Hello voici la suite j'espère qu'elle vous plaira !

réponse à maa : décidément je t'adore vraiment !


« Dans un état second, sous l'effet de la panique par exemple, le sorcier peut laisser échapper sa magie. C'est une des ces vertus merveilleuses et mystérieuses, elle a sa volonté propre. Mais sa nature indépendante peut devenir désavantageuse pour le sorcier, s'il est trop inexpérimenté. Le sorcier qui perd le contrôle se trouve contraint à un effort qu'il n'est pas forcement préparé à fournir. La violence de la décharge peut alors avoir des conséquences imprévisibles. Ainsi on peut citer le cas d'Istairia de Côme, chiromancienne virtuose du douzième siècle. Elle raconte dans son journal une expérience peu commune mais remarquable.

Il est difficile de savoir avec précision ce qu'elle entendait par le terme Entre-Monde, mais nous savons qu'elle y voyait le moyen de visiter les morts. Ces pratiques ne nous sont pas parvenues, éliminées par l'instauration du Secret et la moralisation de la magie. Mais nous savons grâce aux ouvrages des nécromanciens que la transe était considérée comme la porte vers l'Entre-Monde. C'est pendant l'une de ses séances, qu'elle fut précipitée bien plus loin qu'elle ne l'aurait cru possible. Istairia raconte comment pour la première fois elle a ouvert les yeux dans sa transe, ce que personne n'avait fait jusqu'à elle, alors qu'elle était à la recherche de l'enfant mort d'une paysanne.

« L'ombre de l'enfant devant moi, je ne fus plus moi-même. Dans la nébuleuse de la transe, je l'appelais mais il restait muet. Il me semblait s'éloigner. Je ne voulais pas le perdre, je devais le trouver. Mais immobilisé par mon corps vivant, je ne pouvais l'atteindre. Alors, une force qui n'était pas moi ouvrit mes yeux. Je n'étais plus dans le champ de la femme. J'étais dans la lumière et l'enfant était face à moi. »

Chez elle, la magie prend le corps et agit à travers lui, surpassant l'intuition et la raison. Elle est l'exemple d'une manifestation magique spontanée parfaite comme nous en avons décrit beaucoup d'autre dans les chapitres précédents. Mais ce que la magie peut donner, elle peut aussi le prendre. Au cours de cette séance, Istairia perdit la vue. Il semblerait qu'une fois ses yeux ouverts sur l'Entre-Monde, ils se soient aussi définitivement fermés pour celui des vivants. Sa magie avait volé un de ses sens pour en ouvrir un second, sans que pourtant Istairia n'en ai fait le choix. Entrainée par les événements, la gnose a transfiguré son être pour en faire son sujet. La femme est devenue voyante. Certains dirent qu'elle fut choisie par une force supérieure.

On peut imaginer avec plus de réalisme que l'effort qu'a nécessité cette vision à altérer irrémédiablement les capacités sensitives d'Istairia. La magie n'ayant pas assez d'énergie par elle-même pour un tel effet, puise là où elle peut. Le sens poussé si loin dans ses retranchements se détériore dans l'action. L'équilibre alchimique de l'esprit, de l'âme et de la magie est renversé. Toucher une magie aussi profonde n'est pas sans risque, c'est un échange, le corps perd ce que gagne le pouvoir. Sans avoir vraiment eu besoin de l'apprendre mais en en faisant l'expérience par hasard, Istairia était maintenant capable de pénétrer l'Entre-Monde. Mais l'épreuve fut si bouleversante pour son être qu'elle corrompit son corps. Son expérience est unique, mais au travers des siècles et dans tous les domaines mettant à l'épreuve la magie du sorcier, on trouve des exemples de phénomène semblables dont les conséquences sont aussi diverses que les expériences. »

La première magie et la magie première, Livre IV, De la magie spontanée page 208, Elenus Adams, 1763

Le second réveil

- дерьмо !

- J'ai dit à Evans et à Lupin de partir, et surtout, de se taire.

- Ils tiendront leur langue, vous croyez ?

- Je pense, Evans est son amie et Lupin … il sait ce qu'est un secret.

