Alors que le septième anniversaire de Roshan approche, Grand-père décide qu'il est temps pour son Héritier d'en apprendre davantage sur ce qui signifie être un sorcier.

Bien sûr, il reste drôlement vague sur le sujet, parce que Roshan n'a pas encore atteint sept ans et il est très important de bien suivre les étapes et de respecter les horaires – parce que c'est en grande partie l'imaginaire et les symboles qui donnent une forme particulière à la magie, et honorer ces symboles renforce le pouvoir.

Pour une fois, c'est assez intéressant d'écouter Grand-père, même si Roshan fait de son mieux pour ne pas laisser voir son enthousiasme ou il prendra une gifle pour un débordement vulgaire d'émotion, tout juste bon pour la plèbe et un membre de la famille Lestrange vaut mieux que la plèbe.

Roshan ne sait pas ce que signifie le mot plèbe, il n'en est pas arrivé à cette partie dans le dictionnaire – il adore lire le dictionnaire, tous ces mots bizarres expliqués sur la page – mais il entend bien que c'est supposé être un gros mot, parce que le vieil homme a l'air de vouloir cracher une blatte quand il le dit.

Pour en revenir aux symboles, le chiffre sept est l'un des plus puissants au niveau magique, mythologique et philosophique. Selon Grand-père, c'est parce qu'il s'agit de l'union du physique incarné par les quatre éléments et du spirituel incarné par les trois parties de l'âme. Pour sa part, Roshan n'est pas très sûr, mais il pense que c'est un âge acceptable pour ne plus être traité comme un idiot, ou plus tellement parce qu'il se doute que Grand-père ne va pas changer d'avis du jour au lendemain sur l'intelligence de son Héritier.

Au moins, c'est mieux que trois ; Roshan ne se rappelle pas du tout comment il était à trois ans, c'est juste embarrassant malgré les affirmations de Perry l'Auror que c'est normal d'oublier ce qui se passe quand on est tout petit et qu'on passe son temps à dormir, parce qu'on fait un tas de choses beaucoup plus passionnantes quand on grandit et ces souvenirs-là prennent plus de place dans le cerveau.

Tante Narcissa a aussi déclaré qu'à partir de sept ans, il pourra participer à davantage d'événements sociaux que les anniversaires et les enterrements, et que ces événements ne seront pas limités à sa famille immédiate. Il attrape presque le vertige quand elle lui dit ça et commence à raconter un bal auquel elle est venue avec son mari, parce qu'il a donné de l'or à l'hôpital Sainte Mangouste et voulait encourager les autres gens bien-nés à donner aussi leur or pour que les guérisseurs puissent travailler dans de meilleures conditions.

Roshan ne comprend pas tellement le lien entre le bal et l'hôpital, et sa tante doit lui expliquer que les gens font un don parce que le responsable du bal leur a permis de passer un bon moment. Il pense que ça reste tout de même moins compliqué et plus efficace de donner directement l'or à l'hôpital, pourquoi faut-il que les adultes soient si casse-pieds même quand ils veulent aider ?

Le garçon ne peut pas s'empêcher de se méfier. Oui, sortir du manoir et rencontrer des gens qu'il ne connaît, visiter des endroits prestigieux comme le Ministère de la Magie et les ambassades de pays étrangers, manger des plats bizarres avec les doigts sans se faire gronder, c'est très excitant. Mais de l'autre côté, il sera obligé de s'habiller convenablement et de ne pas oublier les bonnes manières sous peine de vexer un des autres invités, et il risque de ne pas être pardonné parce que l'autre invité ne sera pas familier avec lui. Aussi, ces événements attirent tellement de monde qu'il y aura forcément quelqu'un qui ne l'aime pas dans la foule, et peut-être que cette personne va délibérément chercher à lui infliger des misères. Même si c'est malpoli, parce que les gens ne savent pas toujours se tenir comme il faut.

Roshan se sert raisonnablement bien d'un couteau, un peu moins bien qu'à l'épée, maintenant, assez pour ne pas mourir tout de suite face à un adversaire qui n'a pas des pieds gauches à la place des mains. Il a quand même la consigne de fuir si jamais il lui arrive des bricoles, ou de faire assez de bruit pour alarmer quelqu'un de plus capable en matière de combat – mais comment voulez-vous fuir au beau milieu d'une salle de réception pleine de monde ? Et l'étiquette qui interdit le port d'armes, en plus !

Alors oui, il est nerveux face à la possibilité de recevoir des invitations pour des bals et des dîners et des soirées jeux – il a demandé quelle sorte de jeu préfèrent les adultes, si c'est le pendu ou les charades ou les soldats de bois, mais Tante Narcissa a eu un petit sourire et expliqué que les grandes personnes jouent très différemment des enfants, surtout avec un paquet de cartes, mais elle n'a rien voulu dire de plus.

Des fois, surtout le soir quand il est blotti sous les draps froids de son lit, Roshan pense qu'il n'a pas très envie de grandir si c'est pour devoir affronter tant de responsabilités pas marrantes et souvent inquiétantes. Seulement, la magie ne parvient pas à arrêter le temps – ou si c'est possible, personne n'a dit ça devant Roshan ni expliqué le moyen de le faire – alors il sera obligé de fêter son septième anniversaire un jour, et ça l'obligera à passer à l'étape supérieure, celle qu'il doit subir sans sourciller jusqu'à ses onze ans et son entrée à Poudlard.

Il est un Lestrange, il n'est pas supposé avoir peur, surtout pas des traditions ancestrales que sa propre famille veut qu'il défende, mais les papillons refusent de quitter l'intérieur de son ventre et gigotent tellement à l'intérieur que parfois ça lui donne envie de vomir et ses jambes ne veulent plus tenir debout. Et il ne peut pas en parler, ou Grand-père se fâcherait et Tante Narcissa ne comprendrait pas, et il se demande laquelle de ces réactions pas du tout pareilles serait la pire.

Il a pensé le dire à Perry l'Auror, sauf que quand il a essayé, les papillons se sont agités si fort qu'il a failli se faire pipi dessus, il a été obligé de courir aux toilettes, et il n'a pas réessayé parce que c'est vraiment trop embarrassant. Une humiliation, ça lui suffit bien.

Ça le laisse tout seul avec sa peur. À force, elle va finir par se coller à sa peau, plus serrée que ses habits les plus serrés et étrangleurs, et ce sera impossible de la retirer. L'idée ne donne pas envie à Roshan, mais que peut-il y faire ? Il est trop petit et il en sait trop peu.

Peut-être que c'est pour ça que Grand-père veut qu'il se dépêche de grandir, pour que la peur l'étrangle et que le vieil homme soit débarrassé de lui ? Mais non, parce que Roshan est son unique Héritier, et Grand-père ne peut en trouver un autre nulle part. Ceci étant, si un autre Héritier existait, Grand-père serait tout à fait capable de traiter Roshan en rebut qui ne sert plus à rien et gaspille l'espace.

D'après le vieil homme, une famille devrait être contente de n'avoir qu'un seul enfant et n'en avoir un deuxième que si le premier vient à mourir, sinon les rejetons finiront toujours par s'entre-tuer afin de ne pas avoir à partager l'héritage.

Roshan pense au contenu de l'album photo, avec plusieurs pages sur lesquelles figurent Rodolphus et Rabastan ensemble sans tension ni colère ni rancune, et ne dit rien.