Des coups violents retentissent contre la porte. Je sursaute et mon cœur s'emballe. Quand j'ouvre, Paul est là, son visage semble déformé par une rage incontrôlable.

— Paul ? Qu'est-ce que tu fais là ? demandé-je, méfiante.

— Qui crois-tu être pour convaincre Rachel de me quitter ? hurle-t-il alors, incapable de retenir sa colère.

Sa voix résonne dans toute la maison comme un coup de tonnerre. Avant même que je ne puisse réagir, il me pousse brutalement. Je vacille, perds l'équilibre et m'écrase presque contre le mur près de moi.

— De quels droits tu t'immisces entre elle et moi ? gronde-t-il, avançant d'un pas menaçant.

— Je... Je ne sais pas de quoi tu parles ! balbutié-je, la voix tremblante.

— Personne ne peut me séparer de Rachel, tu entends ? Personne ! Surtout pas toi !

Il s'approche encore, chaque pas réduisant l'espace qui me sépare de lui. Sa présence est écrasante. Son visage, déformé par la rage, est presque méconnaissable, terrifiant. Ses poings tremblent et son souffle est rauque, presque bestial.

— Je… Je n'ai rien fait, Paul… pleuré-je, me tassant sur moi même et cherchant désespérément un échappatoire.. Je ne sais pas pourquoi elle t'a quitté… On… on n'a pas parlé de toi !

Mais il s'arrête si près de moi qu'il me bloque le passage. Son corps tout entier est pris de soubresauts, comme s'il allait exploser. Je peux sentir la chaleur de son corps, une chaleur qui m'oppresse. Mes jambes flanchent et je glisse lentement contre le mur, incapable de bouger.

— Tu n'es qu'une sale petite menteuse, susurre-t-il d'un ton glacial.

Je frémis de terreur. Les larmes inondent mes joues et je lève instinctivement les mains pour protéger mon visage.

— Paul, tu me fais peur ! Laisse-moi tranquille! Je t'en prie…, murmuré-je alors qu'il semble ne pas m'entendre.

Ses tremblements s'intensifient. Ses poings se crispent, ses traits se tordent et son souffle devient un grondement sourd. Je le vois reculer, mais ce n'est pas un soulagement. Son visage se contorsionne comme s'il livrait une bataille intérieure. Il lutte, mais contre quoi ?

Ses mouvements deviennent plus brusques, presque désordonnés. Je hurle, persuadée qu'il va me frapper. Je me recroqueville complètement, les bras toujours serrés autour de ma tête.

— Paul ! Arrête ça tout de suite !

La voix de Jacob résonne dans la pièce, puissante et tranchante. Avant que je ne comprenne ce qui se passe, il surgit derrière Paul et l'attrape, le tirant en arrière.

— Ça suffit, Paul !

Paul se débat, grogne, mais Jacob le maintient fermement.

— Va-t'en, Jake ! Ce n'est pas ton problème ! grogne-t-il, sa voix plus rauque qu'à l'ordinaire.

— Si, c'est mon problème ! Tu vas sortir d'ici, maintenant, rétorque Jacob avec autorité.

Paul finit par reculer, à contrecœur. Je ne sais pas si c'est la force de Jacob ou autre chose qui le pousse à obéir, mais il finit par franchir la porte. Jacob se précipite vers moi. Il pose une main compatissante sur mon épaule. Je relève doucement la tête, mes larmes brouillent ma vision lorsque j'entrouvre enfin les paupières. Je distingue Paul, déjà dehors, se précipitant vers la forêt.

Un cri déchirant s'échappe de sa gorge, un hurlement animal qui me glace le sang. Mon cœur se serre alors que mes yeux tentent de suivre ses mouvements. Soudain, il devient une masse grise indistincte, qui s'effondre avant de bondir avec une rapidité effrayante, disparaissant entre les arbres.

— Je suis désolé, Haven, tellement désolé… murmure Jacob en faisant glisser sa main le long de mon dos.

Je tremble encore en repensant à la violence dans le regard de Paul. Quand mes yeux croisent ceux de Jacob, emplis de douceur, une vague de colère m'envahit soudain. Je le repousse violemment, le souffle saccadé. Il recule, surpris, mais tend une main hésitante, comme pour me calmer.

