Cela faisait maintenant trois semaines que le roi était mort et Merlin n'arrivait toujours pas à tourner la page. Pourtant, ce n'était pas la première fois qu'il était responsable de la mort de quelqu'un. Loin de là…
Mais, pour des raisons qu'il n'aurait pas su expliquer, cette fois était différente. Peut-être était-ce à cause de l'expression horrifiée qui s'était gravée sur le visage d'Arthur quand il avait réalisé que son père était mort. Peut-être était-ce le fait de savoir qu'il avait condamné l'ensemble des sorciers habitant à Camelot à un nouveau règne durant lequel leur existence serait interdite.
Peut-être était-ce tout simplement qu'il s'était enfin rendu compte que, depuis son arrivée dans la vie d'Arthur, il n'avait fait qu'empirer les choses, causant sans le vouloir la mort de tant de personnes.
Will.
Balinor.
Freya.
A ces noms s'ajoutaient ceux des personnes dont il avait ruiné la vie sans pour autant les achever, comme Morgana par exemple…
Depuis maintenant plusieurs mois, il était de temps en temps envahi par le sentiment que l'Ancienne Religion avait commis une terrible erreur en faisant de lui Emrys et devait s'en mordre les doigts. A présent qu'il avait tué la personne qu'Arthur aimait le plus, il n'avait plus aucun doute sur le fait qu'Emrys aurait dû être quelqu'un d'autre que lui. La seule chose de bien chez lui était sa magie mais, malheureusement pour tout le monde, il semblait ne jamais faire les bons choix quand il fallait s'en servir: plus il s'efforçait d'arranger une situation, plus celle-ci empirait…
Il fallait qu'il mette un terme à tout ça et qu'il parvienne à mettre sa magie au service d'Arthur tout en faisant en sorte de ne plus être l'intermédiaire entre les deux. Il avait trouvé un sort pour faire exactement ça.
C'était probablement complètement fou comme plan et c'était très certainement dangereux mais… Mais Merlin ne pouvait pas s'empêcher de se demander si ce n'était pas finalement ce que la prophétie voulait. Après tout, il avait juste été dit qu'il protègerait Artur de sa magie et lui permettrait d'accomplir son destin, non? Tant que sa magie faisait le boulot, il n'avait pas vraiment besoin d'être là, n'est-ce pas?
0o0o0o0o0o0
Il s'était débrouillé pour lancer le sortilège sur une multitude d'objets possédés par les personnes qu'il souhaitait protéger. Pour certains, ça avait été un jeu d'enfant. Pour d'autres, beaucoup moins…
Pour les chevaliers et Arthur, il n'avait pas eu à chercher très loin: il lui avait suffi de se glisser dans l'armurerie durant la nuit et d'enchanter leurs épées. Il avait hésité quelques instants entre ça et l'armure mais s'était finalement décidé sur l'épée car il arrivait beaucoup plus fréquemment aux chevaliers de se balader sans armure que sans arme. Pour Arthur, il avait en plus lancé le sort sur sa couronne pour s'assurer qu'il serait protégé dans un maximum de scénarios différents.
C'était pour Gwen et Gaius que cela s'était avéré plus compliqué. Il n'avait pas réussi à identifier d'objet que ces derniers portaient en permanence sur eux et avait donc dû trouver quelque chose à leur offrir qui puisse servir de point d'ancrage pour le sortilège; en l'occurrence, il avait choisi des bracelets de cuir. Le plus dur avait été de les leur donner sans éveiller leurs soupçons.
Il ne pouvait qu'espérer qu'ils l'avaient cru quand il leur avait dit que les bracelets étaient un cadeau de sa mère qui voulait les remercier pour ce qu'ils avaient fait pour Merlin.
Il ne lui restait plus maintenant qu'à laisser le sort agir et, dans peu de temps, il n'aurait plus à s'inquiéter de quoi que ce soit.
0o0o0o0o0o0
«Quelle est cette marque que tu as sur le cou?»
Merlin sursauta, lâchant le foulard qu'il avait été sur le point d'attacher autour de son cou pour justement cacher la marque, et se retourna, trouvant Lancelot à quelques mètres de lui.
«Tu m'as fait peur, Lance! Je ne t'avais pas vu…»
Le chevalier haussa les épaules, clairement peu perturbé par les reproches de son ami, préférant se concentrer sur ce qu'il voyait sur la peau de l'autre jeune homme:
«Tu n'as pas répondu à ma question: quelle est cette marque étrange? Il ne me semble pas l'avoir déjà vu auparavant…»
La marque en question était rouge sang et était formée d'une multitude de cercles de différentes tailles enchevêtrés les uns dans les autres. Merlin n'était pas étonné que Lancelot n'ait jamais vu de marque comme celle-ci avant ça: tout d'abord parce qu'avec la loi anti-magie, celle-ci était rarement utilisée de manière aussi visible, mais également parce que rares étaient les personnes prêtes à payer le prix de ce sortilège en particulier.
Merlin tenta d'adopter une expression nonchalante tout en donnant l'excuse qu'il avait préparée ou cas où si quelqu'un voyait sa marque et commençait à poser des questions:
«Ce n'est rien d'important… Une jeune sorcière m'a lancé un sort : pendant quelques semaines, j'aurai ce truc sur la peau et des démangeaisons, puis ça disparaitra tout seul.»
C'était quelque chose qu'il avait vite compris après son arrivée à Camelot et dont il n'avait pas manqué de se servir depuis: la plupart des gens ne connaissant strictement rien à la sorcellerie, absolument n'importe quoi pouvait être mis sur le compte de la magie… La seule personne qui ne pouvait pas être dupée par ce genre d'excuse était Gaius.
«Qu'est-ce que tu lui as fait pour qu'elle en vienne à te lancer un tel sort?» demanda Lancelot, perplexe.
