Noël n'est pas une fête particulièrement célébrée chez les Quileutes, mais avec Emily, Kim et Leah, on a décidé d'organiser un repas entre amis. Juste un prétexte pour bien manger, passer un bon moment et s'échanger quelques cadeaux. Rien de très traditionnel, mais l'idée nous plaisait à tous.

Pour fêter ce Noël entre amis, je me rends donc chez Emily afin de l'aider à tout préparer. J'ai fait les courses avant de venir, insistant pour que le repas soit à mes frais. Sam me grondera sûrement plus tard, mais je m'en fiche.

Emily, en parfaite maîtresse de maison, s'affaire déjà en cuisine quand j'entre dans la maisonnette. Sans surprise, Sam lui prête main-forte et commence une pâte pour des sablés de Noël à plusieurs parfums.

Au fil de la journée, d'autres bras viennent nous aider, que ce soit pour la cuisine ou l'installation de la salle à manger. L'ambiance est légère et festive. Tout laisse à penser que la soirée sera parfaite.

La maison se remplit petit à petit et, enfin, vient le moment de manger. Les plats sont délicieux, et chacun semble apprécier le moment. Je ne me lasse pas d'observer mes amis rire et discuter, comme si cet instant était le plus joyeux de leur vie. Pourtant, nous savons tous que nous nous reverrons bientôt, encore et encore. Ce lien entre nous est précieux.

Quand le dessert arrive, la bûche préparée par Embry et les sablés de Sam font l'unanimité. Accompagnés d'une tisane bien chaude, ils clôturent le repas en douceur.

— Allez, je distribue les cadeaux ! annonce Quil en allant chercher les paquets.

Les paquets passent de main en main, trouvant finalement leurs destinataires. J'ouvre les miens avec enthousiasme : de jolis bijoux, des livres et des vêtements de randonnée choisis par Paul.

— Tu vois, j'ai entendu quand tu m'as dit que ton pantalon était troué ! se moque-t-il.
— Merci, ʔotałit, dis-je en lui faisant un clin d'oeil.

Paul cligne des yeux, surpris, puis un sourire immense étire ses lèvres.

— « Mon cœur », répète-t-il, un peu abasourdi.

Ses joues prennent une légère teinte rosée, ce qui ne manque pas d'attirer l'attention des autres.

— Oh, c'est trop mignon ! se moque Jared.

— Attends, il rougit, là ?! s'exclame Embry, hilare.

— Fermez-la, grogne Paul, visiblement gêné.

Je ris doucement en le voyant détourner les yeux, mal à l'aise mais visiblement touché. Il se passe une main sur la nuque, cherchant à masquer son trouble. J'adore cette expression sur son visage, ce mélange de gêne et de tendresse.

— Tu rougis vraiment, ajoute Sam en haussant un sourcil amusé.

— Sérieusement, la ferme, Sam, râle Paul, mais sa voix manque de fermeté.

Je pouffe en secouant la tête, amusée par leur petit jeu. Paul se tourne vers moi et, l'espace d'un instant, je sens son regard s'adoucir. Il me fixe avec une telle intensité que mon cœur rate un battement.

Puis, sans prévenir, il attrape mon visage entre ses mains et m'embrasse doucement.

— Oooh ! s'exclament les filles en chœur, attendries.

— Non mais, vous voyez ça ?! Ils nous font un vrai film romantique, plaisante Embry.

Paul ignore royalement leurs commentaires, leur offre même son majeur tendu devant lui, et prolonge légèrement le baiser avant de se détacher avec un sourire tendre. Son front se pose brièvement contre le mien, son souffle effleurant encore mes lèvres.

— J'aime bien quand tu m'appelles comme ça, murmure-t-il.

— Alors je le referai, glissé-je dans un sourire.

Derrière nous, les garçons continuent leurs moqueries, mais Paul n'y prête plus attention. Il se contente de les fusiller du regard avant de passer un bras possessif autour de ma taille.

— Bon, c'est fini votre scène de comédie romantique ?! râle Jared. On peut ouvrir le reste des cadeaux ?

Je ris doucement et Paul, au lieu de répondre, lui balance un emballage de cadeau vide à la figure. Jared l'évite de justesse et éclate de rire.

— T'es grave susceptible, mon cœur, le nargue Embry en insistant sur le surnom.

Je mords ma lèvre en regardant Paul. Il a un sourire au coin des lèvres, l'air faussement agacé. Ses doigts se resserrent légèrement sur ma hanche et je sens qu'il est partagé entre l'envie de m'embrasser encore et celle d'étrangler ses potes.

