Encore une fois, je reprends ma vie à la fac de Tacoma. Avec les cours, je me plonge dans les révisions et essaie de me concentrer sur mon avenir. Mais quelque chose a changé.

Paul.

Je ne savais pas que ce serait possible, mais il est encore plus présent et encore plus attentif, comme s'il s'autorisait enfin à être avec moi pleinement.

Je l'avais déjà remarqué depuis que je suis au courant pour la meute, car il ne cache plus rien. Mais maintenant, il ne freine plus ses élans, il m'aime sans retenue. Je le ressens dans chaque regard, chaque geste. Je vois aussi le poids qui s'est envolé de ses épaules depuis que Rachel a annoncé son mariage.

Les jours s'enchaînent donc, rythmés par cette nouvelle réalité. Mes journées sont toujours les mêmes, entre cours, révisions et quelques moments volés avec Paul. Mais quelque chose en moi a changé. Une certitude s'est installée. Je n'ai plus besoin de me demander s'il est vraiment avec moi.

Aujourd'hui, plus que jamais je me sens bien entourée. Et ce soir, je fête mon anniversaire chez Emily et Sam. Emily a tout organisé avec Kim. Comme d'habitude, elles ont prévu une quantité astronomique de nourriture. Il faut bien nourrir ces loups affamés. La meute est là au complet et Jacob a même obtenu la permission de Bella et Edward pour amener Renesmée. Cette enfant est adorable. Fascinante, aussi. A seulement quatre ans, elle à l'apparence d'une fillette de de douze ans.

L'ambiance est joyeuse, les rires fusent. Ces moments entre amis sont mes préférés. Je suis heureuse de faire partie de leur famille, à ma manière.

Puis, vient le moment des cadeaux.

Je râle gentiment, expliquant que ce n'était pas nécessaire. Les plus jeunes de la meute se sont cotisés pour m'offrir un collier en argent. Sam et Emily ont pris les boucles d'oreilles assorties.

Enfin, Renesmée s'avance gracieusement et me tend un paquet rectangulaire.

— Je l'ai écrit avec l'aide de Carlisle, déclare Jacob, un peu gêné. Esmée l'a illustré.

C'est un livre relié en cuir sur les vampires.

— J'adore ! Merci beaucoup ! Tu les remercieras de tout mon cœur, je dis en prenant Renesmée dans mes bras.

Elle me serre à son tour et rejoint rapidement Jacob. Embry s'approche à son tour et j'ouvre son paquet. J'y découvre un loup en peluche gris avec des taches noires.

— C'est ma couleur ! dit-il, fier de lui.
— Il est adorable ! Merci !

— Ah non mais ça c'est dégueulasse ! s'écrit Seth. C'était mon idée et vous me l'avez tous piquée ! se plaint-il, son paquet encore à la main.

J'ouvre un à un les cadeaux suivants, découvrant à chaque fois… un loup en peluche. Seth boude alors je m'approche de lui pour lui prendre son paquet des mains.

— Je te jure que c'était mon idée ! Mais ils m'ont dit que c'était nul…

— Vous n'avez pas fait ça ? je les dispute.

Ils se grattent tous la tête, penauds. Finalement, je déballe le petit paquet que Seth m'a apporté et j'y trouve un porte-clés, un loup miniature de couleur sable, identique à son pelage.

— Comme ça, tu pourras l'accrocher à tes clés de voiture et je serai toujours avec toi ! dit-il en jetant un regard narquois à Paul.

— Quand j'aurais passé mon permis de conduire, c'est promis, réponds-je et lui faisant un bisous sur la joue.

La soirée se termine dans les rires et la bonne humeur. Je repars le cœur léger, serrant contre moi la peluche offerte par Seth. Une fois à la maison, je range soigneusement tous mes cadeaux et me glisse sous les draps avec un sourire aux lèvres.

Le lendemain matin, un message de Paul m'attend sur mon téléphone :

« Prépare-toi, je passe te chercher. Mets tes chaussures de marche et habille-toi chaudement. »

Intriguée, je ne pose pas de questions et fais ce qu'il dit. Moins d'une heure plus tard, il est là, un sourire énigmatique aux lèvres. Il refuse de me dire où nous allons, se contentant de m'attirer dehors.

