Là où tout a commencé

Musique à fond, le SUV gris d'une blonde ambiancée longeait la corniche avec dynamisme. Le soleil d'un mois de février encore un peu frais perçait les airs, amenant douceur et agréabilité à cette période. Et justement, cela tombait bien... Parce qu'il était hors de question que leur fête soit gâchée par une pluie battante. Il ne restait donc plus qu'à prier que la météo se maintienne pour les prochaines semaines… Et alors que la chanson allait faire résonner son moment préféré dans l'habitacle, la musique se coupa brusquement, laissant place à une sonnerie plus stridente.

Emma… observa Candice en cliquant sur le téléphone vert.

«Oui ma chérie?!

- Ça va? J'te dérange pas?

- Oui ça va, je suis en voiture. Je quitte du boulot là…

- C'est bon! J'ai enfin trouvé les petits pots de fleurs roses dont je te parlais pour mettre sur les centres des tables.

- Ah bah c'est super!

- Bon la livraison devait être plus longue, mais quand j'ai dit que c'était pour le mariage de ma mère, ils ont priorisé la commande… Donc ils seront là pour dans trois semaines.

- Bon bah parfait, sourit Candice en activant son clignotant.

- Parfait… Parfait… tiqua-t-elle en levant les yeux au ciel. Y a encore du boulot hein… Ta robe, ça en est où?

- Faut que je m'en occupe oui.

- Et le plan de table?

- Emma! On a dit que c'était un mariage simple…

- Oui enfin, vu vos familles respectives, sans plan de table, ça risque de s'étrangler, ricana-t-elle. T'imagines mamie à côté d'Isaure?

Silence, Candice intériorisa son angoisse avant de déglutir difficilement.

Ok… T'as toujours pas parlé à mamie, c'est ça?

- Non… soupira-t-elle. Mais j'ai essayé de l'appeler plusieurs fois et elle m'a pas répondu… J'ai même laissé plusieurs messages…

- Et ça t'arrange un peu…

- T'as des nouvelles d'elle, toi ? éluda-t-elle.

- Non. Je lui ai envoyé des photos de la petite il y a quelques jours mais elle a pas répondu non plus... C'est vrai que c'est bizarre. D'habitude quand il s'agit d'Éloïse, elle répond tout de suite…

- C'est pas normal… paniqua-t-elle.

- Non mais s'il lui était arrivé quelque chose, on nous aurait prévenu quand même!

- Bah j'en sais rien…

- T'as demandé à Bélinda?

- Non, souffla Candice. Parce que si je l'appelle, je vais aussi devoir lui dire pour le mariage…

- Et alors?

- Bah ça me gêne!

- Je croyais que vous vous étiez réconciliées?

- Bah oui mais… elle a quand même passé quelques longues semaines dans les bras de mon futur mari je te rappelle, grommela-t-elle d'agacement.

- Maman, c'était y a plus de 5 ans!

- Et alors?! Les faits restent les mêmes hein!

- Mais si tu l'invites pas, tu sais bien qu'elle va crier au scandale...

- Je sais! Mais je préfère prévenir notre mère en premier. Puis elles se parlent pas beaucoup non plus toutes les deux, tu sais…

- Ça n'empêche qu'elle a peut-être des infos…

- Et si elle en a pas? Ça fait trois jours qu'elle donne pas signe de vie je… je devrais peut-être demander à Antoine de la géolocaliser…

- Maman, il va t'envoyer bouler!

- Mais c'est le chef, il a tous les droits… bouda-t-elle.

- Il va finir par demander le divorce avant même de signer les papiers si tu continues! s'esclaffa Emma.

- Arrête. Tu sais bien que ça me fait pas rire! C'est déjà pas évident pour moi, cette période, alors n'en rajoute pas.

- Bah oui! T'es toute stressée là! Relax… C'est juste une fête…

- Oui c'est juste une fête oui… Sauf qu'entre Jules qui ne pense qu'au repas, toi et ta déco prête à nous refaire toute la salle de réception, les jumeaux et leur playlist «romantique» et la mère d'Antoine et ses obligations de cérémonie, bah ça m'angoisse.

- Hum…

- Et le mari, il en dit quoi?

- Bah le mari, il suit, lui!

- Bah tant mieux s'il est pas angoissé… Ça sera toujours moins pire que si vous étiez deux boules de nerfs…

- Ouais…

- Et en vrai, pour mamie, attends deux jours et si on a toujours pas de nouvelles, on verra ce qu'on fera…

- Hum…, soupira-t-elle sans conviction. »

...

Candice poussa la porte de sa maison avec difficulté. La journée avait été longue, fatigante et finalement peu entraînante. Éreintée, elle ôta son manteau et ses chaussures avant de pénétrer un salon qui ne pouvait que la ramener à son angoisse. Sur la table, des magazines de mariage traînaient. Des cartons de faire-part et guirlandes roses jonchaient le sol et Candice finit par heurter leur liste d'invités collée sur le frigo. Elle souffla, ouvrant finalement cet endroit réfrigéré pour en sortir une bouteille. En même temps, il était 18h30 et son amoureux était en réunion pour une bonne partie de la soirée… Autant profiter en solo, soupira-t-elle de satisfaction en approchant le liquide rouge à ses lèvres.

Pourtant, cette liste la toisait presque, la défiant avec malignité. Et rien qu'à y jeter un œil, le déséquilibre était flagrant. Du côté Dumas: sa mère, sa fille, son frère et ses neveux, quelques copains de l'école de police aussi. Sans compter ses collègues et les ex-collègues devenus amis. Y avait du monde! Et du côté Renoir, seuls 4 enfants trônaient fièrement, le reste s'accommodant d'un vulgaire point d'interrogation. Faut dire qu'ils étaient loin, pour la plupart. Entre ses amis, qu'elle avait essaimé partout dans le monde sans maintenir de réels contacts. Ceux qu'elles s'étaient faits à Sète mais qui semblaient désormais plus proches d'Antoine. Et sa famille avec laquelle les relations n'étaient pas au meilleur de leurs formes… Son nombre d'invités semblait bien maigre. En fait, c'était comme si ce vide sur cette feuille lui rappelait son trauma. Comme si, tant qu'il n'était pas rempli, les choses ne pourraient pas aller... Et vu l'absence de sa mère en ce moment, les choses n'étaient pas près de changer…

Les yeux humides, la blonde finit par détourner le regard. Préférant taire ses douleurs du passé. Pour elle qui croyait avoir tout cicatrisé, il avait fallu l'organisation d'un seul évènement pour tout remettre en cause. Bon d'accord, ce n'était pas n'importe quel évènement non plus… Et du haut de ses 53 bougies tout juste soufflées, Candice sentait qu'au fond de son cœur, un mal-être régnait. Alors, c'est une détective angoissée qui finit par quitter la cuisine pour retrouver la sérénité de sa chambre. Ici, tout l'apaisait, c'était son refuge… Enfin, pas quand elle avisait un gros post-it collé sur sa penderie… «RDV costume 26/02 – 15h», lut-elle rapidement. Elle déglutit, se rappelant qu'elle n'avait même pas encore osé jeter un œil à sa future robe. Décidément, plus la date approchait, plus tout se compliquait…