Chapitre 51
Remus et Severus se tenaient face à Dumbledore, dans le bureau de ce dernier, prêts à présenter leurs dernières avancées sur les horcruxes.
Une lumière bleutée s'échappait de la potion bouillonnante de Severus. Remus tenait dans les mains un vieux rat.
Les tests sur les animaux n'étaient pas une partie de plaisir mais la fin justifiait les moyens. La petite bête avait été endormie au préalable afin d'éviter toute souffrance.
Remus posa le rat sur le bureau du directeur de Poudlard puis traça un cercle de feu autour du cobaye avec sa baguette. Severus sortit la petite boîte qu'il avait préalablement préparée et la posa non loin de l'animal. Il se saisit ensuite d'une pipette et déposa trois gouttes dans la gueule du rat. Chaque détail comptait et ses calculs devaient être parfaits. Une erreur sur le rat n'était pas dramatique mais la réussite de cette démonstration était indispensable. Dumbledore restait observateur de cette mission et tout le monde dans cette pièce savait à quel point le vieil homme n'approuvait pas les recherches de Severus et Remus.
Mais encore une fois, Severus était prêt à tout, quitte à faire un petit appel aux forces du mal. Remus s'épargnait la sale besogne, l'incantation lors de l'ingestion de la potion étant pure magie noire. La suite de la procédure oscillait entre magie noire et magie blanche.
Le rat se mit à s'agiter et les deux hommes récitèrent leur litanie dans un latin parfait, leur baguette pointée sur l'animal qui se mit à frétiller.
Un mince filet grisâtre s'échappa de la gueule de l'animal dont la respiration frénétique cessa. Puis, Severus fractura l'âme du rat avant d'en diriger une partie dans la boîte. Le reste revint dans la gueule du cobaye du jour qui se mit à couiner trois fois avant de rendre son dernier souffle.
Mince.
L'animal aurait dû survivre.
— Vous avez avancé mais ce n'est pas suffisant, dit Dumbledore.
Severus, blessé dans son égo, fusilla le directeur du regard.
— C'était un rat vraiment vieux, expliqua Remus. Et il s'agissait là de son âme entière. Pour Harry, nous n'aurons qu'à saisir le morceau d'âme parasite.
— Justement, c'est d'une grande dangerosité.
— Mais la seule autre solution, c'est la mort. Pile, on perd, face le Seigneur des Ténèbres gagne !
— Severus, je vous en prie, je suis tout aussi inquiet que vous. Gardons notre calme.
Le maître des potions bouillait. Il était en colère contre lui-même. Il avait réussi l'expérience la veille sur un oiseau mais Remus tenait absolument à ce que l'expérience se fasse sur un rat. Si d'un animal à un autre, le résultat n'était pas probant, qu'en serait-il sur Harry ?
La panique et le désespoir commencèrent à le gagner. Ils étaient pourtant si proches du but. Mais cette course contre la montre mettait ses nerfs à rude épreuve.
Le directeur de Poudlard reprit la parole, annonçant de but en blanc :
— J'ai trouvé un horcruxe et j'ai plusieurs pistes concernant les lieux où pourraient se trouver les autres.
L'espoir de Severus remonta en flèche.
— Quand allons-nous les détruire ? demanda aussitôt Remus.
— Aussi vite que possible. J'irai faire les repérages nécessaires dans quelques jours.
Le cœur de Severus s'emballa. Il voulait en savoir plus mais connaissait déjà la raison de la prudence du directeur de Poudlard : plus les recherches demeuraient secrètes, moins le Seigneur des Ténèbres pouvait deviner ce qui se tramait. D'autant qu'un informateur avéré traînait dans Poudlard. De cela aussi, les membres de l'Ordre du Phénix s'occupaient activement. Severus gardait à l'œil Karkaroff, quasiment certain qu'il s'agissait de lui.
Les yeux bleus du vieil homme sondèrent un instant Severus comme pour s'assurer qu'il comprenait les choses. Dans ce regard, Severus lut la confiance que Dumbledore lui accordait et la demande implicite de lui offrir la même faveur.
— Lorsque le moment sera venu, je vous ferai signe.
Merlin que c'était frustrant ! Severus voyait bien qu'il n'était pas le seul à le penser : Remus agitait ses doigts sur sa cuisse, signe évident que son impatience commençait à se faire sentir.
— J'aurais aimé que Harry soit des nôtres, déclara Dumbledore, mais je dois avouer qu'il est encore jeune. Quelques années de plus auraient fait toute la différence.