- Comment va-t-elle ?

- C'est difficile à dire pour l'instant.

- La peau, les cheveux et les yeux ont subi une dépigmentation, je dirais spontanée, et assez récente. Un choc émotionnel ou physique. Elle a une brûlure sur le dos qui doit être le résultat d'un sortilège, je suis presque sûr que c'est de la magie noire. Il semble que cette plaie-là ait été soignée magiquement mais il n'y a rien à faire, elle la gardera toute sa vie. Il y a aussi quatre entailles qui ont été recousue par des moldus, très proprement, dans un hôpital sans doute. Au vue de la cicatrisation je dirais qu'elles ont un mois, un mois et demi, tout au plus, ce qui semble impossible. Miss Evans dit que ça n'a pas pu arriver pendant les vacances.

- À quoi pensez-vous, Pompom ?

- Les entailles que j'ai soignées au mois de septembre n'ont pas disparues. Je n'avais pas vue les autres. Elle les cachait, c'est certain, et magiquement, sans aucun doute, une métamorphose morphologique, j'imagine. Elle est très faible physiquement. Il doit y avoir un rapport entre son état général et la dépigmentation. À mon avis, c'est aussi de la magie, je ne vois pas ce qui aurait pu provoquer ça autrement. Un état dépressif peut conduire à un dépérissement semblable. La dépigmentation aussi, il peut s'agir d'une réaction à un mal être résistant, des problèmes d'émotivité récurrents, mais ça prend des années, or elle est trop jeune pour être à un stade aussi avancé de la maladie. Il y a surement quelque chose là-dedans qui ralentit la cicatrisation. Cacher magiquement tout ça et faire comme si de rien n'était a dû être épuisant. Et aller jouer au Quidditch dans cet état … elle est complètement folle.

- Quelle forme de magie aurait pu faire ça ?

- Un sortilège de dévitalisation, un transfert d'énergie mal répartit, un empoisonnement sur une potion mal préparée, ça peut être n'importe quoi. Il se peut aussi que ce soit une réaction de sa magie à elle contre un sort qu'elle aurait mal vécu. Le sortilège qui lui a brulé le dos, par exemple. Peut-être qu'elle a dû puiser des forces qu'elle n'a pas su reconstituer. Je me répète, ça peut être n'importe quoi. En tout cas, je n'ai jamais vu ça.

- Et pour le cognard ?

- Le coup lui a fait perdre connaissance, de fait toute l'énergie qu'elle mettait pour se cacher à disparue sur le chemin qui les menaient ici. Il a jouer le rôle de révélateur, en quelque sorte. Le choc a été rude, l'hématome est impressionnant, mais on pourra le faire disparaître. Vu son état, je ne peux pas utiliser les baumes habituels, leurs principes actifs risqueraient de l'empoisonner. On va commencer par la remettre sur pied et ensuite on s'occupera du cosmétique.

- Non, je ne peux rien vous dire, Mr Lupin. Tant qu'elle ne nous aura pas expliqué ce qui lui est arrivé nous n'en seront pas plus et vous savez que même là, je ne pourrais rien vous dire. Elle va s'en sortir. Rassurez-vous, et cessez de vous poser toutes ses questions.

- Mais …

- Dans combien de temps va-t-elle se réveiller ?

- Je ne sais pas, je lui ai donné la potion de réveil mais en moins grande quantité que d'habitude. Peut-être quelques heures, peut-être moins. Ça ne devrait plus tarder.

- Ça fait tout de même vingt-quatre heures.

- Elle trop faible pour qu'on la réveille d'un coup ou même qu'on lui donne toute la potion. Plus elle dort, plus elle reprend des forces, et vu les cernes qu'elle a sur le visage, il y a longtemps qu'elle n'a pas fait une vraie nuit.

- Pompom à raison. Laissons la dormir tant qu'elle le peut.

- да разъебись ты блядским трипиздопроебом, остохуетелое пиздострашилише, залупоглазая ящерица …

- Elle a parlé dans son sommeil.

- Qu'a-t-elle dit ?

