- Il a dit qu'il allait revenir. Nous sommes vendredi et plus aucunes nouvelles !, rouspéta le chasseur en mâchouillant son stylo et sa quatrième tasse de café fumante à moitié vide.

L'aurore venait à peine de s'éveiller sur la ville de Lebanon. Un jeune homme avait volontairement omis sa séance de jogging, comme c'était le cas depuis plusieurs jours maintenant. Il dormait très peu et savait qu'il rattraperait le sommeil qui lui manquait à plus tard.

En pleine investigation, les sourcils froncés, d'énormes cernes et à farfouiller sur le net, Sam Winchester scrutait le plus petit indice qui pouvait indiquer la disparition d'une personne sur les sites des journaux locaux et des bases de données de la police. Effectivement, Dean n'avait plus donné le moindre signe de vie depuis le début de la semaine.

Son idiot de grand frère avait prétexté une excuse pour aller prendre l'air et faire des courses, soi-disant qu'il avait eu le mal du bunker... Mais Sam n'allait pas tomber dans le panneau aussi facilement, il savait quand le mensonge pendait à ses lèvres.

Rowena avait utilisé des sorts de localisation depuis son bureau qui n'avaient pas aboutis, laissant Sam dubitatif sur les réelles intentions de la sorcière à lui apporter son aide. Elle lui avait alors annoncé qu'elle partait en vacances quinze jours avec Arthur Ketch et que ce n'était même plus la peine de compter sur elle. Et depuis quand les sorcières s'autorisaient des vacances ?!

Enfin, Dean restait introuvable, et son portable n'émettait aucun signal. Rien n'était en mesure de le rassurer. Jusqu'à ce que...

La porte blindée du bunker s'ouvrît dans son fracas métallique et reconnaissable. Le cœur de Sam parut renaître subitement ainsi que la flamme de l'espoir dans ses iris tout comme en attesta le bond qu'il fit sur sa chaise pour se relever.

- ...Dean ? C'est toi ? Dis-moi que c'est toi ?

- Bonjour Sam. Où est l'Impala ?

- Oh, salut Castiel. Ouais, je suis au courant pour la voiture. Je..., balbutia le chasseur.

- Sam ? Tu trembles. Tu as froid ?

Le cadet des Winchester s'était jeté dans les bras de son ami qui venait à peine de descendre la dernière marche de l'escalier de fer, comparable au seul miracle de toute une vie qui arrivait à point nommé. Le trench-coat de l'ange s'était froissé et le véhicule qui le portait, avait été hésitant sur l'instant, s'adaptant aux comportements des humains et surtout de les comprendre du mieux qu'il le pouvait.

Castiel l'entoura à son tour des siens par automatisme. Hormis le contexte d'avoir déjà eu la chance (ou la malchance) d'effectuer plusieurs aller-retour en Enfer au cours de sa vie, Sam n'était pas du genre à trembler comme une feuille face au froid hargneux, il était même plutôt résistant pour un être humain.

L'ange s'écarta pour davantage l'observer de ses prunelles bleues saisissantes et de son air perpétuellement impassible et grave. Il le vit s'autoriser une petite larme qui coula le long de sa joue avant de se dissiper dans sa légère barbe de quatre jours.

Le chasseur était habituellement toujours soigné et présentable sur lui. Cependant, quand l'ange du Paradis distingua l'expression de son visage aussi dévastée, dans un état d'anxiété aussi important, Castiel fit le lien beaucoup trop rapidement.

- C'est Dean, n'est-ce pas ? Où est-il ?

- Je commençais à être à court d'idée et il faut croire que tu as entendu mon désespoir. Pardon, désolé mec., renifla-t-il en essuyant des larmes qui émergeaient. Je peux te proposer une bière ? Ou des nouilles chinoises si tu veux. Qu'est-ce qui t'amène dans le coin ?

- Ça va, respire., lui fit l'ange placide et imperturbable mais qui ressentait un sentiment désagréable à l'intérieur. Je te remercie pour la proposition mais je n'ai pas besoin de m'alimenter. J'étais dans les parages, une chasse dans le Wyoming qui a finis dans le Nebraska. C'était un nid de Nachzehrer et j'ai réussi à en venir à bout. De sacrées dents quand on y pense.

- Des Nachzehrer ? Tu aurais dû m'appeler pour que l'on te prête main forte, Castiel. Tu ne savais pas combien ils étaient, tu aurais pu avoir des problèmes ! Ne prends plus de risques inutiles. Tu peux compter sur nous, ne l'oublie pas.

