Auteur: lovePEOPLEandCOWBOY
Titre: Inspection
OOO
Un cri effroyable traverse les murs de la chambre alors qu'Isaac vient de se réveiller. Il est en nage et le fait de s'éveiller dans un état de confusion ne l'aide pas à sortir de sa terreur nocturne. Il est perdu dans un lit immense qu'il ne se rappelle pas être le sien. Il se sent mal à l'aise, pas bien, son pyjama lui colle à la peau et les draps sont moites.
Sans pouvoir s'en rendre compte, son esprit le ramène à cette époque où le sous-sol d'une maison sordide dans les bois était sa geôle. Il commence à pleurer en fermant les yeux, la nausée le saisissant au souvenir de la crasse et de la peur bleue qu'il ressentait à chaque fois qu'il fixait cette porte avec l'idée qu'elle puisse s'ouvrir. Quand elle s'ouvrait, ça ne pouvait être que deux choses, soit on lui apportait à manger, soit on l'emmenait pour…
Isaac s'étrangle sur un sanglot au moment où une porte près de son lit s'ouvre, laissant entrer Christopher toujours en pyjama. Il se rapproche en essayant de comprendre le problème.
«Isaac?» Christopher s'agenouille près du lit et son cœur se serre lorsque Isaac s'éloigne de lui, les yeux toujours remplis de larmes. Il ressemble à un animal blessé. «Qu'est-ce qu'il se passe, Isaac?»
Sa question n'est pas entendue et Christopher ne veut pas effrayer le gamin d'avantage alors, il se faufile hors de la chambre pour appeler son mari. Le fait qu'Isaac préfère Peter n'est pas un secret et même si c'est difficile à accepter, Christopher peut comprendre. Isaac n'aime pas moins Christopher, juste que Peter est capable de lui apporter un sentiment de sécurité dans les moments les plus difficiles. Ça ne fait que quelques jours qu'il vit avec eux et ça allait forcément être une épreuve.
Peter est en train de lire le journal en buvant un café quand il entend son mari l'appeler. Inquiet, il abandonne sa lecture pour rejoindre les escaliers puis grimper. Chris l'attend, l'air crispé. Il n'a pas le temps de lui demander quoi que ce soit qu'un pleur éraillé se fait entendre et il comprend.
Isaac pleurniche, caché sous sa couette.
«Salut, gamin.» Dit Peter avec un air décontracté alors qu'il a mal au cœur. «Tu pleures?»
Isaac continue mais plus calmement.
«Viens ici. Je veux comprendre ce qu'il se passe.» Essaie Peter sans être intrusif.
Isaac mâchouille l'oreille de Balto pour s'apaiser puis il s'approche de Peter qui est assis au bord du lit.
Isaac ne parle pas mais il attrape d'une main un bord du t-shirt de Peter. Il se rappelle à présent qu'il n'est plus là-bas, qu'il a réussi à s'enfuir. Peter l'a trouvé près du bois après un accident. L'hôpital les a soignés et maintenant, il vit avec Peter, Chris et Allison.
Tout va bien. Il est dans sa chambre.
«Allison a fait du chocolat chaud,» raconte calmement Peter, «et elle en a laissé pour son petit sorcier préféré.»
Isaac renifle et ses joues sont toujours mouillées. Il ne veut rien avaler. Tout ce qu'il veut, c'est se sentir en sécurité alors il se rapproche encore un peu de Peter, jusqu'à pouvoir poser sa tête contre le bras de cet homme qui l'a sauvé. Isaac ferme les yeux et respire son odeur.
Isaac tressaille quand des doigts viennent se poser sur son scalpe puis il finit par se laisser aller aux caresses réconfortantes.
«Je vais descendre. Tu viens avec moi?»
Isaac s'accroche un peu plus à Peter qui prend ce geste comme une réponse positive à sa question.
Peter se lève et il prend ensuite Isaac dans ses bras. Ils descendent jusqu'à la cuisine où Peter ouvre une armoire et demande à Isaac de choisir une tasse. Toujours dans les bras de l'homme, Isaac tend le bras car il est à la bonne hauteur pour attraper une tasse puis il est déposé sur une chaise près d'Allison.
«Tu as pris ma tasse préférée.» Allison est toujours à table, occupée à déjeuner. «Mais comme tu es devenu ma personne préférée dans cette maison, je veux bien la prêter.»
