La fête d'anniversaire pour les cinq ans de Roshan, lorsqu'elle arrive enfin, présente des similitudes alarmantes avec celle des quatre ans de Drago. C'est la faute du protocole et de l'étiquette, ça rend tout pareil en donnant des consignes à suivre, et personne n'ose s'en détourner après.

Pour l'instant, Roshan décide qu'il se sent soulagé par les ressemblances. Au moins il sait comment la journée doit se passer – bon, c'est aussi parce que son grand-père lui a exposé le programme de l'après-midi.

Il y a des différences, quand même, la principale étant que l'anniversaire de son cousin a eu lieu en juin mais que le sien est en décembre, donc ça doit forcément se passer à l'intérieur sinon quelqu'un va s'enrhumer et personne n'aime tomber malade, ça vous oblige à boire des sirops dégoûtants et à vous moucher si fort que vos oreilles se bouchent mais vous avez toujours le nez plein.

Ça explique probablement pourquoi le cadeau de Pansy Parkinson est une écharpe en fourrure de lapin. Elle est tellement douce que Roshan s'empresse de la nouer autour de son cou, tant pis si ça jure avec sa vareuse, et Pansy doit en être très contente parce qu'elle sourit tout le reste de l'après-midi. Drago lui fait la grimace, par contre, parce que son cousin n'a pas voulu jouer tout de suite avec les figurines de créatures magiques qu'il a offertes.

Roshan admire ces figurines en bois qui bougent toutes seules dès qu'on les sort de leur boîte. C'est seulement qu'il s'agit de bestioles avec des ailes – un Abraxan qui est un cheval capable de voler, un hippogriffe, un billywig qui est un insecte bleu avec un dard plus long que son corps et une fée qui lui rappelle un peu un papillon fragile aux couleurs presque transparentes – et Roshan ne veut pas risquer de les voir disparaître par la fenêtre et s'enfuir au plafond, parce qu'il faudra les récupérer et son grand-père refuse de réparer ou de retrouver ses jouets cassés ou perdus pour que ça lui apprenne à faire attention à ses affaires.

Drago devrait comprendre ça, sauf que non, il décide de bouder. Heureusement que tante Narcissa est polie pour eux deux, mais Roshan espère quand même qu'elle va tout expliquer à Drago – les mamans sont supposés dire pourquoi quand les choses ne se passent pas comme prévu, non ? Enfin, il pense. C'est ce qu'il a compris des anecdotes que Perry lui raconte parfois sur sa propre famille.

Il voudrait vraiment que Perry soit là, même si l'Auror ne sait probablement pas comment dire à une dame que sa robe est jolie de manière convenable. Il est sûr qu'il parviendrait à faire rire toute l'assistance en leur racontant les bêtises qui lui arrivent tout le temps quand il va chez les gens qui font les idiots.

Madame Carrow aurait besoin de rire un bon coup, en plus. Elle a l'air horriblement fatiguée quand elle arrive, les yeux tout cerclés de noir et pas parce qu'elle a mis trop de maquillage, sa robe vieille et un peu terne sous son gros manteau en tweed marron, et ça ne peut pas être parce que ses filles lui donnent du souci, les jumelles ont l'air de poupées tellement elles sont tranquilles et silencieuses, on peut les poser dans un coin et les oublier parce qu'elles ne font aucun bruit du tout.

Elle pleure un petit peu quand Roshan lui offre solennellement un gros morceau de gâteau chocolat et confiture de framboises, mais elle le remercie très gentiment et dit qu'il fait honneur à sa famille. Roshan n'est pas très sûr de vouloir faire honneur à son grand-père ou à ses parents, mais Madame Carrow mange son gâteau jusqu'à la dernière miette, alors il ne relève pas.

Pour les jeux, c'est un peu compliqué vu que les enfants ne peuvent pas sortir, et le grand-père de Roshan a accumulé tellement de meubles, de portraits et de vases et autres objets fragiles et chers qu'il n'est pas d'accord pour laisser qui que ce soit s'en approcher, même regarder dans leur direction, alors imaginez si les enfants cassent quelque chose ! Ni le vieux monsieur ni les parents du fautif ne seraient contents devant les dégâts et la facture à payer.

Heureusement qu'on peut pratiquer les devinettes en intérieur, même si la plupart des énigmes est déjà connue, et que certaines sont tellement compliquées que c'est impossible de les comprendre – parfois même la personne qui a lancé la devinette ne sait pas la réponse, il la pose juste parce qu'il espère que quelqu'un d'autre réussira à s'en dépêtrer. Inutile de dire que ça cause plein de cris et de protestations à l'injustice quand ça arrive.

Roshan en profite aussi pour étrenner le jeu de pendu qu'il vient de recevoir, venant avec un petit pantin de bois animé qui grimpe les marches de la petite structure de bois où l'attend une poutre à laquelle est accrochée une ficelle qu'il noue autour de son cou lorsque le joueur chargé de deviner un mot se trompe une fois de trop. C'est presque plus amusant de donner la mauvaise réponse exprès pour regarder le pantin se balancer au bout de la ficelle.

Avec ça, on finit par le passe-parole, où le premier joueur doit glisser un message à l'oreille du second joueur qui le répète au troisième, et ainsi de suite jusqu'à ce que le dernier joueur répète ce qu'il a entendu à voix haute, et là c'est le fou rire parce que ça ne ressemble absolument pas au message du début. Quand Roshan doit inventer le mot, il souffle à Pansy Parkinson que Grigri a préparé un clafoutis aux cerises qu'il a ensuite caché sous un lit, et que le gâteau est fameux – ce qui se termine avec Gregory Goyle proclamant que Pansy a été douchée par un papoteur sans manches qui lui a mis une carpe sur les yeux. C'est tellement absurde que le jeu s'arrête là, les enfants rient trop fort pour inventer autre chose.

De toute façon, la soirée touche à sa fin, et cela signifie dire au revoir à tous les invités en les remerciant d'être venus, ce à quoi tout le monde répond que c'était un plaisir, et puis il n'y a plus personne d'autre que les résidents usuels entre les murs du Manoir Lestrange.

C'est étrange parce que Roshan ne s'est pas dépensé particulièrement au cours de l'après-midi, mais voilà qu'il peine à garder les yeux ouverts. Et ce n'est même pas encore l'heure du dîner, surtout pas celle d'aller se coucher.

Son grand-père le détaille et déclare qu'avec tout ce qu'il a déjà mangé, le garçon ne souffrira pas de sauter le dîner et l'envoie se mettre au lit. En temps normal, Roshan protesterait plus fort que ça, mais là il est juste reconnaissant. Est-ce que ce serait de parler aux autres qui lui coûte autant d'énergie ? Après tout, il s'est aussi senti fatigué quand il est revenu de l'anniversaire de Drago. Mais il n'a pas ce problème avec son grand-père, ni avec Grigri ni avec Perry, alors peut-être que ça se limite aux gens qu'il ne connaît pas du tout ou pas très bien.

C'est forcément ça, constitue sa dernière pensée lucide tandis que l'elfe de maison l'aide à enfiler sa chemise de nuit avant de le border chaudement sous les grosses couettes de son lit. Il n'y a pas d'autre explication.

Il s'endort et rêve que lorsque Drago lui offre la boîte des figurines, celle-ci est remplie de dragons.