«Je ne lui ai rien fait!» se défendit Merlin en riant. «C'est juste qu'elle a encore du mal à contrôler sa magie et quelquefois des accidents peuvent se produire…»
Il y eut un moment de silence durant lequel Lancelot observa son ami avec précaution, cherchant à déterminer si celui-ci lui cachait quelque chose. Au bout d'un moment, il reprit la parole et murmura:
«Tu me le dirais s'il t'était arrivé quelque chose de grave, n'est-ce pas? Tu ne le garderais pas pour toi?»
«Bien-sûr.» mentit le sorcier en lui faisant un grand sourire.
0o0o0o0o0o0
La première fois que le sort avait été activé était durant une des séances d'entrainements des chevaliers. Perceval et Gwaine étaient en train de se battre alors que les autres les observaient, en commentant de temps en temps. Ils avaient déjà échangé quelques coups sans importance tout en faisant attention à ne pas blesser l'autre.
Pour être tout à fait honnête, Merlin ne les regardait même pas: il les avait déjà vus se battre des centaines de fois et préférait se concentrer sur l'ouvrage de botanique que lui avait prêté Gaius. Soudain, il ressentit une douleur brutale dans son ventre comme si quelqu'un venait de lui asséner un coup de massue. Il en eut le souffle coupé pendant plusieurs dizaines de secondes et eut un mal fou et se retenir de pousser un cri de douleur.
Quand il put à nouveau respirer à peu près normalement, il releva la tête et vit que le combat s'était arrêté et que tous les chevaliers s'étaient regroupés autour de Perceval, une expression inquiète sur le visage.
Il se leva, en s'efforçant de ne pas grimacer à cause de la douleur, et s'approcha du groupe pour demander ce qu'il se passait.
«Gwaine a voulu porter un coup et n'a pas vu à temps que Perceval avait fait un pas sur le côté. Il s'est pris un puissant coup d'épée dans l'abdomen… Vu l'intensité du coup, ça m'étonne qu'il ne soit pas plié en deux, en train de vomir…» expliqua Léon, d'une voix inquiète.
Contrairement à Merlin, Perceval avait une très bonne mine et ne semblait absolument pas nauséeux. Il sourit aux autres pour les rassurer et affirma:
«Honnètement, ça va: je n'ai rien senti…Nul besoin de s'inquiéter pour moi…»
«Comment est-ce que tu pourrais n'avoir rien senti?» le coupa Gwaine, les traits déformés par sa culpabilité. «J'ai du mal à croire que tu ne te sois pas cassé une côte à cause de moi…»
Perceval lui lança un regard tendre et posa sa main sur l'épaule de l'autre chevalier, souhaitant le rassurer sur le fait qu'il allait bien et que ce n'était pas grave.
«C'est juste un petit accident: je n'ai pas esquivé assez vite et le coup était un peu plus fort que prévu. Ça arrive et tu n'as vraiment pas besoin de t'en vouloir pour ça.» Pour illustrer la bénignité de l'évènement, il défit sa ceinture, souleva sa côte de maille pour montrer l'absence de marque sur sa peau et taquina Gwaine. « Regarde, clairement tu surestimes ta force: ton corps n'était même pas assez puissant pour me faire une marque!»
Ce soir-là, quand Merlin se déshabilla, prêt à aller se coucher après une longue journée passée à se retenir de gémir de douleur à chaque fois qu'il effectuait le moindre mouvement, il vit qu'un énorme hématome violacé s'était formé à la limite entre son thorax et son abdomen. Peut-être que Gwaine n'avait pas tant que ça surestimé la force de ses coups, finalement…
0o0o0o0o0o0
La fois suivante, Merlin réalisa beaucoup plus rapidement que le sort était en train de s'activer. Arthur, Gwen et lui était en train de se balader dans les rues de Camelot, discutant des propos qu'avait eu un des membres du conseil le matin-même. Enfin, Gwen et Arthur discutaient de ça.
Merlin, lui, était perdu dans ses pensées. Il ne pouvait s'empêcher de se demander combien de temps le sort allait continuer de s'activer avant d'enfin arriver à sa phase finale. Ce dont il n'avait pas bien pris conscience quand il avait lu la description du sort dans le grimoire, était que tant que le sort ne s'était pas achevé, son corps était plus ou moins mis en pause: rien ne pouvait le tuer et il ne pouvait pas non plus guérir de ses blessures. Il s'en était rendu compte deux semaines plus tôt après qu'un assassin, venu s'en prendre à Arthur (comme d'habitude en somme), ait plongé un poignard directement dans le cœur de Merlin: il avait survécu sans avoir besoin d'utiliser de la magie pour se soigner mais la plaie n'avait absolument pas changé durant les deux dernières semaines et continuait de saigner, l'obligeant à ne porter que des hauts rouges afin que cela ne se voit pas trop.
Une part de lui,une infime part de lui, était impatiente et voulait juste que ça se termine. La plaie causée par l'assassin et l'hématome dû au coup que Perceval avait reçu lui faisaient mal en permanence et la douleur n'était que majorée dès qu'il bougeait. Pire que ça, ayant perdu une quantité non négligeable de sang ces deux dernières semaines, il commençait à se sentir un peu essoufflé et avoir des vertiges. Il ne savait pas trop s'il allait pouvoir tenir longtemps dans un tel état sans que quelqu'un ne le remarque.
Le reste de lui chérissait cet hématome et était reconnaissant pour cette douleur: après toutes les horreurs qu'il avait causées, après ce qu'il avait fait à Arthur, souffrir un peu était vraiment la moindre des choses. Il méritait bien plus que ça…
Peut-être que c'était parce qu'il réfléchissait à tout ça qu'il n'avait pas vu l'homme dont le visage était masqué par la capuche de sa cape s'avancer suspicieusement vers le Roi, tenant quelque chose de métallique dans sa main droite.
Peut-être qu'il était tant affaibli par son anémie qu'il ne l'aurait pas vu même s'il avait fait plus attention à ce qui l'entourait.
Difficile de dire. Mais peu importait au final… Ce qui comptait, c'était qu'il n'avait pas réagi à temps. L'inconnu avait réussi à s'approcher d'Arthur et avait donné un coup avec son poignard, visant le cœur de ce dernier. Heureusement, Gwen, elle, avait perçu le danger et s'était précipitée pour protéger son ami: le poignard plongea dans l'abdomen de la jeune femme au lieu d'atteindre le cœur du monarque.