— En plus d'être trop jeune, il a déjà beaucoup à faire, répondit Severus.
— Mais vous savez aussi bien que moi que Harry sera un jour confronté à son destin. Et il devra affronter tout cela seul.
— Ce jour n'est pas encore arrivé, Dumbledore. Et croyez moi, je ne lui mâche pas le travail. Loin de là.
Dumbledore opina du chef, l'air sérieux. Remus ne bougeait plus d'un pouce, comme paralysé par la tension ambiante. Quant à Severus, ce dernier essayait de maîtriser la boule d'angoisse qui prenait place dans son estomac.
Au fond, il savait que Dumbledore avait raison sur un point : Harry se retrouverait seul un jour. Et s'il le préparait au mieux, Severus n'était jamais serein à l'idée d'en faire un enfant soldat.
La petite réunion prit fin et l'homme retourna vers les cachots. Se plonger dans ses potions lui ferait le plus grand bien.
À peine pénétrait-il dans sa salle de classe qu'il tomba sur Harry. L'adolescent semblait l'attendre.
— Tout va bien ?
— J'ai une piste pour la deuxième tâche !
— Oh.
Voilà qui était étonnant. Il n'avait pas vu le Gryffondor particulièrement impliqué.
— J'ai mis l'œuf dans l'eau et j'ai noté ce que j'ai entendu.
Le gamin tendit un parchemin mais si Severus s'en saisit, il ne chercha pas à lire le contenu. Il était déjà bien au courant de tout.
— Alors qu'est-ce que tu en conclus ?
— J'ai l'impression que la prochaine épreuve se déroule dans le lac de Poudlard.
Un sourire fier prit place sur le visage du maître des potions. Le visage de l'adolescent s'illumina.
— Plus qu'à trouver comment survivre une heure dans l'eau !
— Et je te laisse faire tes recherches. D'ailleurs, comment as-tu deviné qu'il fallait mettre l'œuf dans l'eau ?
Harry dansa sur ses pieds, visiblement peu à l'aise.
— Cedric m'a dit comment faire, avoua t'il.
— Je vois.
Cette chance insolente n'était pas pour déplaire à Severus.
Harry devrait un jour affronter seul son destin mais il pourrait compter sur ses amis et sa famille.
oOo
Les vacances de Noël annoncèrent l'approche du Bal de Noël. La majorité des élèves restaient à Poudlard et jamais l'école n'avait connu pareille ambiance. Le professeur Flitwick avait redoublé d'inventivité. L'arbre de Noël brillait de mille feux de par ses guirlandes lumineuses et angelots qui flottaient tout autour dans un ballet ininterrompu. Des couronnes de houx habillaient ça et là les murs de Poudlard. Pour ajouter encore un peu de magie, la neige avait décidé d'être de la partie, couvrant le château et son parc d'un grand manteau blanc.
Tout prêtait à la romance, avait dit Parvati Patil.
Harry n'était pas vraiment de cet avis. Tout le monde ne parlait plus que du bal et surtout de leur partenaire. Avec Ron, ils semblaient être les derniers à n'avoir trouvé personne. Certaines filles s'étaient bien aventurées à demander la main du Survivant mais il avait aussitôt refusé.
Harry ne pensait qu'à une personne : Cho Chang. Ce bal à venir le rendait presque fleur bleue. Il n'avait pourtant pas le temps de s'attarder sur ce genre de choses mais Merlin que c'était difficile !
— Toi au moins, tu peux demander à n'importe quelle fille, elle dira oui ! lança Ron avant d'enfourner un toast au beurre dans sa bouche.
— N'importe quoi, répondit Harry l'air sombre.
— Mais enfin Harry, tu es non seulement le Survivant mais aussi celui qui arrive à combattre un dragon !
— Je préfèrerai combattre un dragon mille fois que de devoir inviter une fille à un bal, avoua Harry.
— Hé Harry, peux-tu me passer les corn-flakes ? lança Ginny assise non loin de là.
Harry fit glisser la boîte de céréales vers la jeune fille tout en fixant Ron, l'air déterminé.
— Ecoute, il faut qu'on trouve une cavalière avant ce soir, d'accord ?
Ron pâlit soudainement puis opina du chef.
— Tu… Est-ce que tu sais qui tu vas inviter ?
Harry se fit violence pour ne pas diriger son regard vers la table des Serdaigle. Il hocha simplement la tête.
