Plus les enfants grandissent, plus Narcissa s'interroge sur la possibilité d'un Fae se réveillant d'humeur espiègle et intervertissant les garçons dans son ventre et celui de Bellatrix.

D'accord, elle exagère un peu. Rien qu'un tout petit peu. C'est facile de discerner le tempérament froid et suspicieux de Rodolphus chez Roshan, couplé à un zeste du tempérament froid du Patriarche Black, Arcturus, et c'est tout aussi évident de relever les traces du propre besoin de Narcissa d'évoluer en société chez Drago si bavard et avide de se faire remarquer.

Néanmoins, elle ne peut empêcher la pensée de lui tirailler la racine des cheveux, surtout quand elle se remémore son enfance – quand c'était Bella qui ne cessait de monopoliser l'attention par vertu de ne pas vouloir tenir en place, de jacasser constamment comme disaient Maman et Père qui refusaient d'admettre que leur première-née pouvait avoir une raison valide de se plaindre, quand Cissa était une timide petite souris suppliant pour qu'on la laisse jouer dans un coin avec ses poupées et permettant docilement qu'on lui enfile des robes trop compliquées pour une enfant et qu'on la traîne au salon afin d'être admirée sous toutes les coutures.

(Narcissa a bien conscience qu'il manque une troisième fille, une troisième sœur dans cette dualité, quelqu'un pour équilibrer les extrêmes, mais elle ne veut pas penser à Andy, vraiment pas)

(à quoi bon de toute manière, elle sait déjà que celle des sœurs Black à avoir occupé la place du milieu mène sa petite vie avec un mari indigne de son pedigree et une fille métamorphe, elle sait qu'Andy n'a besoin de rien et surtout pas de ses sœurs pour être heureuse et ce savoir lui laisse un parfum légèrement plus amer que doux en bouche)

Narcissa ne peut empêcher la pensée de lui tirailler la racine des cheveux, tout particulièrement lorsqu'elle a l'opportunité d'observer son fils et son neveu ensemble, dans le même environnement social.

C'est plus fréquent, maintenant que les garçons ont atteint leur septième anniversaire, l'âge de raison et un chiffre puissamment magique. Un prétexte pour prendre le thé ou assister à une célébration de type anniversaire ou commémoration d'un mariage ne demande qu'à tomber avec une myriade de ses congénères, et cela chaque mois – bon, peut-être le point de vue de Narcissa n'est-il pas entièrement fiable étant donné la proéminence de son époux sur le plan politique, vu qu'elle se doit de consacrer une immense partie de son temps et de son énergie aux relations sociales.

Elle prend particulièrement soin d'inclure Roshan dans ces évènements appropriés à son niveau de maturité, et qui autorisent la venue d'enfants – bon, dans la plupart des cas, une zone délimitée est fournie à part afin de ne pas avoir les bambins dans les pattes pendant que les adultes conversent de problèmes autrement plus sérieux qu'un crayon avalé de travers, mais quand même.

Elle a deux raisons d'agir ainsi. La plus égoïste, celle qui pousse son cher Lucius à rouler affectueusement des yeux devant son tendre cœur féminin, est de permettre à Roshan et Drago de partager autant que possible de leur enfance. Après tout, elle a grandi dans une famille de plus de trois personnes, elle est habituée à l'idée des frères et sœurs, et voir son propre fils, son propre neveu, incapable de comprendre les joies et les peines qui viennent avec une fratrie, cela lui fend l'âme à un degré simplement navrant.

Pour raison évidente, Roshan n'aura jamais de cadet avec lequel combattre la solitude et la froideur du Manoir Lestrange, et les troubles de fertilité auxquels font face le couple Malefoy signifie que Drago devra vraisemblablement se résigner au statut d'enfant unique. Dans de telles conditions, un cousin est ce qui se rapproche le plus d'un frère, et c'est cette vision des choses que Narcissa désire encourager.