A la surprise de Gwen et de pratiquement tous ceux qui observaient la scène, aucune de sang de se forma, pas même lorsqu'elle retira l'arme de son abdomen: il n'y avait aucune plaie. C'était comme si l'arme ne l'avait jamais touchée, et, ce, alors que quelques secondes plus tôt le poignard avait été profondément enfoncé dans son ventre.
«Je ne… Je ne comprends pas… Je n'ai même pas pal…» murmura-t-elle, confuse. «Je devrais avoir mal, non?»
Arthur la regarda quelques instants, aussi perdu qu'elle, avant de se reprendre et de s'empresser de mettre hors d'état de nuire celui qui avait tenté de l'assassiner. Quand cela fut fait, il se retourna vers Gwen et lui conseilla d'aller voir Gaius afin d'essayer de déterminer ce qui avait pu se passer. Ils étaient tous deux si préoccupés par ce mystère qu'ils ne se rendirent pas compte que leur ami n'était plus avec eux.
Merlin, dès qu'il avait vu que Gwen allait bien et qu'il avait réalisé que le sort s'était à nouveau activé, s'était discrètement éloigné et avait trouvé refuge dans une petite ruelle, à quelques dizaines de mètres de là. Il se laissa tomber sur le sol dès qu'il le put, se mordant le poing pour s'empêcher de gémir de douleur. Il n'avait pas besoin de soulever son haut pour savoir qu'il devait à présent y avoir une plaie de plus… Génial…
0o0o0o0o0o0
Gaius avait été perplexe quand Gwen lui avait raconté ce qui s'était passé avant de réaliser que Merlin devait avoir utilisé sa magie pour sauver son amie. Evidemment, il n'avait pas pu dire ça étant donné que la magie était illégale à Camelot et s'était contenté de dire que la Magie était partout et agissait parfois de manière bien mystérieuse.
Lorsque son protégé était rentré le soir même, il lui avait demandé pourquoi il avait fait quelque chose d'aussi visible que d'empêcher la plaie de se former, au lieu de simplement faire trébucher l'assassin comme il le faisait d'habitude quand il se retrouvait dans ce genre de situation.
«Je n'ai pas réalisé que Arthur était en danger avant qu'il ne soit trop tard. Je n'ai pas eu le temps de faire ça.» avait nonchalamment expliqué Merlin, comme si ça n'avait pas vraiment d'importance. «Le faire trébucher ou lui faire lâcher son arme n'aurait pas été assez discret et aurait rendu les gens suspicieux».
« Donc, à la place, tu as accompli un acte incroyablement compliqué et spectaculaire de sorcellerie devant le Roi?» avait demandé Gaius, sceptique.
Merlin avait haussé les épaules et avait rétorqué: «Sur le coup, je n'ai pas trouvé d'autre solution. Je ne pouvais pas la laisser mourir…»
Gaius avait été interpelé par la fatigue qu'il avait entendu dans la voix du jeune sorcier et l'avait alors observé avec précaution, notant à ce moment-là des choses qu'il aurait dû remarquer bien plus tôt: Merlin était beaucoup plus pâle que d'habitude et avait d'épouvantables cernes autour des yeux. Il semblait également avoir perdu du poids; suffisamment en tout cas pour que ses habits ne lui aillent plus et qu'il paraisse flotter dedans.
Pour la première fois, il se demanda si tout allait bien pour Merlin et s'il pouvait l'aider d'une manière ou d'une autre. Cette fois-là fut la première, mais ça ne fut certainement pas la dernière.
0o0o0o0o0o0
Toutes les fois où le sort s'était activé n'avaient pas été aussi spectaculaire que pour celle de Gwen. Celle de Gaius par exemple avait été une blessure des plus banales et clairement beaucoup moins douloureuse que l'hématome de Perceval et le coup de poignard reçu par Gwen. A vrai dire, Merlin n'aurait pas pensé qu'une blessure aussi petite suffirait à déclencher le sort…
Gaius avait été en train de verser dans une fiole une potion contre les mauvais rêves qu'il venait faire mijoter, quand la casserole lui avait échappé des mains et une partie du liquide s'était déversé sur ses mains. A sa grande surprise, il n'avait ressenti aucune douleur et sa peau était restée indemne. Il en était resté bouche bée quelques instants avant d'essayer de se convaincre que c'était peut-être juste que le liquide n'avait pas été aussi chaud qu'il l'avait cru.
A partir de ce jour-là, Merlin fut obligé de porter en permanence des gants afin de cacher les cloques.
0o0o0o0o0o0
La fois suivante concerna en fait deux chevaliersen même temps, ce que Merlin n'aurait pas cru possible : Léon et Elyan. Les deux chevaliers avaient mangé la veille avec deux autres chevaliers venus de Nemeth, avaient passé une soirée très agréable à échanger des anecdotes sur les différentes créatures magiques contre lesquelles ils s'étaient battus, puis ils étaient allés se coucher. Ils avaient été surpris quand, en plein milieu de la nuit, un garde était entré en trombe dans leur chambre pour vérifier qu'ils étaient encore en vie.
Après avoir pris quelques minutes pour se réveiller correctement et pour calmer le garde qui était complètement affolé, ils étaient parvenus à comprendre que le repas qu'ils avaient mangé quelques heures plus tôt avait été empoisonné et les deux autres chevaliers étaient morts. Alarmés, ils s'habillèrent rapidement et se dirigèrent vers le bureau de Gaius, souhaitant s'assurer qu'ils n'allaient pas eux aussi mourir. Ils y retrouvèrent Gwaine et Lancelot qui avaient été ceux qui avaient trouvé les corps des deux chevaliers empoisonnés et qui étaient en train de discuter avec Gaius de ce qui avait pu se passer.
Le médecin les examina longuement et leur posa de nombreuses questions sur ce qu'ils avaient mangé et ce qu'ils ressentaient, avant de conclure d'une voix perplexe:
«Vous semblez être en parfaite santé et ce alors que vous avez apparemment vous aussi mangé de la viande qui avait été empoisonnée… Je ne saurais absolument pas vous dire pourquoi le poison n'a pas eu d'effet sur vous.»