- Je ne sais pas, on aurait dit du russe.

- Personne ne peut la voir, Mr Potter, et n'envisagez même pas de vous blesser exprès pour pouvoir entrer ! On s'occupe très bien d'elle, ne vous inquiétez pas. Retournez à vos occupations.

- дурак …

- ça, c'était une insulte !

- Que voulez-vous dire, professeur ?

- Elle dit : « Abruti ! »

- J'ai décidé de ne pas la réveiller avant qu'elle ait retrouvé toutes ses forces. Il semble que le repos est une action réparatrice appréciable. Je vais la garder dans cet état le plus longtemps possible.

- La potion de réveil n'a pas eu d'effet ?

- Si, elle est sortie du coma, mais elle est resté inconsciente. Elle dort, en fait. Je lui donne la potion de sommeil à certaines heures mais pas trop, quelques gouttes, il ne faut pas en abuser. C'est un sommeil facile et sans rêve. Ça lui fait du bien, il faut en profiter.

- Profitons-en, alors.

- Combien de temps allez-vous la maintenir endormie ?

- Autant de temps qu'il faudra pour qu'elle retrouve la force de cicatriser.

- Je vais devoir lui parler, vous savez.

- Vous voulez la réveiller maintenant ?

- Ça peut encore attendre.

- долбень …

- Ça va ?

- On devrait partir, l'aurore se lève.

L'aurore … L'aurore lui semblait si loin. Comme un passé à jamais perdu, ou un future inaccessible. La mélancolie émergeait dans le noir. L'aurore se levait, c'est ce qu'il avait dit. Le Soleil étirait sans fin ses rayons dans les ténèbres de la désolation, mais l'encre de la nuit ne fléchissait pas. L'ascension de l'astre était inutile, le monde n'était plus que cendre, et même illuminé, il était noir. Le désespoir le submergeait. Mais quelque part, au loin, elle se sentait retenue, quelque part elle était à sa place. Elle savait que ce n'était qu'un cauchemar, qu'elle pouvait s'éveiller. Elle sentit dans le lointain un mouvement. Son aurore reviendrait. Elle le savait, comme un espoir inébranlable qui ne peut tenir que s'il dépasse la croyance. Elle savait elle reverrait un jour ses amis, elle retrouverait un jour sa vie, les temps sans malheur reviendraient. Une main se referma sur la sienne. Une main déplaçait la sienne. La main de qui ? Elle ouvrit les yeux. Elle eut mal. Comme lors du premier réveil, quand le soleil lui avait brulait la rétine. Le halo d'une baguette prit la fuite. La douleur s'apaisa et elle put voir. Et elle le vit, il était là. IL ÉTAIT LÀ. Elle tressaillit, saisie par des émotions contradictoires. Le soulagement fit place à la panique. Elle était comme nue face à lui, découverte de son masque, dans son corps sans force, dans son corps douloureux, dans son reste de corps. Et c'était lui qui était là. Il fallait dire quelque chose, elle ne pouvait pas le laisser la voir ainsi sans rien dire, en le laissant croire n'importe quoi. Elle entrouvrit ses lèvres sèches mais rien ne sortit. Il faillait dire quelque chose, mais il n'y avait rien à dire. Et il n'était déjà plus là.

La porte grinça horriblement et la réveilla définitivement. Elle était à nouveau seule. Encore seule dans un lit de réveil. Elle avait la tête lourde. Pourquoi était-elle là ? Le cognard. Bien sûr, le cognard. Elle effleura sa tempe avec le bout de ses doigts. La peau était molle et gonflée. Les faibles lueurs qui naissaient à l'horizon l'éblouissaient déjà. Elle avait à nouveau mal dans son crâne. Depuis combien de temps était-elle là ? Sur la table de nuit, reposait le flacon vide d'une potion de sommeil. Il devait y avoir longtemps qu'elle dormait. Elle sentait ses muscles ankylosés par la léthargie. Il fallait qu'elle se lève, elle ne pouvait pas rester allongée là, il fallait qu'elle bouge et, à son grand étonnement, le premier geste, s'appuyer sur son coude pour se relever, se fit sans aucun mal. Elle sentait l'endormissement de ses membres, mais ils se réveillaient en douceur. Excepté la migraine, elle n'avait mal nul part. La migraine elle-même n'est rien comparée à celle qu'elle avait connue pendant le premier réveil.

