Les semaines se sont écoulées dans un calme presque déconcertant. Pas de drame, pas de prise de tête majeure et surtout… du temps pour souffler. Même si toute cette histoire avec Paul me prend la tête, j'ai quand même trouvé le temps d'écrire. La sortie du premier tome de ma nouvelle saga littéraire est un succès et je m'autorise une vraie pause avant d'entamer le tome deux. Quelques semaines loin des corrections, des deadlines et des nuits blanches passées à jongler entre le lycée, mon travail et mon anonymat.

Avec le retour des beaux jours, une seule chose m'obsède : reprendre la randonnée. La saison hivernale m'a forcée à calmer mes excursions, mais maintenant, les sentiers m'appellent de nouveau. J'ai déjà repéré quelques itinéraires à tester, mais mes vieilles chaussures, usées jusqu'à la corde, méritent d'être remplacées. Je décide d'aller dans le magasin de sport de Forks, qui est le seul magasin du coin capable de me fournir du matériel correct.

Après avoir payé mon achat, je salue gentiment monsieur Newton et je pousse la porte du magasin de sport, ma boîte de chaussures de randonnée bien calée contre moi. L'air frais me saisit aussitôt et je resserre ma veste en scrutant le parking. J'ai encore quelques minutes avant que le bus n'arrive.

Je commence à avancer sur le parking tandis qu'un homme marche droit vers l'entrée du magasin, les mains dans les poches de son manteau. Mon cœur s'accélère et mon souffle de saccade.

L'homme de la supérette.

Et merde !

Il est toujours dans la région ?

Je fais comme si je ne l'avais pas vu et continue mon chemin en veillant à garder la tête un peu baissée. Peut-être qu'il ne dira rien. Peut-être que—

— Hey ! Salut toi ! Tu vas faire semblant de pas me voir ?

Mon estomac se serre. J'accélère le pas. J'ai l'impression d'être prise au piège en plein milieu du parking. Je relève timidement là tête. Il se tient là devant moi, un sourire en coin sur le visage.

Merde.

Je serre un peu plus ma boîte contre moi.

— Tu te souviens de moi, ma jolie, on s'est croisé à la supérette de La Push ?

Sa main attrape mon bras. Un frisson me traverse, mélange de peur et de malaise. Je fronce les sourcils, faisant semblant de chercher si je l'ai déjà vu.

— Euh, je crois que vous me confondez avec quelqu'un d'aut–

— Non, je te reconnais ! affirme-t-il, me coupant la parole. T'es bien la petite brune de la supérette.

Je me fige, les doigts crispés sur mon carton.

Merde.

Il se rapproche légèrement, son sourire s'élargit et mon cœur bat trop vite. Si je n'y fais pas gaffe, je vais bientôt faire une crise de panique sur ce parking ! Je tente de me dégager, mais il ne lâche pas. Au contraire, il semble resserrer un peu sa prise.

— Je ne vous ai jama–

— Ah, t'es là, t̕ik̕ats ! intervient une voix bien trop familière derrière moi.

Paul !

Je sursaute presque en le sentant apparaître à mes côtés, mais je suis si soulagée de le voir là. L'homme me relâche aussitôt et Paul passe un bras autour de ma taille. Il m'attire doucement contre lui, comme si c'était la chose la plus naturelle au monde.

— Je te cherchais dans la boutique, ʔot̕ik̕ats, continue-t-il en me regardant avec un sourire léger. Tu as trouvé ce qu'il te fallait ?

Je cligne des yeux, désorientée. Est-ce qu'il est vraiment en train de m'appeler « ma puce » ? Je sais que mon quileute n'est pas parfait, mais ça au moins je connais. Il me serre un peu plus contre lui et je reprends mes esprits, entrant dans son jeu.

— Oui, j'ai tout ce qu'il me faut.

Je m'accroche alors à son t-shirt sans réfléchir, mon cœur battant encore trop vite. Paul me serre un peu plus contre lui, si c'est humainement possible. L'homme nous regarde, sa mâchoire un peu crispée.

— Ah, toi aussi t'es encore là, dit-il visiblement déçu.