Léon et Elyan étaient soulagés de savoir qu'ils étaient sains et saufs et remercièrent le vieil homme pour son aide. Alors qu'ils étaient train de se rhabiller, Gwaine prit soudainement la parole et demandaen fronçant les sourcils:
«Pourquoi est-ce qu'ils ont cette marque sur le ventre? Je suis à peu près sûr qu'ils ne l'avaient pas quand on s'est baigné dans le lac il y a une semaine…»
Léon et Elyan regardèrent immédiatement leur ventre, tentant de comprendre de quoi parlait leur ami, et furent choqués de découvrir qu'il avait raison et qu'il y avait effectivement une étrange marque qui était petit à petit en train de se former sur leur peau. La marque en question était en une sorte d'enchevêtrement de cercles de différentes tailles, avait à peu près la taille de leur paume, et était située au niveau de leur estomac.
«C'est la… C'est la première fois que je vois apparaitre cette marque…» balbutia Elyan, alarmé. «Comment a-t-elle pu apparaître? Est-ce que c'est un signe que nous avons été empoisonnés?»
Gaius secoua la tête tout en observant la marque avec une expression fascinée sur le visage, avant de déclarer qu'il n'en savait rien et qu'il allait effectuer des recherches sur le sujet.
Personne ne le remarqua mais, à partir du moment où Gwaine avait fait remarquer l'existence des marques, le visage de Lancelot s'était tordu d'inquiétude: il ne pouvait s'empêcher de se dire que ces marques semblaient affreusement similaires à celle qu'il avait vu sur la peau de Merlin.
0o0o0o0o0o0
Le lendemain matin, alors que Gaius était plongé dans un volumineux grimoire, il entendit quelqu'un taper contre sa porte. Il indiqua à la personne d'entrer et le porte s'ouvrit sur Lancelot dont l'expression sérieuse alarma le vieil homme.
«Je suis navré mais Merlin n'est pas en état de sortir de sa chambre pour le moment: il est toujours malade.» expliqua Gaius en fronçant les sourcils.
Malade était un mot particulièrement faible pour décrire l'état dans lequel était le jeune sorcier: la dernière fois que Gaius l'avait vu, il avait été en train de se tordre de douleur et son teint était pratiquement cadavérique. Cela avait commencé en début de nuit précédente et le vieil homme ne savait toujours pas ce qu'avait son protégé ou ce qu'il pouvait faire pour l'en soulager…
«Je voulais vous voir vous, et non Merlin, aujourd'hui.» corrigea Lancelot. «J'ai des informations qui pourront peut-être vous intéresser.»
Gaius lui indiqua d'un geste de la main de s'asseoir à côté de lui et attendit que le chevalier reprenne la parole.
«Il y a environ un mois je pense, j'ai remarqué une marque étrange sur le cou de Merlin. Elle ressemblait beaucoup à celle que nous avons vu cette nuit apparaitre sur le ventre de Léon et Elyan. Quand je lui ai demandé ce que c'était, il m'a donné une excuse qui était assez peu crédible mais je n'ai pas voulu insister, pensant qu'il m'en parlerait davantage quand il s'en sentirait prêt. Est-ce que vous savez ce que signifie cette marque?» demanda Lancelot.
Le vieil homme fit non de la tête d'un air désolé: «La marque est également apparue sur moi, après que je me sois brûlé les mains en préparant une potion.» Il enleva ses gants (gants que Lancelot n'avait même pas remarqué qu'il portait jusque-là) et montra l'enchevêtrement de cercles couvrant ses deux mains. «Malheureusement, comme je l'ai expliqué cette nuit, je n'en ai absolument aucune idée…»
«Je croyais que vous aviez simplement dit ça parce que ça avait un rapport avec de la sorcellerie et vous préfériez ne pas en parler devant des chevaliers.» admit Lancelot.
«Ça aurait effectivement pu être le cas.» concéda Gaius. «Mais non, cette fois, je n'ai véritablement aucune idée sur ce que peut être cette marque. C'est pour ça que je suis en train d'effectuer des recherches -être pourriez-vous m'aider? A deux nous irions plus vite.»
Lancelot accepta sans hésiter et se mit aussitôt à lire le grimoire que lui tendit Gaius.
0o0o0o0o0o0
Arthur avait beau l'insulter et le traiter régulièrement de mauviette, Merlin avait jusque-là pensé que, depuis son arrivée à Camelot, il avait développé une très haute tolérance à la douleur. Après tout, il s'était habitué à recevoir des coups, qu'ils aient été donnés par des ennemis de la couronne ou par Arthur lors d'une séance d'entrainement. Il avait appris à faire comme si de rien n'était et à continuer de travailler normalement même après avoir été poignardé ou mordu par un Serket.
Après que le sort se soit activé pour Léon et Elyan, il dut revoir à la baisse l'image qu'il se faisait de sa tolérance à la douleur. Peut-être que, finalement, Arthur n'avait pas si tort que ça quand il se moquait de lui… Parce que depuis que le poison avait commencé à faire effet, il avait l'impression que quelque chose était en train de ronger progressivement son estomac et ses intestins.
Il lui avait fallu trois jours pour enfin réussir à se lever de son lit, cinq pour pouvoir marcher plus de dix mètres, dix pour pouvoir recommencer à travailler. Par il ne savait quel miracle, Gaius l'avait cru quand il lui avait dit qu'il était malade et n'avait pas cherché à l'examiner; heureusement, parce que Merlin ne voyait vraiment pas comment il aurait pu expliquer les plaies non cicatrisées sur son cœur et son abdomen, son hématome et ses brulures sur les mains…
Au bout de dix jours, donc, il avait pu se remettre à travailler. Bien-sûr, à cause du sort, la douleur n'avait pas disparu (elle n'avait même pas diminué à vrai dire…) mais Merlin arrivait plus ou moins à l'ignorer et à se concentrer sur ce qu'il devait faire.