C'est seulement lorsque je me retrouve perchée sur son dos de loup, en pleine forêt, que je comprends : il m'emmène découvrir des endroits qu'aucun sentier ne pourrait me permettre d'atteindre.

Assise sur le dos de Paul, les mains agrippées à ses poils gris, je regarde défiler les paysages du Parc National Olympique que je n'ai jamais explorés auparavant. Paul est rapide et je ne suis pas encore habitué à sa vitesse. À chaque dérapage ou freinage brusque, je suis secouée, mon cœur battant à tout rompre. Je dois souvent lui demander de s'arrêter pour pouvoir reprendre mes esprits et dégourdir mes jambes !

Nous arrivons au pied du Mont Olympe, un lieu que j'avais toujours vu de loin, mais jamais exploré. Je n'avais pas réalisé que ce sommet imposant se trouvait à la fois si près et si loin de chez moi.

Paul se couche pour me permettre de descendre. Il est toujours aussi attentionné, toujours prêt à veiller à ce que je sois en sécurité, comme si je n'étais qu'un fragile objet qu'il faudrait préserver. Mais ça me plaît, d'une certaine façon, de savoir qu'il prend soin de moi et me protège.

— Prête pour la suite ? me demande-t-il en se redressant, après avoir repris forme humaine.

Il se rhabille, un sourire taquin aux lèvres et je lui réponds par un hochement de tête. Je suis prête, même si un léger frisson d'excitation m'envahit.

Nous nous engageons sur un sentier étroit qui grimpe en direction des hauteurs. Ce chemin n'est pas vraiment dangereux, mais il est escarpé et je sens le sol sous mes pieds se durcir à chaque pas. Après quelques minutes de montée, nous arrivons sur un plateau naturel. Paul m'attrape la main et m'entraîne dans une petite cavité étroite.

— Fais attention où tu mets les pieds, il y a un peu de débris ici, me dit-il en m'aidant à me glisser dans le passage.

À l'intérieur, une odeur de terre et de pierre m'envahit. Il sort une lampe torche de son sac et commence à l'agiter autour de nous, éclairant la roche. Ses yeux brillent d'une fierté que je trouve adorable.

— C'est Taha Aki lui-même qui a gravé ça pour ses descendants, dit-il avec une fierté non dissimulée.

Je regarde les gravures sur la roche, intriguée. Des dessins, des phrases écrites dans cette langue ancienne que je n'ai jamais apprise, mais que Paul m'a souvent expliquée. Mon cœur s'emballe à l'idée d'être ici, dans cet endroit secret, sacré. Je me penche sur le carnet que j'ai pris soin d'apporter. J'écris frénétiquement chaque phrase, chaque dessin, reproduisant avec soin les symboles gravés dans la pierre.

Je relève les yeux un instant et pose une question qui me tracasse depuis un moment.

— Et si c'était découvert ? Notre, enfin votre secret va... je me coupe, hésitant, mais Paul semble anticiper ma question.

— Oh, ça a déjà été découvert. Mais pour les historiens, ce qui est écrit là ne correspond qu'aux légendes. Ils n'ont pas tous les éléments pour comprendre vraiment, complète-t-il.

Je le fixe un instant, fascinée par cette histoire, par la manière dont il me transmet cet héritage, avec une telle authenticité. Il n'y a aucune hésitation dans sa voix, aucun doute, juste une certitude. J'écris, je prends des photos avec précaution, veillant à ne pas activer le flash de mon appareil. Je veux tout documenter, tout capturer, pour que rien ne m'échappe.

Après un moment, nous ressortons de la cavité. Paul me guide, m'aide à me remettre sur mes pieds. Nous nous installons ensuite sur un gros rocher, non loin de là, et je continue de regarder mes notes et mes photos.

Paul semble vouloir dire quelque chose, mais ses yeux sont perdus, fixant le carnet que je tiens dans mes mains. Finalement, il parle, lentement, comme si ce qu'il disait ne venait pas uniquement de ses lèvres, mais de son cœur.

— Tu sais, quand tu m'as mordu pour ton carnet le jour où tu nous a montré Wolfy, j'ai failli me transformer…

Je le regarde, intriguée.

— Pourquoi tu me dis ça ? je lui demande, un peu prise de court.

Il semble hésiter, comme s'il ne voulait pas vraiment en parler, mais il continue.