Paul arque un sourcil et tourne la tête vers l'homme en face de nous. Son sourire disparaît.

— Ouais et je vois que toi aussi, grogne Paul, clairement mécontent.

Il joue vraiment bien son rôle d'amoureux protecteur ! Paul garde un regard froid sur lui, puis ajoute d'un ton trop calme pour être rassurant :

— Écoute moi bien, Hókʷat̕, si je te vois encore tourner autour de ma copine, j'appelle le shérif, le prévient-il d'un air sévère. C'est un très bon ami de ma famille et je ne suis pas certain qu'il apprécie que tu t'en prennes à des mineurs.

L'homme fronce les sourcils, nous regarde tous les deux, rougit, puis finit par lever les mains.

— Ok, ok, je ne savais pas ! Elle avait qu'à le dire aussi ! m'accuse-t-il.

Paul grogne quelque peu et l'homme s'éloigne à reculons avant de disparaître dans le magasin.

Je relâche mon souffle et je réalise que j'avais presque arrêté de respirer. L'adrénaline retombe trop vite, mes jambes flanchent. Paul me retient sans effort. Les larmes montent et explosent avant même que je puisse les retenir. Je m'accroche un peu plus au t-shirt de Paul.

— Je suis désolée… sangloté-je, sans pouvoir m'arrêter.

— Désolée de quoi ? me demande-t-il, surpris.

— De pas t'avoir cru la dernière fois…

Il referme complètement son étreinte sur moi et ses grandes mains me caressent doucement le dos pour me réconforter.

— Hey, t̕ik̕ats… souffle-t-il. T'as pas à être désolée… Tu ne pouvais pas savoir.

Je renifle dans ses bras et me détache légèrement de lui pour le regarder. Le regard qu'il porte sur moi est doux, presque tendre.

— Comment t'es venu ? demande-t-il pour détourner mon attention.

— En bus, je réponds en m'essuyant les joues.

Il finit par me relâcher et me tend la main.

— Allez viens, je te ramène.

Je hoche la tête, encore secouée, puis lui attrape la main. Il m'entraîne jusqu'à sa voiture et m'ouvre la portière. En grimpant, je lui demande dans un murmure :

— Tu vas pas me laisser sur le bord de la route, hein ?

Paul éclate de rire. Un vrai rire. Solaire. Puis, il secoue la tête.

— Non, je te le promets. Et même si tu m'ordonne de le faire.

Un léger sourire étire mes lèvres et il referme la portière derrière moi.

Sur le chemin du retour, mes yeux restent fixés sur la route, mais mon esprit vagabonde. Comment fait-il pour être toujours là au bon moment ? Parfois, j'en viens à me demander s'il me suit. C'est absurde… non ?

Je secoue la tête et me force à chasser ces pensées.

Les jours passent, puis les semaines et je dois admettre que je repense souvent à cet événement, au soulagement que j'ai ressenti quand Paul est arrivé sur ce parking, à la façon dont il m'a protégée sans hésiter, à la chaleur de ses bras autour de moi, à ses mains chaudes me caressant le dos…

Ses mains, trop chaudes.

Un frisson me parcourt. Comment ai-je pu ne pas y penser plus tôt ? Il dégage une chaleur anormale. Comme Jacob. Comme Seth. Comme… Leah.

Non. Ce n'est pas possible. Je chasse aussitôt cette idée ridicule. Parce que les loups de nos légendes n'existent pas. Parce que que nos légendes ne sont que des histoires et, dans ces histoires, les femmes ne deviennent pas des loups.

Et pourtant…

J'ai beau me tourner et retourner le cerveau pour chercher une explication logique à tout ça, j'en viens toujours à me dire qu'à chaque fois que je me suis retrouvé en mauvaise posture, Paul surgit toujours au bon moment, comme s'il sentait que j'étais en danger.

Je dois également admettre que l'idée que tout ça n'est sûrement pas dû au hasard me trotte sans arrêt dans la tête. Il y a trop de coïncidences. Beaucoup trop. Puis je me rappelle que je suis ridicule et que le destin a parfois un très mauvais sens de l'humour.