— Et toi ?
Ron se mit à rougir violemment et Harry fut presque sûr qu'il jeta un ou deux coup d'œil vers la table où était assise Fleur Delacour.
— Franchement, il y a bien des filles qui me plaisent mais de là à ce qu'elles acceptent…
Harry ressentait le même dépit qui émanait du ton de Ron. Mais l'heure tournait et il n'eut pas le temps de s'apitoyer plus longtemps sur son sort.
— Je dois y aller, Severus m'attend. A plus tard !
La leçon d'Occlumancie offrit un temps de repos pour Harry dont l'angoisse ne cessait de monter d'heure en heure. Bientôt, il irait demander à Cho Chang de l'accompagner au bal. C'était terrifiant. Mais couper ses émotions une heure lui permit de se sentir pousser des ailes.
— Tu t'améliores de plus en plus, déclara Severus. Poursuis tes exercices dès que tu en as le temps.
— C'est compris. Est-ce que je peux y aller ?
— Et bien, je voulais te proposer de sortir à Pré-au-lard ce midi. On en profitera pour t'emmener chez le coiffeur et faire vérifier tes lunettes.
Harry accusa le coup, lui qui avait enfin trouvé le courage nécessaire pour courir après Cho…
— Mais… Je peux peut-être y aller moi-même à la prochaine sortie ?
— Tu avais déjà dit ça la dernière fois. Résultat, on va finir par se demander ce qu'est vraiment la coupe de feu !
— Très drôle, ronchonna Harry.
Severus noua sa cape sur ses épaules et plongea ses yeux noirs dans ceux de Harry. A l'époque, Harry y aurait vu de la froideur. Désormais, il distinguait parfaitement la pudeur et l'affection dans les yeux de son tuteur.
— On n'a pas passé beaucoup de temps ensemble ces derniers temps, dit-il. Des temps de détente, je veux dire. Et tu en as besoin. Par ailleurs, j'aimerais te mettre au courant des échanges que nous avons eu avec le professeur Dumbledore.
Harry pinça les lèvres. Certes, il souhaitait être un adolescent comme tous les autres mais là encore, ce serait pour plus tard. Et puis, une belle coupe de cheveux lui permettrait peut-être de gagner des points pour inviter Cho Chang au bal…
.
Le petit temps avec Severus fut instructif et agréable. Severus acheta des marrons chauds à partager avec Harry et ils remontèrent l'allée menant à Poudlard. Le froid mordait les joues de Harry.
— Alors, crois-tu que tu pourras extraire cet horcruxe ?
— Nous devons renouveler nos expériences, je ne veux te faire courir aucun risque.
— Tu sais Severus, j'ai longtemps pensé que la seule solution serait ma mort. Mais grâce à toi, j'ai l'espoir que les choses vont s'arranger.
— Et elles s'arrangeront. Il faut simplement que tu fasses ce que je te dis et surtout, ne cherche pas les ennuis, ne prends aucun risque inconsidéré.
— Ce n'est jamais fait intentionnellement lorsque je me retrouve dans le pétrin. Regarde, je suis champion de Poudlard alors que je n'avais rien demandé !
— A ce propos, où en es-tu pour l'énigme de l'œuf ?
— Je gère, mentit Harry. J'ai plus important à penser.
— Comme trouver une cavalière, par exemple ? s'amusa le maître des potions.
Harry voulut nier puis soupira. Il ne manqua pas le roulement des yeux de Severus.
— Tu es capable de te mettre au devant de n'importe quel danger, tu vas bien réussir à inviter une fille au bal !
— Ce n'est pas pareil, grogna Harry.
— Pour ce genre de choses, demande plutôt à ton parrain. Il se trouvait des petites amies en un claquement de doigt.
— Bah oui mais…
— Mais quoi ?
— Bah il est plutôt de l'autre bord, non ?
— Qu'est-ce que ça veut dire ?
Harry laissa passer un silence. On n'entendait plus que le bruit de leur pas craquer sous la neige fraîche. Ce fut finalement Severus qui reprit la parole :
— Tu sais Harry, outre le fait qu'on peut aimer les deux genres, la sexualité n'a rien à voir avec l'amour. L'amour est un langage universel.
Harry fixa ses pieds, rouge de honte. Il n'avait vraiment pas envie d'avoir ce genre de discussions avec Severus ! Si ce dernier enquillait sur les relations intimes, Harry n'y survivrait pas !
