentit ses doutes s'évanouir au fil des minutes, remplacés par la froide détermination que le contact avec ses prisonniers lui conférait. À mesure que ses tortures s'intensifiaient, son calme méthodique reprit le dessus. Cependant, malgré ses efforts acharnés, les Aurors ne révélèrent rien d'utile. Ils clamèrent avoir tué Enguerrand Avery en légitime défense, prétextant qu'il avait refusé de se rendre. Quant à l'identité du traître qui les avait informés, ils jurèrent n'en rien savoir. Seule la nouvelle Chef des Aurors connaissait son identité, ainsi que Bartemius Croupton, en tant que directeur du Département de la Justice Magique.

À mesure que leurs hurlements s'éteignirent, un silence pesant s'installa dans la pièce, amplifiant la frustration de Bellatrix et l'impassibilité glaciale de son Maî sortirent tous les deux de la cave.

— Invoque la Marque, ordonna Voldemort d'un ton glacial.

Lorsqu'elle le rejoignit près du petit muret de pierre, une tête de mort entourée d'un serpent flottait haut dans le ciel. Lord Voldemort ne la regardait pas, il contemplait la mer en contrebas, éclairée par intermittence par un croissant de lune. Une frustration intense et menaçante émanait de lui. Bellatrix glissa doucement sa main dans la sienne, mais il la retira aussitôt. Pourtant, au lieu de s'éloigner, il l'attira à lui par la taille d'un geste ferme.

— Qui suspectes-tu, Bellatrix ? Si ce n'est pas Rodolphus, alors qui ? murmura-t-il d'une voix basse, tranchante.

— Maître, je ne connais pas tous vos Mangemorts… Je ne peux pas être certaine.

— Tu as vu la tapisserie. Quelle est ton idée ?

— Je suspecterais quiconque ayant un lien avec le Ministère.

Sa réponse pouvait s'appliquer à de nombreux Mangemorts : Lucius Malefoy, Ethan Rosier, Augustus Rookwood, et bien d'autres. Sans parler des espions infiltrés au Ministère pour le compte du Seigneur des Ténèbres, dont elle ignorait jusqu'à l'existence.

— Pas Rodolphus… ou Rabastan ?

Elle n'avait pas pensé à Rabastan. Il avait tant sacrifié pour le Seigneur des Ténèbres : sa mère, son père, un frère. Pourtant, au plus profond d'elle-même, elle savait, avec une certitude viscérale, que Rabastan, comme Rodolphus, était innocent. Elle n'avait aucune preuve tangible, rien d'autre que son intime conviction.

Il perçut son hésitation, et un rire bref, caustique, s'échappa de ses lèvres. Puis, l'instant suivant, il l'embrassa. Bellatrix sourit contre ses lèvres, heureuse d'être seule avec lui dans un endroit si enchanteur. Si le Seigneur des Ténèbres n'était pas l'homme le plus recherché du pays, elle aurait adoré lui proposer de passer la nuit dans l'une des petites auberges perchées sur la falaise.

Dans un monde où les sorciers dominaient, ils n'auraient pas à se cacher. Ils auraient pu se montrer tels qu'ils étaient, où qu'ils aillent, savourant les merveilles de cette Terre dont ils maîtrisaient les secrets bien mieux que les Moldus.

— Je rêve du jour où vous renverserez le Ministère, mon Seigneur, murmura-t-elle avec ferveur.

Il acquiesça doucement, resserrant son étreinte autour d'elle.

— Il nous reste encore beaucoup à accomplir avant que ce jour n'arrive, répondit-il à voix basse. Rentrons à présent.

Ils transplanèrent de nouveau au manoir Lestrange. Bellatrix dut encore dissimuler le vertige qui menaçait de la submerger. Une fois dans sa chambre, ils firent l'amour. Comme à chaque fois depuis quelques semaines, Bellatrix prit soin de vérifier que son sortilège de dissimulation était intact.

Enfermée dans ses bras, ses jambes fermement nouées autour de sa taille, elle croisa son regard d'un rouge incandescent, empreint de férocité. Et soudain, tout l'amour qu'elle lui portait lui explosa au visage. Cette fois, elle ne parvint pas à contenir le « je vous aime » qui lui brûlait les lèvres.

Elle le sentit tressaillir, son regard perçant plongeant dans le sien comme pour y chercher une réponse. Instinctivement, presque sans réfléchir, elle protégea son esprit d'une manière plus naturelle et fluide que jamais. Tout ce qui concernait la grossesse demeura enfoui, parfaitement dissimulé. À la place, elle l'inonda de son amour, de la pureté absolue de ses sentiments pour lui, mêlant charnel et spirituel. Sans détour, elle lui offrit la vérité nue et sans artifices : elle était irrévocablement sienne, et éperdument amoureuse.

Enveloppé des hourvaris de son cœur, il jouit, et son corps retomba doucement sur elle. Elle sentait son cœur battre puissamment contre sa poitrine moite, leurs souffles courts, mais tout en lui semblait ailleurs. Il avait le visage détourné, presque caché dans sa nuque, quasiment inerte. Bien que leurs corps nus fussent collés l'un à l'autre, qu'ils fussent encore emboités l'un dans l'autre, elle sentait une distance insidieuse s'immiscer entre eux. Une froideur à lui faire hérisser tous les poils du corps.

Une vague d'effroi l'envahit lorsqu'il se redressa, le visage marmoréen, dépouillé de toute émotion. Ses yeux, durs et insondables, la transpercèrent d'un regard inflexible.

— Tu es ma servante, Bellatrix. Rien de plus. Garde-toi de l'oublier, murmura-t-il d'une voix glaciale.

— Je ne l'oublie pas, Maître, répondit-elle aussitôt, sa voix douce et empreinte d'une dévotion rassurante.