— Les cicatrices d'Emily, c'est Sam qui lui a fait. Il a perdu son calme, elle était trop près de lui… T̕ik̕ats… J'ai vraiment eu peur de perdre le contrôle ce jour-là. Je suis le plus nerveux de la meute, le plus colérique…

Je fronce les sourcils, mais je ne peux m'empêcher de sourire un peu.

— Mais tu t'es calmé, non ? je dis, comme pour le rassurer.

Il acquiesce lentement, une lueur dans les yeux.

— Oui. Et je crois que c'est grâce à toi, avoue-t-il.

— Moi ? hoqueté-je.

— Je ne voulais pas te blesser, parce que t'es mon microbe, dit-il avec un sourire malicieux.

— T'es bête ! pouffé-je doucement.

Je le bouscule doucement de l'épaule, mon cœur battant un peu plus fort à chaque seconde passée à ses côtés.

— Juste amoureux.

Ces mots flottent entre nous, comme une évidence.

Quelques semaines se sont écoulées depuis cette après-midi, et chaque jour avec Paul semble confirmer cette vérité simple. Il est là, à mes côtés, avec un regard qui dit tout ce qu'il ne formule pas en mots.

Les semaines m'ont aussi plongée dans mes révisions. La pression des examens m'oppresse parfois, mais il y a aussi quelque chose de plus léger dans ma vie, quelque chose qui me permet de garder le cap : l'écriture.

J'ai enfin terminé l'écriture et la correction de mon troisième roman de ma nouvelle saga.

Et j'ai l'impression de respirer un peu mieux.

Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre qu'il soit imprimé, prêt à paraître. C'est toujours surréaliste de me dire que quelque chose que j'ai écrit, que j'ai porté pendant des mois, va bientôt prendre forme et être mis entre les mains des lecteurs.

Ce sentiment de création achevée est à la fois excitant et effrayant.

Et en même temps, au fond de moi, je suis troublée. Paul m'a confié son secret et moi… Moi je suis incapable de lui avouer le mien. Pourtant, il faudra bien un jour que je le fasse et j'ai peur des dégâts que je vais causer…

Ce week-end, je suis de retour chez moi, dans la tranquillité de ma famille, qui me semble toujours être la meilleure bouffée d'air frais entre deux périodes de stress.

Alors que Paul a passé la journée à patrouiller, j'ai profité de mes neveux et d'une après-midi à la plage, mais tout au fond de moi, je pense déjà à ce qui nous attend ce soir : Paul et moi avons prévu de nous retrouver chez moi avant d'entamer une soirée en amoureux pour notre anniversaire de couple. Trois ans, ce n'est pas rien.

Quand j'arrive, je salue mes parents installés devant la télévision. Ma mère m'informe que Paul m'attend dans ma chambre. Je grimpe les escaliers en souriant, mais mon enthousiasme s'évapore aussitôt en ouvrant la porte.

Paul est assis sur mon lit, un livre à la main. Il le tient ouvert, un mot glissé entre les pages. Son regard passe du papier à la couverture, puis à moi quand j'entre.

— Paul ?

Je m'approche lentement et reconnais immédiatement l'exemplaire de mon dernier livre, fraîchement reçu. Celui avec mon pseudonyme bien en évidence : H. Wolf.

Mon ventre se tord. Je sais ce qu'il a trouvé.

Paul détache le papier et le lit à voix haute, d'un ton incrédule :

— « Félicitations ! Ta saga se vend toujours aussi bien, et avec ce dernier tome, les chiffres explosent. Prépare-toi à recevoir un très beau chèque ! »

Il baisse la feuille et me regarde, l'air complètement perdu.

— C'est une blague ? demande-t-il amer.

Je me recroqueville légèrement sur moi-même.

— De quoi avez-vous parlé ? Avec Rachel, de quoi vous avez parlé ? gronde-t-il, une colère sourde au fond des yeux.

Je ne réponds rien, incapable du moindre son. Paul semble essayer de contenir sa colère, mais j'ai l'impression de la voir s'échapper par tous les pores de sa peau. Je me tasse encore un peu plus sur moi-même et les larmes me montent aux yeux.

— HAVEN !

Je sursaute.