Paul était simplement là au bon moment. Rien de plus.

Et de toute façon, mon attention finit par se fixer sur autre chose car je le surprends encore plus d'une fois à m'observer. Au lycée. Chez Emily. Toujours avec cette intensité troublante.

Et ce qui me trouble le plus, c'est ce qu'elle provoque en moi.

Parce que je ne le déteste plus autant.

Au contraire.

Maintenant, je remarque des détails qui m'avaient toujours échappé. La manière dont le regard de Paul s'adoucit parfois quand il me parle. Le fait qu'il ne se moque plus de moi. Qu'il ne m'énerve plus autant.

Et c'est là que tout devient compliqué.

Je suis censée lui en vouloir. Garder mes distances. Mais plus les jours passent, plus c'est difficile. Chaque fois que je croise son regard, je repense à son étreinte et à ses mots d'une tendresse folle : ma puce, ʔot̕ik̕ats.

Je me dis que ce n'est rien. Juste de la reconnaissance. Un simple soulagement d'avoir été secourue. C'est forcément ça. Mais alors… Pourquoi cette chaleur s'insinue sous ma peau quand je pense à lui ? Pourquoi est-ce que son rire continue de résonner dans mon esprit, comme une mélodie impossible à ignorer ?

/

Les beaux jours s'installent progressivement sur La Push et l'été approche à grands pas. Cet après-midi, j'ai prévu une randonnée en forêt. D'habitude, j'y vais avec ma sœur, mais depuis qu'elle travaille au poste de police, elle n'a pas tous ses week-ends de libre.

Avant de partir, je préviens toute ma famille ainsi que Jill, au cas où il m'arriverait quelque chose. Tout le monde a les mêmes instructions.

— Je vous ai rédigé mon circuit. Cette fois, je longe Dickey River, ensuite j'ai deux options : soit je continue le long de Coal Creek, soit de Colby Creek.
— Tu sais que je n'aime pas que tu partes toute seule comme ça… s'inquiète ma mère.
— Il ne m'arrivera rien ! Je n'ai jamais eu de problème !

Mais j'aurais mieux fait de me taire.

Car oui, cette fois, j'ai un problème. Je me suis un peu éloignée de la rivière et j'ai trouvé un massif rocailleux à escalader. Mauvaise idée. Ma jambe gauche est coincée dans une crevasse et impossible de la dégager. Il est plus de vingt heures et ça fait quatre heures que j'essaie de téléphoner à quelqu'un. Aucun réseau. Même les appels d'urgence ne passent pas.

— Je suis la personne la plus stupide que je connaisse ! je rage en pensant à Paul.

Ma batterie de téléphone diminue à vue d'œil. À force d'insister, j'épuise toute ma recharge. J'ai mal à la cheville et j'ai envie de hurler. J'ai l'impression qu'elle est tordue, mais pas cassée.

Vingt-deux heures, quatre minutes. Mon téléphone rend l'âme. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Six heures que je suis bloquée. Dix heures que je suis partie.

Je ressasse. Comment j'ai fait pour ne pas voir cette crevasse ? Le pire, c'est que je ne suis qu'à quelques mètres du sol, à peine deux mètres à tout casser.

Il fait nuit. Mes parents doivent être morts d'inquiétude. Moi qui suis partie si sûre de moi ce matin… J'espère qu'ils vont envoyer des patrouilles, mais j'ai peur qu'ils attendent quarante-huit heures avant de me chercher.

Alors, je hurle. C'est tout ce que je peux faire.

Finalement, je me laisse tomber par terre. J'ai tenu debout malgré la fatigue, mais c'est devenu trop dur. Je vais sûrement passer la nuit ici, alors autant être un minimum confortable…

Je grignote un morceau de ma barre de céréales, bois une gorgée d'eau, puis je finis par sombrer. À moitié endormie, la douleur de ma cheville me rappelle à l'ordre chaque fois que je bouge. Mon rêve m'offre un peu de répit : un immense loup des légendes quileute se blottit contre moi pour me protéger. Il est si rassurant… J'ai même l'impression de sentir son pelage contre ma peau.