Il roula sur le côté, se redressant pour s'habiller en silence. Bellatrix demeura immobile, le regard fixé sur lui, incapable de prononcer un mot de plus. Cette nuit-là, Bellatrix s'endormit seule, rongée par un sentiment d'humiliation et de regret. Elle se blâmait d'avoir laissé échapper une déclaration si naïve, si insensée, tout particulièrement au moment où elle avait le plus besoin de sa clémence.

XxXxXxX

Quelques jours plus tard, Bellatrix descendit dans le laboratoire de potions des sous-sols du manoir Lestrange, un espace qui avait autrefois appartenu à Reginaldus Lestrange. C'était ici qu'elle avait, des années plus tôt, concocté sa potion Sterilis.

Merlin, qu'elle maudissait Rodolphus et son père.

S'ils ne s'étaient pas arrogé le droit de manipuler sa vie et son corps comme on manipule celui d'un bétail destiné à l'élevage, elle n'en serait pas réduite à préparer une potion pour interrompre une grossesse de presque six mois. Elle n'aurait pas à porter ce fardeau en secret, dissimulé au Seigneur des Ténèbres – le sorcier envers qui elle aspirait, plus que tout, à être honnête et proche.

Malgré toutes ses tentatives, elle n'avait pas réussi à lui avouer. Depuis qu'il l'avait laissée seule, pleine de regrets d'avoir exprimé ses sentiments, elle était constamment sur ses gardes. Si Lord Voldemort était finalement revenu quelques jours plus tard, n'évoquant pas un seul instant leur échange, elle avait néanmoins perçu un léger changement. Il était un peu moins accessible, enfermé dans un tourbillon de pensées, de conjectures et de complots à propos de ses Mangemorts.

Ne pas savoir qui l'avait trahi le consumait. Ce n'était pas dans ses habitudes d'être réduit à l'observation, à attendre passivement le prochain drame. Après Enguerrand Avery, quelle serait la prochaine cible des Aurors ?

Bellatrix savait qu'il n'était pas disponible pour entendre ce qu'elle avait à lui dire. Elle redoutait que cette annonce ne creuse un fossé encore plus profond entre eux, ne réduise leur relation à ce qu'elle avait été au début : une série d'allers-retours marqués par l'incertitude. Cela, elle ne pouvait l'accepter. Se débarrasser de ce fœtus était la seule solution.

La potion fut prête en quelques minutes. Ce n'était pas compliqué. Tuer un fœtus ne demandait ni grande maîtrise ni effort particulier. Elle soupira, un mince sourire satisfait du travail bien accompli effleurant ses lèvres, alors qu'elle versait la potion épaisse et visqueuse dans une coupe ouvragée.

Elle soupira de nouveau, seule dans l'obscurité oppressante des sous-sols.

La dernière fois qu'elle avait été ici pour cette raison, elle s'était retrouvée à terre, les ovaires en feu, hurlant de douleur. Elle savait que ce serait différent cette fois, que son corps devrait expulser le fœtus mort-né, probablement là, sur ces dalles noires et encrassées. Mais ce serait rapide. En quelques minutes, tout serait terminé. Le fœtus serait éliminé, jeté quelque part. Elle pourrait reprendre le cours de sa vie, servir son Maître, être sa plus dévouée servante.

Elle porta la coupe à ses lèvres, son regard errant sur la pièce lugubre. Un léger tremblement la saisit, et des larmes vinrent perler à ses yeux.

Reprends-toi, idiote, se dit-elle avec rage.

Elle avait torturé et tué sans hésitation. Elle était une Mangemort, une sorcière puissante, forte. Comment pouvait-elle être paralysée par l'idée de mettre fin à la vie d'un fœtus, une chose qui, au mieux, devait ressembler à un haricot gluant ? Avec autant d'intelligence et de capacités magiques qu'un bulbe sauteur?

Dans un éclair, elle se revit poser la main sur celle de son Maître, croiser son regard grondant de malice, furieux qu'elle eût osé l'interrompre. Elle avait tout risqué pour protéger l'enfant de Rodolphus, et voilà qu'elle s'apprêtait à avorter de l'enfant de son Maître, du sorcier le plus puissant du monde, de l'homme qu'elle aimait plus que la vie elle-même ? Allait-elle réellement détruire ce qu'ils avaient créé ensemble ? Ce qui avait été assez puissant pour annihiler les barrières magiques qu'elle avait soigneusement érigées pour s'en protéger ? Ce que son Maître avait inconsciemment fait naître en elle ?

Elle savait à présent que la raison d'être de cet enfant était que son Maître lui avait fait l'amour avec un abandon rare. Plus elle relisait les théories de Ludmilla Thenn, plus elle comprenait qu'ils avaient dû tous les deux atteindre un paroxysme de réceptivité pour qu'elle tombe enceinte. Un tel phénomène aurait été impossible sans que Lord Voldemort lui-même eût atteint ce même état de libération. Cela signifiait qu'en dépit de toutes ses réticences à se laisser aller, en dépit de son mépris affiché pour ce qu'il qualifiait de frivole, Lord Voldemort avait, en cet instant précis, abaissé ses défenses de manière si profonde qu'il avait brisé toutes les protections qu'elle avait mises en place pour éviter une grossesse.

Malgré lui, parce qu'il était le sorcier le plus puissant du monde, et parce qu'avec sa servante la plus dévouée, ils partageaient une connexion sincère et profonde, une vie avait été créée. Allait-elle détruire cela? Cette preuve irréfutable, mais aussi la seule, qu'ils partageaient quelque chose de vrai? Cette petite vie avait peut-être un destin aussi grandiose que celui de son père.

Dans un emportement, hurlant de rage, les joues couvertes de larmes, Bellatrix laissa tomber la coupe dans le chaudron bouillonnant. Le liquide visqueux l'engloutit dans un gargarisme gluant, et les volutes s'élevant dans l'air se mirent à siffler.

Qu'allait-elle faire?

XxXxXxX

Les jours s'écoulèrent dans une panique sourde et incessante. Bellatrix restait enfermée chez elle, dans un état presque catatonique, submergée par l'angoisse.