Il avait presque honte de penser comme ça, mais souvent, il ne pouvait s'empêcher de se répéter ''cinq de fait, plus que trois et je serai tranquille'' pour se motiver.
0o0o0o0o0o0
Lancelot fut celui qui découvrit la signification des cercles. Il ne comprit pas le sort dans sa globalité (au grand soulagement de Merlin) mais il réussit à déterminer que c'était un symbole de protection extrêmement puissant. Avec Gaius, ils en déduisirent que les marques étaient apparues sur la peau de Gwen, Perceval, Léon, Elyan et Gaius après que le sort se soit mis en marche pour les sauver d'une blessure, voire d'une mort certaine.
Cette partie de leur déduction était vraie. Ce qui ne l'était pas cependant, c'est quand ils crurent que Merlin avait cette marque parce qu'il avait lui aussi été protégé par le sort.
Evidemment, Merlin ne chercha pas à les détromper.
Ensemble, ils testèrent l'impact du sortilège en réalisant de petites entailles sur la peau du vieil homme, s'émerveillant lorsqu'aucune plaie n'apparut. Ce dont ils ne se rendaient pas compte était que Merlin ressentait la douleur causée par ses coupures (aucune plaie n'apparut sur son corps étant donné que le sort avait déjà été activé pour Gaius mais la douleur persista).
Une chose qui surprit Merlin fut la conversation qu'il eut avec le vieux médecin dans la soirée qui avait suivi la découverte des effets du sort.
«Je pense que tu devrais parler du sort à Arthur, Merlin.» avait-il déclaré, faisant sursauter le jeune homme.
«Pourquoi donc? Le sort ne semble pas dangereux: pourquoi risquer d'attirer les foudres de la couronne sur un sorcier qui semble avoir de bonnes intentions?» avait-il demandé, perplexe.
«Si le Roi avait encore été Uther, j'aurais été de ton avis. Mais Arthur est beaucoup ouvert d'esprit que ne l'était son père et je pense sincèrement que voir de la magie utilisée d'une manière aussi positive pourrait l'aider.» avait expliqué Gaius.
Merlin avait réfléchi un instant aux propos de son mentor avant d'en venir à la conclusion qu'il avait probablement raison et qu'étant donné que le sort avait déjà été mis en route, il n'y avait plus vraiment de risque. Au pire, même si Arthur réalisé d'une manière ou d'une autre que Merlin était celui qui avait lancé le sort et décidait de l'exécuter à cause de ça, le sort continuerait malgré tout son effet (Merlin ne savait pas si ça voulait dire que le sort continuerait de s'activer même après sa mort ou si le sort le maintiendrait en vie jusqu'à ce qu'il se soit activé pour tout le monde. Très honnêtement, il préférait la première solution).
«Dans ce cas, il faudrait sûrement que nous allions le voir dès demain avec Léon et Elyan pour pouvoir lui montrer les marques et expliquer leur effet.» avait proposé Merlin, obtenant un hochement de tête de la part de son mentor.
C'était pour cette raison qu'il se retrouvait à présent avec Gaius, Elyan et Léon devant la porte de la chambre d'Arthur, attendant que celui-ci ne les reçoive. Ils finirent par entendre la voix du monarque dire un ''entrez'' à travers la porte. Pour se préparer à l'atrocement importante conversation qu'il allait avoir avec la personne qui comptait le plus à ses yeux, Merlin souffla un grand coup puis entra dans la chambre d'Arthur.
A l'intérieur, ils trouvèrent leur souverain assis derrière son bureau, les observant avec une expression perplexe.
«Je dois admettre ne pas avoir la moindre idée de ce dont vous voulez me parler.» annonça Arthur «J'ai du mal à imaginer un sujet suffisamment préoccupant pour que vous souhaitiez m'en parler en urgence et nécessitant que vous soyez quatre à me voir…»
Gaius, comme il avait été décidé plus tôt, fut celui qui expliqua la situation au jeune roi: «Sire, comme vous le savez, nous avons dernièrement eu plusieurs mystérieux incidents au cours desquels le sujet concerné était indemne alors qu'il aurait dû être blessé, voire tué. C'est arrivé à Gwen quand elle vous a protégé de l'assassin et qu'elle a survécu à coup de couteau en plein cœur, mais aussi à Elyan et Léon quand ils ont été empoisonnés, à Merlin et moi quand je me suis brûlé en préparant une potion.»
Arthur hocha la tête pour indiquer qu'il se souvenait de tout cela et que le vieux médecin pouvait continuer ses explications.
«Nous avons remarqué qu'après ces évènements, une marque était apparue sur la peau de Gwen, Elyan, Léon, Merlin et sur la mienne.» A ces mots, Gaius retira ses gants et les deux chevaliers soulevèrent leurs hauts pour montrer la marque en question. « Je ne savais pas ce que c'était donc je me suis lancé dans de longues recherches à ce sujet avec Lancelot. Ensemble, nous avons réussi à déterminer que c'était une marque de protection très puissante. Regardez.»
Il prit un couteau de son sac et fit une grosse entaille au niveau de son poignet droit, s'attirant un cri horrifié de la part du roi. Ce dernier se retrouva ébahi lorsqu'il constata que la peau du vieil homme était parfaitement indemne, comme si le couteau n'avait jamais été utilisé.
De son côté, Merlin s'efforça de ne pas réagir quand il sentit la lame s'enfoncer profondément dans son poignet.
«C'est… C'est tout bonnement époustouflant…» balbutia Arthur, ses yeux refusant de lâcher le poignet de Gaius. «Pensez-vous que le sortilège puisse être utilisé pour nuire d'une quelconque manière à Camelot?»
«Je ne vois pas comment cela pourrait être utilisé de la sorte, Sire.» répondit sincèrement Gaius. «Je pense que c'est simplement un sorcier qui a de bonnes intentions et qui essaie de protéger les Chevaliers de la Table Ronde et ceux qui sont proches de ces derniers.»