Son ton, son regard… Cette fois, je fond en larme et me laisse tomber au sol, comme pour se cacher sous son bureau. Il est en colère et je comprends pourquoi. Il ne s'énerve pas seulement parce que je lui ai caché quelque chose. Il s'énerve parce que je suis la dernière personne qui a parlé avec Rachel avant qu'elle ne le quitte.

Paul réalise soudain que sa posture est menaçante et s'éloigne. Il s'assoit par terre à son tour, le dos contre mon lit, et me regarde avec un air désolé. Il ne dit rien, ne bouge pas et attend simplement que je me calme.

— Je lui ai expliqué que je m'étais inspirée de l'imprégnation pour écrire un « coup de foudre imposé », dis-je d'une voix encore tremblante. Mais dans mon livre, l'héroïne le rejette et s'en va loin, parce qu'elle refuse d'être obligée d'aimer quelqu'un…

Je baisse les yeux.

— Je suis désolée, Paul.

Il bascule la tête en arrière, contre le matelas, et pousse un soupir lourd.

— C'est elle qui est partie par sa propre volonté, souffle-t-il. Tu ne l'as pas forcée à le faire…

Un silence plane encore entre nous, mais cette fois, il est plus léger. Paul ramène son regard vers moi.

— Je suis désolé de t'avoir fait peur, Haven.

Je souris timidement et je sors enfin de ma cachette. Je m'approche de lui et il me tend la main. J'hésite une seconde avant de la lui prendre. La soirée a mal commencé, mais il était encore temps d'y remédier.

— Je te paye le resto ? proposé-je avec un sourire espiègle.

Paul éclate de rire et je vois enfin ses traits se détendre. Puis il fronce les sourcils, comme s'il venait de réaliser quelque chose.

— Attends… Ça explique pourquoi tu fais toujours les courses avant de venir chez moi ou chez Emily…

Je hoche la tête, amusée.

— Maintenant que je sais, Sam et le reste de la meute vont le savoir aussi… dit-il en soupirant.

— Tu veux que ce soit moi qui leur en parle ?

Il réfléchit une seconde avant d'acquiescer.

Nous restons assis là encore quelques minutes, puis nous nous levons et prenons la direction de chez Emily et Sam. Comme toujours, la maison est remplie. Je me demande comment ils arrivent à avoir un peu d'intimité. Peut-être seulement la nuit…

Mon cœur bat un peu plus vite en franchissant la porte. Mais après tout, c'est un juste retour des choses. Ils m'ont confié leur secret. À mon tour de leur confier le mien.

/

Sam et les autres ont plutôt bien réagi à la révélation de mon secret. Embry et Quil ont même plaisanté en disant qu'ils allaient me réclamer des droits d'auteur. J'ai dû leur expliquer pendant une éternité que je m'étais inspiré de nos légendes pour écrire ma romance et que l'univers de ma saga était complètement différent. Seth, lui, a adoré. Quant à Jacob… il est resté silencieux, mais il ne m'en a pas voulu.

— Attends… Attends, tu veux dire que , c'est toi ?! s'était exclamée Kim, les yeux brillants d'excitation.

Je n'avais jamais vu quelqu'un passer aussi vite de la surprise à l'adoration.

— Mais pourquoi tu ne l'as jamais dit ?! Je suis fan !

À côté d'elle, Jared avait levé les yeux au ciel.

— Je t'en supplie,Haven, ne l'encourage pas…

Kim lui avait envoyé une tape sur l'épaule avant de me prendre les mains.

— Haven, tu réalises que j'ai lu TOUTES tes histoires sans savoir que c'était toi ?

Emily, elle, avait simplement souri.

— Je me doutais que tu étais une grande rêveuse, mais je ne pensais pas que tu avais un tel talent. Tu es incroyablement douée.

Et puis, il y avait eu Leah.

Elle avait croisé les bras, un sourire moqueur aux lèvres.

— Donc, tu es une romancière à succès et tu nous as laissé croire que étais un lycéenne normale ?

— J'étais une lycéenne normale ! m'étais-je défendue.

— Mmmh… Bien sûr, H. Wolf.

Mais malgré son sarcasme, j'avais vu une lueur d'admiration dans son regard.

— Je veux lire. T'as intérêt à me filer un exemplaire.

Si quelqu'un m'avait dit un jour que Leah Clearwater voudrait lire mon roman, je ne l'aurais jamais cru !