Le visage d'Isaac s'éclaire immédiatement et Allison l'embrasse sur le front. «J'espère que tu vas aimer mon chocolat.»
Peter remplit la tasse du gamin et dépose un croisant dans une assiette. Isaac ne se fait pas prier et il se jette presque sur la viennoiserie pour l'engloutir à moitié, puis faire de même en avalant plusieurs gorgées de chocolat chaud. Il avale goulument le tout avec satisfaction.
«C'est trop bon!» s'émerveille Isaac, la voix rauque.
«Et il y en a encore?» Demande Chris qui vient rejoindre tout le monde à table.
Isaac engouffre une bonne partie de son croissant, la bouchée est si grosse qu'il s'étrangle presque.
«Mange plus doucement. Personne ne va prendre ton assiette.» Le gronde Peter en frottant le dos du gamin.
Chris embrasse sa fille et ils sont tous à table pour déjeuner. Isaac mâche plus calmement sans vraiment s'imprégner de ce qu'il se passe autour de lui. Ils parlent à trois et ça semble important mais Isaac n'arrive pas à se concentrer suffisamment. Une lourde fatigue s'est abattue sur lui depuis plusieurs jours déjà et le médecin dit que c'est normal et que ça risque de durer encore un peu. Une sorte de contre coup à ce qu'il s'est passé.
«Tu as fini?» Demande Chris et Isaac hoche la tête.
Allison l'embrasse sur la tête car elle part pour l'école.
«Je vais y aller aussi à l'école?» Demande Isaac avec le nez plissé.
«Quand tu seras prêt.» Répond Peter. «En attendant, tu ne bougeras pas d'ici.»
Isaac acquiesce en observant Peter et Chris ranger la cuisine. Il serre Balto dans ses bras en lui murmurant des choses incompréhensibles.
«Je pense qu'il est temps d'aller te laver.» Fait remarquer Peter avec un calme maitrisé. Isaac reste très anxieux quand il doit se déshabiller et le seul qui puisse l'approcher dans sa vulnérabilité la plus absolue est Peter.
Isaac hoche simplement la tête. Peter le soulève et ils partent dans la salle de bain. Alors qu'ils entrent dans la salle de bain, Isaac se crispe mais ne dit rien, serrant un peu plus Balto contre lui.
L'estomac de Peter se noue aux souvenirs de certains détails de l'enquête. Il est normal que le gamin soit nerveux en présence d'adultes. Peter a à cœur de lui prouver que tout le monde n'est pas mauvais. L'homme fait couler un fond d'eau tiède dans la baignoire et il ajoute du bain mousse, suffisamment pour qu'Isaac en soit recouvert.
«Regarde ce que Allison à acheter pour toi.» Dit Peter en attrapant quelque chose sur l'armoire. Il s'agenouille près du gamin pour lui montrer ce qu'il a dans les mains.
Isaac observe le contenu du sac: un bateau, un canard, une passoire, un gobelet, une pieuvre, une baleine,…
«Ce sont des jouets de bain.»
«On peut jouer dans un bain?» Demande Isaac incertain.
«Bien sûr, et tu vas essayer maintenant.» Dit calmement Peter sur le même ton que précédemment. «Je vais t'aider à te déshabiller.» Isaac a encore de nombreuses blessures et attelles qui nécessitent un coup de main et Peter ne fait rien qui puisse l'effrayer mais ça n'empêche pas la tension dans le corps du gamin. Rapidement, des larmes font scintiller ses yeux bleus alors que Peter le déshabille et bientôt, Isaac n'est plus vraiment là. Devenant trop docile alors que Peter finit de le déshabiller. C'est comme si Isaac disparaissait loin dans sa tête, laissant son corps s'actionner automatiquement. Peter le soulève pour le mettre dans l'eau. Isaac n'est plus qu'une poupée que Peter déteste. Le silence est assourdissant.
«Je vais mettre les jouets dans l'eau.» Peter ouvre la petite sacoche en plastique transparente pour répandre son contenu dans l'eau savonneuse. Isaac ne jouera probablement pas avec aujourd'hui. «Il y a tellement de mousse que je n'arrive même plus à les voir.» Peter souffle sur la mousse. «Regarde le bateau.»
