Chapitre XXI: La Folle

Février 1974,

Manoir Lestrange.

De la salle de billard où Rodolphus jouait une partie avec Lucius et Rabastan, il percevait les chuchotements aigus de Narcissa et Geraldine Rosier dans la bibliothèque adjacente. Le claquement précipité de leurs pas sur le parquet résonna, suivi par la porte qui s'ouvrit à la volée :

— Rodolphus, déclara Narcissa d'une voix autoritaire, où est ma sœur ?

— Bonjour, très chère, répondit Lucius avec amusement, posant sa queue de billard avant de s'approcher de la jeune femme.

Rodolphus adressa une grimace moqueuse à Rabastan tandis que les deux tourtereaux s'embrassaient. Narcissa se laissa faire quelques secondes avant de repousser le grand blond sans ménagement.

— Où est Bellatrix ? insista-t-elle, ses yeux rivés sur Rodolphus.

Il haussa les épaules. Depuis qu'il l'avait libérée des chaînes qui la retenaient prisonnière au Sanctuaire et ramenée dans sa chambre au second étage un mois plus tôt, il l'avait à peine vue. Il s'efforçait de ne pas penser à la sensation de son corps nu, secoué de sanglots, pressé contre lui, au sang coulant de ses lèvres éclatées, aux bleus marquant sa peau. Et pire encore, à ces traces violacées et rondes, voraces, sur ses seins et dans son cou. Il refusait de songer à ce qui avait pu se passer entre son Maître et elle pour qu'elle finisse attachée nue à un mur de pierre, couverte d'ecchymoses et de quelques suçons.

Il reporta son attention sur les deux jeunes femmes, manifestement en colère. Geraldine tenait son bébé de huit mois dans les bras, un garçon blond joufflu, aux boucles soyeuses et aux grands yeux bleus. Silencieux, l'enfant observait la scène avec la placidité d'un petit prince.

— Je n'en sais rien, probablement dans sa chambre.

— Encore ? Tu m'as dit la même chose la semaine dernière. Puis-je monter la voir ?

— Tu n'as pas besoin de mon autorisation pour aller voir ta sœur, Narcissa, répondit Rodolphus en haussant les épaules.

— Très bien. J'y vais tout de suite, j'ai besoin d'elle pour les préparatifs de mon mariage. C'est dans un mois ! On dirait que cela ne l'intéresse pas le moins du monde.

Déterminées, les deux jeunes femmes traversèrent la pièce pour rejoindre la porte opposée, menant au hall d'entrée et au grand escalier du manoir. Lucius reprit sa place près du billard, dardant sur Rodolphus un regard intrigué.

— Rod, nous sommes tous très confus. Les Black affirment que le Seigneur des Ténèbres ne lui a fait aucun mal ces derniers mois alors qu'il la retenait chez lui, mais elle n'était pas présente à la grande réunion en janvier, ni à celle de la semaine dernière. Comment va-t-elle ?

En entendant leur conversation, Rabastan se racla légèrement la gorge, visiblement mal à l'aise. Rodolphus lui lança un regard torve. Cela faisait des jours que son frère l'agaçait avec ces petits gestes lourds de sous-entendus, lui faisant comprendre—sans jamais le dire explicitement—qu'il le tenait pour responsable de la situation avec Bellatrix.

— Je n'ai pas été convié à ces réunions non plus. Cela ne signifie rien. Le Seigneur des Ténèbres nous laisse un peu de répit après nos dernières longues missions. Bellatrix va très bien, au demeurant. Elle a juste besoin de repos, répondit Rodolphus avec un détachement feint.

Rabastan lança un regard éloquent à Rodolphus derrière Lucius, puis détourna les yeux. Lucius, de son côté, semblait sceptique.

— Qu'est-ce qu'ils ont bien pu faire pendant ensemble pendant près de quatre mois… ? Ethan a fait quelques remarques étranges… Très insultantes, à vrai dire. Il pense que Bellatrix est le traître évoqué par le Seigneur des Ténèbres il y a plus d'un an. Tu y crois ?

Rodolphus resta silencieux un moment. Ils s'aventuraient dangereusement près du sujet qu'il évitait soigneusement d'aborder. Il se refusait à revoir l'expression défaite et infiniment triste de Bellatrix, après qu'il l'avait reniée et avait refusé de la défendre, la qualifiant de poison. Pour sa défense, à l'époque, il le pensait. Il avait été torturé pendant des heures à cause d'elle et de sa folie. Quelle insensée entamait une liaison avec un sorcier de la trempe de Lord Voldemort, leur Seigneur des Ténèbres, leur Maître à tous ? Que croyait-elle pouvoir tirer d'une telle relation, sinon des larmes et des cris ?

Il avait été furieux, blessé par sa tromperie. Terriblement jaloux. Mais jamais il n'avait cru une seule seconde qu'elle les avait trahis. Bellatrix était bien des choses, mais certainement pas une traîtresse. Il savait parfaitement qu'elle vouait une dévotion sans limites au Seigneur des Ténèbres et que, parmi tous les Mangemorts, elle était la moins susceptible de se détourner de lui. Bellatrix et lui n'avaient plus grand-chose en commun, sauf cela : leur confiance inébranlable dans les idéaux de leur Maître, leur absolue dévotion et loyauté envers lui. Et pourtant, au moment où elle avait le plus eu besoin de son soutien, il l'avait abandonnée à son sort, laissant Lord Voldemort croire qu'elle était capable d'une telle duplicité.

Il avait voulu la punir pour son infidélité… et laisser entendre à leur Maître qu'elle ne lui avait jamais été véritablement fidèle. Ainsi, Rodolphus et le Seigneur des Ténèbres auraient partagé le même déshonneur, le même tourment : celui d'avoir été trahis par Bellatrix Black. Cela aurait, en quelque sorte, atténué sa propre humiliation et satisfait son désir de vengeance envers les deux amants. Mais à présent, il se sentait honteux d'avoir contribué à alourdir le supplice de Bellatrix.

Jamais il n'aurait imaginé qu'elle resterait enfermée au Sanctuaire pendant près de quatre mois.

— Bellatrix n'est pas une traîtresse, résuma simplement Rodolphus, peu désireux de s'attarder sur le sujet.

Il voyait bien que Lucius cherchait à en savoir davantage. Rodolphus avait été écarté du cercle restreint et n'était plus regardé favorablement par le Seigneur des Ténèbres. Mais il avait appris, lors de soirées passées en compagnie des Mangemorts, et par Rabastan, qui occupait toujours une place privilégiée auprès de Lord Voldemort, que tous se posaient d'innombrables questions sur Bellatrix.

Beaucoup soupçonnaient qu'un secret plus sombre, plus sinistre, se cachait au cœur de l'histoire. Bellatrix, autrefois favorite et distinguée entre tous, avait été reléguée au statut de recluse, exclue même des plus larges réunions de l'Ordre des Ténèbres. Cela ne passait pas inaperçu.

Lucius insista, avec un mélange de curiosité et de malice :

— Et toi… lui as-tu pardonné son infidélité ? Je n'arrive pas à croire qu'elle ait pu être proche du Seigneur des Ténèbres de cette manière. Cela semble presque irréel.

Rodolphus haussa légèrement les épaules, feignant l'indifférence :

— Je l'ai trompée aussi. Je ne suis pas en position de lui reprocher quoi que ce soit.

Lucius esquissa un sourire plus léger :

— Ah, c'est vrai ! Et Alecto, où se cache-t-elle donc ?

Rodolphus se ferma immédiatement. Le nom d'Alecto n'était pas un sujet qu'il souhaitait aborder davantage.

— Probablement occupée à… s'adonner à ses habitudes.

Un éclat de mépris passa dans le regard de Lucius, mais il dut sentir qu'il avait touché une corde sensible, car il hocha la tête d'un air entendu, avant de se replacer autour de la table de billard. Il ajusta son tir, concentré, lorsqu'un éclat de voix résonna brusquement depuis le hall.

— DÉGAGE D'ICI AVEC TON REJETON ! VA-T'EN, ESPÈCE D'IDIOTE TRANSLUCIDE !

— Bellatrix, voyons… tenta une voix posée.

— JE NE VEUX VOIR PERSONNE ! ET SURTOUT PAS CE MARMOT RÉPUGNANT !

Lucius, Rabastan et Rodolphus échangèrent un regard interloqué avant de s'élancer hors de la pièce. Bellatrix, telle une impératrice impitoyable, se tenait au milieu de l'escalier, vêtue d'une longue nuisette noire. Ses cheveux, libres et désordonnés, encadraient un visage rouge de colère. Son doigt tendu désignait sans ambiguïté les deux jeunes femmes blondes qui se tenaient au pied des marches.

Géraldine, serrant fermement son enfant contre elle, semblait pétrifiée par l'outrance de la scène. Narcissa, quant à elle, oscillait entre gêne et incompréhension.

— Que t'arrive-t-il, Bellatrix ? s'enquit-elle, un froncement soucieux sur le front.

— Si je ne réponds pas aux sollicitations, c'est parce que je ne souhaite voir personne. Et cela t'inclut également, Narcissa. Sortez immédiatement de chez moi !

Narcissa inspira profondément, tâchant de maintenir son calme.

— Bella, tu t'es isolée pendant des mois, sans fournir la moindre explication. Depuis ton retour, tu ne donnes aucune nouvelle à personne… même à moi! Et je me marie bientôt ! Un mariage par ailleurs repoussé à cause de tes caprices !

— Oui, c'est cela, tout est de ma faute. MAINTENANT SORTEZ !

Dans un accès de frustration, Bellatrix porta instinctivement la main à sa hanche, cherchant sa baguette… mais Rodolphus savait qu'elle avait été confisquée par le Seigneur des Ténèbres. Désemparée, elle poussa un cri rauque, une expression de rage pure déformant ses traits.

— Elle est… folle, murmura Geraldine, une grimace de mépris sur les lèvres.

Rodolphus esquissa un mouvement vers l'escalier, mais Rabastan, plus prompt, l'arrêta d'un regard sévère avant de lui glisser à voix basse :

— Fais-les partir.

Sans attendre de réponse, Rabastan gravit les marches deux à deux pour rejoindre Bellatrix. Il trouva sa belle-sœur tremblante de colère, ses yeux rivés sur Géraldine et son bébé avec une haine presque palpable. Prenant délicatement ses mains dans les siennes, il murmura d'une voix apaisante :

— Bella, calme-toi…

En contrebas, Rodolphus s'avança, reprenant contenance et affichant un sourire feint.

— Mesdames, Lucius, il serait sans doute plus avisé de reporter votre visite. Madame Lestrange n'est manifestement pas dans les meilleures dispositions aujourd'hui.

Bellatrix ouvrit la bouche, prête à l'accabler d'un torrent d'injures, mais Rabastan serra ses mains avec douceur tout en murmurant d'un ton ferme, presque autoritaire :

— Chut.

— Bella… murmura Narcissa, le visage marqué par une incompréhension douloureuse.