— Vous avez fini ?! s'exclame-t-il.

— Non, mais continuez, c'est adorable, ajoute Kim en joignant les mains sous son menton.

Les filles acquiescent en chœur, faisant exprès de nous couver d'un regard trop attendri. Je secoue la tête, amusée, tandis que Paul lève les yeux au ciel.

— J'ai des potes insupportables, marmonne-t-il en m'attirant contre lui.

— Ouais, mais on les aime quand même, ajouté-je avec malice.

— Ouais… lâche-t-il dans un soupir résigné. Même si ça me fait chier de l'admettre !

— Mais on t'aime aussi, Paul ! chante Jared avec un clin d'œil moqueur.

Paul éclate de rire. Un vrai rire, franc et léger et il n'en faut pas plus pour que tout le monde parte avec lui.

Après ses quelques éclats de rire, l'atmosphère se calme doucement. Les garçons reprennent leur leur place, mais l'ambiance reste tout aussi joyeuse, pleine de cette complicité si particulière qu'ils partagent.

Je me blottit un peu plus contre Paul, observant les garçons déballer leurs cadeaux. Puis, vient le tour de Paul. Il ouvre mon paquet et y découvre quelques tomes d'un manga qu'il aime particulièrement.

— Merci, t̕ik̕ats ! s'exclame-t-il avec un grand sourire.
— Moi aussi, je t'ai entendue quand tu me parlais de ce manga, je réponds avec malice.

Il m'embrasse.

— Vraiment ? C'est le moment de faire un câlin ? En plein milieu du salon ? demande Embry avec un sourire moqueur.

— Clairement, les gars, prenez une chambre, ajoute Jared en levant les yeux au ciel.

Les garçons explosent de rire, trop contents d'avoir trouvé un nouveau moyen de nous taquiner. Je me détache de Paul en roulant des yeux, mais un sourire me trahit.

— Non, mais sérieusement, vous êtes incorrigibles, lâché-je en riant, ne parvenant pas à garder mon sérieux.

— Ah, mais on veut juste s'assurer que vous ne nous oubliez pas, se défend Jared en haussant les épaules.
— Et que Paul ne se transforme pas en guimauve, ajoute Embry en louchant sur lui.

Paul grogne, attrape une boulette de papier et la lance sur Embry, qui l'évite de justesse.

— C'est trop tard pour lui, commente Sam avec un sourire amusé.

Kim et Emily échangent un regard attendri, tandis que les autres garçons continuent à ricaner.

— Faites gaffe, ou je vous mets tous dehors, menace faussement Emily.

Cela ne fait que redoubler les éclats de rire et la soirée continue dans la bonne humeur, entre discussions, plaisanteries et complicité.

Les jours passent trop vite et il est temps de retourner à Tacoma. Je n'ai pas envie de partir, mais je sais que c'est nécessaire. Paul grogne un peu quand je boucle ma valise, puis m'aide à la charger dans la voiture sans un mot. Comme d'habitude, c'est lui qui m'amène. Son regard sombre et sa mâchoire crispée en disent long.

— Ce n'est pas comme si je partais pour toujours, tu sais, soufflé-je en tentant de détendre l'atmosphère.
— Ouais, mais c'est toujours trop long, répond-il en croisant les bras.

Je roule des yeux, amusée malgré moi.

— T'as prévu de faire quoi pendant que je serai là-bas ?
— Trouver un boulot, traîner avec Sam… Et t'appeler tout le temps.

Je souris en secouant la tête.

Le trajet jusqu'à Tacoma se déroule sans encombre et je retrouve rapidement ma routine universitaire. Les premiers jours, Paul m'appelle matin et soir. Nos conversations me réchauffent le cœur. Il râle quand je me plains de mes cours trop longs, grogne dès que je mentionne un prénom masculin et m'assure que tout va bien à La Push.

Puis, du jour au lendemain, plus rien.

Au début, je me dis qu'il est simplement occupé. Il lui arrive d'oublier son téléphone ou de s'endormir après une journée trop intense. Mais quand une journée passe sans réponse, puis deux, puis trois… l'inquiétude s'installe.

J'appelle, j'envoie des messages. Silence total.

Et ce n'est pas seulement Paul. Jacob, Quil et Embry ne répondent pas non plus. Kim, pourtant toujours connectée, ne semble pas perturbée par l'absence de nouvelles de Jared.