Elle ne pouvait pas tuer son bébé.

Mais si elle en parlait au Seigneur des Ténèbres, il le tuerait.

Il avait été explicite sur cette question à plusieurs reprises, face à Ludmilla Thenn, comme en témoignait ce qu'elle avait vu dans la pensine, et face à elle, quelques mois plus tôt. En trente ans, il n'avait pas changé d'avis. Lord Voldemort ne voulait pas d'enfants, et Bellatrix en comprenait, au moins en partie, la raison. Elle se refusait obstinément à approfondir cette pensée, mais elle savait. Bien-sûr qu'elle savait. Les origines de son Maître, ce sang impur qu'il méprisait autant qu'il en portait la marque, l'empêchaient de s'imaginer un rôle dans la perpétuation de la société sorcière. Il l'avait laissé entendre : ce n'était pas à lui de repeupler les lignées de Sang-Pur, car son propre sang ne l'était pas.

Il était impensable d'aborder ce sujet avec lui, car, dans ses supplications pour qu'il lui permette de garder cet enfant, elle le contraindrait à évoquer ce thème honni, sciemment relégué à l'oubli. Il savait parfaitement qu'elle connaissait ses origines, et pourtant il n'en avait jamais parlé. L'importance de la coupe, bien que de manière nébuleuse et obscure, oui. Ludmilla, oui. Les Sept Sorciers, oui. Reginaldus Lestrange, oui. Mais ce sujet précis ? Non. Jamais.

Il avait tout révélé, exposé les tréfonds de son existence, laissé entrevoir son plus grand secret, et pourtant cette partie de lui-même demeurait tue, soigneusement protégée par un silence qu'elle n'oserait jamais rompre d'elle-même.

Dire tout cela à voix haute aurait été grotesque, ignoble. Elle n'était même pas capable d'imaginer une telle scène. Bellatrix ne pouvait pas non plus lui expliquer à quel point ce détail, concernant ses origines, lui était indifférent. Pour toute autre personne, cela aurait suscité en elle un profond dégoût. L'idée qu'un sang-de-bourbe l'ait touchée la répugnait. Elle s'était moquée des sang-mêlés à Poudlard sans la moindre vergogne, ne boudant pas son plaisir à savourer les cabales orchestrées par Rodolphus et son gang.

Mais dans son cœur et son esprit, Lord Voldemort occupait une place à part. Il était le Seigneur des Ténèbres, l'être suprême, le sorcier le plus puissant du monde, dont les exploits transcendaient l'imaginable. L'héritier de Salazar Serpentard. Le sorcier choisi par le destin pour les sauver, préserver leur monde et les protéger.

Entre un enfant de sang pur et l'enfant de son Maître, elle aurait choisi ce dernier mille fois. Elle ne pouvait pas. Elle était incapable de tuer l'enfant qu'elle portait.

Bellatrix ne pouvait même pas prétendre que cet enfant était de Rodolphus ; cela ne tiendrait pas, ni devant lui, ni devant les autres.

Après des jours à suffoquer dans des crises de panique où les larmes se mêlaient à ses hoquets de peur, Bellatrix prit une décision. Folle, absurde. Une résolution qui la laissa pourtant étrangement calme.

Si elle ne pouvait se résoudre à se débarrasser de l'enfant, elle devait trouver un moyen de mener cette grossesse à terme sans que son Maître ne s'en aperçoive. Ce bébé, elle ne pourrait jamais l'élever. Elle ne pourrait jamais l'aimer. Tout ce qu'elle pouvait faire, en tant que mère, c'était lui garantir une chance de vivre.

Elle était convaincue qu'elle pourrait encore dissimuler l'arrondi de son ventre pendant plusieurs semaines. Après tout, elle ne prenait presque pas de poids. Était-ce dû à sa première grossesse ? Au stress incessant qui l'habitait ? Elle l'ignorait. Tout ce qu'elle savait, c'était que sa mère, Druella, avait conservé une silhouette fine après trois grossesses. Peut-être était-ce une simple question de physionomie.

Les sortilèges de dissimulation faisaient leur effet, et elle parvenait à les renforcer sans difficulté. Grâce aux techniques de Ludmilla Thenn – la méditation et l'utilisation ciblée de ses émotions – ces enchantements gagnaient en puissance et en stabilité.

Mais une question plus pressante demeurait : que faire de l'enfant ? Bellatrix refusait catégoriquement de l'abandonner à un inconnu. Si cela devait arriver, elle préférait encore tuer l'enfant elle-même, dans le calme et la douceur, l'endormant jusqu'à ce que son souffle s'éteigne. Elle ne laisserait personne mettre ses sales pattes sur l'enfant du Seigneur des Ténèbres, si ce n'était pas quelqu'un en qui elle avait entièrement confiance.

Elle passa en revue toutes les personnes susceptibles de l'aider. Narcissa lui vint immédiatement à l'esprit, mais sa sœur cadette était encore à Poudlard, et elle était bien jeune.

Elle pensa ensuite à sa mère, Druella. Elle était encore fertile. Elle pouvait très bien prétendre que le bébé était le sien. Pourtant, les relations entre elles s'étaient distendues au fil des ans. Bellatrix avait cessé de rendre visite à sa mère, surtout depuis qu'elle avait remarqué que cette dernière prenait systématiquement le parti de Rodolphus dans leurs différends, plutôt que de la soutenir, elle, sa propre fille. Druella ne prendrait jamais un tel risque; élever trois filles lui avait déjà paru particulièrement pénible.

Quant à son père, il demeurait enfermé dans un ressentiment amer envers Andromeda, ressentiment qui, de manière inexplicable, semblait s'être reporté sur Bellatrix. Comme si elle portait une part de responsabilité dans les choix jugés scandaleux de sa jeune sœur.