Elle se leva doucement, étirant ses bras et ses jambes, découvrant un corps sans réticence. Elle marcha, le sol rafraichissant ses pieds nus. Elle tira le rideau pour masquer la fenêtre avant que la lumière ne devienne insupportable et se dirigea vers la salle de bain à la rencontre d'un miroir. Elle redoutait le face à face mais elle savait déjà ce qu'elle allait voir. Les bribes de conversation qu'elle avait perçue pendant ses instants de torpeur l'avaient suffisamment renseigné sur sa situation. Mais la rencontre avec le reflet fut tout de même pénible. Elle ne s'attendait pas à y voir son visage tuméfié par un hématome aussi laid. Et même si elle avait déjà pu observer son corps sans couleurs, émacié et marqué, elle supportait mal cette image. Le souvenir était encore trop cuisant. Elle ne pouvait se distinguer clairement dans l'obscurité mais une torche l'aurait aveuglée, en perdant leurs couleur d'origine, ses yeux étaient devenus très sensibles à la lumière et ne la supportaient plus. Grâce à la métamorphose, elle avait pu leur redonner leur gris naturel et créer une protection contre le soleil, mais avec le cognard, la magie lui avait fait défaut. Elle s'observa rapidement, passa une main dans sa tignasse sans forme : elle avait piètre allure. Mais elle se sentait ressuscitée par sa longue nuit.

Elle n'avait plus du tout envie de dormir, l'horloge du couloir indiquait presque huit heures, Mme Pomfresh allait bientôt se lever. Quand elle serait debout, une machine impitoyable serait mise en marche, on lancerait la mécanique infernale qui la conduirait encore et toujours à donner explication pour tout et qui la mènerait inévitablement au mensonge, comme si c'était elle la coupable. Alors elle savourait ses derniers instants de paix avant le déferlement des questions. Assise sur son lit, elle savoura le silence, la quiétude du matin, l'incertitude de l'aube. Une petite heure encore.

Juste une heure de repos pour voir Mme Pomfresh ouvrir la porte de ses appartements et marmonner sa mauvaise humeur du matin toute seule en allumant les chandelles et l'interpeller.

- Éteignez ça !

L'infirmière ramena l'obscurité, et, grâce aux faibles lueurs qui filtraient par les rideaux, elle aperçut le voile du fond ouvert sur sa malade anciennement comateuse assise sur son lit et maintenant souriante. Toujours aussi amoché mais souriante. Son visage passa de la mine basse de la contrariété à la grimace exaspéré. Y avait-il un élève assez sensé pour rester couché quand il est à l'infirmerie ?

Elles n'échangèrent pas un mot pendant que l'infirmière ausculta la jeune femme. L'une craignant l'avalanche des questions, l'autre appréhendant les réponses. Mme Pomfresh jeta un coup d'œil à toutes les plaies et inspecta les globes oculaires. Comme il n'y avait pas d'évolution et rien à signaler, elle griffonna quelque mot sur un calepin et rangea le flacon vide qui était toujours sur la table de nuit. La femme ne prononça qu'une phrase juste avant de disparaître.

- Recouchez-vous ! Avait-elle ordonné avant de se diriger vers la sortit. Ce n'est pas parce que vous êtes réveillée que vous êtes en forme. Ne bougez pas, je vais chercher Dumbledore.