Isaac cligne les yeux. Peter prend un gant de toilette et il commence à savonner le gamin. C'est pénible de voir un enfant dans cet état et Peter se demande parfois s'il pourra oublier la tristesse et la souffrance qu'on ressent en devenant le spectateur de ces situations. «Et voilà. C'est fini. Tu vas pouvoir sortir.» Peter se met debout et il transporte Isaac en dehors de la baignoire. Il enveloppe une serviette autour de lui et il le sèche. Isaac tremble. «Tout va bien. C'est fini. Tu vas t'habiller.»
Il faut quelques minutes à Isaac pour émerger. Sa respiration se calme mais reste profonde. Son regard cherche quelque chose autour de lui.
«Il est là.» Dit Peter en tendant Balto à Isaac. Ensuite, il aide Isaac à s'habiller. Le gamin baille à plusieurs reprises et il a du mal à garder les yeux ouverts. Se laver est toujours une épreuve qui le laisse sans force et qui l'oblige à s'allonger quelques instants ensuite.
Isaac est allongé dans son lit, Balto contre sa joue. Peter range la salle de bain, puis vérifie qu'Isaac s'est endormi avant de rejoindre son époux.
«Tu vas bien?» Demande Christopher à Peter qui vient s'asseoir près de lui dans le fauteuil.
«Je… ça m'épuise. C'est comme s'il s'attendait à être maltraité à chaque instant. C'est difficile de faire comme si tout était normal.» Peter se laisse un peu aller sur Christopher.
Isaac a probablement grandi dans un environnement où se faire maltraiter était une chose normale, alors à quoi peut-il s'attendre d'autre s'il n'a connu que ça. Avec le temps, il apprendra qu'il existe des choses plus belles dans la vie.
Ces premiers jours ont été…indescriptibles. Ils s'attendaient aux difficultés mais ils n'imaginaient pas que ça serait si difficile. Ils n'avaient pas mesuré l'immense peur que transportait le gamin.
«Il finira par nous faire confiance. Il te fait déjà confiance.» Dit Christopher en déposant un baiser dans le cou de Peter.
«Peut-être mais ça ne suffit pas. Ce matin, quand il a demandé s'il irait un jour à l'école, je lui ai répondu oui mais en vérité, je me demande s'il en sera un jour capable.S'il ne progresse pas, les services sociaux pourraient nous l'enlever pour le placer dans un centre fermé et…»
Les muscles sur le visage de Peter sont tellement tendus que Christopher peut y voir le début d'une migraine.
« C'est vrai que c'est effrayant mais nous sommes ensemble. On va y arriver. Je pense qu'on fera une belle famille. On est une belle famille. Ne pense plus à tout ça, maintenant.» Sourit Christopher avec un ton apaisant. Il prend la main de Peter pour l'embrasser.
Plus tard, quand Isaac se réveille, il est en meilleur forme. Il sort calmement de son lit et se dirige dans le hall de nuit où il attend un instant devant les escaliers en serrant Balto dans ses bras. Il hésite un instant à descendre. Il ne sait jamais si ses décisions sont les bonnes. Quand il arrive en bas, sa respiration est rapide alors qu'il trouve Peter et Christopher assis dans le canapé.
«Tu as bien dormi?» Demande Peter avec bienveillance et Isaac sait qu'il n'a pas fait de bêtise. Il hoche la tête pour répondre mais il hésite à s'approcher d'eux, alors Christopher tend la main. Isaac se dépêche de la prendre pour aller se lover entre les deux hommes qui l'embrassent et lui ébouriffent les cheveux.
Il n'a jamais été étreint comme ça avant, ni même embrassé.
«On peut aller chercher Allison?» Demande Isaac.
«Ce n'est pas encore l'heure mais tu viendras avec moi, si tu le souhaites. Tu peux essayer les nouveaux marqueurs que j'ai rapportéen attendant.» Proposent Christopher et Peter.
Isaac peut dessiner pendant des heures. C'est par là qu'il s'exprime le plus. Il dessine des choses qu'il n'arrive pas à expliquer, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Cette fois, il est plutôt détendu et c'est un dessin de leur famille qu'il dessine. C'est la première fois, et les deux hommes ne peuvent ignorer l'émotion que les parcourt.