Quelque chose cloche.

Les jours s'enchaînent et l'angoisse ne me quitte plus. Kim n'a visiblement pas parlé à Jared depuis un moment, mais elle ne s'en inquiète toujours pas. Est-ce moi qui dramatise ?

Le week-end arrive et je ne sais plus quoi faire. Aller chez son père pour obtenir des réponses ou respecter son silence ? Après réflexion, je décide d'attendre encore un peu.

Deux semaines passent. Deux semaines de silence. J'ai essayé de faire parler Kim, mais elle reste évasive. Je sens qu'on me cache quelque chose.

À bout de patience, je profite d'un retour à La Push pour aller chez les Lahote. Si Paul veut me quitter, qu'il me le dise en face au lieu de me laisser dans le flou.

Quand son père m'ouvre, son air surpris me met immédiatement mal à l'aise.

— Haven ? Comment vas-tu ?
— Bien, dis-je en tentant de masquer ma nervosité. Paul est là ?

Il fronce les sourcils.

— Tu… tu n'es pas au courant ?
— Au courant de quoi ?

Mon cœur s'accélère.

— Paul est chez Emily, il s'est… Il a été blessé. Je pensais qu'ils te l'auraient dit, depuis le temps…

Me dire quoi, exactement ? Mon esprit se met à tourner à plein régime et tout mes doutes remontent à la surface. Thomas ne me dit rien de plus et et m'encourage à aller voir Emily et Sam. Hésitante, je finis par me convaincre que si cette information vient de son père, alors je peux lui faire confiance.

Mais en arrivant devant la maisonnette, je me fige.

Des éclats de rire s'échappent de l'intérieur. Tout le monde est là… même Kim.

Mes yeux s'embuent. Sans réfléchir, je fais demi-tour.

— T̕ik̕ats ! Attends !

La voix de Paul me cloue sur place. Lorsqu'il s'approche, je vois bien qu'il va parfaitement bien. Il n'est pas blessé, pas au repos. Il a menti à son père et, par répercussion, à moi.

Finalement, je n'ai pas besoin d'autres explications.

Pourtant, quand il me serre dans ses bras, je ne bouge pas. Je devrais le repousser, lui hurler dessus, exiger des explications… mais je reste figée. Comme si mon corps refusait de réagir, trop abasourdi par ce que je découvre.

— Il faut que je te parle… murmure-t-il, sa voix tremblante.

Un frisson me parcourt l'échine.

— Tu me quittes, c'est ça ? suffoqué-je, la gorge nouée.

Il écarquille les yeux et me relâche, pris de court.

— Quoi ?! Non, bien sûr que non !

Mon cœur cogne contre ma poitrine. Je recule instinctivement, le souffle court, incapable de discerner le vrai du faux. Tout mon monde vacille. Je ne comprends plus rien.

Paul attrape doucement ma main et je le laisse faire, trop perdue pour protester. Il m'entraîne à l'extérieur, jusqu'au jardin, puis s'accroupit devant moi.

— Garde les yeux sur moi, demande-t-il d'un ton grave. Je vais me transformer en Guerrier-Loup.

Je fronce les sourcils, interloquée.

— Quoi ? couiné-je, complètement décontenancée.

Mais je n'ai pas le temps d'assimiler ses mots qu'il s'éloigne, se déshabille et que son corps se met à trembler violemment. Je recule d'un pas, paniquée et, sous mes yeux incrédules, il explose. Sa peau semble se déchirer, sa silhouette s'étire, se tord… et, en un battement de cœur, un immense loup gris argenté se dresse devant moi.

Le choc me coupe le souffle. Je porte une main tremblante à ma bouche, les larmes inondent mes joues.

Un frisson glacial me traverse.

J'avais raison. Ce n'était pas mon imagination.

— J'avais raison... murmuré-je, la voix brisée. Je... je savais que je n'avais pas rêvé. C'était pas dans ma tête.

Rachel avait tort, ce n'était pas un biais de mon esprit.

Et tout s'éclaire enfin.

Rachel… Paul… Un amour comme il n'en existe pas d'autre. L'imprégnation.

Un sanglot m'échappe et je me précipite contre lui, m'agrippant à sa fourrure épaisse.

— Je suis désolée… Tellement désolée… Tout est de ma faute… sangloté-je, incapable de contenir toute la peine que j'éprouve.