Lucius intervint avec son habituelle suffisance, plaçant une main rassurante sur l'épaule de sa fiancée.

— Ma chère, nous reviendrons bientôt. Ta sœur a simplement besoin de repos.

— Quelle attitude déplorable… Tout cela pour éviter de faire connaissance avec mon petit Archienounet, se lamenta Géraldine, un air outré sur le visage.

Bellatrix, hors d'elle, hurla :

— DÉGAGEZ TOI ET TON MIOCHE !

Geraldine lui lança un dernier regard méprisant avant de tourner les talons. Lucius, impassible, lui emboîta le pas, entraînant Narcissa par les épaules, bien qu'elle tentât de se dégager tout au long du trajet vers la porte. Ses protestations ulcérées résonnaient dans le hall :

— Lâche-moi! Lucius ! Je ne l'ai jamais vue dans un tel état…

Rodolphus, resté en retrait, observait la scène avec un mélange de surprise et de résignation, conscient que cette crise laisserait des marques. Il observa Rabastan murmurer doucement à Bellatrix, sa voix basse semblant l'atteindre au-delà de sa fureur. Peu à peu, il vit sa colère se dissiper. Finalement, calmée, elle fit volte-face et gravit les marches d'un air altier pour regagner sa chambre.

Rabastan et Rodolphus demeurèrent immobiles, un silence lourd s'installant entre eux. Aucun mot ne fut échangé bien après que Bellatrix avait disparu de leur vue.

— Tu vas rester là les bras ballants encore longtemps? s'impatienta Rabastan.

— Comment ça? rétorqua Rodolphus, piqué au vif.

Rabastan se contenta de lever les yeux au ciel.

XxXxXxX

Il fallut deux jours à Rodolphus pour rassembler le courage de se rendre à sa rencontre. Tard, un soir, après un ou deux verres de whisky pur feu, il prit la direction du deuxième étage, presque exclusivement réservé à Bellatrix. Parcourant les pièces une à une, il finit par la trouver dans son boudoir.

Avant de pousser la porte, il perçut de petits gémissements plaintifs, presque désespérés. Il aurait pu reconnaître ces supplications entre mille. Il connaissait toutes les inflexions de la voix de Bellatrix : lorsqu'elle avait peur, lorsqu'elle souffrait ou lorsqu'elle prenait du plaisir. Ceux-là s'apparentaient au plaisir, mais un plaisir teinté de frustration. C'étaient les mêmes gémissements qu'elle émettait lorsque Rodolphus ne la faisait pas atteindre l'orgasme assez vite.

Cela faisait deux ans et trois mois qu'il ne lui avait pas fait l'amour – oui, il avait compté – mais ces sons étaient gravés dans sa mémoire. Incapable de réfréner sa curiosité, il entrouvrit la porte et jeta un coup d'œil à l'intérieur. Le feu de la cheminée éclairait la pièce d'une lumière orangée, projetant des ombres venant se glisser jusqu'au sofa au centre de la pièce. Les flammes dansaient sur le motif en tissu.

Étendue sur le dos, les jambes écartées, Bellatrix imposait à sa main un rythme soutenu sur son intimité. Rodolphus, hypnotisé, suivit du regard le mouvement frénétique de ses doigts sur elle, avant de remonter lentement les yeux le long de son corps, recouvert d'une robe de coton toute simple, sans corset ni bustier, retroussée jusqu'à son ventre.

Le tissu lâche du vêtement dévoilait un sein, rond et plein, au téton foncé et dressé. Un élancement violent le saisit dans l'entrejambe à la vue de ce sein solitaire. Il poursuivit son observation éhontée, détaillant l'expression renfrognée de son visage : les sourcils froncés, les paupières plissées, la bouche entrouverte, désespérée, et la nuque renversée, offerte.

Il se demanda brièvement pourquoi Bellatrix se masturbait sans avoir insonorisé la pièce, ou fermé la porte à clef, avant de se rappeler – une fois de plus – qu'elle n'avait plus sa baguette. Avançant silencieusement, il pénétra dans la pièce et glissa une main dans son pantalon. Sans la moindre hésitation, il libéra son sexe tendu et commença à se caresser lentement, debout face au sofa.

Le mouvement dut produire plus de bruit qu'il ne l'avait cru, car elle ouvrit soudain les yeux et les posa immédiatement sur lui, avisant aussitôt sa main sur son sexe. Il distingua une lueur de choc dans son regard, vite balayée.

— Que fais-tu, espèce de pervers ? murmura-t-elle.

— Je te cherchais, répondit-il, tandis que son pouce décrivait un cercle languissant sur son gland.

Ils échangèrent un regard. Elle avait cessé le mouvement implacable de ses doigts, mais sa main restait posée sur son intimité, ses jambes toujours ouvertes.

— Tu n'es pas gêné, souffla-t-elle, indignée.

— Tu n'étais pas très discrète. À t'entendre, on dirait d'ailleurs que tu as un peu de mal… observa Rodolphus.

Bellatrix rougit.

— Cela m'aide à… dormir… mais, ces derniers temps… je n'y arrive plus.

— Tu veux de l'aide ? demanda-t-il, sans détour.

— Ce n'est pas de toi dont j'ai envie… répondit Bellatrix d'un ton acerbe, son regard fixé sur sa queue, que sa main continuait de caresser à un rythme indolent.

Il s'approcha d'un pas.

— Tu n'as qu'à fermer les yeux, lança-t-il, un sourire moqueur aux lèvres.

Il l'avait dit sur un ton léger, presque certain qu'elle le repousserait sans ménagement. Mais, à sa grande surprise, il vit qu'elle semblait considérer la proposition, ses yeux toujours fixés sur son membre.

— J'ai juste besoin de…

Il avança d'un pas, présentant sa queue tout près de son visage. À sa grande surprise, elle se redressa légèrement, et ses lèvres s'entrouvrirent.

— Ne crois pas que cela signifie que je t'ai pardonné, dit-elle, les lèvres scintillantes, les yeux levés vers lui.

— Je ne t'ai pas pardonné non plus, répondit Rodolphus.

C'était un mensonge. Il lui avait tout pardonné, depuis longtemps. Si elle le mettait à la porte, il envisageait déjà de se mettre à genoux devant elle, de la supplier de le laisser la toucher, ne serait-ce qu'une dernière fois. Car c'était lui, évidemment, qui avait tant à se faire pardonner.

Il effleura son visage, ses doigts glissant sur les mèches éparses de ses cheveux.

Merlin, qu'elle était belle.

De nouveau étendue sur le sofa, elle leva vers lui ses grands yeux sombres, traversés d'un mélange troublant de dédain et d'envie.

— Tu feras tout ce que je te dirai? murmura-t-elle, presque inaudible.

— Oui, répondit-il sans la moindre hésitation.

Elle détourna brièvement le regard, une rougeur discrète teintant ses joues.

— Peux-tu… peux-tu me pénétrer? demanda-t-elle, les yeux fermés. Sans me toucher. Sans me parler.

Elle leva une main au-dessus de sa tête, s'abandonnant complètement, dévoilant son intimité sans pudeur. Rodolphus sentit une vague de désir brut le traverser, son corps réagissant comme s'il pouvait devenir encore plus dur, encore plus avide d'elle.

— Tu ne veux pas que je te…

— Tais-toi, siffla-t-elle, se cambrant légèrement, ses jambes repliées contre son corps, prête à le recevoir.

Sans un mot de plus, Rodolphus monta à genoux sur le sofa. Prenant appui d'une main sur le dossier, il guida son sexe de l'autre et s'enfonça lentement en elle. Aussitôt, un gémissement libérateur s'échappa de ses lèvres. Elle les mordit presque immédiatement, comme pour étouffer les sons qui menaçaient de suivre.

Rodolphus baissa les yeux, fasciné par le spectacle de son sexe entrer et sortir d'elle. Elle était lubrifiée, délicieuse, chaude et douce, mais ajustée, fermement serrée autour de lui. Il avait presque oublié à quel point elle pouvait être excitante, obsédante.

Il brûlait d'envie de toucher ses seins, de la pilonner à grands coups de reins, mais appuyé sur ses poings, rien ne la touchant à l'exception de sa queue en elle, il se limitait à un rythme mesuré, où la moitié de sa queue disparaissait et réapparaissait à chaque mouvement.

Même si elle gémissait comme une petite chienne, il voyait bien qu'elle en voulait davantage. Ses paupières closes dessinaient un profil délicat, empreint de tension. Il imaginait facilement ce qu'elle avait en tête : le Seigneur des Ténèbres. Comment il la possédait.

De toute évidence, Rodolphus ne correspondait pas tout à fait à ses fantasmes—ou, souvenirs. Ses sourcils restaient froncés, son expression encore passablement renfrognée. À en juger par les marques sur son corps lorsqu'il l'avait récupérée, Rodolphus se disait que le Seigneur des Ténèbres n'était pas particulièrement tendre.

Malgré son interdiction de la toucher, il força doucement ses jambes à s'ouvrir, les calant sur ses avant-bras. Elle rouspéta brièvement, mais ses protestations s'interrompirent net lorsque ses va-et-vient devinrent plus violents, plus profonds, au point que ses testicules claquaient contre elle. Sa bouche s'ouvrit, laissant échapper un cri d'extase qui effaça toute velléité de résistance.

Enfin, elle ne fronçait plus les sourcils. Toute trace de colère ou de frustration avait disparu de son visage. Rodolphus, captivé, contemplait son expression transfigurée par le plaisir, tandis qu'il continuait de la pénétrer avec force et détermination, sans relâche.

Il mourait d'envie de lui parler, de lui dire à quel point elle était irrésistible autour de sa queue. Mais il savait que cela briserait le fantasme qu'elle se jouait dans son esprit.

— Oh, Maître… souffla-t-elle, la nuque renversée.

Rodolphus dut se mordre les lèvres pour ne pas l'insulter. Un mélange de jalousie féroce et d'excitation démesurée s'emparait de lui, le submergeant presque. Comme l'avait dit Lucius, c'était irréel d'imaginer une scène de cette nature avec leur Maître. Et pourtant, Bellatrix et lui avaient probablement été intimes des centaines de fois.

Alors qu'il la possédait, ses mouvements profonds alimentant l'illusion qu'elle voulait entretenir, il ne put s'empêcher de visualiser son Maître dans cette position. L'idée s'insinua en lui, irrésistible et troublante. Il s'imagina à quel point le Seigneur des Ténèbres avait dû prendre plaisir à la baiser, elle, si exquise : gémissante, offerte, extatique.

C'était la première fois qu'il la sentait conquise, quasiment soumise. Avec lui, elle est toute sage, pensa-t-il, partagé entre amusement et une jalousie acide. C'était sa femme, et pourtant, il comprenait, qu'en effet, elle ne lui avait jamais appartenu.