— T'es de mèche avec lui c'est ça ? grondé-je. C'est lui qui t'a dit de gagner ma confiance pour me faire du mal ? je crie, bien que ma voix est brisée par la colère et la peur.

— Non ! Haven…

— Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça, putain ? Pourquoi il s'en prend à moi ?! Et toi !, je hurle en le repoussant à nouveau. Tout ça, c'est ta faute ! Je suis tellement idiote d'avoir cru en toi, d'avoir cru que…

Ma voix se brise. D'avoir cru quoi ? Qu'il m'apprécie vraiment ? Qu'il est mon ami ? Les larmes coulent sans retenue. Jacob semble désemparé. Il essaie de répondre, mais une autre voix l'interrompt :

— Oh mon Dieu, Haven ! s'exclame Rachel en déboulant dans la pièce. Je suis tellement désolée !

Elle s'accroupit à mes côtés, son visage empreint d'une sincère culpabilité.

— Je… Je ne pensais pas qu'il s'en prendrait à toi ! Je ne pensais pas qu'il irait aussi loin… Je… Je lui ai dit ce que je ressentais cet après-midi, que j'avais besoin de tourner la page et il a cru que c'était à cause de toi.

Je la fixe, encore tremblante, cherchant à comprendre. Les mots sortent difficilement de ma bouche :

— Rachel… Paul… il… il s'est transformé. C'était un loup. Je l'ai vu.

Elle échange un bref regard avec Jacob, mais revient aussitôt à moi. Ses mains serrent doucement les miennes, son sourire se veut apaisant.

— Oh, Haven… Tu as dû rêver, murmure-t-elle d'une voix douce. Écoute-moi, tu es sous le choc, et ton esprit a joué un tour à cause de la peur. Un prédateur furieux… Ça ressemble à un loup, mais ce n'était pas réel. Je te le promets.

Ses paroles semblent logiques, mais le doute persiste en moi. Un rire nerveux s'échappe malgré moi.

— Tu as sûrement raison, soufflé-je.

Discrètement, Rachel fait signe à son frère de partir, ce qu'il fait sans rechigner. Est-ce que je suis sûre de ce que j'ai vu ? Je n'en sais rien, mais même si c'était le cas, n'importe qui me prendrais pour une folle. Paul qui se transforme en loup ! C'est n'importe quoi… non ?

Point de vue Paul

Je cours sans me retourner. Tout ce que je veux, c'est m'éloigner. Le plus loin et le plus vite possible. Mon souffle est court, ma vision trouble.

Chaque battement de mon cœur résonne comme un tambour dans mes oreilles. Mais ça ne suffit pas à faire taire les voix dans ma tête. Les souvenirs. Rachel me quittant. Haven, recroquevillée, terrorisée par ma faute.

Je serre les poings en courant. Une douleur sourde traverse tout mon corps. Elle part de ma poitrine et se propage comme un feu dévastateur. Un hurlement déchire mes lèvres. Puis la douleur explose.

Mon corps se tord, mes os se brisent et se reforment, ma peau brûle et se déchire. Quand la douleur s'arrête enfin je ne suis plus un homme.

Je suis un loup.

Un loup immense, gris argenté.

Je ne suis pas encore assez loin des habitations, alors je m'élance rapidement vers la forêt, espérant que personne ne m'a vu. Soudain, une silhouette surgit de l'obscurité. Un loup immense, lui aussi, mais plus petit que moi. Il a un pelage couleur sable. Seth.

Il s'approche, prudemment, mais je n'ai aucune envie de le voir, encore moins de l'entendre.

— Paul, qu'est-ce qu'il s'est passé ? résonne sa voix dans ma tête, pressante, presque inquiète.

Mais je n'écoute pas.

Je n'entends rien. Je ne vois rien. Rien d'autre que Rachel m'annonçant qu'elle me quitte, le regard résolu, mais chargé d'une tendresse qui me fait mal. Rachel qui me brise avec douceur, comme si elle voulait me ménager. Et Haven, en larmes, qui m'implore de la laisser tranquille, son visage marqué par la terreur. Haven tremblante, recroquevillée contre le mur pour m'échapper.