Elle pense avoir réussi, en dépit des moues à peine dissimulées que Roshan arbore en présence de Drago, en dépit des récriminations bruyantes de Drago à l'encontre de Roshan qui est si parfait et si sage. Il n'est pas besoin d'apprécier un cousin ou un frère sur le plan personnel pour nouer un lien étroit avec lui – Narcissa doute avoir jamais apprécié Bellatrix en tant que personne, malgré son amour pour sa sœur aînée, et la malencontreuse mésaventure des Londubat n'a certainement pas aidé.

(Andy était toujours la plus aimable de ses sœurs, même maintenant, même en dépit de la distance)

La seconde raison… est nettement plus retorse. Bien intentionnée, certes, car n'est-ce pas une bonne chose de parader votre neveu devant ces veaux le regardant de travers pour son ascendance, pour les péchés de ses parents, et de les contraindre à accepter l'évidence que la garçon ne présente en rien des signes avant-coureurs qui le pousseraient à emprunter la voie de Rodolphus et de Bellatrix ?

Bien intentionnée et pourtant une manipulation franche, une que Narcissa ne regrette nullement. Son neveu n'a qu'elle pour le défendre dans l'arène de l'opinion publique ; impossible de compter sur Romulus Lestrange, la réputation du vieillard ne s'est jamais remise de la tache irréparable que constitue enfanter deux criminels notoires (un passe encore, une famille peut avoir une brebis galeuse, mais quand il en existe deux les bergers se mettent à considérer le troupeau avec méfiance et envisager la possibilité d'une épidémie) et il n'a jamais fait mystère de son dédain pour autrui, une attitude assez utile pour préserver son amour-propre mais nettement plus problématique pour qui cherche à s'intégrer dans un milieu social.

À une ou deux reprises, Roshan s'est oublié et a fait mention devant sa tante de Perry l'Auror, le laquais ministériel qui colle aux basques du Patriarche Lestrange afin de confirmer que le vieux bougre ne menace pas de relâcher un troisième vaurien dans le Royaume-Uni, mais franchement, le bonhomme est d'une inutilité flagrante. Il est à la botte du Ministère, lequel pullule de sangs-de-bourbe qui en voudront d'emblée à Roshan, et il n'est même pas un haut responsable de son Département, il n'est qu'un sous-fifre à la portée désespérément limitée. Peut-être son rapport est-il consulté par Amélia Bones, Directrice du Bureau et haut placée parmi les vainqueurs du conflit récent, mais la femme se dévoue corps et âme à son travail, elle n'a pas le temps ni l'envie, voire le talent subtil pour convaincre les moutons de ne pas piétiner un jeune chiot sous la masse innombrable de leurs sabots.

Non, si le blason de Roshan a une chance d'arriver plus ou moins non terni à Poudlard, cette chance est indéfectiblement liée à Narcissa. Après quoi… cela dépendra du garçon lui-même, et la sorcière blonde ne lui envie pas d'avoir à naviguer sept ans de scolarité au sein d'une foule d'enfants influencés par leurs amis et leurs familles, dans la majeure partie des cas incapable de discerner les nuances dans une situation compliquée et ne demandant qu'à visionner le monde en noir et blanc, c'est tellement plus simple et rassurant.

Une tache qui sera nettement moins ardue si seulement Roshan est pourvu d'alliés fiables avant que le Choixpeau ne l'expédie à Serpentard, la maison la plus sûre pour lui, l'endroit où tant des enfants ayant déjà fait sa connaissance ne manqueront pas d'atterrir. Dites ce que vous voudrez de la maison blasonnée de vert et d'argent, que le nid de serpents dévore joyeusement les plus faibles ayant l'infortune d'y chuter, mais au moins il ne permettra pas à un extérieur de s'en prendre impunément aux siens.

Une maison divisée succombe rapidement, surtout avec le restant du monde guettant le plus petit signe de faiblesse.