Alors que leurs corps se mêlaient dans une course effrénée, elle laissa échapper un haletant «Oh Maître, je…», interrompu par un cri de plaisir qui retomba doucement dans la pièce. Rodolphus, emporté par le même élan, jouit en elle dans un long râle guttural, son souffle saccadé marquant la fin de leur ébat.

— Putain, t'es tellement bonne, grogna-t-il, incapable de retenir ces mots.

Elle ouvrit alors les yeux et fondit en larmes. Rodolphus resta figé, hébété.

— Bella… murmura-t-il doucement.

Il était encore suffisamment dur pour quelques mouvements supplémentaires. Comme pour se faire pardonner, il ondula un peu les hanches. Les pleurs se mêlèrent à des gémissements réticents.

— Merlin, t'es tellement bandante. Ça m'avait manqué.

— Tais-toi, espèce d'idiot…

— T'as kiffé ma queue, Bella ?

— Mufle…

— C'est toi le buffle, grogna-t-il, avant de s'écrouler sur elle.

Il entendit son «pff» dédaigneux, et cela le fit sourire. Frottant sa barbe naissante contre la peau douce et sensible de ses seins, il ne résista pas à l'envie de prendre le mamelon découvert entre ses lèvres. Sa bouche avide le capturait, tandis que ses mains fébriles parcouraient son corps qu'il adorait à la folie. Elle sentait si bon. Un parfum capiteux aux notes boisées, musquées et obsédantes. L'envie de rebander en restant en elle le submergeait, une pulsion incontrôlable. Il voulait la prendre encore, la faire hurler son nom, la posséder une fois de plus, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'à lui.

Il remonta vers son visage, cherchant à capturer sa bouche avec ses lèvres. Il voulait qu'elle ouvre ses lèvres, qu'elle l'accueille, qu'il puisse ainsi caresser sa langue avec la sienne.

— J'ai envie de te baiser encore, Bella…

— Arrête, Rodolphus… souffla-t-elle, répondant à peine à ses baisers mouillés.

— Je sais que t'en as envie, toi aussi. Je n'ai pas tout à fait éteint ta libido. Regarde tes hanches, elles bougent encore un peu. Dans quelques minutes, je te rebaise, Bella. Merlin, t'es tellement bonne, tellement belle.

Il reprit ses lèvres, l'embrassant plus profondément, plus intensément. Peu à peu, elle répondit à ses avances, et, comme il l'avait prédit, elle ondula de nouveau des hanches contre lui. Rodolphus fit rouler ses tétons entre ses doigts, les pinçant doucement. Il sentit son corps frissonner, son gémissement s'échappant dans sa bouche. Cela eut un effet immédiat sur son sexe, encore en elle, qui tressaillit.

— Comment ai-je pu te délaisser aussi longtemps, ma Bella ?

— Tu es un menteur, un manipulateur, une chiffe molle… répondit-elle, le laissant déposer des baisers brûlants dans son cou.

Ses oreilles, son cou, ses épaules—tout lui avait manqué. Les courbes pleines de ses seins et de ses hanches lui procuraient évidemment un plaisir ineffable, mais ce n'était pas là ce qu'il chérissait le plus. Ce qui l'obsédait, c'était la délicatesse de ses clavicules, la finesse de ses os, l'élégance ciselée de sa bouche ourlée. Elle était faite de longues jambes et de bras effilés, sculptée dans des lignes pures et aristocratiques, tout en contraste entre la pâleur de sa peau et le noir profond de sa chevelure. Elle avait l'allure d'une reine égyptienne d'autrefois, figée dans la blancheur du calcaire, insaisissable et souveraine.

— Je suis désolé, murmura-t-il contre sa peau. Tu es complètement folle, mais je t'aime comme ça.

— Je ne suis pas folle, répondit-elle sèchement.

— Tu couches avec le Seigneur des Ténèbres, déclara-t-il, comme si cela constituait une preuve irréfutable.

Ils échangèrent un regard fait de défi et de mépris, leurs visages tout près l'un de l'autre.

— C'est l'homme de ma vie… avoua-t-elle, d'une voix où la vulnérabilité poignait.

Ce fut comme recevoir un coup de poignard. Rodolphus dut cacher son visage dans son cou pour ne pas montrer à quel point la remarque lui avait fait mal.

— Et moi… ? demanda-t-il, d'une voix étouffée, presque timide.

Bellatrix ferma les yeux.

— Tais-toi et baise-moi.

XxXxXxX

— Il a une grosse queue ?

— Rodolphus !

— Quoi ? Je me suis toujours demandé. Plus grosse que la mienne ?

En disant cela, il glissa une main le long de son membre, encore légèrement gonflé. Ils étaient allongés dans la chambre de Rodolphus, au premier étage, après plusieurs ébats débridés.

Bellatrix était allongée sur le ventre, plus détendue qu'il ne l'avait vue depuis qu'elle était rentrée du Sanctuaire.

— Tu te poses vraiment de drôles de questions.

— Réponds, vilaine.

— Elle est plus grosse que la tienne.

— Vraiment ? Merde.

Bellatrix laissa échapper un rire moqueur.

— Il te baise bien? Tu jouis à chaque fois?

À ces mots, Bellatrix soupira, une lueur de nostalgie attristée voilant ses traits.

— Oui… et si je ne jouis pas, il se rattrape.

— Vraiment?

Rodolphus semblait sincèrement étonné, ses yeux cherchant une confirmation.

— Il… il te… il te lèche?

Bellatrix se redressa légèrement sur un coude, un sourire à la fois espiègle et triste étirant ses lèvres.

— Cela t'étonne?

Rodolphus haussa les épaules, mal à l'aise.

— Non… oui… Enfin, je ne sais pas. Tu le suces aussi?

— Bien sûr, répondit-elle sans hésitation, un éclat presque provocant dans le regard.

— Putain, je suis tellement jaloux.

Rodolphus la fixa, silencieux. Sa Bellatrix. Forte et intrépide. Celle qui avait osé coucher avec le Seigneur des Ténèbres… et tant d'autres choses. Lui, Rodolphus, pourtant peu facilement intimidé, ressentait un mélange étrange de fascination, de jalousie et d'effroi en pensant à Voldemort.

— T'as du cran. Rien que de t'imaginer avec sa queue dans la bouche… Il doit adorer ça.

— Mmh…

Elle baissa les yeux, visiblement perdue dans ses souvenirs. Elle mordillait un peu ses lèvres, comme si elle se remémorait des souvenirs alléchants, et cela fit encore plus gonfler la jalousie de Rodolophus. C'est qu'elle aimait ça, en plus.

— Qu'est-ce que vous faites d'autre ?

— Tout.

Tout ?

— Tout, confirma-t-elle.

— Même un plan à trois ? railla-t-il.

Elle se renfrogna instantanément, et Rodolphus remarqua les larmes qui menaçaient de déborder de ses yeux.

— S'il daigne un jour poser de nouveau les mains sur moi, je ne le partagerai avec personne.

Il sentit la tension acide dans sa voix et se tut un moment.

— Tu t'es mise dans une sacrée merde.

— Merci pour ton sens aigu de l'observation.

Il resta silencieux, puis reprit d'un ton hésitant :

— Où est-ce que… où est-ce que t'es allée ce jour-là ?

Bellatrix détourna les yeux.

Après un long silence, elle releva la tête, les yeux embués de larmes. Elle renifla doucement et essuya ses joues d'un geste impatient.

— Je suis pathétique.

— Non. Je suis désolé. Pour… ne pas t'avoir défendue dans le Sanctuaire. Je m'en suis voulu tous les jours.

Elle ferma les yeux, luttant pour contenir ses larmes.

— Ton premier réflexe était de me défendre, et je t'ai laissée tomber comme un lâche. Je revois encore ton regard, ces grands yeux terrifiés. Comment a-t-il pu ne pas te croire ?

— Je lui ai menti… murmura-t-elle, le menton tremblant.

— Pourquoi ?

Elle baissa de nouveau les yeux, laissant les larmes couler librement.

— Rod… est-ce que je peux te faire confiance ?

Il posa une main ferme sur la sienne.

— Je suis dans le même sac que toi. Il m'a complètement mis de côté. Mon destin est scellé au tien. Je suis ton seul allié, Bella.

Elle inspira profondément avant de parler, sa voix tremblante mais résolue.

— Je dois régler cette histoire. Il y a quelque chose que je dois faire, mais cela signifie quitter la maison une après-midi… et utiliser ta baguette. Narcissa devra aussi m'aider… si elle accepte après ce qui s'est passé.

Rodolphus hocha lentement la tête.

— Tu sais qu'on est morts si on se fait attraper ?

— Oui.

Il acquiesça à nouveau.

— J'ai tellement à me faire pardonner. Comment te dire non ?

— Merci… murmura-t-elle.

Il se rapprocha d'elle, laissant sa main glisser sur son corps nu.

— Pourquoi t'as explosé comme ça avec Geraldine et ta sœur ?

Bellatrix soupira, exaspérée.

— Cette grognasse et son mioche… Qu'elle est sans-gêne. Je ne l'ai pas invitée à venir dans ma chambre.

— Je croyais que Geraldine et toi étiez amies ?

— C'est une idiote. Je la déteste.

Rodolphus esquissa un sourire amusé.

— Et Narcissa ?

Bellatrix baissa les yeux.

— En ce qui la concerne, j'ai honte. Narcissa m'en voudrait pour tellement de choses si elle savait tout. À commencer par son fiancé que tu as fait boire jusqu'à ce qu'il fasse des choses dégoûtantes avec Alecto.

Rodolphus afficha un air faussement coupable.

— C'était drôle… répondit-il simplement.

Elle leva les yeux au ciel.

— Et puis je m'en veux terriblement parce que lors de l'une de ses manipulations mentales, le Seigneur des Ténèbres m'a fait choisir entre sauver Narcissa ou Andromeda. Et j'ai choisi Andromeda.

— Merde… c'est…

Il resta sans voix, échangeant un regard lourd de sens avec elle.

— Tu sais à quel point je respecte notre Maître, mais c'est un sacré bâtard.

Bellatrix esquissa un sourire malgré elle, les yeux encore rougis par les larmes.

— Il est très friand des manipulations mentales. Toute l'année où j'étais avec Greyback, il m'a envoyé quelques-unes de ces visions dont il a le secret, révéla Rodolphus.

— T'envoyer des visions? Mais comment a-t-il accompli une telle chose?

Rodolphus secoua la tête, visiblement troublé.

— Je n'en ai pas la moindre idée… Je ne savais même pas que c'était possible. Mais j'ai fini par comprendre que ce n'étaient pas de simples cauchemars. Trop de détails étranges revenaient en boucle. Et toi… tu étais toujours au centre de la mise en scène.

Bellatrix fronça légèrement les sourcils, interloquée.

— Comment ça ?