Anastasia ne fit rien pour la retenir. Elle était déjà partit. Quand Dumbledore arriverait, il poserait des questions. La machine serait lancée. Plus rien ne pourrait l'arrêter. Elle était là, seule sur le lit aux draps blancs et elle attendait que l'épreuve commence. Jamais elle ne serait libérée des questions. Elle avait cet héritage trop lourd, ce passé trop traumatique, et elle avait trop menti. Mais elle n'avait pas prévu que ces questions-là soient posées si tôt, et lentement, tandis qu'elle imaginait Mme Pomfresh traverser le château en direction du bureau du directeur, l'angoisse faisait son chemin. La peur faisait partit de son monde. Mais la peur l'atteignait souvent trop tard. C'était pour elle, un sentiment diffus, impalpable, un fantôme. Toujours là, infime présence noircissant sa raison, démangeaison persistante qu'elle avait appris à ignorer. Un homme lui avait dit un jour « le courage, c'est quand tu agis d'abord et que tu penses après ». Un Gryffondor aurait enjolivé « le courage, c'est quand tu agis d'abord selon ton cœur et que tu penses après avec ta tête », un Serpentard aurait répondu que c'était bien la preuve que de leur bêtise.

Le fait est qu'Anastasia avait souvent foncé tête baissée dans les emmerdes. Et qu'elle avait souvent réalisé trop tard la bêtise de la chose. Dans ces cas-là, au moment où la réalité prend le dessus, ou tous les plans qui devaient vous sauver sont perdus, il n'est plus temps de se préoccuper de la peur. On gère ou on meurt. Quand on a connu ces peurs-là, on ne peut plus mépriser les fuyards. Gérer signifiant presque toujours fuir. Elle n'avait connu la vraie peur qu'une fois. Cette peur qui vous paralyse, qui vous prend aux tripes, qui vous fait chier dans votre froc et qui vous fait appeler votre mère même quand vous ne l'aimez pas, cette peur-là, elle ne l'avait connue qu'une seule fois. Et le souvenir était vieux et vague. Ou ce qui l'en restait dépassait ce problème. Elle avait eu d'autres occasions d'avoir peur, de trembler, de s'inquiéter, mais ces peurs n'avait jamais été aussi fortes. Elles ne tenaient pas la comparaison. Elle s'était toujours dit, après la première peur, qu'il n'y aurait jamais pire. De fait, il n'y avait jamais eu pire, différent oui, mais pas pire. La peur au fur et à mesure avait perdu de sa force de persuasion, l'alarme était muette, elle criait dans le vide. Elle avait peur, et quand on y pense, elle avait peur de tout, mais voilà, Anastasia savait qu'il suffisait de ne pas y penser pour ne plus avoir peur. Et de fait quand elle ne pensait plus qu'à ce qu'elle avait à faire, dans ces cas-là, s'était comme si elle n'avait peur de rien.

Mais ce jour-là, malgré tous ce qu'elle avait fait, tous ce par quoi elle était passée, ce jour-là alors qu'elle était bien au chaud assise sur le lit confortable d'un merveilleux château, elle perçut en elle, germer une peur qu'elle ne connaissait pas. L'appréhension, contre toute attente, faisait son trou dans sa tête. Elle qui sans hésitation s'était toujours jetée dans la gueule du loup, elle craignait par avance pour la première fois de sa vie l'arrivée d'un homme. Un homme qu'elle admirait depuis toujours. Si on lui avait demandé quand elle était enfant ce qu'elle aurait voulu faire de sa vie, elle aurait volontiers répondu qu'elle aurait aimé être comme lui. Dumbledore n'était pas qu'un homme intelligent et courageux, c'était un homme sage qui avait foi en l'humanité. Un homme qui, quand elle lui avait dit son nom, n'avait posé aucune question, il n'avait même pas parut s'en émouvoir. Il lui avait dit « Bienvenue ». S'il y avait un homme au monde auquel elle aurait souhaité ne pas mentir, c'était cet homme-là. Et cet homme-là arrivait pour lui poser des questions auxquelles elle ne pouvait pas répondre. Elle n'en avait pas le droit. Elle ne le voulait pas. L'idée même de ce qu'elle allait faire lui donnait la nausée. Seulement les lois étaient ainsi faites, personne ne devait savoir, personne ne saurait.

Le directeur fit son apparition dans l'obscurité de la pièce, une vingtaines de minutes après le départ de l'infirmière. Il était seul et avant même de la saluer, il éclaira la pièce d'une lumière blanche indolore pour les yeux sensibles de son élève. Puis il prit une chaise, s'installa à côté du lit sur lequel elle était toujours assise, lui posa sa première question avec calme et douceur.