Rachel et Haven.

Haven et Rachel.

Leurs traits se mélangent, se confondent, me hantent.

Sous la confusion de mon esprit, Seth insiste :

— Paul, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Et sous l'effet de la colère, je lui saute dessus sans réfléchir.

Je le percute de plein fouet, l'envoyant valser à plusieurs mètres. Il s'écrase contre un arbre, un couinement de douleur s'échappant de sa gorge.

Un autre loup surgit. Plus petit que moi, mais tout aussi déterminé. Leah. Elle me fonce dessus, ses crocs cherchant ma gorge.

Je riposte instinctivement et une lutte acharnée commence. Nos griffes déchirent la terre, nos grognements résonnent dans la forêt. Mais bientôt, d'autres arrivent. Toute la meute est là. Ils me cernent, me repoussent, protègent Seth et Leah de mes assauts.

— Tu les as attaqués ! gronde Leah dans mon esprit. Mon frère ! Et Haven ! Tu aurais pu les tuer !

Ses paroles me frappent comme une gifle. Mais la rage et le désespoir continuent de m'aveugler.

— ÇA SUFFIT !

La voix de Sam tonne dans ma tête comme une déferlante. Tout s'arrête. Leah s'éloigne de moi à contrecœur, tandis que je sens une force invisible m'écraser au sol.

Le grand loup noir s'avance, imposant, son regard brûlant d'autorité. Je n'ai pas le choix. Mon esprit s'apaise, malgré moi. Sous l'influence de l'Alpha, les souvenirs deviennent clairs. Rachel, Haven, leurs regards, leurs cris. Toute la meute voit ce que j'ai fait.

La honte m'écrase autant que la présence de Sam. Je reste allongé, les muscles tendus, haletant. Mes blessures guérissent lentement, mais la douleur dans ma poitrine persiste.

Un à un, mes frères s'éloignent. Seth boitille, soutenu par Leah. Avant de partir, elle se tourne vers moi.

— Il fallait s'y attendre, lance-t-elle avec un mépris glacé.

Je lève les yeux vers elle, incapable de répondre.

— Elle se forçait, continue-t-elle, ses pensées me transperçant. Rachel. Et maintenant, tu n'as plus aucune chance avec Haven. C'est bien fait pour toi.

Ses mots me poignardent autant que ceux de Rachel. Mais je ne dis rien. Je reste là, immobile, incapable de bouger, incapable de penser à autre chose qu'à ce que j'ai perdu.

Et Leah disparaît à son tour, me laissant seul face à Sam. Il attend.

Un bruit de course dans les sous-bois nous alerte. Jacob surgit d'entre les arbres, haletant.

— Ça va aller, Haven est en sécurité maintenant, commence Jacob. Rachel est avec elle. Elle… elle essaie de la calmer.

Je revois encore le visage d'Haven, pétrifié par la peur.

— Paul, tu as complètement perdu le contrôle ! gronde Jacob en s'approchant de moi. Elle t'a vu te transformer ! Rachel essaie de la rassurer, de lui faire croire qu'elle a halluciné.

Sam reste silencieux un instant, puis il se tourne lentement vers moi. Une vague d'émotions puissantes me traverse : de la colère, de la déception, mais aussi un reste de patience, fragile. Je sens mon estomac se nouer.

— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? sa voix mentale est lourde de reproches et chaque mot pèse comme un coup de massue. Tu as mis en danger la meute. Tu as mis en danger Haven. Tout ça… parce que tu n'as pas su te contrôler !

Je m'applati complètement au sol, incapable de résister à son aura d'Alpha.

— Apaise ton esprit, et dis nous ce qu'il s'est passé, m'ordonne-t-il.

Doucement, comme un puzzle qui se reconstitue, les souvenirs surgissent et je revois Rachel. Rachel, revenant de son après-midi chez Haven avec son autrice préférée. Elle m'a raconté avec enthousiasme qu'elle avait passé un super moment, qu'elle avait vécu l'un des plus beaux jours de sa vie.

Puis, son expression est devenue plus difficile à décrypter, plus… torturée.