Naturellement, ce fut vers Andromeda que ses pensées revinrent, encore et encore. De toutes les personnes qui l'entouraient, elle était celle en qui Bellatrix avait le plus confiance, celle qu'elle avait le plus aimée et chérie, en dehors de son Maître et, dans une moindre mesure, de Narcissa. Que se passerait-il si elle se présentait à la porte d'Andromeda, un bébé dans les bras ?

Andromeda l'accueillerait-elle ? La protégerait-elle, elle et son secret ?

XxXxXxX

Si les sorts de dissimulation restaient efficaces en apparence, la grossesse compliquait néanmoins considérablement ses rapports avec le Seigneur des Ténèbres. Une sorte de champ magnétique émanait de son ventre, conséquence du sortilège, et Bellatrix craignait que le mage noir ne le perçoive s'il s'approchait trop près.

Elle devait redoubler de prudence, veillant à s'incliner de manière étudiée et à imposer subtilement ses positions. Avec une habileté sournoise, elle favorisait ce qu'il appréciait le plus : la voir à genoux devant lui, son sexe dans la bouche ; la prendre par derrière, dans l'orifice qui lui plaisait ; ou encore, les jambes repliées sur elle, alors qu'il la dominait à genoux sur le lit. Ces positions permettaient de dissimuler son ventre sans difficulté. Cependant, elle devait éviter celle qu'il préférait, celle qui avait conduit à sa déclaration d'amour irréfléchie : être blottie sous lui, ses bras et ses jambes noués autour de lui, leurs regards plongés l'un dans l'autre. Trop intime, trop dangereuse. Dans cette position, ventre contre ventre, son secret n'aurait pas tenu longtemps.

Quand elle était confortablement installée dans ses bras, écoutant le son de sa voix tandis qu'il expliquait des stratégies politiques ou détaillait avec passion des concepts magiques complexes dont elle ne comprenait souvent qu'une partie, elle se demandait – encore – pourquoi elle prenait de tels risques.

Elle ressentait un profond ressentiment envers Reginaldus, Rodolphus, et ce bébé qui grandissait en elle. Parfois, elle en voulait même un peu à son Maître, qui avait su plus qu'il n'en laissait paraître, et dont la puissance avait réduit à néant ses protections.

Elle n'avait rien choisi de tout cela. Si elle était enceinte aujourd'hui, ce n'était pas de sa faute. Jamais elle n'aurait voulu se retrouver dans une telle situation, confrontée à un choix qu'elle ne pouvait faire. L'idée même qu'elle soit incapable de tuer ce petit être la laissait hébétée, perdue.

Elle plongea son regard dans celui de son Maître, sombre et ponctué d'éclats rougeoyants. Sur son visage détendu flottait l'ombre d'un sourire suffisant, tandis qu'il expliquait avec enthousiasme un mécanisme magique complexe qu'il avait mis au point. Ses mains accompagnaient ses paroles, esquissant des mouvements gracieux, comme s'il tenait une baguette invisible. Bellatrix, fascinée et amusée, le fixait intensément.

Prise d'un élan de tendresse irrépressible, elle caressa son visage contre le sien et déposa un baiser sur sa joue.

— Tu ne m'écoutes pas du tout, gronda-t-il, bien que sans colère dans la voix.

— Bien sûr que si, Maître. J'écoute toujours tout ce que vous dites.

— Non, tu as ce même regard rêveur que tu m'adresses lors des réunions du cercle restreint. Ou devrais-je dire, ce regard amoureux ?

Il laissa échapper un rire moqueur, condescendant. Bellatrix, imperturbable, posa son menton sur sa main, le fixant toujours avec le même sourire amusé et le même regard.

— Je ne le redirai plus si cela vous déplaît, mon Seigneur.

— Redire quoi ?

— Que je vous aime, répondit-elle courageusement, le cœur battant dans la poitrine.

Il pencha légèrement la tête, la dévisageant, une étincelle indéchiffrable dans ses yeux.

— As-tu été un Choipeautard, Bella ?

— Comment cela ? Que voulez-vous dire ? s'exclama-t-elle, les sourcils froncés, surprise par la question.

— Honnêtement, plus je te connais, plus je me demande si tu n'es pas plus Gryffondor que Serpentard au fond.

— Je vous demande pardon ?! s'indigna Bellatrix, la bouche ouverte sous l'effet du choc.

— Tu es particulièrement intrépide, comme ce petit échange vient de le prouver. Tu manques cruellement d'objectivité lorsqu'il s'agit de tes proches, toujours prête à les défendre sans l'ombre d'un argument. Tu es impulsive, irréfléchie, et emportée par des sentiments grandiloquents dignes d'un conte de fées.

— Des sentiments grandiloquents, vraiment ?

— Oui. Cela ne m'étonnerait pas si le Choixpeau avait longuement hésité avant de te répartir à Serpentard.

Bellatrix se redressa brusquement, ignorant que le drap glissait pour dévoiler sa poitrine nue.

— Je suis une Serpentard jusqu'au bout des ongles, mon Seigneur, déclara-t-elle avec véhémence, son regard brillant de fureur.

— Vraiment ? Alors donc le Choixpeau n'a eu aucune hésitation ? Il t'a répartie sans attendre ?

Elle leva les yeux au ciel, exaspérée.

— Oui, il a mentionné Gryffondor pendant une seconde, mais…

Elle n'eut pas le temps de finir sa phrase. Le rire moqueur du Seigneur des Ténèbres la coupa net, ses yeux fendus d'une malice presque enfantine.

— Je le savais. Tu es une Gryffondor.

— Certainement pas, dit-il froidement. Vous exagérez, Maître. J'ai été répartie à Serpentard !

— Peut-être, mais les véritables Serpentard sont répartis sans une seconde de réflexion. Tu n'es pas une vraie Serpentard.

Le hoquet d'indignation de Bellatrix fut un spectacle en soi. Elle leva le bras pour le frapper, mais s'arrêta juste à temps, dévorée par l'envie de le faire taire.

