Le bal des Joncheruines


Tout a commencé par un mot griffonné sur les murs du dortoir.

"Bal ce soir. Tenue libre. Invitations invisibles. Interdit à ceux qui refusent de croire."
– L.L.

Ginny haussa un sourcil.

— Elle est sérieuse ?

— Toujours, répondit Neville. C'est ça le plus terrifiant.


À vingt-deux heures, la Grande Salle était vide. Officiellement.

Mais ceux qui voulaient la voir... la virent.

Car Luna avait ensorcelé l'endroit. Pas avec un sortilège classique. Non. Avec une vieille magie oubliée, dénichée dans un grimoire semi-imaginaire : le Rituel du Bal Oublié. Une fête qu'on ne peut percevoir que si l'on croit encore aux créatures invisibles, aux danses spontanées, et à la beauté des choses qu'on ne comprend pas.

Et ce soir-là, la Salle se révéla.


Harry arriva en premier. Il ne savait pas pourquoi. Juste qu'il avait lu le mot. Et qu'il n'avait pas pu s'empêcher de venir.

Quand il poussa la porte... le monde changea.

La Salle était remplie de lumières suspendues dans les airs, comme des lucioles argentées. Un orchestre invisible jouait une valse étrange, un peu bancale mais envoûtante. Des tables se dressaient toutes seules. Et les invités... flottaient.

Certains avaient des cornes. D'autres des ailes. Certains n'avaient pas de visage mais riaient comme de vieux amis.

Et au centre, en robe faite de plumes, les cheveux tressés de clochettes :

Luna Lovegood.

— Tu es venu, dit-elle en souriant, comme si elle l'avait toujours su.

— Est-ce que... c'est réel ?

— Seulement si tu veux que ça le soit.


Hermione arriva avec un air suspicieux. Elle croisa un Nargole en gilet à carreaux. Elle ne posa pas de question.

Draco, lui, vint avec une cape noire brodée de constellations. Il ne parla pas, mais dansa toute la nuit.

Neville perdit sa chaussure à minuit pile, la retrouva dans une coupe de champagne.
Dean esquiva une demande en mariage faite par une sirène fantôme.
Et Ginny, ivre de musique, embrassa quelqu'un qu'elle ne vit jamais entièrement.


Luna dansait seule. Puis avec tout le monde. Puis seule à nouveau.
Elle chantait sans bruit. Riait sans raison. Et regardait les étoiles fixées au plafond comme si elles lui répondaient.


Mais ce que personne ne vit…
C'est qu'à minuit, la salle vacilla.

L'espace d'une seconde, tout sembla flou. Triste. Silencieux.

Comme si ce bal... était une illusion. Un souvenir. Un monde que Luna avait rêvé trop fort.


Minuit passa.
Les horloges n'osèrent pas sonner.

La musique se fit plus lente. Les lumières pâlirent. Certains invités commencèrent à disparaître doucement, dans un souffle, comme si le rêve les rappelait ailleurs.

Luna, elle, dansait encore. Les bras levés, les yeux clos, comme portée par une force que personne d'autre ne comprenait.

Harry la regardait. Un verre vide à la main.
— Tu vas bien ?
— Bien mieux que la plupart des gens. J'ai dansé avec un Abrespectre, tu sais.

— Un quoi ?

— Ils n'existent que dans les souvenirs d'enfance qu'on oublie trop vite.

Elle tourna sur elle-même, puis s'arrêta, soudain grave.

— Tu sais, Harry... Il faut des endroits comme celui-là. Des instants où les règles se plient, juste pour qu'on respire à nouveau.
— C'est pour ça que tu as fait ça ?
— Non. Je l'ai fait pour les Joncheruines.
— Pardon ?

Elle sourit.

— Ils n'ont jamais eu de bal. Personne ne les a jamais invités.


La Salle sur Demande frissonna. Comme un voile qui tremble avant de retomber.

Hermione s'arrêta de danser, la main encore dans celle d'un partenaire qui avait disparu.

Draco, adossé à une colonne, ferma les yeux un instant.

Ginny chuchota :
— C'était magnifique.
Et personne ne sut si elle parlait du bal… ou de Luna.


À une heure du matin, tout s'évanouit.

La musique.
Les créatures.
La magie.

La Salle redevint pierre. Froide. Vide.

Et Luna, seule au centre, cueillit une dernière luciole de lumière.
Elle la glissa dans une fiole, la boucha, et murmura :

— Pour la prochaine fois.

Puis elle quitta la salle. Pieds nus. Comme si elle avait dansé avec l'univers entier.


Le lendemain matin, Harry demanda à Hermione :
— Tu crois que c'était vrai ?

Elle haussa les épaules, le regard encore un peu rêveur.

— Je ne sais pas. Mais je préfère vivre dans un monde où ça l'était.


Fin.