— Oui, oui. Mais je vais me débrouiller de toute façon !
Ils ne dirent plus rien pendant de longues minutes. Au bout d'un moment, Harry entendit distinctement son tuteur ricaner. L'homme semblait contenir un fou-rire et fixait le château pour maintenir sa concentration.
— Hé ! s'indigna Harry.
Le maître des potions laissa échapper un rire avant d'attraper Harry par l'épaule et de l'entourer d'un bras.
— J'aime te voir grandir, lâcha-t-il finalement.
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La nuit tombait sur Poudlard lorsque Harry trouva enfin Cho Chang. Heureusement, elle n'était pas entourée de toute sa bande de copines. La jeune fille tenait entre ses mains une lettre et Harry comprit qu'elle se rendait à la volière.
Après une grande inspiration, Harry se dirigea vers elle, le cœur battant à tout rompre et les mains moites.
— Salut, dit-il un peu trop fort.
— Oh Harry ! Que fais-tu ici ?
— J'étais aux toilettes, dit-il sans réfléchir.
Aux toilettes ? Aux toilettes ?! Merlin, il n'était qu'un idiot ! Et voilà qu'il commençait à sentir ses joues chauffer.
— Oh, d'accord.
Harry percevait le malaise de la Serdaigle et sentit qu'elle s'apprêtait à partir.
— Tu vas à la volière ? demanda-t-il pour la retenir.
Bon sang, pourquoi parlait-il comme s'il y avait le feu ?
— Euh, oui, répondit-elle dans un sourire.
Le cœur de Harry flancha. Il ne pouvait pas se dégonfler maintenant. Il canalisa ses émotions et demanda :
— Est-ce que tu voudrais m'accompagner au bal ?
La jeune fille écarquilla les yeux et Harry aperçut distinctement deux petites rougeurs sur ses pommettes. Qu'elle était belle !
— Harry, je suis vraiment désolée mais…
— Ah d'accord, je comprends, répondit-il avant même de la laisser terminer.
C'était sûr. Comment aurait-elle pu vouloir sortir avec lui ?
— J'aurais aimé y aller avec toi mais quelqu'un me l'a déjà demandé ! se précipita-t-elle de dire. Je suis vraiment désolée, j'ai accepté.
— Oh. Ah. Euh…
Cette fois, Cho Chang offrit un réel sourire à Harry qui se détendit aussitôt.
— Tant pis pour moi alors, dit-il. À plus tard…
Il tourna les talons quand la jeune fille l'appela. Avait-elle changé d'avis ?
— Je suis vraiment désolée, dit-elle à nouveau.
Sa sincérité toucha Harry.
— Ce n'est pas grave, dit-il.
Et là aussi, il le pensa sincèrement : il y avait bien plus grave même si son cœur battait désormais douloureusement.
Harry se rendit dans la salle commune de Gryffondor en traînant des pieds. Il espérait que Ron avait au moins trouvé une cavalière. Mais le roux demeurait aux abonnés absents. Hermione lisait un grimoire près du feu et Harry s'installa à ses côtés. Pattenrond sauta sur les genoux de l'adolescent et ronronna à la première caresse.
— J'aimerais bien être un chat, soupira-t-il. Toi au moins, tu ne te prendras jamais de râteau.
— Tu as pris trop de temps pour l'inviter, dit Hermione sans lever la tête de son livre.
— Hein ?
— Cho Chang. Tu avais toutes tes chances, tu sais.
Harry ne s'étonna pas de la clairvoyance de sa meilleure amie. Il ne s'était jamais épanché au sujet de la Serdaigle mais Hermione était beaucoup trop intelligente.
oOo
Hermione terminait sa lecture sur la bataille du Nord entre Gobelins et sorciers du XVI siècle lorsque Ron pénétra en compagnie de Ginny et Neville dans la salle commune de Gryffondor.
Pale comme un linge, l'air dépité, lui aussi semblait avoir fait chou blanc dans sa recherche d'une cavalière.
Ses amis n'étaient que des bœufs incapables de voir quand une fille s'intéressait à eux. Ron aussi avait des prétendantes mais à peine ces dernières s'approchaient de lui qu'il se comportait comme un mufle. Il y avait Ashlan Pucket en troisième année chez les Poufsouffle qui mourrait d'envie que le roux l'invite. Mais la jeune fille, bien trop timide et réservée, était transparente aux yeux du Gryffondor. Même Lavande Brown semblait nourrir un certain intérêt pour Ron mais elle répétait souvent qu'il était «bien trop gamin» et que c'était «bien dommage».