- Miss Adamovich, comment vous sentez vous ?

- Bien, professeur, assura-t-elle avec réticente. Je me sens bien.

Il lui souriait aimablement mais ses yeux bleus pénétrant scrutaient avec curiosité la physionomie de l'adolescente.

- Vous allez devoir m'expliquer les raisons de votre état, entama-t-il.

- Est-ce vraiment nécessaire ? Demanda-t-elle en baissant les yeux.

L'homme lui adressa un sourire indulgent.

- Je le crois, oui, insista-t-il. Votre situation était très préoccupante et le fait que vous ne m'en ayez pas fait part en août est pour le moins étonnant. Je suis surprit de votre défiance, je l'avoue.

Anastasia ferma les yeux, il lui était difficile de ne pas se sentir coupable. Il y avait dans ses mots une pointe de déception. Elle ne lui avait pas rendu la confiance qu'il lui avait offerte. Mais comment lui avouer son histoire alors qu'elle savait pertinemment le danger d'une telle confession.

- Je ne doute pas que vous avez vécu des événements terribles qui doivent vous paraître impossible raconter, ajouta-t-il. Mais il n'est pas bon de garder cela pour vous, il n'est pas bon d'enfouir les douleurs. Elles resurgiront tôt ou tard, et plus vives encore. Nous pourrions vous aider.

Elle frissonna mais ne fit aucun signe pour lui répondre. Un silence pesant s'installa dans la pièce, Dumbledore attendait qu'elle dise quelque chose, mais elle semblait pétrifiée, perdue dans ses pensées, incapable de formuler la moindre parole. Elle construisait un mur imaginaire entre lui et elle. Un mur contre sa voix qu'elle ne voulait pas entendre.

- Si vous avez été attaquée par des mangemorts, continua le directeur, vous devez me dire ce qui vous est arrivé, comprenez-vous que la moindre information est cruciale ?

Elle comprenait trop bien, elle comprenait surtout qu'il n'avait aucune idée de la nature de ce qu'il lui demandait. C'est une chose étrange que d'être face à un homme que l'on admire pour son intelligence et son savoir, et de le voir faire totalement fausse route. Le danger n'était pas dans son silence, le danger était qu'elle en dise trop. Dumbledore était bien trop brillant, il comprenait beaucoup trop vite les choses, avec beaucoup trop peu d'indice, en fait pour lui la moindre phrase anodine pouvait devenir une preuve. Il fallait toujours faire très attention à ce qui était dit en sa présence, rien ne lui échappait, une simple hésitation vous pouvait trahir. Il était donc la dernière personne avec qui elle aurait choisi de s'épancher. Cependant, il était de plus en plus clair qu'elle allait devoir dire quelque chose, mais quoi, que pouvait-elle dire d'assez important pour qu'il n'aille pas plus loin et qui en même temps ne mangeait pas de pain. Elle était dans une impasse.

- Il y a peut-être des vies que nous pourrions sauver avec ce que vous savez.

Ce fut la voix de Dumbledore prononçant ses mots, plus que le sens de la phrase qui troubla Anastasia. Il n'allait pas essayer de la faire culpabiliser quand même. C'était déloyal, pas du tout à la hauteur du personnage. Elle ne culpabilisait pas du tout pour ces hypothétique vies humaine à sauver, le risque était bien plus grand si elle parlait, mais elle n'avait pas imaginé une telle bassesse de sa part. Adossée sur le dos coupable d'une de ses élèves, la mort incertaine d'innocents inconnus, les inconnus, généralement des femmes et des enfants, sont toujours innocents, pour la faire parler. C'est surtout pour son salut à lui, qu'elle décida de prendre la parole. Jusqu'où était-il capable d'aller s'il en était déjà là à la troisième tentative ?

- Je ne veux pas vous mentir, professeur, lâcha-t-elle. Je … Si je pouvais vous expliquer, je le ferais.

- De quoi avez-vous peur ? Demanda-t-il simplement.