— Je suis une vraie Serpentard, protesta-t-elle, vexée.

— Eh bien, je suis l'héritier de Serpentard, et je t'annonce que tu ne l'es pas, répliqua-t-il avec un calme irritant.

Cette fois, elle frappa son bras pour de vrai, mais avant qu'elle ne puisse récidiver, il saisit sa main et l'attira à lui. D'un geste fluide, son autre main glissa jusqu'à la pointe sensible de son sein.

Il murmura alors quelques mots sibyllins contre ses lèvres, un ton moqueur dans la voix.

— C'est du Fourchelang ? demanda-t-elle, déterminée à ne pas être impressionnée.

— De toute évidence.

— Que cela signifie-t-il ? s'enquit-elle d'un ton un peu hautain.

— Mon idiote de Gryffondor, répondit-il avant de l'embrasser, scellant ses paroles dans un baiser empli de malice et de domination.

XxXxXxX

Août 1973,

Edimbourg.

Les deux sœurs se regardaient, sans rien dire. Bellatrix était assise sur le bord d'un fauteuil en rotin, écartant du bout des pieds les innombrables lettres et magazines qui jonchaient le sol, grimaçant à chaque contraction espacée d'une quinzaine de minutes.

— Je ne pensais pas que tu vivrais dans un endroit aussi… moldu, avoua Bellatrix, inspectant la chambre avec scepticisme, inspirant l'odeur de cigarettes froides avec ré leva un sourcil hautain.

— Nous n'avons pas besoin de plus, dit Andromeda, comment m'as-tu trouvée?

— Vivian Fawley a fini par me révéler où tu habitais.

— Vivian est en Australie.

— Je l'ai fait revenir il y a une semaine, me faisant passer par toi, et en prétextant que ses parents étaient malades.

Andromeda eut un air inquiet face à ces mots.

— Tu ne lui as rien fait de mal, j'espère.

— Rien dont elle ne se remettra pas, éluda Bellatrix, avant de laisser échapper un râle de souffrance, et puis je lui ai effacé la mémoire de toute façon.

— Pardon?

— Andromeda, ce n'est pas vraiment l'urgence là.

La jeune sœur la regardait intensément, un sourcil levé, en avisant son air crispé et sa respiration haletante.

— Tu… vas bien?

— Le travail a commencé, expliqua Bellatrix, je pensais avec plus de temps. J'ai un mois d'avance.

— Quoi? Mais… mais, installe-toi sur le lit, dépêche-toi.

— Je ne sais pas, refusa Bellatrix, hochant la tête, c'était une mauvaise idée finalement. Je ne sais pas ce que je fais ici.

— Je me pose la même question, grommela Andromeda, avant de passer un bras autour de la taille de sa sœur.

Elle la conduisit jusqu'au lit. Bellatrix, continuant de scruter la pièce avec un mélange de dégoût et de scepticisme, s'adossa contre la tête de lit. Le désordre ambiant n'échappa pas à son regard critique : le lit était encore défait, et une paire de lunettes trônait sur l'une des tables de chevet, manifestement trop masculine pour appartenir à Andromeda. Une vague d'angoisse noua son estomac. Cet endroit lui inspirait un cafard monstre.

— De qui est le bébé, Bella ? demanda Andromeda d'une voix soudain adoucie.

La lèvre de Bellatrix tressaillit imperceptiblement.

— J'ai… j'ai eu une liaison, répondit-elle après une pause. Je ne peux pas garder le bébé.

— Pourquoi ? Les enfants illégitimes ne sont pas si rares. Rodolphus pourrait très bien le reconnaître.

— Rodolphus ne le reconnaîtra jamais.

— Pourquoi ?

Bellatrix plongea son regard dans celui de sa sœur, cherchant désespérément les mots justes pour formuler son mensonge. Elle détestait ce qu'elle allait dire, consciente que cela blesserait profondément Andromeda et ternirait de façon peu glorieuse sa propre réputation. Mais c'était la seule solution, le seul scénario qui avait du sens. Elle ne pouvait pas prendre le risque que sa sœur soupçonne la véritable paternité. Jamais elle ne devait découvrir que cet enfant était celui du Seigneur des Ténèbres.

— Rabastan est le père, dit-elle finalement, se dégoûtant elle-même.

La réaction d'Andromeda fut immédiate. Elle se leva d'un bond, les yeux écarquillés d'horreur et de choc.

— Tu as eu une liaison avec Rabastan… ?

— Tu comprends maintenant pourquoi je ne peux pas garder cet enfant. J'ai caché ma grossesse jusqu'ici, mais je suis à bout, Dromeda. Je ne sais pas quoi faire. J'ai… j'ai juste besoin d'un endroit pour accoucher.

Andromeda resta figée, choquée, les bras ballants près du lit.

— Tu sais que Rabastan et moi étions fiancés ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

— Je sais. Je suis désolée, murmura Bellatrix, honteuse.

— Et que comptes-tu faire de cet enfant, Bellatrix ?

La question, glaciale et inflexible, résonna comme une condamnation.

— J'avais pensé… peut-être que tu pourrais…

— Que je pourrais quoi ? Que je pourrais garder ton bâtard ?

Les mots cruels de sa sœur résonnèrent tristement dans la pièce froide.

— C'était une erreur de venir ici, je vais partir. Je n'ai pas besoin de ton aide, rétorqua Bellatrix en se levant précipitamment.

Elle tenta d'ignorer les larmes qui roulaient sur ses joues. Que pouvait-elle faire ? Le bébé arrivait. Elle ne pouvait pas transplaner dans son état, et le réseau de cheminée chez elle était clos. De plus, Rabastan se trouvait au Manoir Lestrange. Comment pourrait-elle accoucher en secret, cacher le bébé et, ensuite, quoi ? Le tuer ? Tuer l'enfant de son Maître ? Ou pire, l'abandonner?

Andromeda la regarda s'éloigner à petits pas vers la porte, une expression indéchiffrable sur le visage.