Hermione avait trop à faire de son côté pour se mêler des histoires de cœur de ses amis. Son esprit ne cessait de l'embarquer dans des rêveries stupides impliquant un certain Serpentard.
— Ça va aller Ron ! dit gentiment Ginny.
Ron tremblait comme une feuille au point où Hermione s'inquiéta franchement. Elle s'approcha de lui et Harry se redressa sur son siège.
— Que se passe-t-il ? demanda le brun.
— Il…, débuta Ginny d'un air gêné.
— C'est une catastrophe, coupa Ron dans un soupir.
—Il a demandé à Fleur Delacour de sortir avec lui pour le bal. Enfin, il a plutôt poussé un cri aigu lorsqu'elle est passée à côté de lui.
— Mais qu'est-ce qui t'a pris ? lâcha Hermione sans réfléchir.
Ron plongea ses mains dans son visage rubicond.
— Tu ne peux pas comprendre. C'est sorti tout seul. Elle était tellement belle que… enfin je ne voulais pas vraiment lui demander mais elle est passée à côté de moi et je n'ai plus rien contrôlé. Je me suis dit que je devais tenter ma chance.
Hermione se força à ne pas croiser le regard de Ginny, sous peine de partir dans un fou rire incontrôlable.
— Bon, tu sais qu'elle a du sang de Vélane, ce n'est pas de ta faute, dit Harry.
— Tout le monde ne saute pas sur Fleur de cette façon non plus, objecta Hermione.
Harry lui envoya un regard agacé tandis que Ron poussait un nouveau soupir désespéré.
— Il reste encore quelques jours, tu vas trouver ! Harry non plus n'a personne.
Ron releva la tête, le soulagement se lisant sur son visage.
— C'est vrai ce qu'elle dit ?
Mais Harry regardait au loin derrière eux.
— Je… je crois que j'ai une idée, dit Harry avant de se lever et se diriger vers Parvati Patil.
Finalement, le brun avait peut-être enfin saisi la subtilité de la gente féminine.
— Je file, j'ai des devoirs à terminer, déclara Ginny.
— Dis Ron, intervint Neville qui était resté silencieux tout du long de la conversation. Je peux demander à ta sœur d'être ma cavalière ? En ami bien sûr !
Le roux dévisagea Neville comme s'il découvrait le garçon pour la première fois de sa vie.
— En ami, hein ?
— Oh Ron, je t'en prie ! s'exclama Hermione. Tu ne vas pas nous faire le couplet du frère possessif.
Ron grimaça mais hocha la tête dans un signe de consentement tacite. Il était trop occupé par ses propres soucis sentimentaux.
C'était la même chose pour Hermione qui prit congé et se dirigea vers son dortoir. Dans les escaliers en colimaçon, elle tomba sur Ginny qui contemplait une tapisserie.
— Sais-tu qu'il y a des endroits plus appropriés pour admirer les œuvres de Poudlard que ce couloir ?
Ginny inclina le menton avant de se tourner vers Hermione. Son regard, habituellement si pétillant, était éteint et masquait mal une déception évidente.
— J'attends que mon dortoir soit vide, expliqua-t-elle. Je n'ai pas très envie de croiser mes copines qui ont déjà toutes trouvé un cavalier.
— Viens, dit simplement Hermione avant d'attraper la main de la jeune fille et de l'entraîner dans son dortoir.
Elle prit soin de fermer correctement la porte puis se tourna vers la rousse.
— Dis-moi ce qui ne va pas.
—Ce n'est rien.
— Ok, ça n'a donc rien à voir avec Harry qui s'est dirigé vers Parvati ?
Cette fois, Ginny baissa la tête, l'air dépité. Hermione aurait pu jurer qu'elle retenait presque ses larmes. Elle s'approcha de son amie et lui prit les mains.
— Écoute, je pense que beaucoup de garçons seraient ravis de t'accompagner au bal.
— Certains étaient intéressés mais j'espérais tellement que Harry me voit enfin autrement que comme la sœur de son meilleur ami que j'ai refusé les invitations.
— Je sais, compatit Hermione. Mais tu ne lui montres jamais à quel point tu es une personne géniale. Tu te tétanises dès qu'il t'adresse la parole.
— J'ai pourtant essayé de faire des efforts.