— Lorsque je t'ai vue enchaînée au Sanctuaire… nue, offerte comme la vedette d'une pièce de théâtre sordide, ça m'a frappé. J'avais déjà vu cette scène. Je l'avais rêvée des dizaines de fois, l'année dernière. Au début, avec toutes les rumeurs qui circulaient sur toi, j'ai cru que mon esprit me jouait des tours… Mais maintenant, je le reconnais. Ce sens du spectacle, cette mise en scène grandiose… ce n'était pas juste mon imagination.

Un silence s'installa. Bellatrix le dévisagea longuement, scrutant chaque détail de son expression, comme pour déterminer s'il disait la vérité ou cherchait à la manipuler.

— Que voyais-tudans tes cauchemars ? demanda-t-elle finalement.

— Je te voyais principalement te faire tringler par tous les Mangemorts… et par lui.

Bellatrix resta impassible, mais son regard se fit plus perçant.

— Oh.

Rodolphus esquissa un sourire amer.

— Tu l'obsèdes, Bella. Ça me tue de l'admettre, mais je doute qu'il en ait réellement fini avec toi.

Un silence lourd s'installa. Bellatrix détourna les yeux, ses pensées semblant errer loin de lui, avant de murmurer :

— J'espère que tu as raison.

— Quand tu as dit que c'était l'homme de ta vie, tu…

— Je suis amoureuse de lui, je l'aime plus que tout au monde, confirma Bellatrix, sans l'ombre d'un doute ni le moindre remords.

Ça avait le mérite d'être clair. Le poignard s'enfonça un peu plus dans le cœur de Rodolphus. S'il n'avait pas été un homme endurci par la toundra sibérienne et les steppes mongoliennes, peut-être aurait-il pleuré devant elle.

— Et… nous? Qu'est-ce que l'on devient dans tout cela?

— Nous sommes mariés, ce n'est pas quelque chose que l'on peut nous enlever à présent.

Rodolphus baissa les yeux vers sa Marque des Ténèbres, y faisant glisser un doigt distraitement.

— Un peu comme ça. C'est un engagement à vie. Tu portes la Marque. Moi aussi. Nous lui sommes éternellement liés.

Bellatrix hocha la tête, les yeux de nouveau remplis de larmes.

— Je dois trouver un moyen de lui parler… murmura Bellatrix, comme pour elle-même.

XxXxXxX

— Je ne suis pas censée sortir du Manoir Lestrange, lui rappela Bellatrix un soir, alors qu'ils dînaient.

— C'est le mariage de ta sœur, il sait bien que tu vas t'y rendre, tempéra Rodolphus.

— Je suis sous ta surveillance, grommela-t-elle. Tu dois lui demander l'autorisation.

— Comment ? Il ne me convoque plus, ne m'assigne aucune mission. Je n'ai aucun moyen de le contacter.

Bellatrix fit tourner son verre de vin entre ses doigts avant de suggérer, d'un ton presque désinvolte :

— Tu pourrais l'appeler ?

— Non ! s'exclama Rodolphus. De toute façon, il ne viendra pas ! Abraxas Malefoy a des connexions partout au Ministère. Il a le carnet d'adresses le mieux fourni du pays. Il ne pourra pas venir incognito.

Bellatrix resta silencieuse, son regard se perdant un instant dans le vague. Une bouffée de silence tomba entre eux, et dans son regard, c'était comme voir les pétales d'une rose choir, n'attendant que cette nouvelle pour défleurir.

XxXxXxX

— Mon père a invité le Seigneur des Ténèbres.

Sur cette phrase d'apparence anodine, prononcée par Lucius Malefoy, Bellatrix laissa échapper le sucrier qu'elle tenait. Il s'écrasa au sol dans un fracas assourdissant, brisant le silence feutré de la bibliothèque. Tous les invités de Rabastan et Rodolphus se tournèrent vers elle, certains avec un air surpris, d'autres franchement goguenards.

— Un petit souci d'équilibre, Bella ? railla Rabastan, un sourire moqueur aux lèvres.

Bellatrix lui lança un regard noir.

— Pourquoi est-ce que tu n'utilises pas ta baguette ? demanda Amycus Carrow, l'air perplexe.

— Oh… je l'ai oubliée dans ma chambre, répondit-elle d'un ton désinvolte.

Sans un mot, Meeney apparut et entreprit de ramasser les morceaux de sucre éparpillés sur le parquet. Une fois sa tâche accomplie, elle déposa une nouvelle tasse de thé sucré devant Bellatrix, qui la saisit d'une main légèrement crispée. Autour d'eux, les amis de Rodolphus, drapés de noir, restaient silencieux, formant un cercle près de la fenêtre.

Lucius se racla la gorge, reprenant son discours d'un ton sérieux.

— Donc, je disais que mon père a invité le Seigneur des Ténèbres au mariage. Il ne pouvait pas faire l'impasse sur cette invitation. Mais cela complique sérieusement la sécurité de l'événement. Tout le monde sait que le traître était parmi nous au mariage des Rosier.

— Le Seigneur des Ténèbres a accepté de venir ? s'étonna Rodolphus.

— Oui, confirma Lucius, tout gonflé d'importance. Il m'a répondu qu'il ne pouvait pas manquer le mariage d'un Malefoy et d'une Black.

Rodolphus haussa un sourcil.

— Ton père a des connexions haut placées au Ministère. Si ça se trouve, la Ministre de la Magie pourrait s'y rendre ! Tu veux que le Seigneur des Ténèbres débarque en plein milieu de tout ça ?

— Ton père est proche de cette idiote ? intervint Amycus, surpris.

— Mon père est proche de tout le monde, rétorqua Lucius avec une pointe d'agacement. Et c'est précisément là où ça se complique.

Il marqua une pause avant de poursuivre :

— Pour ne froisser personne, le mariage se déroulera en deux temps. D'abord, une petite cérémonie en comité restreint chez les Black, où seuls seront conviés la famille proche, les indispensables du Cercle Restreint… et le Seigneur des Ténèbres. Ensuite, le repas sera servi dans la salle de bal du Manoir Malefoy.

— Ennius Rosier est invité? demanda Rodolphus.

— Évidemment, répondit Lucius, les sourcils froncés, c'est son plus fidèle serviteur.

Bellatrix porta sa tasse brûlante à ses lèvres, ses doigts serrés autour de la porcelaine comme si elle s'y accrochait. Son regard croisa celui de Rodolphus. Un échange muet, lourd de sous-entendus.

Rodolphus secoua la tête, vaincu.

XxXxXxX

Rodolphus dut s'y reprendre à deux fois avant d'appuyer sur sa Marque. Une nervosité inhabituelle le rongeait. Depuis combien d'années n'avait-il pas ressenti une telle fébrilité ? Il était de ces hommes qui affrontaient les pires situations avec bravache et impétuosité, et pourtant, à cet instant précis, il avait l'étrange impression d'être un novice maladroit, un jouvenceau impressionnable.

Il se tenait droit, imposant, dans l'atmosphère feutrée de la bibliothèque. Bellatrix, installée sur le sofa face à lui, affichait ce calme hautain qui lui était coutumier. Inspirant profondément, il pressa sa Marque d'un geste qu'il voulut assuré, mais qui trahissait malgré lui une certaine incertitude.

Le silence s'étira. Une minute s'écoula.

Rien.

— Il ne t'accorde pas l'autorisation de transplaner ? fit-elle, un sourcil légèrement arqué, sceptique.

— Non ! s'exclama Rodolphus en agitant les bras avec impatience.

Un sourire railleur effleura les lèvres de Bellatrix.

— Cela t'amuse ? siffla-t-il.

— Pas le moins du monde.

— Il doit être occupé…

D'un pas vif, il se mit à arpenter la pièce, sa frustration ne cessant de croître. L'attente lui était insupportable. Avant cette mission pénible avec Greyback, jamais les Mangemorts n'avaient eu besoin d'une quelconque permission pour transplaner jusqu'au Quartier Général. Tout avait changé depuis l'assassinat d'Enguerrand Avery.

— T'a-t-il déjà fait patienter de la sorte ? demanda-t-il brusquement, la mâchoire serrée.

— Non, répondit Bellatrix, incapable de réprimer un sourire.

— Ce n'est pas une plaisanterie, Bella ! Je me donne du mal pour toi, ne l'oublie pas !

— Et je ne trouve toujours pas cela drôle, répondit-elle, d'un ton faussement innocent.

— Sommes-nous donc réduits à cela ? Attendre comme de vulgaires recrues de seconde zone !

Les heures s'étirèrent dans une lenteur exaspérante. Ce ne fut qu'au bout de quatre longues heures que Rodolphus reçut enfin l'autorisation de transplaner. Il eut tout juste le temps d'apercevoir l'ombre d'une inquiétude dans le regard de Bellatrix avant de rejoindre le sas pour transplaner.

Lord Voldemort se trouvait dans son laboratoire, absorbé par la préparation méticuleuse de quatre potions différentes. Chacune mijotait dans un chaudron distinct, et leurs couleurs variées créaient un étrange kaléidoscope de reflets mouvants. Rodolphus ne put réprimer une vague d'admiration. Jongler avec autant de préparations simultanément exigeait une concentration et une précision à toute épreuve. Lui-même ne s'en sortait pas toujours avec une seule potion.

Mais son Maître ne daigna même pas lui accorder un regard. L'air impassible, son visage était lisse, sans expression.

— Maître, c'est un honneur de vous voir, dit Rodolphus en s'inclinant.

— Avais-tu quelque chose à me dire ? répliqua Voldemort d'un ton tranchant, sans relever la tête.

— Oui, Maître. Ma femme souhaite savoir si… elle est autorisée à assister au mariage de sa sœur.

Un silence.

Puis, lentement, Voldemort redressa la tête. Son regard, contenant l'accent d'un mépris immanquable, s'attarda sur son serviteur avec insolence.

— Ta femme aurait-elle quelque difficulté à saisir la définition d'une assignation à résidence ?

Rodolphus demeura interdit. Était-ce une plaisanterie ?

— Maître… Ne pas se rendre au mariage de Lucius et Narcissa va faire jaser du monde. Cela ne manquera pas de scandaliser un certain nombre de personnes. Les Black n'accepteront pas une telle absence.

Voldemort esquissa un sourire, un pli ironique tordant le coin de ses lèvres.

— Voilà donc un dilemme fascinant. Redouter l'ire des Black… ou le mien. Un choix cornélien, sans doute.

L'estomac de Rodolphus se serra.

— Mes beaux-parents provoqueront un scandale… Et Walburga Black, elle… elle fera trembler la terre entière !

— Rodolphus, soupira Voldemort, manifestement las. Est-ce tout ? Je n'ai ni le temps ni l'envie de m'occuper de vos insignifiantes querelles familiales.

— Vous refusez catégoriquement. C'est votre décision définitive ? insista Rodolphus, la gorge sèche.

— Bellatrix est assignée à résidence. Mais si cette charge te semble trop lourde, elle peut tout aussi bien être ramenée ici. Les chaînes qui la retenaient autrefois n'ont pas bougé, précisa Voldemort d'un ton faussement aimable.

Un frisson parcourut l'échine de Rodolphus.

