Failures
N°013
Yavin 4 voit fleurir leurs élans ; l'étincelle est un feu passionné.
Theron oublie la temporalité de l'acte, son éphémère fragilité. Il se noie dans leurs étreintes, savoure chaque précieux instant auprès de la Furie. Revan apparaît comme un lointain spectre, un danger poussiéreux que l'agent minimise, au fond de son esprit fiévreux. Son monde se résume au bonheur naïf qui allège son cœur, trompe enfin cette solitude pernicieuse qui n'a jamais cessé de souffler à son oreille, combien il demeurerait ainsi ; combien personne n'existait pour l'attendre à l'aveuglette quelque part dans cette immense Galaxie. Combien il devait apprendre à se résoudre, il s'était résolu et voilà que Merosmé débarquait dans sa vie de solitaire endurci.
Enfin.
Theron ne respirait plus que pour sentir cette proximité délicieuse avec le Seigneur Sith et la langueur paresseuse de leurs rares contacts. L'agent ne réclame rien, se plie aux caprices de son pudique amant. Ils n'étaient même pas réellement amants encore, le mot lourd de sens étrangle sa gorge d'une incertitude douloureuse. Il craint subitement de ne pas savoir, puis de ne pas mériter. Les jours s'affolent, la guerre contre les Révanites se durcit. Merosmé l'embrasse comme un être vorace se rassasiant de sa chair, mais il n'a jamais posé un doigt sur lui ; en-dessous du tissu. Ironie du sort alors qu'il n'avait pas manqué de prétendantes, ni de prétendants, voilà que le seul homme qu'il désirait vraiment ne semblait pas partager cette résolution. S'en tenant à frotter leurs corps vêtus, l'un contre l'autre, la friction érotique délicieuse affolant leurs sens.
Theron joue la patience, s'invite dans un élan suicidaire jusque sous cette tente qui n'est pas la sienne. Merosmé l'accueille intimidé, prétend une froideur de circonstance. Le Seigneur Sith veille sur son sommeil paresseusement sans un mot, le serre entre ses bras capricieux jusqu'au matin. Dans cette étreinte possessive, l'agent abandonne son implacable ignorance, goûte à la satisfaction de bénéficier d'une bouillote personnelle. Songe distraitement, si quelqu'un, si sa mère le cherchait, quel scandale irait-elle découvrir ainsi. Theron chasse l'impression, revient la nuit suivante.
Et l'autre ; le Seigneur Sith apparaît d'humeur infantile. Le traîne derrière lui, ils empruntent un speeder impérial et s'aventurent loin sous cette jungle. Theron conduit, savoure la satisfaction de servir de pilote personnel à la Furie, Merosmé se presse contre lui avec confiance, égare ses doigts sur ses hanches. Le Républicain ralentit inconsciemment, évolue plus sereinement parmi la flore massive qui occupe l'espace restreint de cette planète.
L'atmosphère environnante s'épaissit d'humidité désagréable. Son passager le guide au travers de la complexité des lieux, sur un invisible chemin parmi les herbes folles qui les entraînent jusqu'aux ruines d'un temple érigé plusieurs siècles plus tôt. L'édifice est à peine discernable au milieu de cette jungle, sa hauteur impressionnante s'élançant vers le ciel étoilé.
Ils abandonnent le speeder à l'entrée du monument. Merosmé est le premier à s'égayer de leur découverte, le Seigneur Sith ferme les yeux, semble s'imprégner de la Force qui règne à cet endroit. Il s'avance à l'intérieur, Theron sur ses talons guette les ennuis, n'en trouve aucun. Bientôt ils visitent le temple de bas en haut, trouvent des pièces immenses et vides, quelques traces témoignant d'une brève occupation passée. La Furie s'amuse de ces objets, ne peut s'empêcher de tout toucher, dévoile à son attention un caractère curieux qu'il ne lui connaissait guère.
Qui lui plaît terriblement ; l'agent se laisse prendre au jeu. Et assume son statut d'explorateur, ce soir. Son énergie se frotte à celle de son coéquipier, ils finissent à se pousser tête la première dans un bassin qu'une cascade intérieure alimente. Chahutant comme des gamins, les deux pieds au fond de cette flotte, puis levant la tête, Merosmé estime l'ascension jusque sur le toit plat de l'édifice. Theron ne se laisse pas intimider, se précipite sur le premier mur venu pour y grimper avec aisance.
Le Seigneur Sith demeure un instant au sol, à suivre son évolution des yeux. A l'instant où lui détourne les siens, posant un pied vainqueur sur le toit finalement atteint, la Furie l'y attend déjà, non sans laisser entendre qu'elle s'impatientait un peu. L'agent ronchonne de ce déséquilibre des forces, se dit qu'il ne peut compter que sur les capacités de son corps humain, lui.
« Tricheur… » Lâche-t-il à haute voix, alors que Merosmé vint le prendre entre ses bras, ravissant ses lèvres d'un baiser exigeant.
Ils sont hauts, très hauts. La jungle interminable s'étend à pertes de vue depuis ce parfait poste d'observation. Theron savoure la vue et le reste. La main que le Seigneur Sith a enfin glissée sous son t-shirt, nonchalamment. Le contact du cuir électrise ses sens, l'agent ne se concentre plus que sur ces baisers hâtifs qu'ils échangent, essaye en vain de rendre l'attention. La Furie demeurait intraitable sur le sujet, ne lui permettant jamais de la découvrir de ses vêtements.