Hermione observa son amie un instant, cherchant ses mots pour la consoler et la conseiller au mieux. Elle-même n'avait pas réellement d'expérience en la matière mais elle avait déjà compris deux trois trucs. Elle dit alors :
— Les garçons sont parfois à côté de la plaque et il leur faut du temps pour comprendre les choses. Je te conseille de vivre pour toi. Harry ne te voit pas ? Peu importe, d'autres verront comme tu es drôle, intelligente et belle. Ne perd pas l'opportunité de faire une belle rencontre. Qui sait, peut-être qu'un jour Harry se réveillera !
Hermione pouvait tout à fait appliquer ses conseils à elle-même. Pourtant, elle espérait toujours qu'un brun ténébreux l'invite au bal. C'était pour cela que Hermione avait demandé du temps pour réfléchir lorsque Viktor Krum lui avait fait sa demande la veille.
— Tu as raison, dit Ginny en redressant la tête. Je vais y aller avec quelqu'un de cool et sympa !
Au même moment, Parvati et Lavande pénètrent dans le dortoir, piaillant comme des poules.
— Harry m'a demandé d'être sa cavalière pour le bal !
Hermione sentit Ginny se crisper. La troisième année s'en alla sans un mot. Pour faire bonne figure, elle afficha un sourire de convenance à Parvati.
— Chouette.
— Et toi Hermione, avec qui tu y vas ? demanda Lavande. Quelqu'un t'a demandé ?
Hermione savait très bien que Lavande imaginait qu'elle était seule.
— J'hésite encore, répondit-elle, énigmatique.
— N'hésite pas trop longtemps non plus, conseilla Parvati. De notre promotion, toutes maisons confondues, je crois que tout le monde a trouvé quelqu'un.
— Enfin hormis Neville ainsi que Crabbe et Goyle mais eux…, dit Lavande en levant les yeux au ciel.
— Neville est quand même bien plus intéressant que ces deux grosses brutes épaisses, répliqua Hermione.
— Ooooh, dis donc Hermione, serait-ce Neville ton cavalier ?
Hermione leva les yeux au ciel et s'échappa pour se rendre à la bibliothèque. Lavande et Parvati connaissaient tous les potins de l'école. Ainsi donc, Hermione devinait que Théodore avait une cavalière.
La jeune fille chassa la boule de frustration qui lui serra les entrailles. Qu'espérait-elle au juste ? Une soirée romantique avec Théodore Nott ne pouvait relever que du fantasme, rien d'autre !
Désormais, elle allait commencer par appliquer ses propres conseils.
Elle n'eut aucun mal à retrouver Viktor Krum. Depuis une semaine, le garçon et elle se retrouvaient à la même table de travail. Leur conversation se limitait toujours à quelques mots mais les sourires de l'attrapeur parlaient tout autant qu'une longue déclaration. Hermione devait le reconnaître, elle en était terriblement flattée.
Ironie du sort, elle trouva Théodore Nott sur son chemin. Parcourant une rangée de livres, il ne vit pas la jeune fille. Hermione en revanche observa Daphné Greengrass s'approcher de lui et passer discrètement sa main sur le bras du garçon.
Hermione se détourna de la scène qui lui tordait les entrailles plus que de raison.
Il fallait passer à autre chose.
Elle ne tourna pas autour du pot et prit place à côté du bulgare. Les épaules carrées, les sourcils épais et les traits durs, il était tout le contraire physique de Nott. Ainsi, elle pourrait facilement oublier cette passade. Le jeune homme lui offrit un regard doux et cela donna à le courage nécessaire à Hermione qui annonça :
-— Je serai ravie d'être ta cavalière.
oOo
Depuis la fois où elles s'étaient retrouvées pour dîner à Pré-au-lard, Paloma et Éléonore semblaient ne plus se quitter.
En effet, il y avait à chaque fois une occasion de se voir le lendemain.
Cette fois donc, Éléonore sortait d'un rendez-vous avec Severus Rogue et Paloma terminait sa leçon de musique avec Harry.
La potionniste afficha un sourire de convenance mais le cœur n'y était pas. Depuis quelque temps, elle espérait obtenir plus de responsabilités mais Rogue gardait en main ses différentes classes. Sauf cas exceptionnel, Éléonore ne donnait jamais la classe alors qu'elle avait choisi de mener ses études avec Rogue pour ça.
— Tu es sûre que ça va ? demanda Paloma.
Les jeunes femmes se dirigeaient vers les grilles du château et Éléonore peinait à faire la conversation.