— Non, Maître… Je comprends.

— Bien.

Sans plus se soucier de lui, Voldemort reporta son attention sur ses chaudrons, ses mains élégantes reprenant le délicat ballet de la préparation.

Rodolphus, lui, demeurait figé, mal à l'aise. Il avait promis à Bellatrix d'évoquer un autre sujet. Mais le faire maintenant…

Au bout de quelques instants, Voldemort releva les yeux d'un air visiblement agacé.

— Maître… À propos du traître… Avez-vous envisagé que peut-être Ethan Rosier…

— Rentre chez toi, coupa Voldemort.

Rodolphus serra les poings.

— Maître, je…

— Rodolphus, c'est mon dernier avertissement. Si tu n'as pas disparu dans la seconde, c'est toi que j'enferme au Sanctuaire.

L'ordre était implacable.

— Oui, Maître.

Sans demander son reste, il transplana.

XxXxXxX

C'était le grand jour. Le jour du mariage de Narcissa Black et Lucius Malefoy.

Depuis que Rodolphus lui avait rapporté les paroles du Seigneur des Ténèbres, Bellatrix bouillonnait de rage. Une colère sourde, acérée, qui consumait chaque parcelle de son être.

Rodolphus s'était à peine remis de son échange avec son Maître qu'elle l'avait aussitôt confronté :

— Tu dois me ramener auprès de lui, avait-elle exigé dès son retour.

— Pardon ? Tu es complètement folle ?

— Je dois lui parler, avait-elle insisté, les yeux brillants d'une ferveur fiévreuse. Il est en danger. Rosier ne tardera pas à frapper.

Rodolphus lui avait jeté un regard incrédule, l'ombre de ses mèches sombres lui barrant le front.

— Et que crois-tu qu'il fera s'il te trouve devant lui ? Il t'enfermera à nouveau.

— Qu'il le fasse, avait-elle rétorqué avec véhémence. Tout vaut mieux que d'être tenue à l'écart.

Le silence était tombé entre eux, pesant. Rodolphus l'avait observée avec cette expression exaspérée qu'elle lui connaissait bien, oscillant entre lassitude et un semblant d'amusement ironique.

— Tu as des envies de mourir ?

Bellatrix avait redressé fièrement le menton.

— Quelle alternative me reste-t-il ? Croupir ici jusqu'à la fin de mes jours ?

Puisque Rodolphus persistait à refuser, elle avait trouvé un autre moyen de se rendre au manoir des Black. Elle était résolue.

La cérémonie avait lieu au 12, Square Grimmaurd, chez son oncle et sa tante. Privée de baguette, les possibilités de déplacement étaient restreintes. Le réseau de cheminées demeurait scellé, et le transplanage lui était interdit.

Mais Bellatrix avait trouvé la solution.

Meeney, une fois encore, allait lui être d'une utilité redoutable. La petite elfe lui avait assuré qu'elle pouvait, sans la moindre difficulté, la faire transplaner directement au manoir des Black. Ces créatures étaient décidément fascinantes.

Elle n'avait pas hésité longtemps avant de braver l'interdiction du Seigneur des Ténèbres. Ce n'était pas la première fois qu'il érigeait une barrière entre eux, s'obstinant à l'éloigner de lui. Cette fois, certes, sa colère était d'une violence inédite, et Bellatrix savait qu'en le défiant ainsi, elle risquait la mort. Mais, à tout bien considérer, cette perspective lui semblait presque plus enviable que de croupir indéfiniment dans le manoir des Lestrange.

Certes, elle avait retrouvé le confort d'une demeure luxueuse : un matelas moelleux, des bains parfumés, des bibliothèques regorgeant d'ouvrages captivants. Mais tout le reste lui avait été arraché. Ces derniers mois n'avaient été qu'un long tunnel de vide, d'ennui et d'une morne tristesse.

Une douleur dont on ne pouvait se départir l'asphyxiait à chaque fois qu'elle pensait à ces longs mois d'agonie passés au Sanctuaire. Elle nourrissait tant de remords qu'elle bénissait presque d'être séparée de sa baguette. Un tel ressentiment la gagnait lorsqu'elle pensait au bébé qu'elle avait laissé vivre qu'elle se surprenait parfois à imaginer l'horreur, le pire.

Peut-être qu'elle se laisserait gagner par l'idée; peut-être était-ce la seule issue possible. Après tout, elle n'aurait jamais dû être mère. Ce n'était pas dans l'ordre des choses.

Coucher avec Rodolphus était ce qui lui permettait encore de se sentir vivante, incarnée, organique. Comme toujours, elle trouvait un certain apaisement dans son désir brutal et manifeste pour elle. Il la voulait avec une ferveur fébrile, et cherchait à la combler par tous les moyens possibles, comme si sa jouissance pouvait conjurer l'ombre de celui qui hantait ses pensées. Il était devenu presque obsessionnel, se mesurant sans cesse au Seigneur des Ténèbres. Elle le laissait faire. Cela ne le rendait que plus pantelant, plus désespéré de lui plaire. Elle aimait cela.

Et puis, parfois, elle se laissait aller à imaginer d'autres mains, d'autres lèvres sur sa peau. Ce n'était jamais exactement la même chose. Les mains de Rodolphus étaient trop chaudes, le souffle brûlant qui se perdait sur elle rendait sa peau moitie, et ses baisers possessifs l'ennuyaient. Et puis, il parlait trop. Beaucoup trop. Bellatrix lui avait dérobé sa baguette à plusieurs reprises pour le réduire au silence.

Le reste du temps, elle errait comme une âme en peine, suspendue à une attente interminable, l'esprit engourdi par le manque de lui. Un manque viscéral.

Cela ne pouvait plus durer.

Rodolphus et Rabastan étaient déjà partis. Le manoir Lestrange baignait dans un silence absolu, la quiétude trompeuse et caractéristique qui précède les évènements d'importance.

Dans sa chambre, Bellatrix achevait de se préparer sous le regard attentif de Meeney.

Elle l'avait aidée à revêtir sa robe noire, chef-d'œuvre d'élégance et de subtilité. Le corsage, vaporeux et diaphane, soulignait la finesse de ses épaules, ses longues manches fluides épousant la ligne de ses bras dans un retombé élégant par-dessus ses doigts fins. Le tissu transparent était travaillé en délicates arabesques, dessinant sur sa peau le motif brodé d'ailes sombres déployées de part et d'autre de sa poitrine. Le jupon, d'un noir profond, tombait en une cascade soyeuse jusqu'à ses pieds, son ourlet finement brodé de motifs entremêlés. À chacun de ses pas, l'étoffe se soulevait à peine, révélant des chevilles délicates.

Meeney demeurait silencieuse, ses grands yeux dorés oscillant entre admiration et appréhension. Bellatrix attachait une dernière attache dans sa nuque, le regard dur, la mâchoire crispée. Sans baguette, les gestes du quotidien étaient devenus pénibles et contraignants.

L'heure approchait. Meeney s'avança et, sans un mot, lui prit la main avant de les faire disparaître.

XxXxXxX

Dans la chambre de Narcissa, Walburga fut la première à l'apercevoir. Ses yeux s'écarquillèrent sous le coup de la stupeur, et elle s'empressa de s'approcher.

— Bellatrix ! Tu n'es plus souffrante ?

Les deux autres femmes présentes restaient en retrait. L'une, blonde, drapée dans une somptueuse robe de mariée, la contemplait avec une stupeur mêlée de soulagement, un sentiment bien perceptible dans ses yeux clairs avant qu'une vague de rancune acide ne vienne tout recouvrir. L'autre, grande, brune, l'air impassible, se tenait droite et figée.

— Tu daignes donc nous honorer de ta présence ? cingla Narcissa entre ses dents serrées.

— Meeney m'a préparée une potion. Je vais mieux, mentit Bellatrix avec détachement.

L'elfe de maison s'inclina respectueusement devant les trois femmes avant de se fondre dans l'ombre. Druella Black, quant à elle, ne prononça pas un mot. Son regard, empreint de méfiance et de sévérité, détaillait sa fille avec une froide acuité.

— Tu arrives à point nommé, Bellatrix ! Tous les hommes sont déjà réunis au salon, la cérémonie est sur le point de commencer ! s'exclama Walburga, légèrement affolée. Allons-y !

Sans un instant de plus, elles quittèrent la pièce. Cygnus Black attendait sa fille au bas de l'escalier, prêt à accompagner Narcissa jusqu'à son époux. Lorsqu'il posa les yeux sur Bellatrix, une lueur d'étonnement glacé traversa son visage avant qu'il ne laisse tomber, ironique :

— Quelle élégance de ta part que de nous avoir fait attendre, Bellatrix.

Sans prêter attention à la remarque, elle leva les yeux au ciel et emboîta le pas à sa famille. Elle tentait de masquer sa nervosité, mais son cœur battait à tout rompre. Elle ignorait quelle réaction sa présence allait provoquer chez son Maître. Il lui faudrait trouver un moyen de l'isoler, ne serait-ce qu'un instant, pour le supplier à nouveau de lui accorder son pardon et l'inciter à se méfier d'Ethan Rosier.

— Bellatrix, passe devant ! pesta Walburga en atteignant la porte close du salon. Va t'asseoir auprès de ton mari !

Sans ménagement, Bellatrix fut poussée à l'avant, dépassant Narcissa et son père pour se retrouver en première ligne, encadrée par sa mère et sa tante. Elle n'eut pas le temps de reprendre son souffle : la porte s'ouvrit à la volée, dévoilant un salon métamorphosé pour l'occasion. Des notes douces et romantiques s'élevèrent des rubans de soie enchantés qui virevoltaient dans les airs.

Aussitôt, elle le sut. Comme un réflexe instinctif, une pulsion ancrée au plus profond d'elle-même, Bellatrix sentit la présence de Lord Voldemort avant même d'avoir posé les yeux sur lui. Une colère acide lui parvint en un éclair, une émotion brûlante, mais elle se refusa obstinément à croiser son regard.

Devant elle, une allée centrale, recouverte d'un tapis fastueux, menait jusqu'au maître de cérémonie, un sorcier d'âge mûr dont les yeux vitreux trahissaient l'emprise de l'Imperium. À ses côtés, Lucius Malefoy se tenait droit, drapé dans une robe noire brodée d'argent. Derrière lui, la famille Malefoy occupait la gauche de la pièce. Sur la droite, se tenait la famille Black.

Bellatrix croisa brièvement le regard horrifié de Rodolphus avant qu'une nouvelle pression dans son dos ne la contraigne à avancer. Sans un mot, elle se dirigea vers le premier rang, à côté de son mari. À peine arrivée, elle se rendit compte qu'elle allait devoir faire déplacer son Maître pour s'installer à ses côtés.