— Écoute, Paul… Je ne peux pas continuer comme ça… a-t-elle commencé, d'une voix posée.

Je me suis figé, incapable de répondre, sentant déjà venir le coup.

— Toi, moi… l'imprégnation, a-t-elle poursuivi, les yeux brillants de larmes. Je ne le supporte plus.

Ces mots m'ont coupé le souffle.

— Mais… Rachel… je t'aime, ai-je tenté, désespéré.

— Non Paul, c'est ce que tu crois. L'imprégnation fausse tout entre nous. Tu m'aimes parce que je suis ton imprégnée, parce que c'est ce que ton instinct te dicte. Je ne sais même pas qui tu es vraiment. Je ne connais pas le véritable Paul.

Je l'ai regardé, perdu, incapable de comprendre ce qu'elle voulait dire.

— L'imprégnation te pousse à être celui que je veux que tu sois. Si je te disais que je veux partir de La Push, que je ne veux plus remettre les pieds ici… tu me suivrais, pas vrai ?

La question m'a pris de court. Bien sûr que je l'aurais suivie. Je l'aurais suivie jusqu'au bout du monde, sans hésiter.

— Tu vois ? a-t-elle murmuré, son regard cherchant les miens. Même si, au fond, tu sais que tu ne veux pas partir. Tu ne veux pas quitter La Push. Mais tu le ferais quand même, parce que je te l'aurais demandé.

Je la revois s'approcher de moi et me prendre la main, d'une douceur absolue.

— Paul, je ne veux pas que l'imprégnation régisse ma vie. Je ne veux pas non plus que tu en disparaisse non plus, car je t'aime, mais pas comme tu le voudrais. Pas autant que toi.

Mon cœur s'est déchiré de plus en plus et mon souffle est devenu plus saccadé.

— Je veux que tu vives ta vie sans moi à tes côtés, je veux que tu tombes amoureux de quelqu'un qui te mérite… Quelqu'un comme Haven, par exemple.

Ce nom m'a frappé comme une gifle.

— Quoi ? Non… Rachel, c'est absurde…

— Paul, tu es amoureux de cette fille, ou en tout cas elle te plaît depuis longtemps. Tu dis la détester mais depuis gamin tu ne fais qu'essayer d'attirer son attention. De la pire des manières, certes, mais quand même.

J'ai voulu protester, mais elle m'a coupé.

— Écoute… je veux que tu sois heureux, Paul. Vraiment. Mais pour ça, tu dois être honnête avec toi-même. Tu dois devenir quelqu'un de bien, pour elle.

Le souvenir s'efface, remplacé par celui de tout à l'heure, chez Haven. Je me revois devant la porte de Haven, mes poings serrés, le cœur lourd mais décidé. Les mots de Rachel résonnaient encore dans ma tête : Deviens quelqu'un de bien pour Haven. Et ça commençait pas devoir m'excuser auprès d'elle d'avoir été un putain de gros connard avec elle pendant toute ses année.

Mais dès que je l'ai vue, tout a changé. Elle m'a regardé, ses grands yeux pleins de surprise et de méfiance. Et là, j'ai senti les effluves du parfum de Rachel partout dans la maison et j'ai perdu pied.

La colère a explosé.

Ces souvenirs me déchirent. J'ai doublement échoué.

J'ai fait tout l'inverse de ce que Rachel m'a demandé. Et j'ai été incapable de m'excuser auprès d'Haven.

Elle me déteste depuis toujours et, maintenant, elle doit me haïr. Je l'ai terrifiée. Je ne suis qu'une ordure, je ne mérite même pas de vivre.

L'esprit de Sam se fait un peu plus présent dans le mien et me ramène à la réalité. Je relève la tête vers lui et croise son regard devenu plus doux, moins sévère.

— Paul, je t'interdis de te faire du mal. Et je pense que Rachel serait d'accord avec moi, me dit-il en pensant à sa propre histoire avec Emily. Ça va être un long chemin pour t'en sortir, mais tu vas y arriver. Pour Rachel.

— Et pour Haven, ajoute Jacob avec un pointe d'autorité que me cloue sur place.