— Oui oui, se précipita-t-elle de dire. Je suis juste un peu fatiguée.
—Tu as l'air préoccupé. Est-ce que tu veux sortir quelque part pour te changer les idées ? J'ai des amis de l'orchestre qui vont boire un verre dans un pub d'Oxford ce soir. Si tu veux, on peut les rejoindre…
— C'est adorable mais j'ai besoin de calme. Il y a trop de choses dans ma tête.
Paloma opina du chef et demeura silencieuse. Eléonore espérait ne pas avoir vexé la pianiste. Mais elles étaient amies désormais et Paloma n'était pas du genre à prendre la mouche.
— Est-ce que tu veux venir dîner chez moi ?
Paloma ne lâchait jamais prise. Éléonore l'avait déjà remarquée mais elle se délecta d'être l'une des prises de la pianiste. Elle acquiesça alors dans un sourire.
La jeune femme sortie alors une petite pièce de bronze qu'Eleonore devina être un portoloin.
— Juste à l'heure ! déclara la pianiste.
Elles posèrent le doigt sur la pièce et quelques secondes plus tard, Éléonore atterrit au milieu d'une ville dense et active. À ses côtés, Paloma ouvrit ses bras et déclara :
— Bienvenue à Liverpool !
La musicienne habitait au-dessus d'un pub de jazz, au troisième étage d'un immeuble, ancien bâtiment dont les murs laissaient passer le brouhaha ambiant de la rue.
À première vue, la jeune femme vivait dans un immeuble moldu. L'appartement était petit mais bien agencé. Décoré avec goût, le petit salon comprenait un canapé en cuir brun, des plantes vertes, un immense tapis et, bien évidemment, un piano.
— Alors ?
— C'est splendide.
Paloma se dirigea vers la cuisine et prépara deux thés chauds. Les deux jeunes femmes s'installèrent sur le canapé et discutèrent longuement de leur semaine. Quand la nuit tomba, Paloma se leva et tira sur une ficelle accrochée à une lampe. Une lumière chaleureuse illumina la pièce.
— Comment est-ce que ça fonctionne ? demanda-t-elle, fascinée.
Paloma laissa échapper un petit rire avant d'expliquer :
— On appelle cela l'électricité. Cet appartement en est rempli et ça permet d'avoir de la lumière, de laver la vaisselle ou encore le linge rien qu'en appuyant sur un bouton.
— Incroyable ! Je comprends ton choix de vivre parmi les moldus. Mais ça ne te manque pas d'utiliser de la magie ?
— Pas vraiment non, déclara Paloma avec sérieux.
— Je ne sais pas comment tu fais. Ma baguette c'est comme un doudou pour moi.
— J'imagine, répondit Paloma avant de se lever pour ouvrir les deux portes d'un meuble.
À l'intérieur se trouvait une boîte noire imposante que Eléonore n'avait encore jamais vue de sa vie.
— Tu vois ça, c'est une télévision, expliqua la pianiste.
— Tévélision ?
—Télévision, corrigea gentiment Paloma. Les moldus sont très ingénieux. Je trouve ça dommage que le monde des sorciers ne connaissent pas tout ce dont les moldus sont capables. Si tu veux, je te montrerais la télévision, c'est fascinant ! La technologie moldue avance à toute vitesse et d'ici quelques années, deux personnes pourront se parler à l'autre bout de la planète et se voir en même temps sans problème. Sans parler de la médecine qui fait des choses géniales. Tu savais qu'une femme enceinte moldue pouvait voir son enfant sur un écran comme celui-ci ?
Eléonore resta bouche bée, impressionnée par toutes ces informations mais aussi hypnotisée par la fougue soudaine de Paloma.
— En effet, je ne savais pas, dit-elle.
Paloma sembla soudain gênée et dansa sur ses pieds quelques instants.
— Je… enfin… Est-ce que ça te fait peur ? Tout ça ?
Éléonore secoua la tête immédiatement même si elle ne savait pas vraiment ce qu'impliquait ce «ça». Mais cela n'avait aucune importance. Elle était bien avec Paloma comme elle n'avait jamais été avec personne et si elle pouvait découvrir de nouvelles choses avec elle, c'était génial.
— Montre moi donc cette télévision, ça me changera les idées.
Et l'ancienne Serpentard ne regretta aucunement ce moment. Paloma lui expliqua tout, les chaînes de télévision, les programmes et Eléonore dévora du regard toutes les émissions les unes après les autres. Les moldus savaient créer de grandes choses.