Arthur hocha la tête, semblant perdu dans ses pensées, puis murmura si faiblement que Merlin pensa qu'il n'avait probablement pas voulu le dire à haute voix:
«Etant donné la manière dont nous avant traités les sorciers ces dernières décennies, j'ai du mal à imaginer pourquoi l'un d'entre eux serait prêt à faire tant de choses pour nous aider…»
Il y eut en moment de silence dont Gaius profita pour ranger son couteau dans son sac. Après quelques instants le roi parut se reprendre et annonça d'un ton un peu moins incertain: «Je vous remercie pour toutes informations, messieurs: elles me seront extrêmement utiles. Vous pouvez à présent retourner à vos activités.»
Alors que Merlin s'apprêtait à sortir de la pièce, il fut interpelé par Arthur qui lui fit signe de rester pour qu'il puisse lui parler.
«Vous vouliez me parler, Sire?» demanda le jeune mage, tentant de cacher la déception qu'il ressentait à l'idée de ne pas pouvoir rentrer se reposer alors qu'il avait mal.
«Comment t'es tu fait mal au point que ce sort s'active?»
La question le prit de court. Il avait pensé que Gaius ou Lancelot s'interrogeraient là-dessus (et il s'était trompé) mais il n'avait jamais envisagé qu'Arthur se préoccupe de ça… Il ne put empêcher son traitre de cœur de s'accrocher à l'idée qu'Arthur s'inquiétait et tenait à lui. Puis, il se reprit et réalisa qu'il était beaucoup plus probable que le Roi trouve toute cette histoire de sort de protection suspicieuse et cherche à comprendre la situation jusque dans ses moindres détails pour éviter de tomber dans un piège.
Il tenta de maintenir la voix joyeuse qu'il avait l'habitude d'utiliser quand il était obligé de mentir à Arthur:
«Ce n'était rien d'important: je courrais dans les escaliers afin de ne pas être en retard pour vous réveiller, j'ai trébuché et j'ai dévalé l'équivalent d'un étage. Je pense que je me serais cassé quelque chose si le sort ne s'était pas activé…»
Habituellement, Arthur se serait empressé de faire une remarque moqueuse sur sa maladresse et sur le fait qu'il était étonnant qu'il ait survécu toutes ces années sans sort de protection. Mais cette fois, Arthur devait être particulièrement préoccupé par le sort, car il se contenta d'hocher solennellement la tête, une expression pensive sur le visage.
Ils restèrent quelques instants sans dire quoi que ce soit, puis Arthur reprit la parole d'un ton ferme, ses yeux scrutant ceux de Merlin avec une intensité qui effraya presque le jeune mage:
«Je sais que la sorcellerie est un sujet sensible à Camelot qu'il peut être particulièrement difficile de m'en parler, mais la prochaine fois que quelque chose de magique t'arrive et qu'une marque étrange apparait, il faut que tu m'en parles: il semblerait que cette fois-ci le sort a un impact positif sur nos vies mais rien ne nous dit que le prochain n'aura pas l'effet inverse. Nous devons mieux communiquer afin de pouvoir réfléchir au cas par cas et pouvoir traiter la situation au mieux pour tout le monde.» Il marqua une pause pour laisser à Merlin le temps de digérer ce qu'il venait de lui dire, avant de continuer. «Je ne suis pas mon père: je ne me mettrais pas en colère uniquement parce que quelqu'un a mentionné la sorcellerie devant moi.»
Merlin n'avait jamais auparavant ressenti un tel mélange de fierté pour Arthur qui était en train de devenir un excellent Roi et de culpabilité parce qu'il savait qu'il lui mentant et qu'il continuerait de lui mentir jusqu'à son dernier souffle.
0o0o0o0o0o0
Dans les jours qui suivirent, Arthur se mit en tête de trouver le sorcier ou la sorcière qui avait lancé le sortilège de protection afin de discuter avec ce(tte) dernier(e) et le(a) remercier pour l'aide qui avait été apportée. Constater les progrès réalisés par le Roi en si peu de temps conforta Merlin dans l'idée que lancer ce sort avait été la meilleure décision qu'il n'ait jamais prise et que tout le monde s'en sortirait bien mieux une fois qu'il arrêterait d'interférer.
Gaius expliqua à Arthur que les personnes qui avaient le plus de chance de savoir comment retrouver leur mystérieux protecteur étaient les druides et indiqua l'adresse du campement le plus proche, une fois que le Roi lui ait assuré qu'il n'arriverait rien aux druides.
C'était donc pour cette raison que les chevaliers de la Table Ronde partirent un matin en direction du campement des druides. Alors qu'ils avaient pratiquement réalisé la moitié du trajet, Gwaine commença à poser des questions sur le fonctionnement du sort à Lancelot, bien que celui-ci ait maintes fois répété qu'il n'avait pas d'autres informations à ce sujet à lui donner que celles déjà données par Gaius. Certaines de ses questions étaient intrigantes voire amusantes (comme ''si on essaie de vous couper la tête, est-ce que la lame passe au travers de votre cou sans pour autant vous blesser ou est-ce qu'une nouvelle tête pousse immédiatement à la place?'' ou ''est ce que vieillir est considéré comme un processus pathologique et donc quelque chose contre lequel le sort va vous protéger? Est-ce que vous êtes immortels?'') au point que Merlin avait presque envie de les tester, d'autres étaient plus sérieuses.
«Si la personne ayant lancé ce sort l'a effectivement fait pour de bonnes intentions, ce qui semble être l'hypothèse la plus probable, est ce que ça ne veut pas dire que la magie peut être utilisée pour le bien et donc que les lois actuelles ne sont pas adaptées?»