«Là, c'est Allison.» Explique-t-il en montrant un personnage en jupe avec de long cheveux marrons. Elle a un grand sourire sur le visage et elle tient la main du petit garçon sur le dessin. Deux hommes sont dessinés. «Là, c'est toi et là c'est Christopher.»
«Celui-là mérite une place sur le frigo.» Dit Peter en regardant Christopher. Peut-être que c'est lui qui a raison.
Le repas de midi passe puis une partie de l'après midi où ils vont chercher Allison à son lycée. Il aperçoit ses amis pour la première fois, et Allison lui raconte tout à leurs propos. Le soir arrive et il est l'heure pour lui d'aller se coucher.
Allison l'accompagne dans sa chambre ce soir et Isaac lui pose une question:
«Pourquoi les gens se prennent dans les bras ou s'embrassent?» Demande-t-il.
«S'embrasser?» S'interroge Allison.
«Oui. Les bisous.»
Le petit bisous du soir, du matin, pour se dire bonjour ou quand on se quitte. Celui qui ne fait pas mal. Peter et Christopher s'embrassent sur la bouche parfois, et Isaac n'aime pas ceux-là. Cependant, Peter et Christopher ne lui font pas ce genre de baiser, ce n'est que pour eux car ils s'aiment et qu'ils sont grands. C'est ce qu'Allison lui explique mais Isaac ne comprend pas très bien car on l'a déjà embrassé comme ça avant et pourtant, il n'aimait pas ces gens et il n'était pas grand.
« Les bisous témoignent d'une affection entre membre d'une même famille, ou avec des amis. On prend soin des uns et des autres. On s'inquiète pour eux car on s'aime.» Continue-t-elle.
«Moi aussi?»
«Bien sûr qu'on t'aime, gros simplet.» Plaisante Allison. Isaac boude légèrement mais continue son interrogatoire.
«Alors, je suis quoi? Un ami ou de la famille?» La voix d'Isaac est si basse qu'Allison a du mal à entendre.
Allison le serre dans ses bras et l'embrasse sur le sommet de la tête. «De la famille, simplet!»
Un long moment s'écoule.
«Pourquoi?» Demande encore Isaac. Il a du mal à assimiler tout ça.
«On t'aimeet c'est tout!» Insiste Allison qui entend tellement l'hésitation d'Issac dans sa voix que ça lui pique le cœur. «On t'aime comme tu aimes Balto, et plus encore.»
Ils m'aiment.
Ils ne l'embrasseront jamais sur la bouche, n'iront jamais dans le bain avec lui, ne l'empêcheront pas de dormir, ne le laisseront pas avoir faim, ne lui feront pas du mal, ne le toucheront pas là où ils n'aiment pas.
Intégrer l'information est colossal et Isaac reste figé durant quelques instants. «Et plus encore?» Il doit cacher son visage dans l'épaule d'Allison. C'est comme trouver la merveille du monde et déjà craindre de la perdre. C'est très fort ce qu'il se passe en lui et il commence à pleurer contre l'épaule d'Allison.
Le reste du mois passe selon le même schéma, rempli de matins compliqués et de larmes, de questions et d'éclats de rire. Isaac n'est pas difficile mais il a des difficultés à apprendre et comprendre les règles qui sont établies pour lui. La psychologue qu'ils ont trouvé leur conseil de créer une routine qui permette à Isaac de ne pas être anxieux quand ils reprendront le travail. Christopher l'emmène avec lui dans son cabinet vétérinaire et Peter peut l'emmener dans sa réserve de loup où il rencontre Derek. Les premiers jours sont toutefois difficiles et Isaac est anxieux quand l'un des deux hommes n'est pas là. Sa crainte étant que l'un d'eux ne reviennent pas à cause de lui. Rien ne le rassure jamais, pas même les appels téléphoniques. C'est à la fois bouleversant et touchant de voir combien il s'est attaché à eux mais des changements sont notables au fur et à mesure que le temps s'écoule. Isaac accepte les preuves d'affection sans la moindre hésitation, il ne doute plus de leur parole et il est plus détendu dans ce qui est devenu sa maison.
Le jour arrive où l'inspection sociale passe chez eux, où ils vont évaluer l'évolution d'Isaac pour savoir s'il est raisonnable que l'enfant reste avec eux. Isaac a fait de gros progrès mais il a encore énormément de difficultés. Il fait toujours des cauchemars et parfois il est tellement anxieux qu'il régresse.