— Bella, je n'ai que vingt ans, regarde où je vis. Je n'ai pas les moyens d'assumer un enfant, dit-elle d'un ton désespéré.

— Oui, j'ai remarqué, répliqua Bellatrix d'une voix cinglante.

— Attends, Bella. Attends ! lança Andromeda en se précipitant pour la rattraper.

Elle l'enlaça soudain, fredonnant doucement pour calmer les sanglots qui agitaient sa sœur.

— Je n'ai aucune idée de ce que nous allons faire, mais je ne vais pas te laisser partir comme ça, dit-elle enfin.

— Dromeda, le bébé arrive. Aide-moi juste à accoucher, et je partirai avec lui. Il faut que tout soit réglé aujourd'hui. Si je ne rentre pas ce soir, on va commencer à se poser des questions.

Andromeda recula légèrement pour croiser son regard, d'un air incrédule

— Bella… Un premier accouchement peut durer très longtemps.

— Combien de temps ? demanda Bellatrix d'une petite voix. Plus d'une journée ?

— Maman a mis trente-six heures pour te mettre au monde.

— Oh…

La voix de Bellatrix s'éteignit dans un souffle, teintée de désespoir. La tristesse et la détresse qui transparaissaient dans ses yeux semblèrent toucher Andromeda, qui l'embrassa doucement sur la joue avant de la guider à nouveau vers le lit.

XxXxXxX

— Qu'est-ce qui t'a pris d'avoir une relation avec le frère de ton mari ? demanda Andromeda, sa voix vibrante d'indignation.

— Je me sentais seule, j'étais triste, mentit Bellatrix d'un ton plat, son regard fuyant celui de sa sœur.

— Je vais t'aider à accoucher, mais je ne peux pas garder le bébé. Que vais-je dire à Ted ?

— On pourrait… modifier légèrement sa mémoire.

— Pardon ?

Andromeda se tourna vers elle, son regard dur et accusateur.

— Tu ne toucheras pas aux souvenirs de mon époux, Bellatrix.

— Non… Très bien, céda Bellatrix, contrainte.

XxXxXxX

Les heures s'étirèrent, les contractions devenant plus rapprochées, plus intenses. Bellatrix avait de plus en plus de mal à maintenir son masque d'impassibilité. Elle avait souvent entendu dire à quel point l'accouchement était difficile, mais elle n'avait jamais pris ces récits au sérieux, les attribuant à des femmes faibles et plaintives. À présent, elle se maudissait d'avoir pensé ainsi.

— Je n'ai aucune idée de ce que je dois faire pour t'aider, Bellatrix. Nous devrions aller à Sainte-Mangouste, proposa Andromeda, la panique perçant dans sa voix.

— Certainement pas ! s'exclama Bellatrix. J'ai apporté un livre sur la gynécomagie. Il est dans mon sac, cherche-le.

Les deux sœurs, tête contre tête, feuilletèrent fébrilement l'ouvrage, cherchant des recommandations ou des sortilèges susceptibles de les aider. Une multitude de potions étaient suggérées pour faciliter l'accouchement, mais ni le temps ni les ingrédients nécessaires n'étaient à leur disposition.

— Vraiment, Bellatrix. Tu aurais pu mieux te préparer, pesta Andromeda, agacée.

— Il y a des sortilèges. Regarde ici, insista Bellatrix, pointant du doigt une page.

— Ce ne sont que des sorts de détection d'ouverture du col. Cela ne va pas t'aider à accoucher.

— Essaie tout de même.

Andromeda, à contrecœur, leva sa baguette et la pointa vers Bellatrix.

— Combien de centimètres ? murmura Bellatrix, le souffle court.

— Trois.

— Et il faut aller jusqu'à combien ?

— Dix.

— Oh, Merlin… gémit Bellatrix en fermant les yeux.

XxXxXxX

— Tu sais, je suis stérile, finit par avouer Andromeda, brisant le silence.

— Quoi ? demanda Bellatrix, surprise malgré la douleur.

— Je suis tombée enceinte de Rabastan. J'ai avorté. Il y a eu des complications, et cela m'a rendue stérile.

Un flot de jurons particulièrement vulgaires échappa à Bellatrix. Ce détail inattendu bouleversait son mensonge soigneusement échafaudé. Dire qu'elle avait prétendu que l'enfant était de Rabastan pour justifier le secret et l'urgence ! Dans quel imbroglio s'était-elle empêtrée.

— Oh… Dromeda, je suis désolée, murmura-t-elle finalement.

— Je mesure l'ironie de la situation, répliqua Andromeda avec amertume. J'ai toujours voulu des enfants, et je suis devenue stérile. Toi, tu as toujours voulu être stérile, et te voilà enceinte. Et à chaque fois, c'est par le même homme. Un drame digne des Black.

Elle éclata d'un rire amer, mais Bellatrix vit instantanément qu'elle ne trouvait rien de drôle à la situation.

— Peut-être est-ce ma punition pour avoir fait tuer l'enfant d'un homme que j'aimais, murmura Andromeda, la voix brisée.

Bellatrix grogna de douleur, grimaçant violemment. Tout cela devenait insupportablement ridicule.

— Andromeda, haleta-t-elle, attrapant sa main dans un élan désespéré. Je ne sais pas quel chaos cosmique nous a réunies ici, dans cette pièce, mais si tu acceptes ce bébé, tu lui sauveras la vie. Il n'a pas sa place dans la mienne. Rodolphus le tuera.

Andromeda leva des yeux embués de larmes vers sa sœur.

— Peut-être est-ce l'ironie cruelle du destin que ce soit toi qui reçoives ce bébé, reprit Bellatrix d'une voix tremblante.

— Bella…

— Tu as une seconde chance de sauver l'enfant de l'homme que tu aimais, murmura Bellatrix, les larmes ruisselant sur ses joues.