Le soleil me tire de mon sommeil. La nuit a été courte, mais je tiens le coup. J'attrape ma barre de céréales et ma gourde. J'essaie de ne pas tout dévorer d'un coup.

Je tente de me lever sans coincer mon autre jambe.

— Non mais t'es complètement tarée de partir seule en randonnée ! gronde une voix derrière moi. Ta mère s'est fait un sang d'encre et elle a pleuré toute la nuit !

Je me tourne. Paul. Ce n'est pas un rêve, il est vraiment là.

— S'te plaît, Paul, tais-toi et aide-moi !
— Non, je suis bien tenté de te laisser là, ricane-t-il en croisant les bras sur sa poitrine nue.
— Ouais, laisse-moi là et va t'expliquer avec ma mère… je le menace.

Il tourne les talons. Par fierté, je me retiens de le supplier.

N'obtenant aucune réaction de ma part, il se retourne et revient sur ses pas.

— Tu ne te mets pas à pleurer et supplier de tout ton être ?
— J'en ai assez de te supplier.

Il s'accroupit au-dessus de la crevasse et saisit ma cheville. En quelques minutes, il me dégage de là. Sans un mot, il attrape mon sac à dos et me soulève dans ses bras.

— Qu'est-ce que tu fais ? protesté-je.
— Je sauve la demoiselle en détresse… soupire-t-il.
— Très drôle. Maintenant, repose-moi !

Il ignore ma demande et descend du massif avant d'entamer la marche vers La Push. Au bout d'un moment, une question franchit mes lèvres :

— Comment tu m'as trouvé ?

Il ricane légèrement.

— On a lancé une battue hier soir. Sam, Jacob, Embry, les autres… On balaye la forêt, enfin, on a réduit le périmètre en fonction de ton itinéraire. Ta mère nous l'a donné.

Je fronce les sourcils.

— Une battue ? Vous avez quadrillé toute la forêt… pour moi ?

Il ne répond pas tout de suite et je sens ses bras se crisper légèrement autour de moi avant qu'il ne lâche, d'un ton détaché :

— Ta mère était inquiète, on ne pouvait pas juste attendre les bras croisés.

Je baisse les yeux, mal à l'aise. Quelque chose cloche.

— Tu as vite retrouvé ma trace… si vite… soufflé-je, plus pour moi-même que pour lui.

Je lève les yeux vers lui, mais il garde son regard rivé sur le sentier. Comme s'il évitait mes questions. Je finis par soupirer et me laisse aller contre lui. Comme à son habitude, il est brûlant. Comme Jacob. Comme Leah. Comme tous les autres.

Et si… Non. C'est idiot. Il n'y a pas de louve dans les légendes…

— Je n'ai jamais demandé, pourquoi vous êtes tous chauds comme ça ?
— Truc de famille, marmonne-t-il.
— Ça me fait penser aux Guerriers-Loups des légendes : grands, beaux et forts.
— Hmm… fait-il, songeur, avant de tiquer. Attends… Tu me trouves beau ?
— C'est possible…

Je le vois esquisser un sourire en coin. Oui, je le trouve beau, alors pourquoi se voiler la face ?

Le reste du trajet se fait en silence. Je profite du paysage. Cet endroit est magnifique, j'y retournerais bien… enfin, quand je n'aurai plus une cheville en vrac.

— Je peux marcher, tu sais… soupiré-je au bout d'un moment.
— Tu ne poses pas un pied à terre tant que tu n'as pas vu Cullen. Et puis, il ne reste qu'une heure de marche. Alors, respire et admire les arbres.
— Une heure ? Déjà ?

Ma voix trahit une pointe de déception.

— Tu aimes tellement ma présence que tu ne veux pas me laisser… Si c'est pas mignon ! se moque-t-il.
— Oui, voilà, c'est ça… Non, j'ai juste un problème de notion du temps, gros bêta !
— Ne sois pas vexante, c'était une blague, microbe.

Je me renferme soudainement. Et nous y revoilà. Case départ et on recommence la partie.