« Ça va faire plusieurs minutes que t'es devant le miroir de la salle de bain.» Dit Christopher qui se lève juste après Peter. Ce dernier finit par se mouiller le visage vigoureusement pour se réveiller. Il se redresse et Christopher l'attend avec une serviette. Il lui sèche le visage. Peter est cerné et lui n'a pas mieux dormi que son mari. Il se met à rire.
«On ressemble à des zombies.»
Ils rient ensemble.
Isaac dort encore ce qui est plutôt rare alors ils descendent sans faire de bruits. Allison est déjà en bas et elle a préparé du café.
«Elle va bientôt être là.» Dit Allison qui boit sa propre tasse.
«Tout va bien se passer.» Promet Christopher à sa fille et Peter.
«Tout va bien se passer.» Répète Peter d'une voix moins enjouée. Il se rappelle sa bataille pour récupérer la garde de Derek et surtout des incertitudes qui le rendaient fou.
Si Isaac racontait à l'assistante sociale qu'il a toujours peur? Si un parent d'Isaac s'était manifesté pour le récupérer? Si Isaac devait simplement s'en aller.
«Ils peuvent nous l'enlever?» Demande Allison avec des larmes au bord des yeux. Elle ne serait pas reprendre sa vie d'avant, comme s'il n'avait jamais été là. Elle dépose sa tasse pour frotter ses larmes.
«Personne ne va nous le prendre.» Rassure Christopher car c'est la vérité. Isaac fait déjà partie de la famille, non? Le reste n'est que formalité. Il veut tellement y croire et quand il se lève pour enlacer sa fille, ils se consolent mutuellement. Ils pleurent et Peter tend une main par-dessus la table à Allison, l'autre à Christopher. Il serre.
«Tout va bien se passer.» Répète Christopher.
C'est dur de ne pas douter. Il faudrait ne pas être humain pour ne pas ressentir de peur mais pour l'heure, ils doivent rester positifs.
«Pourquoi vous ne m'avez pas réveillé?» Demande Isaac qui se frotte les yeux à l'entrée de la cuisine.
Ils essaient de reprendre consistance. Peter se racle la gorge et il se lève pour rejoindre le gamin. «Tu avais besoin de repos. Aujourd'hui est un jour spécial.»
Isaac prend la main de Peter pour le suivre dans la cuisine où Peter le soulève pour l'asseoir à côté d'Allison.
«Spécial?» Demande Isaac qui se voit servir un verre de lait.
«Tu te rappelles que l'assistante sociale allait venir pour savoir comment tu allais? C'est aujourd'hui.» Lui rappelle Peter. «Elle va te poser des questions.»
Isaac boit son lait alors que les autres essaient de commencer à manger. Christopher tartine de la confiture sur une tranche de pain avant de la déposer devant l'enfant.
«Elle va te poser des questions aussi?» Demande Isaac en regardant Allison.
Elle sourit en observant Isaac savourer sa tartine. «Peut-être et je lui répondrai le plus sincèrement possible.»
On sonne à la porte et ils sont presque surpris. Peter se lève à nouveau pour aller ouvrir.
«Bonjour, je suis bien chez la famille Argent-Hale?» Demande une femme dans une veste plutôt stricte. Peter confirme qu'elle est au bon endroit et lui prie de rentrer. Elle lui rappelle le sujet de sa venue et Peter se revoit quelques années plus tôt quand sa situation était encore précaire mais qu'il se battait pour récupérer son neveu. Aujourd'hui, il a plus de chance de son côté.
«Nous étions occupés à prendre le déjeuner.» Sourit Peter avant de lui indiquer le chemin à suivre.
«Bonjour Isaac.» Dit l'assistante sociale sous le regard de toute la famille qui la scrute. Elle peut sentir leur désarroi. Elle accepte la tasse de café que lui offre Christopher le temps qu'Isaac finisse de manger.
«Comment ça se passe depuis qu'Isaac vit avec vous?» Sa question est ouverte et il n'y a pas vraiment de bonnes ou de mauvaises réponses. Juste la vérité.
«Il a chamboulé nos habitudes.» Dit Christopher.
Elle rigole légèrement. «Ce n'est jamais évident d'accueillir un enfant de cet âge.»
«Je suis toujours sage.» Bredouille Isaac légèrement contrarié.