Elle leva les yeux vers lui. Un instant, elle crut qu'il refuserait. Mais après une brève seconde d'hésitation, tout le rang consentit à se décaler d'un cran, lui laissant juste assez de place pour s'asseoir. L'espace restait néanmoins réduit. Lorsqu'elle se glissa entre Rodolphus et le Seigneur des Ténèbres, elle n'eut d'autre choix que de se coller à l'un d'eux. Elle choisit son Maître.

La tension qui émanait du premier rang était presque palpable.

— Tu es complètement folle, murmura Rodolphus à son oreille.

De l'autre côté de la rangée, Walburga prit place près de son oncle, tandis que Druella s'asseyait au plus près de l'allée centrale.

Les notes de musique prirent un envol plus lyrique. Narcissa s'avança lentement, au bras de leur père. Bellatrix détourna légèrement la tête et aperçut Ennius Rosier et Geraldine, assis derrière elle. Le bébé joufflu de la jeune femme reposait sur ses genoux. Leurs regards se croisèrent et Geraldine raffermit aussitôt sa prise sur l'enfant, resserrant son bras autour de lui avec une possessivité fébrile.

— Bonjour, Geraldine, souffla Bellatrix avec un sourire mielleux.

La jeune femme au teint de porcelaine plissa les yeux avec une méchanceté contenue, mais ne répondit rien.

Pendant ce temps, Narcissa avait rejoint Lucius, et les jeunes époux s'échangeaient des regards niais, les joues légèrement rosies d'émotion. Lorsque le maître de cérémonie invita l'assemblée à s'asseoir, Bellatrix sentit la douceur de la robe de son Maître effleurer son bras.

La voix soporifique de l'officiant, amplifiée par magie, s'éleva dans l'air, accompagnée d'un fond musical discret. D'apparence, Voldemort écoutait d'un air détaché. Mais Bellatrix, mieux que quiconque, savait qu'il était furieux.

Doucement, elle caressa sa cuisse du bout des doigts et chuchota à son oreille :

— Je dois vous parler, mon Seigneur.

Il ne réagit pas. Mais il ne retira pas sa main non plus.

— Après la cérémonie, retrouvez-moi à la cuisine, ajouta-t-elle, s'attardant un instant de plus près de son visage.

D'un ton suave, il se pencha à son tour, et répondit:

— Oserais-tu donner un ordre à Lord Voldemort, Bellatrix?

Le murmure assassin fusa avec une douceur perverse. Quelques convives, alertés par l'échange à voix basse, leur jetèrent des regards en biais. Bellatrix se força alors à détourner son attention vers la cérémonie, les battements frénétiques de son cœur trahissant l'excitation fiévreuse qui se mêlait à sa terreur.

Une fois ou deux, elle lui lança un regard furtif, le cœur serré de le sentir à la fois si proche et pourtant inatteignable. L'envie la consumait—le toucher, l'embrasser, s'imprégner de son odeur. Il lui avait cruellement manqué.

À la fin de la cérémonie, Bellatrix se redressa en même temps que son Maître, bien décidée à ne pas le laisser s'échapper sans lui avoir parlé. Mais à peine avait-elle esquissé un mouvement qu'il fut happé par Ennius Rosier et Abraxas Malefoy.

Derrière elle, Rodolphus ne lui laissa guère le choix. Son bras se referma presque sur elle lorsqu'il lança d'une voix forte :

— Va embrasser ta sœur, Bella !

Contrainte, Bellatrix s'exécuta, rejoignant Narcissa et l'enlaçant brièvement. Sa cadette se tendit, mais finit par se laisser aller à ce contact, murmurant un « merci » lapidaire à son oreille. L'échange fut fugace. Lorsqu'elle se retourna, le cercle d'hommes entourant le Seigneur des Ténèbres s'était encore élargi.

Elle s'apprêtait à s'y glisser lorsqu'un nouvel obstacle se présenta sous les traits de Rabastan. Avec un sourire suffisant, il l'entraîna vers Geraldine Rosier et son insupportable marmot. Sans son mari à ses côtés, la jeune femme paraissait nettement moins assurée.

— Ta scène de l'autre fois était... baroque, lança Geraldine d'un ton doucereux. J'espère que tu vas mieux.

— À vrai dire, je ne me sens pas très bien, maintenant que tu m'imposes la vue de ton horrible mioche, répliqua sèchement Bellatrix. Les gouvernantes n'existent-elles donc pas chez les Rosier ?

— Archienounet n'est pas moche ! s'indigna Geraldine.

— Il a la tête d'un calamar trop cuit, railla-t-elle sans ciller.

Le hoquet scandalisé de Geraldine résonna dans la pièce, et Rabastan dut promptement éloigner Bellatrix avant que l'échange ne dégénère davantage.

Elle se retrouva isolée près de la porte, entre deux groupes engagés dans des conversations feutrées. Son regard se porta instinctivement vers le cercle gravitant autour du Seigneur des Ténèbres. Les bribes de leurs échanges lui apprirent qu'ils projetaient de fumer un cigare magique dans le bureau de son oncle. Le groupe, composé de son père, de son oncle, d'Ennius Rosier, de George Nott, d'Abraxas Malefoy et du Seigneur des Ténèbres, se dirigeait lentement vers la sortie.

Lorsque ce dernier passa devant elle, elle se glissa habilement à ses côtés et murmura :

— Mon Seigneur, je vous en prie, juste un instant…

Il l'ignora avec superbe et continua sa route aux côtés des autres hommes.

— Maître ! s'écria-t-elle.

Un silence suspendit l'assemblée. Tous les regards convergèrent vers elle. Les conversations s'éteignirent. Cygnus et Orion Black, interloqués, s'étaient retournés dans sa direction.

— Puis-je m'entretenir avec vous ? demanda-t-elle d'une voix qu'elle voulait maîtrisée, bien qu'elle sentît le feu lui monter aux joues.

Lord Voldemort s'était immobilisé. Lorsqu'il pivota vers elle, une lueur féroce et fugitive embrasa son regard. Il ne parvint pas à masquer la rage qui couvait en lui. Bellatrix venait de franchir un seuil périlleux. Son impudence semblait ne connaître aucune limite. Non seulement elle avait osé défier son interdiction en se rendant à la cérémonie, mais voilà qu'elle l'interpellait sans retenue, devant l'élite de la société sorcière, en usant du mot qu'il lui avait interdit de prononcer : Maître.

Nombreux étaient ceux, parmi les invités, qui ignoraient qu'elle avait déjà servi le Seigneur des Ténèbres. Elle le savait. Elle savait également qu'ici, en pleine réception, sous le regard des Black et des Malefoy, les deux seules familles dont les patriarches n'étaient pas à son service, il ne pourrait lui faire aucun mal. C'était sa seule chance.

D'une impeccable maîtrise, Voldemort se recomposa un masque de politesse. Son expression s'était lissée en une froide urbanité, et d'un geste fluide, il désigna le hall d'entrée.

— Je vous en prie, Madame Lestrange.

Le groupe sortit du salon d'apparat. À peine la porte franchie, la main glacée de Lord Voldemort se referma sur le poignet de Bellatrix. D'un ton toujours poli, il s'adressa aux sorciers qui s'étaient rassemblés devant la porte.

— Commencez sans moi. Je vous rejoindrai dans quelques instants.

— Très bien, mon Seigneur, acquiesça Cygnus Black, bien qu'un éclat de courroux brûlât dans son regard posé sur sa fille.

Sans un mot de plus, Voldemort entraîna Bellatrix vers la bibliothèque, où son oncle tenait son bureau. Mais au lieu de s'y arrêter, il bifurqua brusquement et l'entraîna dans l'escalier menant au sous-sol.

Ils débouchèrent dans la cuisine. À leur entrée, Meeney et Kreattur interrompirent aussitôt leur préparation de petits toasts, levant vers eux des visages stupéfaits.

— Sortez, ordonna Voldemort.

Les deux elfes disparurent sans demander leur reste.

Bellatrix n'eut pas le temps de reprendre son souffle. En une fraction de seconde, elle se retrouva projetée contre le mur. Un choc sourd résonna lorsque son front heurta la pierre froide. Son bras fut violemment tiré en arrière, immobilisé à un angle inconfortable, tandis que le corps du Seigneur des Ténèbres se pressait contre elle.

— N'as-tu donc aucune dignité ? siffla-t-il à son oreille.

Sa main droite, crispée sur sa baguette, longea lentement son corps. Une douleur fulgurante remonta le long de son flanc, comme si une lame invisible ouvrait sa chair de ses hanches à la naissance de ses seins.

Bellatrix gémit. N'importe qui aurait hurlé sous la souffrance, mais elle ne céda pas. Son seuil de tolérance était bien trop élevé pour cela. À la place, elle se mordit les lèvres jusqu'au sang, des larmes perlant malgré elle au coin de ses yeux.

— Est-ce que tu veux mourir, Bellatrix ?

— Mon Seigneur, si je ne peux plus être à votre service, alors je préfère la mort, répondit-elle, haletante.

D'un geste brutal, Voldemort la fit pivoter. Face à lui, elle leva un regard fiévreux. Il était si proche. Si elle se hissait sur la pointe des pieds, elle pourrait l'embrasser. Voler un baiser ou deux, comme avant.

— Si je le pouvais, tu serais déjà morte, ingrate, siffla-t-il. Mais j'ai réfléchi à une solution plus efficace. Un simple Oubliettes, et tout sera oublié. Tu pourras retourner à ta vie d'épouse soumise auprès de ton mari.

L'horreur s'infiltra dans chaque pore de sa peau. Oublier ? Oublier tout ce qu'elle avait vécu à ses côtés ? Ces mois d'une ivresse ardente où il l'avait choisie, préférée, où il lui avait permis d'être sienne ? Tous ces fragments volés, ces détails infimes qu'elle avait enfermés dans son cœur et chéris avec une adoration sans borne ?

Le timbre de sa voix, plus rauque au réveil, lorsqu'il émergeait d'un sommeil qu'il feignait d'ignorer. Son rire, tranchant et sans retenue, surtout lorsqu'il était dirigé contre elle. La langueur insidieuse de ses caresses, lorsqu'il lui accordait un rare instant de douceur, incapable de dissimuler totalement la fascination qu'il avait pour elle.

— C'est presque une faveur, tu oublierais ainsi ton pire souvenir, poursuivit-il. L'humiliation, la souillure qu'a infligée ce Sang-de-Bourbe sur ton corps. Ses marques indélébiles.

— Je préfère vivre avec cette marque que de vous oublier, Maître.

Elle insista sur le mot interdit, ancrant son regard dans le sien.

— De toute façon, vous m'avez marquée d'une empreinte plus profonde, plus viscérale, que tout ce que ce cafard insignifiant aurait jamais pu me faire.

Son regard s'assombrit. Une ombre fugace passa dans ses traits, mais lorsqu'il reprit la parole, sa voix était d'une froideur chirurgicale.

— Tu ne mérites plus cette marque. Peut-être devrais-tu perdre le bras qui va avec… en même temps que ta mémoire.