- J'ai pris mes précautions. Le chef de meute était le seul concerné, tu te souviens ? Il était coriace. Une pièce en cuivre ou un obole dans le gosier, que j'ai dû d'ailleurs retourner en Grèce pour m'en procurer un parce que ce n'était pas la porte à côté... enfin bref. Tout en lui rappelant qu'il n'était plus en vie puis le décapiter et brûler ce qui reste. Ainsi, tous ceux qu'il a transformé ont pu redevenir humain. Je veux sauver un maximum d'êtres humains Sam, autant que possible. Je ne me serais jamais pardonné de n'avoir rien tenter pour les libérer de cette infâme créature. Si je suis en mesure de les protéger, alors j'agis en conséquence et je ne voulais pas vous impliquer. Voilà le topo.

- Eh bien ça pour une surprise, tu m'en bouche un coin. T'as bien réviser et il semblerait que tu deviennes redoutable dans la chasse, vraiment impressionnant ! Bravo !, s'enjoua Sam, ravi que cette affaire fut couronné de succès sans trop de dégâts en lui donnant une accolade.

- Je suis un chasseur chevronné maintenant mais je n'ai aucun mérite, j'ai eu de très bon mentors. Les meilleurs., souria Castiel, de la gratitude légitime dans le regard envers Sam.

Fier de son ami ailé et fixant sa tasse vide, le cadet s'autorisa une pause puis repensa à tout ce qu'ils avaient traversé ensemble. Sam ne pouvait qu'être reconnaissant d'avoir rencontré Castiel plusieurs années en arrière. Il rougissait à moitié en acceptant le compliment de son compagnon d'armes. Ils étaient rares mais terriblement embaumeurs pour les cœurs effrités. Si bien que cette pensée tourna droit vers... Il fut coupé dans ses réflexions par Castiel qui emboita sur le sujet épineux.

- Je me suis dit que je pouvais passer, pour prendre de vos nouvelles. Et Dean, où est-il passé Sam ? Pourquoi tu ne m'as pas prévenu ?

En aparté, et c'était vrai, il avait oublié ce détail. Les anges n'avaient pas à se nourrir pour survivre, sa grâce angélique suffisait amplement pour entretenir son corps, appartenant anciennement au regretté Jimmy Novak.

Il était vrai aussi que Sam avait été le premier à revoir l'apparition de Castiel ayant récupérer ses pouvoirs, quasi un an et quelques mois plus tard après que Billie avait désirée ardemment faucher la vie de l'aîné et juste avant que le Néant n'intervienne sur son appel.

Un soir, Sam s'était retrouvé au volant de la Chevrolet alors qu'il revenait d'une partie de chasse épuisante quand Castiel avait débarqué sans prévenir sur la banquette arrière avec maladresse, fiévreux, perdu et divaguant des propos en énochien, manquant presque d'emboîter un accident sur la route tant le choc et la stupeur furent improbable.

Jack avait établi un petit brin de ménage sur Terre comme au Ciel, avec des différences, des inconvénients et des avantages, dans un équilibre de préférence... équilibré au minimum. Le plus jeune des frères Winchester avait accepté le retour de son ami divin, plus heureux que jamais.

Sans surprise, Castiel n'était pas parvenu à reprendre contact avec son meilleur ami. Les souvenirs qui lui subsistaient de sa dernière confession avec lui l'avait retenu. Il n'arrivait tout simplement pas à franchir le cap, à avancer, puisqu'il en avait franchi un nouveau envers Dean.

Des sentiments et des émotions nouveaux, c'était plus compliqué à gérer pour un ange censé être dépourvu d'humanité car cela configurait à une explosion d'informations dans tout son être cosmique. L'entité était dépassée et sa seule solution avait été de reculer l'instant où il lui ferait front.

Dans tout ce méli-mélo, Castiel s'était posé des questions légitimes. Qu'en avait pensé Dean ? Que lui aurait-il répondu si l'urgence de la situation n'avait pas eu lieu d'être ce jour-là ? Dean aurait-il continué à le voir ou lui aurait-il pardonné cet aveu de sentiment profond et sincère ? Il était persuadé qu'il l'aurait rejeté à coup sûr.

Ne préférant plus y songer, l'ange écouta attentivement Sam lui raconter en quelques minutes ce qu'il se tramait.

Après s'être resservi en café, pris le chemin de sa chaise où le chérubin l'attendait en le suivant des yeux douteusement et avoir posé son postérieur, Sam lâcha sa tasse qui se brisa sur le sol veiné.

Un blanc se fit entendre dans la pièce si bien que Castiel n'eu aucune réaction. Le regard vide de son ami en disait long et ses tremblements aussi. C'est alors qu'il craqua.