L'ironie de la situation lui transperçait le cœur. Elle aussi souhaitait simplement sauver l'enfant de l'homme qu'elle aimait.

— Est-ce que tu es amoureuse de Rabastan? demanda Andromeda, troublée.

— Euh, non, non, bien-sûr que non, répondit Bellatrix, essuyant ses larmes.

XxXxXxX

— Quelle heure est-il ? grogna Bellatrix, la voix rauque de fatigue.

— Vingt heures, répondit Andromeda, un soupir dans la voix.

— Oh, Merlin… Je suis ici depuis des heures. À combien de centimètres en est mon col ?

— Six, annonça Andromeda après une nouvelle vérification.

Bellatrix laissa échapper un juron, résonnant dans la pièce comme un éclat de frustration pure.

XxXxXxX

— J'ai dit à Ted que j'avais de la visite. Il reste à Londres pour la nuit, déclara Andromeda.

— Merci, murmura Bellatrix, la voix tremblante.

— Tu veux manger quelque chose ?

— Non… Je ne pourrais rien avaler. Quelle heure est-il ?

— Vingt-deux heures, répondit Andromeda en consultant l'horloge d'un regard rapide.

Bellatrix sentit une nouvelle vague de douleur la traverser, la laissant faible, vidée.

— C'est étrange d'accoucher un mois en avance. Tu es sûre qu'il n'y a pas de problème avec ton bébé ? demanda Andromeda, l'inquiétude perçant dans sa voix.

— Qu'est-ce que j'en sais ? rétorqua Bellatrix, irritée. Je n'ai pas été suivie, tu te souviens ? Je me suis juste précipitée pour me rendre chez toi aux premières contractions. Je n'avais pas imaginé que ce serait si compliqué!

— Oui, pas la peine de t'énerver, répliqua Andromeda, un peu piquée.

À vrai dire, Bellatrix commençait à s'inquiéter elle aussi. Non seulement l'épreuve semblait insurmontable, mais l'heure avançait inexorablement, et elle n'avait pas prévenu son Maître de son absence. Elle avait été si certaine que cet accouchement ne serait qu'une formalité, que ce serait terminé avant la nuit. Que se passerait-il s'il décidait de venir la voir ce soir, comme il le faisait parfois sans prévenir, et qu'il découvrait son absence ?

Repartirait-il sans un mot ? Se mettrait-il à la chercher ? Questionnerait-il Rabastan… ou, pire, ses parents ?

Bellatrix disposait bien d'un plan de secours, mais elle répugnait plus que tout à s'y résoudre. L'employer reviendrait à ajouter un nouveau mensonge à une opération déjà fondée sur la dissimulation.

— Quelle heure est-il ? demanda-t-elle une nouvelle fois, la voix à peine audible.

— Oh, vingt-deux heures et trois minutes ! siffla Andromeda, agacée par la répétition de la question.

XxXxXxX

— Oh, non ! Il m'appelle ! Par Merlin, il m'appelle ! s'exclama Bellatrix, désespérée, tenant son bras contre elle.

— Qui t'appelle ? demanda Andromeda, perplexe.

Bellatrix renifla, le regard fixé au sol, refusant de répondre. Ses yeux clos trahissaient une grimace de douleur intense.

— Ah, ton… Maître, comprit Andromeda, une amertume évidente dans la voix.

C'était le pire scénario possible. La panique submergea Bellatrix. Que penserait-il de son absence ? Comment réagirait-il en ne la voyant pas revenir ?

Son esprit s'emballa. Elle allait devoir faire usage de son plan de secours. Il fallait que cela cesse immédiatement, que ce bébé sorte, qu'il soit expulsé d'elle sur-le-champ. Elle n'en pouvait plus de porter en elle cette chose, cet obstacle qui la séparait de son Maître, qui menaçait de tout anéantir.

— Ça doit s'arrêter, tout de suite ! haleta-t-elle. Combien de centimètres ?

— Neuf.

XxXxXxX

— Je ressens le besoin de pousser, je vais pousser, haleta Bellatrix, son corps tendu sous l'effort.

— Non, attends, Bellatrix. Je ne sais pas quoi faire. Tu n'es pas complètement dilatée, protesta Andromeda, visiblement terrifiée.

— Place-toi au bout du lit, regarde ce qu'il se passe. Si tu vois un problème, tu me le dis. Fais très attention au cordon, s'il est autour de son cou, préviens-moi immédiatement, ordonna Bellatrix, la voix tremblante mais ferme.

Andromeda pâlit davantage, la panique transparaissant dans son regard.

— Bella, je…

— Dromeda, je t'en supplie, murmura Bellatrix, des larmes roulant sur ses joues.

Le désespoir, la fatigue et la douleur s'étaient mêlés en un maelström d'émotions incontrôlables. Bellatrix avait envie d'exploser ou de s'abandonner entièrement à la souffrance qui l'écrasait.

— D'accord, d'accord, céda Andromeda, résolue malgré elle.

Bellatrix commença à pousser au rythme des contractions, fermant les yeux pour se concentrer. Elle tenta de vider son esprit, d'échapper à la douleur qui irradiait tout son être. Elle chercha refuge dans des images rassurantes : une mer calme en été, le revers d'une main glissant doucement sur sa nuque, le murmure d'un rire familier à son oreille. Mais, au détour de sa méditation, une vision fugace s'imposa à elle : une jeune femme, presque une enfant, seule, abandonnée, hurlant de douleur dans une pièce sombre et lugubre. Son cœur meurtri, son corps épuisé, elle donnait naissance à un grand bébé brun dont les cris résonnaient dans l'air lourd. « Tom », murmurait la femme, dans un souffle à peine audible, avant de sombrer dans la mort.

Elle délirait. La douleur était si forte. Bellatrix était certaine qu'aucune femme ne pouvait supporter une telle douleur sans en mourir.

— C'est bien, Bella, tu y es presque. Il n'a pas le cordon autour du cou. Tout va bien, l'encouragea Andromeda, sa voix un peu plus assurée.