Un silence était tombé après cette question-là et tout le monde avait soit regardé Gwaine avec une expression choquée, soit scruté le Roi, attendant de voir quelle serait sa réaction. Arthur, quant à lui, ne s'était pas énervé: il se contenta de réfléchir à la question puis déclara:
«C'est une excellente remarque, Sir Gwaine. Pour être complètement honnête, même avant que Gaius m'ait expliqué l'existence de ce sortilège, je me demandais si ces lois étaient réellement nécessaires: il me semble étrange de punir l'utilisation d'un outil et non l'acte commis avec ce dernier. Nous ne punissons pas différemment un meurtre commis par une épée d'un meurtre commis par une hache; pourquoi n'en ferions nous pas de même avec la sorcellerie? Si un acte de sorcellerie est dangereux, il pourra être jugé de la même manière que n'importe quel autre acte dangereux. De même, si la sorcellerie est utilisée pour le bien, pour quelle raison la personne devrait-elle être punie?» Il s'interrompit pour regarder ses compagnons de voyage et demanda: «Qu'en pensez-vous?»
Léon fut le premier à prendre la parole. Il expliqua qu'il avait par deux fois été sauvé par de la sorcellerie et qu'il trouvait que la manière qu'Artur avait de voir les choses semblait juste. Perceval et Lancelot parlèrent des fois durant leurs voyages où ils avaient observé de la magie être utilisée pour aider les autres. Elyan indiqua qu'il était d'accord avec tout ce qui venait d'être dit et qu'il était simplement inquiet par rapport à la réaction qu'aurait le conseil et la population si les lois venaient à changer.
Merlin, lui, était incapable de dire quoi que ce soit: il avait l'impression de rêver et que d'une seconde à l'autre il allait se réveiller. D'un certain côté, il devait se retenir de sauter de joie et était extatique à l'idée qu'Arthur allait accomplir la prophétie et accepter la magie dans son royaume. Il pouvait déjà imaginer des spectacles de magies amusant des enfants ou des guérisseurs soignant en quelques sorts de maux auparavant considérés comme étant fatals.
Camelot allait devenir absolument merveilleuse…
D'un autre côté, Merlin ne pouvait s'empêcher d'être triste: il était douloureusement conscient qu'il ne serait plus là quand Arthur accomplirait tout ça. C'était vraiment dommage: il aurait pratiquement tout donné pour voir ça…
«Et toi, Merlin? Qu'en penses-tu?» demanda finalement Arthur, faisant sursauter le jeune mage.
«Je ne sais pas si tu te souviens de Will qui a grandi avec moi à Ealdor?» Une fois qu'Athrur avait fait oui de la tête, Merlin continua son explication, en tentant de ne pas laisser ce qu'il ressentait transparaître dans sa voix. «Il utilisait souvent sa magie mais ce n'était jamais avec de mauvaises intentions: parfois il s'en servait pour jouer des petits tours aux autres, d'autres fois pour aider dans les champs. L'ayant connu, j'ai beaucoup de mal à trouver pertinente une loi qui interdit tout usage de magie.»
Il y eut un moment de silence dont Merlin profita pour essayer de calmer les battements de son cœur. Puis, Arthur reprit la parole et admit doucement:
«C'est justement après avoir rencontré Will que j'ai commencé à me poser des questions sur la sorcellerie. Je me suis toujours demandé cependant, comment a-t-il pu apprendre tous ces sortsdans un si petit village? Et pourquoi les a-t-il appris en sachant qu'il devrait les cacher?»
Merlin haussa les épaules, regardant droit devant lui, et corrigea le Roi: «Il n'a pas appris la sorcellerie: il est né avec. Tout ce qu'il pouvait apprendre, c'était comment maitriser ses pouvoirs afin que sa magie n'agisse pas sans qu'il ne le veuille, ce qui aurait pu être dangereux.»
Quand il tourna enfin son regard vers Arthur, il put constater que celui-ci avait une expression choquée sur le visage.
«Certains… Certains sorciers naissent avec leurs pouvoirs?» balbutia le Roi.
«Oui, en effet.» confirma Merlin en hochant la tête. « D'après ce que m'a dit Gaius, la plupart de ceux qui n'ont pas besoin d'apprendre la magie pour l'utiliser découvrent leurs pouvoirs durant leur adolescence. Rares sont ceux qui ont des pouvoirs de manière innée avant leurs 10 ans. Will était un cas exceptionnel: il pouvait utiliser de la magie depuis sa naissance.»
Les chevaliers de la Table Ronde avaient tous une expression choquée sur leur visage, semblant avoir du mal à digérer ce que le jeune mage venait d'expliquer. Le reste du voyage se fit en silence. Ils arrivèrent un peu plus d'une heure plus tard devant le camp des druides. Aussitôt, Merlin envoya télépathiquement un message aux druides vivant là pour les rassurer sur leurs bonnes intentions et leur demander de ne pas révéler son identité aux chevaliers. Il obtint très vite une réponse de la part d'un vieil homme affirmant que personne dans le camp ne trahirait Emrys.
Le vieil homme en question sortit d'une des huttes et se dirigea vers eux. Il les observa longuement puis salua le Roi respectueusement:
«Bonjour Sire. Je m'appelle Daegan et je suis le chef de cette communauté. Je dois admettre que je suis assez surpris de votre visite: pourriez-vous m'éclairer sur la raison de votre présence ici afin que je puisse vous aider?»
«Je vous remercie pour votre hospitalité. J'ai des questions concernant un sort pour le moins particulier et on m'a informé que vous seriez très probablement la personne la mieux placée pour répondre à ces questions.»
Daegan hocha la tête et, d'un geste de la main, invita les chevaliers, le roi et Merlin à le suivre dans sa hutte et à s'assoir en face de lui sur le tapis sur le sol.
«Quel est le sort en question?»
«Je ne m'y connais absolument pas en sorcellerie et je risque de vous de donner de mauvaises informations par inadvertance, donc j'ai demandé au médecin de la Cour de vous expliquer par écrit ce qu'il a découvert.» Arthur lui tendit le parchemin rédigé par Gaius.
Au fur et à mesure que Daegan lisait le parchemin, il paraissait de plus en plus choqué et lorsqu'il releva la tête ce fut pour balbutier:
«C'est… Très sincèrement, j'ai beaucoup de mal à croire qu'un sort d'une telle puissance a été lancé… Est-ce que je pourrais voir les marques en question, Sire?»