«J'en suis certaine,» Sourit l'assistante. «Mais il ne s'agit pas que de toi. Je dois aussi évaluer si cette famille est bonne pour toi. Tu comprends?»
Isaac écarquille les yeux mais hoche la tête. Il n'a jamais connu mieux que Peter, Christopher et Allison alors il est plutôt surpris par la question. Il finit de manger en silence, plongé si profondément dans ses pensées qu'il ne les entend plus discuter près de lui.
Elle pose différentes questions. Il s'avère que la prise en charge financière d'Isaac n'est pas un problème. Ils travaillent tous les deux. L'un vétérinaire, l'autre gérant d'une réserve de loup avec à la clé un héritage démentiel. A l'époque, Peter avait dû attendre sa majorité pour obtenir le droit de gérer ses comptes, puis plus tard une véritable stabilité pour récupérer Derek. Son instabilité avait été le souci majeur mais il avait appris à canaliser sa colère et sa rancœur au contact des loups. Plus tard, c'est en rencontrant Christopher qu'il avait appris la douceur. Christopher l'avait apprivoisé à bien des égards et surtout, il lui avait appris à vivre.
Elle s'intéresse aussi à la solidité de leur couple et là, c'est Allison qui intervient. Personne ne remplacera jamais sa défunte mère mais elle raconte avec certitude combien elle est heureuse avec son père et son beau-père. Elle narre des anecdotes, et développe les moments où ils ont toujours été présent pour elle. Elle transpose habilement son souhait qu'Isaac puisse bénéficier de la chance qu'elle a. La conversation s'achève et elle demande à visiter les lieux.
«C'est ma chambre. Elle est à moi tout seul.» Dit fièrement Isaac en entrant à l'intérieur, suivi par la femme qui prend des notes. Il y a des jouets, des peluches, un bureau avec des crayons de couleurs, des marqueurs, un tas de feuille blanche ou déjà dessinée.
«Il aime dessiner?»
«Oui. Il arrive plus facilement à expliquer des choses qu'il ne sait pas formuler est moins frustré avec le dessin.» Explique Peter, les bras croisés sur la poitrine.
Elle hoche la tête puis, «j'aimerais lui poser quelques questions en privé. Où puis-je m'installer avec lui pour qu'il soit plus à l'aise?»
«La véranda. L'endroit est lumineux et ouvert, fleuris aussi. Il aime beaucoup cet endroit quand il cherche un peu de calme.» Lui répond Peter. Christopher hoche la tête.
«Isaac,» appelle Peter, «Tu veux bien montrer la véranda à notre invitée? Nous allons y apporter quelques gâteaux.»
Isaac comprend qu'il va rester seul avec cette femme qu'il ne connait pas et ça le terrorise mais, il sait aussi que toute la famille est dans la maison et qu'il peut les appeler si quelque chose ne va pas. Avec une boule au ventre, il répond que oui. Aussi vite après sa réponse, il se jette contre les jambes de Peter pour le serrer fort contre lui. Peter pense qu'il a changé d'avis jusqu'à ce que le gamin lui demande: «Pas trop longtemps.»
«Promis.» Peter l'embrasse sur le front et Christopher dépose un baiser sur ses cheveux.
La cuisine n'est pas très loin de la véranda et toute la famille tend l'oreille pour savoir comment ça se déroule. Isaac ne semble pas pleurer et cette femme est très douce avec lui. Sans vouloir être curieux, et juste parcequ'il a promis à Isaac de ne pas être long, Peter apporte quelques gâteaux sous la verrière. Isaac est en pleine explication au moment où il entre. Il montre le dessin de leur famille qu'il a fait quelques semaines plus tôt.
«C'est Moi qui tient la main d'Allison. Peter et Christopher nous protègent. Christopher est près d'Allison car c'est son papa et Peter est près de moi. Mais Peter est quand même son papa aussi et ils me font tous des bisous. On est une famille, c'est ce que ça veut dire. Alors, je suis son petit frère et ils sont aussi comme mes papas mais, des papas gentils…»
Isaac ne s'arrête pas de parler et l'assistante sociale l'écoute avec bienveillance. Ils ont tous fait de leur mieux, et en cet instant Isaac prouve combien il a changé en leurs présence. Isaac fait de nouveau confiance, grâce à leur famille.
Isaac fait partie intégrante de cette famille.
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