— Cela aurait fait du bien à certains de mes camarades de voir ça, dit-elle alors que des clips musicaux défilaient sur l'écran.
— Serpentard est toujours une maison anti-moldus ?
— Elle garde une certaine réputation, répondit Éléonore. Mais tu sais, peu importe la maison, beaucoup ont intériorisé que les sorciers étaient supérieurs aux moldus. Finalement, tes parents ont bien fait de te faire l'école à la maison.
— J'aurais aimé aller à Poudlard, avoua Paloma dans un sourire triste. Mais c'est comme ça, je ne regrette rien. La musique est toute ma vie. As-tu faim ? Il me reste de la lasagne d'hier.
L'estomac d'Éléonore gargouilla aussitôt. Elles rigolèrent de bon cœur et se dirigèrent vers la cuisine pour préparer leur dîner.
Alors que Paloma servait généreusement l'assiette de la potionniste, elle demanda :
— Est-ce que tes camarades te manquent ?
— J'ai gardé contact avec quelques amis mais ils sont loin. J'aimerais les voir plus souvent mais c'est comme ça. Heureusement que je t'ai rencontrée et que je travaille à Poudlard. Sirius Black est un super collègue et je m'entends bien avec le reste du corps professoral.
— Ce n'est donc pas cela qui te tracasse tant.
Ce n'était pas une question et Eléonore ne sut quoi répondre. Elle n'eut pas à réfléchir bien longtemps, Paloma continua :
— Tu peux te confier à moi, je ne répéterai rien. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je suis assez discrète à Poudlard.
— C'est d'ailleurs dommage ! Pourquoi ne viendrais-tu pas assister à une séance du club de duel un de ces jours ?
— Tut tut ! Ne change pas de sujet, répliqua Paloma. Prends donc ton assiette, on va manger comme de vrais moldus. Alors ?
— Je n'ai pas l'habitude de m'épancher, ronchonna la pianiste.
— Comme tu veux. Mais sache que je suis là.
Installée en tailleur, leur assiette sur les cuisses, les jeunes femmes mangèrent avec appétit tout en écoutant la musique des clips diffusés en continu. Au bout de trois bouchées, Eléonore craqua :
— C'est juste que j'ai l'impression de perdre mon temps à Poudlard. J'y suis allée pour pratiquer l'enseignement mais Rogue ne semble pas me faire confiance. J'en suis réduite à trier des fioles et ça me rend dingue !
— Lui as-tu parlé ?
— Bien sûr ! Mais il semble totalement ailleurs par moment. Et je sens bien que je ne suis pas sa priorité.
— Faut que tu t'imposes dans ce cas.
— Comment ? Je te signale qu'on parle de Rogue, rappela Eléonore avant de piquer rageusement dans une feuille de salade.
— Impose toi. Avec ce genre de personnage, il n'y a que ça qui marche, crois moi. Au pire, que se passera-t-il ? Il ne te donnera pas de classe à faire ? Il le fait déjà !
Un ange passa. Paloma et Éléonore se regardaient dans le fond des yeux. Au loin, la musique de la télévision résonnait dans le salon. Finalement, Eléonore acquiesça.
— Je ferai ça.
Paloma afficha un sourire ravi.
— Mais dans ce cas, tu viens à une séance de duel !
Le sourire de la pianiste se fana aussitôt.
— Je ne peux pas.
— Pourquoi ? s'inquiéta aussitôt Eléonore.
Pourquoi avait l'air soudainement si triste ? Avait-elle dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Après tout, peut-être avait-elle un piètre niveau qui lui faisait honte. En tout cas, quelque chose d'important et de délicat se jouait.
Eléonore posa son assiette sur la table basse et s'approcha un peu plus de son amie, comme pour lui signifier qu'elle pouvait lui faire confiance.
— Je t'ai dit pour Rogue, tu peux bien me le dire.
— Je ne peux tout simplement pas car je suis Cracmol, Eléonore.
Paloma releva la tête, comme prête à affronter moqueries et rejets. Eléonore n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche qu'une alarme retentit dans la télévision.
L'écran afficha «Journal spécial : attaque à Londres. Plusieurs suspects sont en fuite. Au moins quinze morts et sept blessés.».
L'estomac d'Eléonore se contracta à la vue des images qui affichaient un bâtiment en feu, des corps au sol et surtout, dans le ciel noir londoniens, un nuage vert affichant la marque des Ténèbres.