Un frisson glacé lui parcourut l'échine, mais Bellatrix n'hésita pas. D'un geste assuré, elle posa ses mains de part et d'autre de son visage, enserrant sa peau blanche et glacée entre ses doigts.

Elle voulait le toucher. Lui rappeler ce qu'ils avaient vécu ensemble. L'empêcher de lui échapper encore.

— La mémoire et l'amour ne sont pas corrélés, murmura-t-elle.

Son souffle se mêlait au sien, et elle sentit l'infime tension qui raidit son corps à cet instant.

— Même si vous m'effacez la mémoire, je continuerai de vous aimer. Et je reviendrai vous trouver.

Elle se rapprocha encore.

— Si vous ne me tuez pas, vous ne vous débarrasserez jamais de moi.

Elle sentit sa main se poser contre elle, effleurant le tissu vaporeux et transparent, juste sous la broderie des ailes noires déployées sur sa poitrine. Sa paume froide traversa la matière fine, traçant un frisson sur sa peau. D'un mouvement lent, il glissa vers le haut, effleurant son sein, où son téton, durci, semblait vouloir percer la maille délicate du tissu.

— Il n'y a plus qu'une seule utilité que je puisse envisager pour toi, Bellatrix… murmura-t-il avec une douceur vénéneuse, tandis que sa main continuait d'explorer sa peau, paume glaciale effleurant la courbe de son sein.

— J'ai déjà accepté d'être votre putain, mon Seigneur…

Un bruit sourd de pas précipités retentit dans l'escalier.

— Laissez ma fille !

La voix impérieuse de Druella Black brisa le silence, et Lord Voldemort recula d'un pas. Avant que Bellatrix n'eût le temps de réagir, sa mère était déjà à ses côtés, l'attirant violemment contre elle.

— Mère, lâchez-moi ! s'indigna Bellatrix, tentant de se dégager de son emprise.

— Non, Bellatrix, tu ne sais pas ce dont il est capable…

Un rire bref, ironique, s'échappa des lèvres de Bellatrix. Au contraire. Elle savait exactement de quoi il était capable.

— Mère, le Seigneur des Ténèbres et moi ne faisions que discuter…

— Tais-toi, idiote ! siffla Druella entre ses dents. Tu n'es pas la première femme qui l'intéresse… et tu ne seras pas la dernière dont il se débarrassera.

Un rictus amusé effleura les lèvres du Seigneur des Ténèbres.

— Pouvons-nous savoir à quoi vous faites allusion, Druella ? demanda-t-il d'un ton poli, presque badin.

La matriarche Black leva les yeux vers lui, la tête haute, un éclat venimeux brillant dans son regard.

— Je sais que vous avez tué le professeur Thenn, chuchota-t-elle furieusement. Et je sais que vous aviez une liaison.

— Mère, taisez-vous ! s'exclama Bellatrix, le cœur battant.

Druella l'ignora. Ses traits étaient crispés sous la fureur.

— Je vous ai entendus, un soir, avant les vacances de Pâques… avant qu'elle ne disparaisse. Elle planta ses yeux dans ceux de Voldemort. Elle vous suppliait. Elle était terrifiée.

Un silence s'abattit sur la pièce.

— Vous ne savez pas de quoi vous parlez, Druella, murmura Voldemort avec une douceur trompeuse.

Bellatrix sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle savait, elle, la vérité. Elle avait vu ce souvenir dans la pensine de son Maître. Ludmilla Thenn n'avait pas été terrifiée. Elle l'avait supplié, certes. Mais c'était pour obtenir son pardon. Elle l'avait drogué. Elle l'avait utilisé. Elle avait tenté de le manipuler, d'amadouer le jeune Tom Jedusor pour mieux le trahir, cherchant à le livrer aux Sept Sorciers. Il avait été sa victime. Pas l'inverse.

— Mère, comment osez-vous vous adresser ainsi au Seigneur des Ténèbres ? s'insurgea Bellatrix.

— Parce que je le connais mieux que toi, Bellatrix ! s'exclama Druella, hors d'elle. Tout le monde feint d'avoir oublié, mais moi, je sais parfaitement d'où il vient. Sa voix trembla légèrement. Je sais quelle engeance l'a vu naître, je sais quelles sont ses ori—

Elle n'eut jamais le temps de finir. La gifle de Bellatrix claqua dans l'air.

Druella vacilla sous la violence du coup, heurtant la table derrière elle. Une main plaquée contre sa joue, elle laissa échapper un hoquet d'incrédulité.

— Comment oses-tu frapper ta mère ? s'étrangla-t-elle.

— Comment osez-vous proférer de telles ignominies ? rétorqua Bellatrix, le souffle court.

Elle brûlait de honte, mortifiée par l'attitude de sa mère. Tout en elle hurlait de se tourner vers son Maître, de lui dire que cette femme n'était qu'une idiote sans cervelle, qu'il ne devait pas l'écouter, que ses origines étaient parfaites, car il était l'héritier de Salazar Serpentard, le Seigneur des Ténèbres, et leur Maître à tous.

Mais les cris de sa mère l'en empêchèrent. Les voix s'élevèrent, tranchantes et furieuses, se heurtant en un tumulte assourdissant. Du coin de l'œil, Bellatrix vit Voldemort esquisser un geste. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit à la volée, et Ennius Rosier ainsi que le père de Bellatrix firent irruption dans la cuisine.

— Maître, vous m'avez appelé… ? s'enquit Ennius, visiblement inquiet.

Les deux hommes s'arrêtèrent net, stupéfaits de découvrir Bellatrix et Druella hurlant l'une sur l'autre, l'air enragé.

Indifférent au chaos, Voldemort se tourna vers Cygnus Black. D'une voix basse, presque paresseuse, il prononça néanmoins des mots qui traversèrent l'agitation comme le sifflement d'un serpent :

— Cygnus, je ne peux que vous enjoindre à mieux contrôler les femmes de votre famille.

Il s'approcha lentement de lui, avec une certaine nonchalance qui rendait ses gestes plus terrifiants encore.

— Entre votre cadette qui épouse un Sang-de-Bourbe et votre épouse qui se permet des déclarations des plus… déplacées, je ne peux que saluer le courage des Malefoy d'avoir contracté une alliance avec une famille aussi peu recommandable.

Cygnus devint livide.

— Mon Seigneur, balbutia-t-il, incrédule, je ne sais pas ce qui s'est passé ici, mais je vous prie d'accepter mes excuses pour l'attitude inqualifiable de ma femme et de ma fille.

Voldemort marqua un temps d'arrêt, puis, d'un pas lent et mesuré, s'avança vers la sortie.

— Vous pouvez bien vous en excuser, lâcha-t-il d'une voix tranchante. Mais ce n'est pas demain la veille que j'accorderai de nouveau l'honneur de ma présence aux Black.

— Mon… Mon Seigneur… !

Bellatrix, qui jusqu'alors vociférait contre sa mère, se tourna vers lui, son cœur bondissant dans sa poitrine. Elle le vit se détourner, le dos droit, la silhouette sculptée dans la pénombre du corridor. Il allait partir.

Dans un élan de panique, elle voulut s'élancer à sa suite, l'arrêter, lui parler encore une fois. Mais Druella, d'un geste brusque, lui enserra le bras, la retenant de toutes ses forces.

— Arrête de lui courir après, espèce de traînée !

Le claquement de la seconde gifle résonna avec violence.

Un cri s'éleva, Druella portant une main tremblante à sa joue meurtrie. Dans la cacophonie des cris de Cygnus et de Druella, Bellatrix n'entendit que le silence méprisant de son Maître.

Il ne lui accorda pas un regard.

D'un pas tranquille, sans se presser, il franchit la porte, Ennius Rosier sur ses talons.

XxXxXxX

Avril 1974,

Edimbourg.

L'immeuble d'Andromeda se dressait, morne et froid, sous le rideau de pluie grisâtre. Bellatrix, déguisée sous les traits de Narcissa, se tenait courbée, sur l'étroit trottoir, les cheveux alourdis d'eau.

Elle prenait quelques minutes pour rassembler son courage.

Depuis le mariage de Narcissa, Bellatrix avait été mise au ban de la famille Black. On lui avait interdit d'assister à la réception du soir organisée au manoir Malefoy. Le scandale entre Druella et le Seigneur des Ténèbres lui avait été entièrement imputé, comme si c'était elle qui avait osé insulter Lord Voldemort.

Elle n'en revenait toujours pas de la folie de sa mère. Et dire que c'était elle qu'on traitait de folle ! Rodolphus s'était renfrogné. Il n'acceptait pas que Bellatrix eût défié leur Maître de la sorte, l'exposant à son courroux.

Toutefois, depuis le mariage, Lord Voldemort était demeuré invisible. Aucune convocation. Aucune mission. Rodolphus, bien que tenu à l'écart, n'avait pas été puni pour ne pas avoir su retenir Bellatrix au manoir Lestrange. En revanche, un ordre était tombé : Rabastan devait quitter leur demeure et élire domicile au château ancestral des Rosier pour une durée indéterminée. Rabastan, embarrassé, presque peiné, leur avait confié que s'afficher à leurs côtés lui porterait préjudice.

Ainsi, Bellatrix et Rodolphus se retrouvaient seuls. Rejetés par les Black. Exclus de l'Ordre des Ténèbres. Évités comme la peste par toute la haute société sorcière.

L'humiliation était cuisante. Pour Rodolphus, insupportable. Cela ne l'empêchait pas, pourtant, de quémander chaque soir une place dans son lit—ce que Bellatrix consentait à lui accorder, selon son humeur.

Elle passait le plus clair de son temps à pleurer. Être réduite à ses glandes lacrymales lui était insupportable. Son ultime tentative d'approche ayant lamentablement échoué, plus isolée de son Maître qu'elle ne l'avait jamais été, elle comprit qu'il ne lui restait plus le choix : elle devait réparer son erreur. De façon très ironique, c'était son Maître lui-même qui lui avait donné l'idée.

Rodolphus avait tenu parole et lui avait prêté sa baguette. Lors de la cérémonie intime à Square Grimmaurd, Bellatrix avait discrètement subtilisé un cheveu de Narcissa. De retour au manoir Lestrange, Rodolphus montait la garde, lui promettant de couvrir son absence du mieux qu'il le pouvait. Bellatrix lui avait assuré qu'elle ne serait partie que quelques heures.

Le moment était venu d'affronter les conséquences de ses décisions insensées. Elle gravit les marches jusqu'au deuxième étage.

Lorsqu'elle frappa à la porte, un jeune homme qu'elle n'avait jamais vu sortit de l'appartement. Il arborait un sourire bienveillant et lui adressa d'un ton emprunté :

— Enchanté, je suis Edward Tonks.

Il lui tendit la main. Bellatrix laissa son regard noir glisser sur lui, sans un geste. Le jeune homme baissa rapidement la main, gêné, tout en souriant bêtement.

— Je vais vous laisser entre sœurs. Andromeda t'attend avec Nymphadora.