On approche de La Push, alors il faut que je reprenne contenance. Paul reste Paul. Ce n'est pas parce qu'il a été adorable ces dernières semaines que ça veut dire quoi que ce soit… Puis, j'ai déjà fait une bourde, il ne faudrait pas qu'il devine mes…

Je me rabroue mentalement. « Mes » quoi, d'abord ?

À peine arrivés chez moi, mes parents, ma sœur et le docteur Cullen nous attendent. Je fronce les sourcils en voyant que Paul ne s'en va pas tout de suite. Il reste en retrait, mais il reste là.

Le médecin m'examine rapidement avant de poser son verdict :

— Tu as une entorse, mais il faudra faire une radio demain pour s'assurer qu'il n'y a rien de plus grave. Immobilise ta cheville ce soir, je te donnerai une attelle demain.

J'en ai pour, au moins, un mois d'immobilisation. Génial.

Je laisse échapper un long soupir en me laissant retomber contre le dossier du canapé.

— C'est chiant, je ne vais peut-être pas pouvoir danser avec Seth et les autres au bal…, marmonné-je, dépitée. Dire qu'ils voulaient tous venir exprès pour moi…

Du coin de l'œil, je remarque que Paul à les mâchoires qui se crispent et me fixe d'un regard noir. Quand je tourne la tête vers lui, il a déjà détourné le regard, mais son expression reste fermée.

— J'espère que tu auras retenu la leçon et feras attention la prochaine fois, microbe, lâche-t-il, avant de tourner les talons.

Je fronce les sourcils, un peu déboussolée. Son ton n'avait rien d'ironique. Il était juste… froid. Glacial, même. Je l'observe s'éloigner, incapable de comprendre pourquoi cette simple remarque m'atteint autant.

Les semaines passent et Paul redevient le garçon exaspérant que je connaissais avant. Il ne cesse de me lancer des piques dès qu'on se croise et, au mieux, il m'ignore. C'est presque comme s'il voulait à tout prix effacer cette proximité qui s'était installée entre nous ces derniers temps.

Et moi… je suis perdue.

Pourquoi est-ce que ça me touche autant ? Pourquoi est-ce que je ne peux pas juste me contenter de le haïr, comme avant ? Je devrais presque être soulagée qu'il se comporte de nouveau comme un crétin. Au lieu de ça, il y a cette foutue sensation de manque. Et de l'incompréhension aussi.

Parfois, je surprends son regard, mais il détourne toujours les yeux aussitôt. Comme si c'était moi qui l'avais blessé, lui, et pas l'inverse. Je ne comprends pas son comportement et ça m'obsède.

/

Installés dans ma chambre, Jacob et moi passons l'après-midi ensemble. Il est assis dans un coin de la pièce tandis que je suis à mon bureau, tentant de griffonner quelques mots, sans succès. Il me semble distrait, voire hésitant.

Au bout d'un moment, je n'y tiens plus.

— Crache le morceau, Jake, grondé-je gentiment.

Il hésite, passe une main dans ses cheveux, un peu nerveux.

— Ok… euh… faut que tu saches…

— Tu me fais peur, Jake…

— Paul veut venir au bal aussi, annonce-t-il, un peu trop vite.

Je manque de m'étouffer et marque un temps d'arrêt.

Paul.

Au bal.

Je reste immobile quelques secondes supplémentaire afin de reprendre contenance. J'inspire aussi discrètement que possible et essaye d'adopter une expression indifférente.

— Qu'il vienne, si ça lui fait plaisir. Ça ne m'empêchera pas de mettre une belle robe et de danser avec mes amis, déclaré-je en haussant les épaules.

Ma voix sonne presque trop détachée et Jacob de ne semble pas dupe. Il me regarde un instant, comme s'il essayait de lire en moi avant de simplement hocher la tête.

Je me détourne de son regard perçant et je fais mine d'être indifférente, reprenant mon gribouillage. Mais au fond, je sais que ça me travaille déjà.


Mots en Quileute :

Hókʷat̕ : désigne un étranger, généralement un homme blanc

ʔot̕ik̕ats : orthographe inventé constitué de la syllabe « ʔo » (ma) et t̕ik̕ats (puce)