Une poussée supplémentaire, et enfin, Bellatrix sentit le bébé glisser hors d'elle, atterrissant dans les mains ensanglantées de sa sœur.

— Oh, c'est une fille… Bella, c'est une fille ! s'exclama Andromeda, rayonnante de soulagement.

Elle coupa le cordon ombilical avec sa baguette et déposa délicatement le bébé dans les bras de Bellatrix, qui reposait contre les oreillers, plus faible qu'elle ne l'avait jamais été.

C'était un minuscule bébé aux cheveux noirs, aux yeux encore fermés, mais dont les cris perçants emplissaient la pièce. Bellatrix la dévora des yeux un instant, puis inspirant profondément, elle la rendit presque aussitôt à Andromeda.

— Prends-la, murmura-t-elle.

— Bella… ? commença Andromeda, interloquée.

Sous leurs yeux ébahis, les cheveux du bébé passèrent du noir au rose clair dès qu'elle se retrouva dans les bras d'Andromeda.

— Une Métamorphomage ? s'étonna Bellatrix.

— C'est extrêmement rare. C'est un signe de puissance. Je n'ai jamais vu cela, répondit Andromeda, émerveillée.

Bellatrix hocha lentement la tête, un trouble indéchiffrable passant dans ses yeux. Il n'y avait pas de Métamorphomages dans la famille Black ou Rosier. Cette particularité venait à coup sûr de son Maître. Elle pensa fugacement aux dons qu'il possédait, comme le Fourchelang. Une inquiétude l'envahit : si cette faculté était transmise, il deviendrait bien plus difficile de dissimuler la paternité de l'enfant.

Laissant de côté ces pensées sombres, elle posa à nouveau les yeux sur le visage rouge et poupon, déformé par les pleurs. Un curieux soulagement l'envahit. À présent qu'elle voyait cette enfant devant elle, elle savait qu'elle aurait été incapable de la tuer. Elle avait pris la bonne décision. Elle lui avait sauvé la vie. Mais cela ne signifiait pas pour autant qu'elle était en sécurité.

— Andromeda, dit-elle d'une voix grave.

Andromeda releva les yeux du bébé, son sourire s'effaçant en croisant le regard de sa sœur.

— Tu dois prétendre que c'est ton enfant. Tu ne devras jamais révéler, à personne, que c'est le mien. Hormis peut-être à ton mari. Tu comprends ?

Andromeda acquiesça, les yeux brillants d'émotion.

— Ted est un homme bon. Il gardera le secret. Nous l'aimerons comme notre fille.

— Si ce secret venait à être dévoilé, elle serait en danger de mort. Tu en as conscience ?

— Oui, Bellatrix. Je comprends, répondit Andromeda, la voix un peu chevrotante mais ferme.

Elles échangèrent un long silence.

— Je vais partir maintenant.

— Bellatrix, tu… tu vas me laisser avec elle comme ça ? Comment vais-je la nourrir ? Je n'ai rien pour elle.

Bellatrix avait bien anticipé ce problème.

— Tout ce qu'il te faut est dans mon sac. Je te le laisse : des vêtements, de quoi la nourrir, tout est là.

— Tu devrais te reposer. Tu ne peux pas partir dans cet état.

— Je vais bien, mentit Bellatrix. Je vais juste… nettoyer tout ça.

Le bébé était encore couvert de différents fluides, et ses pleurs ne faiblissaient pas.

— Tu ne veux pas la nourrir au sein?

— Non, répondit sèchement Bellatrix, tu trouveras de quoi la nourrir dans le sac.

Quand Bellatrix sortit de la salle de bain, le bébé était propre, emmitouflé dans un linge de coton blanc, un biberon dans la bouche.

— Je vais y aller, dit Bellatrix d'une voix faible. Je ne crois pas que nous nous reverrons.

Andromeda, assise sur le bord du lit avec le bébé dans les bras, paraissait incroyablement jeune.

— Je vais placer des sceaux de protection autour de ta maison, ajouta-t-elle. Je te fais confiance pour garder ce secret. Sa vie, et la mienne, en dépendent.

Andromeda hocha simplement la tête, le regard perdu. Le bébé se mit de nouveau à pleurer. Alors que Bellatrix atteignait la porte, sa sœur l'interpella :

— Comment veux-tu l'appeler ?

Bellatrix s'arrêta un instant, le dos voûté, les épaules affaissées.

— Ce n'est pas ma fille. Je te laisse choisir.

Elle marqua une pause, les mots semblant s'étrangler dans sa gorge. Puis, dans un souffle à peine audible au milieu des pleurs du bébé, elle murmura :

— Merci, Dromeda.


À suivre.

Certains se demandent peut-être ce qui a bien pu me passer par la tête. Cette fic est censée être « canon compliant », ahah. Mais je vous expliquerai dans les prochains chapitres en quoi ce rebondissement répond, selon moi, à plusieurs questions laissées en suspens par les livres.

Je dois dire que depuis 2011, alors que je publiais sur FFN, cette fic me trotte dans la tête. C'était bien avant la pièce Cursed Child ! À l'époque, Delphini n'existait pas encore, mais je cherchais désespérément un moyen de faire de Bellatrix et Voldemort des parents sans devoir inventer de nouveaux personnages (je n'aime pas beaucoup les OC). Et c'est là qu'est née cette idée.

Depuis la sortie de la pièce, j'ai décidé d'en tenir compte et j'ai modifié mon plan. Vous me direz alors, à la fin de la fic, si tout semble crédible à vos yeux.

Bon, évidemment, l'histoire n'est pas encore terminée.

La suite va être un vrai défi à écrire pour rendre tout cela cohérent et expliquer cette fameuse scène du dernier tome où Voldemort « humilie » Bellatrix. Tout part de là.

J'espère que cela vous plaît. En tout cas, je serais curieuse d'avoir vos retours. Merci de me lire !

SamaraXX