Bellatrix hocha brièvement la tête et lui passa devant, prenant soin de refermer la porte derrière elle, laissant l'importun sur le palier. Elle sentit qu'elle reprenait son apparence physique, ses cheveux blonds laissant place à ses boucles brunes.

L'odeur dans l'appartement avait changé. Plus de volutes de fumée, plus de tabac imprégnant l'air.

Elle poussa la porte de la chambre.

— Dromeda ?

Andromeda apparut aussitôt, un large sourire aux lèvres. Sans hésiter, elle la serra dans ses bras.

Le cœur de Bellatrix se contracta douloureusement.

— Oh, Bella… murmura Andromeda en déposant un baiser sur sa joue, ses doigts glissant dans ses cheveux. Viens, viens la voir.

Lui prenant la main, Andromeda l'entraîna à l'intérieur de la chambre.

Près du lit encore défait, une couverture avait été étalée sur le sol, recouverte d'un amas de coussins contre lesquels un bébé était assis, absorbé par le petit gobelet en plastique qu'il tentait de maintenir entre ses mains potelées. Le fin duvet bleu pastel de ses cheveux était presque imperceptible sous la lumière ascendante du matin.

— Nymphadora, chérie, murmura Andromeda d'une voix douce.

Bellatrix ne lui avait jamais entendu adopter un ton pareil. Le bébé, en revanche, si. À peine avait-elle prononcé son nom que l'enfant releva la tête, gazouillant joyeusement à la vue de sa mère.

— Viens, Bella, ajouta Andromeda en s'agenouillant à côté du bébé, tendant une main ouverte pour l'inviter à la rejoindre sur la couverture.

— Euh… oui, répondit Bellatrix, mal à l'aise.

La main chaude et ferme de sa sœur se referma sur la sienne sans hésitation, l'attirant près d'elle. Bellatrix s'empêtra légèrement dans la couverture et se laissa tomber maladroitement à ses côtés.

— Regarde comme elle est belle ! s'enthousiasma Andromeda. Elle aura bientôt huit mois, et elle fait ses dents. Ça la rend un peu grognon, mais sinon, elle est adorable ! Elle dort sans problème, c'est rare, à ce qu'on m'a dit. Et elle mange de tout, surtout les purées de carottes.

— Euh… c'est formidable.

— Regarde, Nymphadora, regarde qui est venue.

L'enfant, occupée à mâchouiller un hochet en plastique, ne lui accorda pas la moindre attention.

— Nymphadora ? releva Bellatrix avec une moue sceptique. C'est affreux.

— Mais non, c'est magnifique ! protesta Andromeda en levant les yeux au ciel. Regarde comme elle est belle.

Elle prit le bébé dans ses bras et couvrit de baisers ses joues pleines et rosées.

— Regarde, chérie, regarde, c'est ta maman.

— Andromeda, je ne suis pas sa mère, protesta froidement Bellatrix.

Andromeda n'écoutait pas. Elle murmurait à l'oreille du bébé, un sourire tendre sur les lèvres, tout en jetant un coup d'œil en coin à Bellatrix. Cette dernière, face à cette scène d'intimité, se raidit.

Le bébé avait maintenant les yeux braqués sur elle. De grands yeux bruns, presque noirs. Son visage en forme de cœur était irrésistible.

Soudain, sa petite main potelée s'agita en direction de Bellatrix—et tous les tiroirs de la commode s'ouvrirent en même temps, projetant une nuée de chaussettes dans les airs. L'une d'elles alla se loger dans le lustre, faisant tinter les ampoules dans un frémissement de verre.

Andromeda éclata de rire.

— Pas encore, Nymphadora ! s'exclama-t-elle d'un ton faussement réprobateur.

Puis, se tournant vers Bellatrix :

— Elle fait ça tout le temps. On va devoir déménager, les voisins nous détestent.

— Tant mieux, cet endroit est affreux.

— Pas de notre faute! Elle rend l'appartement impossible à garder en ordre. Tout est sans cesse chamboulé avec ses petites farces.

— Ça ne change pas vraiment de d'habitude… remarqua Bellatrix.

Andromeda lui donna un léger coup de pied.

— Allez, prends-la un peu, Bella.

Sans lui laisser le choix, elle lui tendit le bébé. Bellatrix, raide et hésitante, n'eut d'autre option que de l'accueillir contre elle.

— Oh ! s'exclama Andromeda.

À l'instant où l'enfant effleura sa peau, ses cheveux virèrent au noir profond—la même teinte d'encre que le jour de sa naissance.

— Elle n'a plus jamais eu cette couleur, souffla Andromeda. Je ne l'ai toujours vue qu'avec des cheveux roses, violets ou bleus.

— Oh… murmura Bellatrix, la gorge serrée.

Si proche d'elle, Bellatrix perçut l'odeur du bébé : un mélange de lait, de carottes et de crème hydratante. Une vague de nausée la prit. Puis, un détail lui sauta aux yeux—la forme de son regard, le dessin de ses arcades sourcilières… exactement les mêmes que ceux de son Maître.

L'enfant et celle qui l'avait mise au monde s'observèrent en silence.

Maintenant qu'elle était là, Bellatrix se souvenait pourquoi elle avait enduré tant de souffrances. Elle ne regrettait pas. Pas encore. Mais un jour viendrait… un jour où Andromeda et le bébé seraient en danger. Elle ne pouvait promettre qu'elle ne viendrait pas défaire ce qu'elle avait fait, reprendre ce qu'elle avait donné, tuer ce qu'elle avait mis au monde.

— Reprends-la, s'il te plaît, chuchota-t-elle.

Percevant son trouble, Andromeda s'exécuta sans un mot.

— Andromeda, je suis venue te dire au revoir… définitivement.

— Comment ça ?

Bellatrix baissa la tête.

— Ton bébé est en danger. Toi aussi. Ton mari également.

Nymphadora gazouillait joyeusement dans les bras d'Andromeda, ses cheveux redevenus bleus. Ses petites mains grassouillettes s'agitaient, cherchant à attraper le fin collier en or en forme de cœur qui reposait contre la peau de sa mère d'adoption.

— En danger de quoi ?

— De moi.

— De toi ?

— En cachant la naissance de cet enfant, j'ai fait un choix… un choix dont je paie aujourd'hui le prix. Je ne peux pas te promettre de ne pas le regretter, dans un mois, un an… ou plus.

Andromeda la fixa, figée, l'incompréhension et l'effroi se mêlant sur son visage. Instinctivement, ses bras se refermèrent autour du bébé, un geste protecteur, presque possessif. Bellatrix eut presque un rictus—cette posture lui rappela brutalement Geraldine. Les mères avaient toutes peur d'elle, décidément.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? murmura Andromeda, l'air horrifié.

— Tu sais très bien ce que je veux dire.

— Alors pourquoi es-tu venue ?

Inspirant profondément, Bellatrix sortit un livre relié de cuir de son sac. L'un des tomes de la trilogie de Ludmilla Thenn.

—J'ai étudié cet ouvrage pendant des mois. Il m'a appris beaucoup sur l'intensification des sorts, en passant par la méditation et les émotions.

Elle posa le livre sur les genoux d'Andromeda.

— Je vais te demander de m'effacer la mémoire.

— Pourquoi ? souffla Andromeda. Pourquoi tu ne t'enfuis pas ? Rodolphus est un malade mental.

— Andromeda…

— Toi aussi, tu es complètement folle.

— Je sais, merci, répondit sèchement Bellatrix en levant les yeux au ciel.

Elle avait entendu cette phrase toute sa vie.

— Quand tu me lanceras ce sort, tu devras penser très fort à ta fille. Je sais que tu es une sorcière puissante. Si tu suis mes instructions à la lettre, ton sort d'amnésie sera indestructible, même pour les plus grands sorciers.

— Bellatrix… Je ne crois pas que tu sois capable de tuer un bébé.

— Je l'ai déjà fait, rétorqua-t-elle sans ciller.

Andromeda blêmit.

— J'ai empoisonné son biberon. J'ai écouté sa mère hurler en découvrant son cadavre.

— Oh, Merlin…

— Une fois ma mémoire effacée, tu devras me stupéfier et placer le livre dans mes mains. Je l'ai transformé en Portoloin. Il me ramènera chez moi dans une heure.

— Et après ? Que cela signifie-t-il pour nous ?

Bellatrix marqua un temps d'arrêt.

— Je ne serai plus un danger pour toi et ton bébé… dans l'immédiat. Il est probable que je devienne ton ennemie. Je t'ai défendue longtemps, même auprès du Seigneur des Ténèbres. Mais tu t'es enfuie. Tu as épousé un Sang-de-Bourbe.

Elle inspira.

— Nos chemins sont définitivement séparés.

— Et Rabastan ? Il sait tout ça ?

— Non. Il ne sait rien.

Un long silence s'installa.

— Tu acceptes ? souffla Bellatrix. Dis-toi que m'effacer la mémoire, c'est sauver ta famille.

Andromeda acquiesça lentement. Elle ne pleurait pas. Elle était figée d'horreur.

— Qu'est-ce qui te retient à eux comme ça ?

Bellatrix plongea son regard dans le sien sans répondre.

— C'est… Lord V… Voldemort, c'est ça ?

— C'est mon Maître, répondit-elle dans un murmure. Je lui appartiens.

XxXxXxX

Lorsque Bellatrix s'éveilla de sa sieste cet après-midi-là, désorientée et migraineuse, au manoir Lestrange, tout souvenir du bébé confié à sa sœur s'était effacé.

Elle ne saurait jamais que, grandissant, la petite fille ne retrouverait jamais la teinte originelle de ses cheveux—ni qu'elle, à son tour, oublierait jusqu'au visage de celle qui l'avait portée. Aucun souvenir, pas même une trace, hormis cette étrange mélancolie qui la saisirait parfois, sans raison apparente, au gré des effluves capiteux d'oud et de patchouli. L'empreinte d'un parfum, vestige d'une présence disparue, d'une ombre mythologique, terrible et obsédante, entrevue jadis, qui ne reviendrait jamais… ou peut-être seulement à l'heure de sa mort.


À suivre,

Merci aux reviews laissées ici.

Le titre de ce chapitre fait écho à l'une des facettes de Bellatrix à laquelle le fandom la réduit trop souvent : sa supposée folie. La Folle, c'est toujours Bellatrix, bien que peu d'éléments dans le canon ne viennent réellement l'attester. Dans ma fic, ce qui pousse son entourage à la qualifier de folle renvoie bien plus souvent à sa passion, sa dévotion et son courage—autant d'émotions qui, chez une femme, sont fréquemment assimilées à de la folie. À vous de juger : une femme trop intense dans ses sentiments est-elle forcément folle ?

Selon mon plan, il ne reste plus que quatre chapitres.

Si vous passez par là, n'hésitez pas à laisser un petit mot. Je les lis tous, et ils me font tellement plaisir. Pour que je puisse vous répondre, n'oubliez pas d'utiliser votre compte FFN.

À bientôt,

SamaraXX