Paul pousse un gémissement plaintif et frotte son museau contre ma joue. Le contact m'achève. Je lève la tête vers lui, le regard noyé par mes larmes, et murmure un dernier pardon.

— Haven, viens à l'intérieur, m'appelle Sam d'un ton doux.

Je hoche la tête, incapable de parler, et me détourne du loup. J'entre dans la maison et prends place entre Seth et Kim sur le canapé.

L'ambiance est étrange. Un peu pesante. Tous me regardent comme si j'allais m'effondrer à tout moment. Je prends une inspiration tremblante et brise le silence d'une voix rauque :

— Donc, vous êtes tous… ?

Ma phrase meurt dans ma gorge. Je n'ai même pas besoin de la finir. Sam acquiesce.

— Oui, sauf Emily et Kim qui sont nos imprégnées.

Jared hoche la tête.

Puis, un frisson me parcourt.

— Vous… Vous chassez vraiment des vampires ?

Le silence se prolonge une seconde avant que l'assemblée opine du chef.

— Certains, corrige Embry. Les Cullen, on les laisse tranquilles.

Je fronce les sourcils, perdue.

— Les Cullen sont des vampires ?! m'étouffé-je.

— Oui, mais ils ne tuent pas d'humains, précise Leah.

Un vertige me prend. J'ai grandi avec ces légendes, les ai étudiées, passionnée… et elles ont toujours été vraies. Tout était sous mes yeux, et je n'ai rien vu.

Sam se lance dans un long récit. Le traité avec les Cullen, les batailles qu'ils ont menées ensemble, tout ce qu'ils ont appris sur leurs pouvoirs… J'essaie de suivre, mais mon esprit peine à assembler les pièces du puzzle.

Puis, il prononce un nom qui me ramène brusquement à la réalité.

— Bella Swan n'a jamais été malade, conclut-il. Elle est devenue un vampire et a eu une fille, Renesmée… dont Jacob s'est imprégné.

Je cligne des yeux, abasourdie.

— Attends… quoi ?

Jacob sourit.

— Maintenant, le traité est caduc, ou du moins très largement modifié. En fait, on fait tous partie de la même famille, d'une certaine manière.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je n'arrive plus vraiment à suivre. J'ai l'impression d'être projetée dans un monde auquel je n'appartiens pas. Et pourtant, une seule question me brûle encore les lèvres.

Je tourne un regard hésitant vers Paul qui est revenu dans la maison après avoir enfilé ses vêtements.

— Ton… Ton père m'a dit que tu avais été blessé… demandé-je doucement.

Il soupire et passe une main dans ses cheveux.

— C'est vrai, mais les loups guérissent vite. J'ai eu les deux jambes broyées, j'ai dû rester sous ma forme de loup le temps que tout se ressoude correctement.

Je fronce les sourcils, captant le bref échange de regards entre lui et Jacob, mais je ne comprends pas la pique. Une bagarre ? Une mission qui a mal tourné ?

Ils me raconteront peut-être un jour.

Après ça, Paul insiste pour me ramener chez moi, afin que je puisse faire du tri dans mes pensées.

Sur le chemin du retour, le silence s'installe, un peu lourd et étouffant. Tout semble à la fois irréel et limpide. Je fixe la route devant moi, perdue dans le flot de mes pensées.

— J'ai tellement espéré que ces légendes soient vraies… murmuré-je, songeuse.

Un léger frisson me parcourt. Et maintenant que je sais… je ne suis plus sûre de pouvoir le supporter. Comment vais-je pouvoir gérer ma vie avec ce secret supplémentaire à garder ?

Paul glisse sa main dans la mienne et la serre doucement.

— Je te demande pardon de ne pas te l'avoir dit plus tôt… souffle-t-il. Rachel m'a encouragé à le faire, mais je ne savais pas comment t'en parler, alors je t'ai évitée…

Un pincement serre ma poitrine.

— Donc, tu m'as vraiment évitée.

Il acquiesce, un peu honteux.

— Seules les imprégnées et les anciens sont au courant. Billy, le vieux Quil, Joy, Sue… et mon père, me dit-il doucement.

— Et Embry, sa mère ne sait pas ?

— Sam préfère la protéger de ce secret.

Je prends une grande inspiration, rassemblant mon courage pour poser la question qui me brûle les lèvres.

— Donc… je suis la seule étrangère à connaître la vérité.

Il me lance un regard appuyé.

— Tu n'es pas une étrangère, affirme-t-il d'une voix grave et assurée.

Et cette phrase suffit à balayer tous mes doutes.