Elyan et Leon lui montrèrent le symbole gravé sur leur peau juste au-dessus de leur estomac et Perceval montra celui qu'il avait au niveau des côtes. Daegan poussa un cri étranglé, son visage figé en une expression horrifiée.
«Est-ce que tout va bien, Daegal?» s'enquit Arthur, alarmé.
Mais le vieil homme ne l'écoutait pas vraiment: à la place il regardait Merlin comme s'il n'arrivait pas à croire ce qu'il avait devant les yeux.
'Par tous les dieux… Je vous en supplie Emrys, dites-moi que je me trompe et que vous n'êtes pas à l'origine de ce sort.' Communiqua Daegan par télépathie.
'C'est bien mon sort.' Confirma Merlin. 'C'était nécessaire pour la prophétie. Ne leur dites pas s'il vous plait: cela pourrait tout ruiner.'
Cela n'était pas exactement vrai: maintenant que le sort était activé, plus rien ne pouvait déjouer le plan de Merlin donc il n'y avait aucune raison que la fait que Daegan révèle la vérité à Arthur soit particulièrement néfaste. Mais, d'une manière très égoïste, Merlin n'avait pas envie que le peu de temps qu'il lui restait à vivre soit passé en étant détesté par ses amis. Détesté par Arthur.
Daegan hocha discrètement la tête et retourna son attention vers Arthur et les chevaliers.
«Daegan, notre médecin de Cour nous a dit que c'était un sort de protection. S'est-il trompé? Existe -t-il des conséquences néfastes à ce sort?» demanda Arthur.
«Il n'y aura pas de conséquences négatives pour vous, Votre Majesté: ceux portant cette marque seront effectivement protégés par le sortilège.» le détrompa le vieil homme, avec une expression solennelle. «Cependant, il vous faut comprendre que cela demande un sacrifice énorme de la part de la personne qui a lancé ce sortilège.»
'Daegan, pourquoi leur parler de ça? Personne n'a besoin de savoir ça...' s'écria télépathiquement Merlin, priant pour que le druide cesse de parler.
Mais le vieil homme l'ignora complètement et poursuivit ses explications:
«Lorsqu'une blessure active le sort pour qu'il protège une personne, le mage qui a lancé le sort reçoit la blessure à la place. Le sortilège met en suite le corps du mage en état de pause et ce jusque toutes les personnes devant être protégées aient reçu leur marque: le mage ne peut plus mourir mais il ne cicatrise pas non plus. Attendre la fin de cet état en continuant de sentir à chaque instant la douleur causées par les blessures de ceux qu'on souhaite protéger est probablement l'une des pires souffrances qui existe.»
Merlin riva son regard sur le druide, refusant de voir les expressions des chevaliers et de son Roi; entendre leurs exclamations horrifiées et incrédules étaient déjà largement suffisant. Il ne comprenait pas pourquoi Daegan avait décidé de leur dire tout cela: ne réalisait-il pas qu'il risquait de les faire culpabiliser inutilement?
Arthur fut le premier à se remettre du choc: il ouvrit la bouche et la referma plusieurs fois, un peu comme s'il avait une question dont il hésitait à vouloir connaitre la réponse.
«Lorsque le sort est activé pour toutes personnes qui devaient être protégées et que l'état de stase prend fin, que se passe-t'il? Est-ce que la personne ayant lancé le sort cicatrise enfin et peut reprendre une vie normale?» finit-il par demander.
«J'ai bien peur que non, Sire.» le corrigea Daegan tristement. «Le sort demande une telle énergie pour être maintenu, qu'une fois qu'il est complètement activé, la personne l'ayant jeté décède afin que toute sa magie et tout son être puissent être utilisés. Etant donné que les marques ne sont pas encore noires, on peut être sûr que le sort n'a pas encore été activé pour toutes les personnes visées et que la personne l'ayant lancé est toujours vivante.»
«Est-ce qu'il existe un moyen de stopper ce sortilège?» demanda Léon, les sourcils froncés. «On ne peut pas laisser ce sorcier souffrir et se sacrifier comme ça…»
Daegan secoua la tête, un air désolé sur le visage.
0o0o0o0o0o0
Le reste du voyage avait été très silencieux, les chevaliers et Arthur étant clairement trop préoccupés par ce qu'ils avaient appris pour plaisanter comme ils l'avaient fait à l'aller. Ce ne fut qu'à la fin, alors qu'ils ne leurs rester que quelques kilomètres à parcourir pour atteindre la citadelle, qu'Arthur rompit le silence et déclara d'un ton solennel:
«Etant donné l'identité des personnes déjà touchées par le sort, on peut supposer que Gwaine, Lancelot et moi sommes également visés par le sort. Pour éviter de tuer le sorcier, il nous faut être particulièrement prudent. Est-ce que c'est compris?»
Gwaine et Lancelot hochèrent immédiatement la tête, ayant ni l'un ni l'autre envie d'être responsable de la mort de quelqu'un qui était prêt à de tels sacrifice pour les protéger.
Léon hésita puis demanda:
«Le druide a dit que le sorcier ne cicatrise plus depuis que le sort s'est activé: je n'ose même pas imaginer l'agonie que ça doit être pour lui de devoir continuer de vivre avec toutes ses blessures qui auraient été fatales dans n'importe quelles autres circonstances. De plus, il devait savoir quand il a lancé ce sort que cela entrainerait inévitablement sa mort. Est-ce que ça ne serait pas cruel de le laisser continuer de vivre cette torture pendant encore plusieurs jours, voire plusieurs semaines? Ne serait-il pas plus humain de mettre fin à ses souffrances une bonne fois pour toutes?»
«Non.» refusa fermement Arthur en secouant la tête avec véhémence. «Il est hors de question de le tuer. Daegan ne savait peut-être pas comment stopper le sort, mais ça ne veut pas dire qu'il n'existe pas de solution: nous allons trouver ce sorcier et le sauver.»
Merlin se demanda s'il ne serait pas préférable de leur dire toute la vérité afin qu'ils ne perdent pas leur temps à essayer de le sauver. Il n'en valait vraiment pas la peine… Mais il était trop lâche pour ça donc il préféra rester silencieux.