- Je n'ai pas peur, balaya-t-elle. Mon histoire n'est pas seulement la mienne et il ne m'appartient pas de la révéler. Ne me forcez pas à le faire.

Dumbledore fronça les sourcils, de plus en plus intrigué. Et il aimait les mystères.

- Il n'y a rien que vous ne puissiez me dire qui de toute votre vie ?

- Non, soupira-t-elle.

- Vraiment ?

- Je ne suis pas la gardienne de ces secrets.

Elle y était, le premier mensonge. Elle était la seule à savoir tout ce qu'elle savait, le sortilège de Fidelitas n'aurait été utile que si le secret avait été partagé. Or il était impossible que quelqu'un d'autre soit mis au courant, elle était seule dans cette histoire, et elle n'était malheureusement pas assez discrète. Mais au moins, se disait-elle, il penserait qu'elle serait dans l'incapacité de lui révéler quoique ce soit. Il cesserait de l'interroger.

- Dans ce cas vous ne pouvez pas commencer par me dire d'où viennent ces cicatrices et votre état maladif, estima-t-il en se redressant sur son siège. Ils parlent d'eux même, et s'ils appartenaient au secret vous n'auriez pas eu besoin de les cacher et nous n'aurions jamais pu les voir.

Anastasia soupira à nouveau. Elle détestait mentir à Dumbledore pour une autre raison qui n'avait rien à voir avec le cas de conscience, il était trop fort pour elle. Sans le vouloir elle avait ouvert une brèche. Maintenant tout ce qui était visible attendrait une réponse qu'elle n'avait plus de raison de taire. Mais comment dire ça, comment dire quoique ce soit sans qu'il cherche à comprendre. Elle céda, non sans hésitions. Elle devait absolument lui donner quelque chose, un os à ronger, n'importe quoi.

- J'ai été attaqué … par des gens, ils m'ont … fait … du mal.

Dumbledore fut légèrement surprit de voir qu'elle ait autant de mal à dire une chose aussi évidente. Ce n'était pas suffisant. Il fallait qu'elle trouve mieux. Mieux était la vérité. Edulcoré, bien sûr, avec quelque omission certainement. Mais les faits, ça elle pouvait le dire, après tout si elle n'entrait pas dans les détails ce n'était pas si problématique. Et puis elle n'était pas le centre du monde, il fallait qu'il s'occupe de Voldemort, et il était coriace celui-là. Un petit morceau de vérité et elle serait sauvée. Un tout petit morceau de vérité.

- Ces gens étaient-ils des mangemorts ? hasarda-t-il pour l'aider.

- Faut-il être mangemort pour être cruel ?

Les yeux bleus de Dumbledore brillèrent. L'ironie de l'adolescente vibra dans la détermination vide de son regard rouge, un sourire amer se dessina sur son visage blanc.

- Que vous ont-ils fait ? Insista l'homme avec douceur en s'avançant vers elle.

- Ils … commença-t-elle mais rien de plus ne sortit.

Elle releva la tête vers le plafond, puis elle poussa un long soupir et enfin elle ouvrit les vannes. Elle dit les choses très vite sans émotion, sans reprendre son souffle, histoire d'en finir.

- Je volais au-dessus d'une forêt, j'ai été attaquée. J'ai fait une chute, très rude, et ils m'ont retrouvée. J'avais perdu ma baguette et je ne pouvais pas me défendre. Ils ont ri, je me souviens bien de leur rire. Et ça a commencé. L'un d'eux, ils étaient deux, a lancé un Doloris. J'ai crié, ça les a fait rire à nouveau, l'autre s'y est mis. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. J'ai eu tellement mal. Je ne sais pas à quel moment j'ai senti mon esprit s'éparpiller, mais je me souviens avoir paniqué. Je ne sais pas exactement comment ça s'est produit, mais je me suis retrouvée enfermée dans ma tête.

- Que voulait vous dire ? Intervint le professeur en fronçant ses sourcils.

- J'étais dans le noir, je n'avais plus aucune sensation physique, expliqua-t-elle. C'est une hypothèse, mais je pense que j'ai tellement fermé mon esprit, que mon âme et mon corps sont devenus des étrangers.

