Roshan décide rapidement que sa tante Narcissa lui plaît beaucoup. Ce n'est pas juste parce que grand-père ne l'apprécie pas, bien que ce soit un argument des plus solides en sa faveur – apparemment, elle a épousé un bon à rien aussi intrigant que cupide, ce qui veut dire qu'elle n'est qu'une dinde et ne mérite aucune considération. Vu que grand-père semble tenir la cupidité et les tendances aux complots pour des qualités, ça sonne assez hypocrite de sa part de dénigrer ainsi le mari de tante Narcissa, mais Roshan n'est pas assez bête pour dire ça à voix haute.

Tante Narcissa compte aussi comme qualités un regard bleu assez doux, une voix claire qui l'aide probablement très bien à chanter, et de longs cheveux presque argentés tellement ils sont blonds. Roshan ne sait pas pourquoi la couleur de ces cheveux le rend si nostalgique, mais il est sûr que s'il voulait les toucher, ils seraient doux et sentiraient bon.

Mais par dessus tout, son expression est gentille, son sourire est plein de bienveillance. Elle le regarde et elle l'aime, autant que grand-père ne l'aime pas, autant que son père a dû l'aimer avant de disparaître sans laisser de traces. L'amour, c'est comme le soleil : on peut vivre sans, mais à quoi bon dans le froid et le noir ?

Tante Narcissa l'aime, alors Roshan aime sa tante. C'est aussi simple que ça.

Pour son cousin Drago… Roshan est moins sûr.

Drago ressemble un peu à tante Narcissa, même si la nuance de ses cheveux est plus blanche qu'argentée, et que ses yeux sont gris ardoise plutôt que bleu ciel, mais Roshan peut encore lui accorder le bénéfice du doute. Là où ça se gâte, c'est que Drago a visiblement l'habitude de n'en faire qu'à sa tête – d'être le petit roi de la maison, et forcément, il s'attend à ce que son cousin se montre serviable et docile.

Roshan n'en a pas du tout envie. D'une part, il est un Héritier, l'Héritier de la famille Lestrange, et ça signifie qu'agir en subordonné serait indigne de lui et de ses ancêtres. Et de deux, Roshan est né en début décembre là où Drago est de la fin juin – il a demandé – ce qui veut dire que Roshan est l'aîné des cousins de sept mois bien sonnés, et l'aîné passe toujours avant le cadet, c'est carrément écrit dans la loi !

Secrètement, il y a aussi un instinct qu'il garde pour lui, quelque chose de brûlant et d'écailleux et d'impérieux qui refuse la simple éventualité de se soumettre à un autre qui ne l'a pas mérité, fusse-t-il aussi pourvu d'ailes et d'un souffle incandescent. Et Drago n'a rien que son nom en guise de prétention à ce statut.

De son côté, le garçonnet blond paraît stupéfié qu'il existe quelqu'un refusant de se plier à ses quatre volontés et s'efforce d'imposer son autorité : heureusement, Roshan n'a besoin que de grogner en lui montrant les dents – qu'il a très robustes et bien blanches – afin de lui rappeler sa place inférieure dans la hiérarchie.

Ni tante Narcissa ni grand-père n'approuvent la démonstration, principalement car un jeune homme de bonne lignée ne doit pas se conduire comme un animal. En son for intérieur, Roshan se demande quelle aurait été leur réaction s'il avait suivi son impulsion initiale et mordu son cousin plus jeune. Pas assez fort pour briser la peau fragile et faire couler le sang, mais néanmoins mordu. Ça vaut sans doute mieux qu'il l'ignore, après réflexion – il ne s'agirait pas de faire pleurer tante Narcissa alors qu'elle est son invitée, ou elle risquerait de ne plus vouloir venir.

Pour sa tante, Roshan croit être en mesure de tolérer Drago. Les mauvaises habitudes, ça leur arrive de se corriger en grandissant, après tout.


Un qui est très intéressé d'apprendre la visite de tante Narcissa avec son fils, c'est Perry l'Auror, alors qu'il effectue son passage habituel au manoir. Il demande tous les détails à Roshan, et en dépit de sembler déçu que grand-père et tante Narcissa n'aient pratiquement pas discuté ensemble, il a l'air très heureux pour le garçon quand celui-ci affirme combien il est heureux d'avoir pu recevoir sa famille.

Perry aussi a des tantes, une du côté de son père et trois par sa mère, qu'il décrit profusément à Roshan – lequel écoute gravement et n'en proclame pas moins la supériorité de sa propre tante, victoire qui pousse l'Auror à s'incliner naturellement.

« … Et puis j'ai promis que je viendrais assister au quatrième anniversaire de Drago. Mais je crois qu'il faut que j'apporte un cadeau, et je ne sais pas quoi » finit-il par confesser.

Il est hors de question qu'il demande à grand-père, parce que le vieil homme suggérera sans doute quelque chose de vilain ou dangereux ou déplaisant par dépit – il n'avait pas eu l'air content du tout quand Roshan a accepté l'invitation de tante Narcissa, et l'a disputé après le départ des Malefoy pour ce qu'il a appelé une décision imbécile.

« Tu pourrais toujours apporter quelque chose qui te plaît » commente Perry sans malice, mais Roshan fronce quand même le nez.

« Mais ce n'est pas mon anniversaire, c'est celui de Drago. C'est à lui que le cadeau doit plaire, pas à moi ! »

« C'est vrai » concède l'Auror.

Mais le nez de Roshan persiste à rester froncé, tandis qu'il regarde son interlocuteur de sous sa frange ondulée.

« Vous êtes fâché que j'y aille ? » demande-t-il, et l'Auror sursaute.

« Quoi ? Bien sûr que non... »

« Vous avez les coins de la bouche qui font comme ceux de mon grand-père, et il est fâché que j'y aille » riposte le garçon. « Si vous continuez à mentir, c'est moi qui me fâche. »

Perry l'Auror ouvre la bouche, puis la referme et pousse un soupir aussi gros qu'une armoire.

« Ce n'est pas tellement que je suis fâché » nuance-t-il, « c'est que je suis inquiet pour toi. Que tu ne passes pas un bon moment. »

Roshan rumine cette réponse. Ça sent la vérité, mais pas entière, il y a quelque chose que l'homme ne lui dit pas. Cependant, il doute obtenir une réponse s'il insiste – et l'Auror est bel et bien inquiet, pour quelque chose qui pourrait très bien arriver.

« Je suppose que c'est une bonne raison » avoue-t-il lentement. « Mais si je n'y vais pas, je ne saurais pas. Et c'est mon cousin. »

« Et bien, j'imagine que je ne peux pas te faire changer d'avis » se lamente Perry, un peu moqueur, un peu sérieux.

À ça, Roshan répond en lui adressant un grand sourire – c'est à dire qu'il retrousse les lèvres et montre les dents. L'Auror roule des yeux et lui tapote la tête, là où les boucles noires font le plus coussin.

« Tu me raconteras quand tu reviendras, j'espère ? Que je sache que tout s'est bien passé. »

Il ne dit toujours pas tout, Roshan peut le sentir, et le garçon s'interroge. Sa famille est plongée dans les secrets et les non-dits, et tout paraît revenir à l'absence de ses parents. Qu'est-ce qui s'est donc passé ? A-t-on l'intention de lui en parler un jour, ou bien les gens autour de lui comptent-ils le laisser croupir dans l'ignorance ?

À tout hasard, Roshan a l'intention de mener l'enquête. Juste au cas où.