Theron se sent perdre patience.
« Si vous n'enlevez pas ne serait-ce que vos gants pour coucher avec moi, je vous assure que je me tire trouver un autre Impérial plus coopératif pour m'enfiler… »
Merosmé lui jette un regard scandalisé. L'agent profite de cette distraction, lui retire cet inutile accessoire dans un cri de victoire muet, qu'il garde pour lui. La Furie s'embarrassant terriblement de se retrouver privée d'une partie de sa couche protectrice. Theron ne dissimule rien de son admiration, lui, troublé par la blancheur extrême tatouée d'écarlate de l'épiderme de son amant.
Son amant, songe-t-il, s'emparant des mains du Seigneur Sith, perdant pied alors que la nudité de leurs peaux se découvre pour la première fois. Le contact serre sa gorge d'un nœud imposant. Il se contient, s'obligeant au calme, tant bien que mal. Les palpitations résonnent désagréablement au fond de lui, alors qu'il s'abandonne à l'étreinte de Merosmé. Celui-ci l'allongeant bientôt sur la pierre peu hospitalière, avec une maladresse évidente.
Aucun d'eux ne sait vraiment ce qu'il veut, ce fait-là rend leurs gestes erratiques. Peu importe, ils expérimentent. Theron se sent un élève curieusement attentif, retient la texture sur sa langue alors qu'il improvise, le goût qui trempe ses lèvres et les yeux de la Furie qui le fixent avec timidité, osant à peine croire à cette initiative.
Le courage de l'agent s'effrite pourtant, lorsque les mains nues du Seigneur Sith s'imposent en maître sur sa chair mate. Parce qu'il se souvient brutalement qu'il est un homme, voulant un homme. Un schéma de base qui n'a jamais été le sien auparavant, dans ses fantasmes. De honte, il serre poings et dents, ne laissent rien filtrer de ce qui bouleverse alors son corps. Abandonne les commandes à son partenaire, celui-ci semble définitivement avoir révisé cette partie. Il est sérieux et concentré, le touche avec une ignorance odieuse.
Tout cela était complètement ridicule.
Jusqu'à ce que les doigts pâles effleurent ce point en lui, qui incendie son être. Le plaisir gémit entre ses lèvres ouvertes, articule le prénom de cet homme avec un abandon absolu. Le répète avec une force désespérée, réclame sans l'admettre. Son amour-propre vient d'en prendre un coup, la fragile patience de Merosmé aussi. Le Seigneur Sith s'enflamme littéralement, d'un brasier obscur qui recouvre leurs deux corps entremêlés. Theron pousse une exclamation de surprise.
La Furie récupère l'ascendant sur lui, le plaque au sol sans délicatesse. L'agent s'agrippe à ces épaules dans un réflexe instinctif, le souffle de son amant tombant dans son cou, erratique et précipité. Allant à murmurer son prénom avec une retenue pudique, bas. Theron attrape les silhouettes en fond, des constellations dans le ciel ; reconnait quelques-unes, se concentre sur leurs intensités différentes. Il ne se rappelle pas avoir déjà vu des cieux aussi sombres que ceux-là. Dans cette obscurité étouffante, la moindre lumière semble rayonner plus fort encore.
L'agent inspire, travaille ses exercices mentaux en catastrophe, impose un calme fragile dans son esprit, son regard demeurant fixé au loin. La nuit est silencieuse, son cri de souffrance y sonne non sans indécence. Theron serre les dents d'embarras, fusille Merosmé des yeux. Inspire, la constellation et les autres lunes de Yavin, la rugosité de la pierre dans son dos…
« Bordel… Jure-t-il, sèchement. Etait-il obligatoire de-hmph… ! »
Avisé, le Seigneur Sith vient cueillir l'obscénité à sa bouche même. L'agent lutte à peine face à son autorité soudaine, savoure la proximité de leurs corps alors que la Furie s'allongeant sur lui, prolonge leur baiser, sa langue trouvant la sienne en une étreinte lascive. Ses hanches allant et venant, contre les siennes dans un élan instinctif ; réduisant en miettes son fragile contrôle de soi. Theron suffoque pour de bon, et panique aussitôt, en quête d'un oxygène salvateur. Ignorant ses mouvements erratiques, la Furie s'empare plus profondément encore de sa bouche, de son corps.
Le manque trouble ses perceptions, il perçoit au travers d'un voile le monde aux alentours, se sent comme un spectateur de la scène qui a lieu sous ses yeux, considère curieusement ce corps qui lui ressemble, qui tremble de cette exploration. Blotti contre son Seigneur Sith, accueillant cet homme en lui, dans des soupirs satisfaits ; il se sent dangereusement comblé. Tente de porter une main incertaine à sa bouche pour taire ce plaisir indécent.
« Oh, non, non… Non. Susurre son amant, interceptant son geste. Je veux vous entendre davantage…
_M-Merosmé… »
L'homme le dévore du regard ; lui ne veut absolument pas savoir ce qui se trouve ainsi sur son visage, placardé licencieusement. Un sourire prétentieux s'étire sur les lèvres peintes. Theron répète, docilement ; encourage son Seigneur Sith dans l'acte, obtient de lui une accélération bienvenue. Allant à s'oublier complètement dans leur étreinte précipitée et maladroite, rougissant à peine, d'écarter ses jambes ainsi pour la Furie de l'Empereur, en redemandant encore. Jamais vraiment rassasié, les étoiles dansent dans le ciel.
Tanguent.