- C'est inhabituel, commenta-t-il avec circonspection.

- C'est aussi assez inhabituel que des gens s'acharnent à ce point sur quelqu'un, juste pour s'amuser.

- Par les temps qui courent, pas tant que ça, avoua tristement Dumbledore en se levant. Mais ce que vous me dites à propos de votre esprit, par contre, est très intéressant. Aviez-vous déjà pratiqué l'occlumancie auparavant ?

- Oui, dit-elle en se tournant vers lui.

Il était faisait les cents pas dans la pièce allant et venant d'un pas sur en tortillant le bout de sa barbe.

- Bien sûr … Comment avez-vous réussit à revenir ? S'inquiéta-t-il au bout d'un moment.

- Quelqu'un m'a aidé, dit-elle comme si ça expliquait tout.

- Quelqu'un ? Releva-t-il perplexe.

- Quelqu'un, répéta-t-elle pour signifier qu'elle n'en dirait pas plus.

- Et ensuite ? Relança-t-il.

- J'ai transplané, confia la jeune femme. C'était une fuite. J'ai perdu connaissance et je me suis réveillé dans un hôpital moldu.

- C'est là que les cicatrices ont été soignées, je suppose ?

- Oui.

- Pourquoi un hôpital moldu ?

Elle s'arrêta un instant. Pouvait-elle avouer que Rogue était là quand elle avait transplané ? Non, c'était ce genre de chose-là qui éveillaient les soupçons de Dumbledore, elle en avait déjà trop dit. En dire le moins possible était primordial. Et surtout, ne mêler personne à ses problèmes.

- Aucune idée, fit-elle d'un haussement de sourcils.

L'homme parut s'en contenter, il reprit ses questions.

- Et pour la brûlure dans votre dos ?

- C'est une autre histoire, éluda-t-elle.

Une fois de plus, le directeur ne cacha pas sa stupéfaction.

- Combien de fois vous êtes-vous fait attaquer par ses « gens » ? demanda-t-il avec empressement.

- Je les ai croisés à plusieurs reprises, avoua-t-elle à contre cœur.

- Si ces gens sont aussi dangereux que vous le dites, déclara-t-il. Je dois savoir qui ils sont.

- Je ne peux pas vous le dire.

Il semblait s'impatienter.

- Si la situation est aussi périlleuse …

- Professeur, coupa la jeune femme avec toute la conviction qui était la sienne. Vous avez vos problèmes, et vous devez les régler avant tout autre chose. Là d'où je viens, la situation est chaotique mais elle n'est pas votre affaire, ne croyez pas que personne n'agit. Votre rôle à vous est de détruire Voldemort. Et c'est suffisamment lourd à porter comme ça, même pour un homme tel que vous. Rien ne doit vous détourner de votre tâche. C'est très important.

Chose encore plus étrange que voir Dumbledore faire erreur, lui clouer le bec. Pour la première fois depuis qu'il était entré dans la pièce, elle le regardait dans les yeux, avec une expression farouche qui voulait en dire long. L'illustre directeur observait la jeune femme avec concentration, elle pouvait voir ses méninges s'agiter derrière ses lunettes en demi-lune. Elle espérait de tout son cœur qu'il ne la voit pas comme une sorte de casse-tête chinois particulièrement subtil et passionnant, ou une énigme qu'il fallait à tout prix résoudre.

- Vous vouliez savoir pourquoi je suis dans cet état, ajouta-t-elle d'un ton qui se voulait décidé. Je me suis vidée de mon énergie en tentant de sauver ma raison de la violence des Doloris. Maintenant, vous savez.

Enfin, si savoir consiste à étudier son sujet par un trou de serrure.

- Il n'y a rien d'autre à dire, conclut-elle avec fermeté.

Enfin, si dire consiste rapporter la vérité.


Alors qu'est ce que vous en pensez ?

le prochain chapitre sera plus long à venir car il n'est pas encore écrit et que j'ai beaucoup de travail an ce moment mais il arrive.