- Castiel, je vais devenir fou à tourner en rond !, s'emporta-t-il en hurlant ses inquiétudes, les mains dans ses cheveux mi-longs et la respiration haché. Il s'est peut-être perdu, parce que oui, c'est déjà arrivé, il s'est paumé une fois dans son propre lit alors qu'il était bourré cet imbécile ! Ou alors, il a dû chercher des noises à quelqu'un ? Bordel, Dean ! J'ai le sentiment qu'il lui ait arrivé quelque chose, son absence m'est insupportable et être dans le flou le plus total me rend dingue ! Aucun chasseur n'a répondu à mes appels, puis Rowena et Ketch qui s'en vont à Monte-Carlo pour faire des galipettes ? Sérieusement ?! J'ai lancé des sortilèges qui n'ont pas fonctionnés et je n'ai absolument rien trouvé sur ce fichu ordinateur, que dalle Cass, que dalle ! Je ne sais plus quoi faire. Reviens, je t'en supplie, il faut que tu reviennes Dean... Ne me laisse pas. Parce que n'y arriverais pas...

Et tout ceci d'une traite. Sam expira sa peine jusqu'à son dernier souffle avant d'inspirer une nouvelle bouffée dans un son étouffé qui lui brûla la trachée tant l'arrivée d'air était glacée et brutale.

L'ange ne put se retenir plus longtemps. Il récupéra aussitôt le chasseur dans ses bras qui s'accrocha tel un marin à sa bouée de sauvetage. Sam laissait une tristesse conséquente s'échapper et s'écouler sur l'imper beige. Castiel savait éperdument qu'il n'avait pas pour habitude de se laisser aller de la sorte or quand cela touchait à son frère, il était plus que vulnérable. Il ne fallait pas toucher à Dean.

Les sanglots ricochaient sur les murs du bunker et Castiel n'avait émis aucun son, optant contenir les soubresauts. Il était comme aux abonnés absents. Ses sourcils froncés prouvaient le contraire, il réfléchissait en silence et absorbait en simultanée les émotions de son ami tel une éponge.

Il assimilait et tentait de remettre en ordre ce qu'il lui arrivait de plein fouet.

- ...Où a émis le dernier signal de son portable pour la dernière fois ?, questionna l'ange dans un calme olympien.

- Euh... Ce n'était pas très loin de Sioux Falls, dans l'état-

- Sam. Où était-ce ?, le coupa-t-il.

- Dakota du Sud. Près de la réserve indienne de Rosebud je crois, route quatre-vingt-trois, mais Cass... Qu'est-ce que tu fais... Non... !, essaya d'exprimer Sam. Je veux... y aller aussi... Arrête... Ne fais pas... ça...

Deux doigts s'étaient posés sur son front où avait commencé à briller une lueur réconfortante et apaisante pour le jeune homme. Sam s'endormait progressivement, à contre-cœur. Il aurait plus qu'apprécié de participer à cette nouvelle enquête, surtout qu'elle concernait Dean cependant, le chérubin en décida autrement.

Une fois déposé dans son lit, Castiel récupéra un portable que les frères possédaient en multiples modèles, des fausses cartes d'identités, des reproductions fidèles aux insignes du FBI, CIA, Interpol et autres organisations et deux cartes de crédits, au cas où qu'une serait hors d'utilisation.

Encore quelques sacs à sortilèges de Rowena fourrés dans les poches intérieurs, des grigris de protection, sa lame d'ange fétiche, et Castiel était enfin prêt.

Il jeta un dernier regard sur le bunker des Hommes de Lettres devenu silencieux. Seul son ami ronflait posément dans sa chambre au loin.

- Pardonne-moi Sam. Tu me seras plus précieux d'ici. Et tu as besoin de repos. Dean n'est pas perdu, juste égaré. Je vais le retrouver. Je jure de te retrouver.

L'ange disparu dans un bruissement d'aile, abandonnant le Winchester à des heures de sommeil amplement mérités. Comme le disaient les deux proverbes : l'habit ne fait pas le moine et se méfier de l'eau qui dort.

L'ange n'était pas serein. L'ange n'était pas resté de marbre face à la réaction de Sam. L'ange bouillonnait à l'intérieur. C'était ça.

C'est ce qu'il percevait et ce qu'il éprouvait le rendait plus humain de jour en jour, à mesure qu'il côtoyait l'homo sapiens, sur Terre.

Cette histoire de disparition était devenue une affaire et une mission personnelle. La ou les personnes ou les créatures qui avaient eu le malheur de poser la main sur Dean allaient devoir en découdre avec un ange qui ressentait une colère si immensément meurtrière qu'elle pourrait embraser l'Enfer lui-même...

À SUIVRE...