Parmi les autres enfants que compte le cercle social pour le moins limité de Roshan, les opinions regardant Poudlard sont pour le moins complexes.
Parce que les familles de ces enfants ont été unanimement impactées dans le sens négatif par la fin du conflit avec le Seigneur des Ténèbres, tout naturellement les parents des enfants n'éprouvent pas un immense respect envers le Directeur actuel, l'accusant plus ou moins ouvertement de n'avoir accepté le poste que pour manipuler la jeunesse sorcière et garder l'œil sur le moindre rejeton ennemi afin de ruiner leurs perspectives d'avenir dans l'œuf.
Et oui, il faut inclure les sœurs Greengrass dans le lot. D'accord, leur père était trop malade pour participer vraiment au choc idéologique, si bien qu'il est basiquement resté confiné dans sa chambre et n'en est sorti que pour aller visiter des hôpitaux sur le continent quand les guérisseurs ne pouvaient pas visiter à domicile, et ça ne s'est que vaguement arrangé depuis – mais il se range néanmoins du côté des Ténèbres parce que la famille Greengrass refuse d'ignorer ses racines celtes et suite à l'agenda assez publique et fréquemment revendiqué des Mangemorts, qui prêchait la défense des anciennes traditions et coutumes en face de la présence grandissante des nés-Moldus dans la culture magique du Royaume-Uni, et bien, Daphné et Astoria se retrouvent fourrées dans le même sac que cousin Drago et Vincent Crabbe et Théodore Nott, en depuis de ne pas avoir un parent au service du Seigneur des Ténèbres.
Daphné n'a pas l'air exactement ravie par cet état des choses, mais ce qui la contrarie davantage, c'est que Poudlard a un code vestimentaire interdisant les boucles d'oreille – elle en a trois dans chaque lobe et chacune est une puce ornée d'une pierre différente, sertie dans un métal différent, pour porter bonheur et favoriser la clarté de pensée apparemment, et parce qu'elle est de santé plus fragile Astoria n'en a que deux dans chaque lobe mais en revanche elle arbore souvent des marques runiques dessinées sur son visage, ses mains et ses avant-bras, que la cadette Greengrass appelle jovialement son maquillage médical et personnellement elle préfère ça à ingurgiter des litres de potions pour ne pas faire de malaise pendant la journée.
Le truc, c'est que les tatouages ne sont pas très bien vus dans un environnement académique – encore le code vestimentaire – et les parents des sœurs Greengrass sont actuellement en pleine discussion avec le conseil d'administration de l'école qui insiste que leur deuxième fille peut tout à fait se contenter des potions mais que des tatouages runiques font païen et obscène et donneront des idées à ses camarades de classe, tandis que M. et Mme Greengrass insistent que c'est le traitement médical qui convient le mieux à Astoria et si vous êtes tellement collet monté en ce qui concerne l'obscénité, pourquoi l'esprit frappeur n'a-t-il pas exorcisé alors qu'il consacre son temps à inventer des chansons vulgaires pour les répéter à proximité d'oreilles innocentes ?
Bref, le débat va bon train et personne ne veut céder sa position. En son for intérieur, Roshan espère que les Greengrass auront gain de cause, parce que du maquillage médical reste utile et bénéfique. Aussi, les boucles d'oreille de Daphné lui font drôlement envie, imaginez comment ce serait facile de faire ses devoirs avec des cristaux pour fluidifier ses idées juste à côté de son cerveau ! Peut-être que c'est la raison pour laquelle les professeurs cherchent à les interdire, rédiger une dissertation est sensée ne pas être facile à en croire les rumeurs…
Les dissertations, Vincent Crabbe et Grégory Goyle auront certainement du mal avec. Surtout Grégory qui n'arrête pas de confondre les lettres chaque fois qu'il se retrouve avec un texte sous les yeux, il insiste qu'il n'est pas fainéant mais que les mots lui donnent l'impression d'une soupe dans laquelle les ingrédients se mélangent et bonne chance pour déterminer l'ordre dans lequel ils ont été ajoutés, le seul espoir du garçon baraqué est de faire de son mieux dans les leçons qui nécessitent une approche plus matérielle, qui a besoin de connaître son orthographe quand il s'agit de rempoter un buisson ?
Roshan n'a pas exactement le cœur d'avouer que Grand-père insiste déjà pour que Miss Yaxley lui fasse écrire les propriétés d'un bézoar, parce que les cours de potions nécessitent de se salir les mains eux aussi et pourtant impossible d'échapper à la plume et au parchemin.
Pour sa part, Drago ne se concentre pas sur les devoirs ou sur le code vestimentaire, il veut simplement jouer au Quidditch. Quand il se voit rappeler que non, il n'aura pas droit d'amener son propre balai avant d'entrer en deuxième année, le garçon blond boude et proclame que le règlement n'existe que pour gâcher la vie des élèves, et que si un Directeur vraiment raisonnable était à la tête de l'école il s'empresserait de changer tout ce qui ne va pas. Comme l'interdiction pour les premières années de jouer au Quidditch.
Millicent est plutôt franche sur le fait que ses parents ne l'envoient à Poudlard que dans l'espoir qu'elle trouvera un riche mécène prêt à fermer les yeux sur son absence de délicatesse et son rêve de devenir duelliste professionnelle malgré sa tendance à distribuer des coups de poing et de pied quand un duel de mages est sensé inclure des sorts spectaculaires pour éblouir l'assistance, mais ce que veut la grande fille amatrice de chats, ce n'est pas faire du spectacle, c'est se prendre le bec avec son adversaire.
L'Héritier Lestrange lui souffle à voix basse qu'il veut bien parler d'elle à Dimitri Selwyn, même si le tuteur d'escrime se concentre davantage sur l'art et la manière de zigouiller la personne qui vous attaque aussi efficacement que possible et il ne pense pas que Millicent en est là. Mais il pourrait avoir entendu parler de quelqu'un dans les milieux sportifs qui enseigne… la lutte ? Dans l'un des livres recommandés par Florian Fortarôme, sur les débuts de la magie dans l'Antiquité, Roshan a trouvé une mention de la Grèce et des jeux Olympiques, principalement dans le cadre de législations anti-triche, et parmi les épreuves se trouvait un genre de catch ou de boxe ou d'art martial.
Maintenant le garçon aux yeux orangés ne peut pas dissiper l'image mentale de Millicent Bulstrode en Spartiate, le type de femme décrite capable d'étrangler un taureau avec ses cuisses nues par il ne sait plus lequel auteur de théâtre athénien, et c'était sur le ton de la moquerie vue que c'était dit dans une comédie sur les femmes mettant leurs maris à la porte de la cité tant qu'ils ne voudront pas signer un traité de paix – Roshan n'a pas entièrement compris les blagues, ce doit être la faute de la traduction ou bien c'est trop subtil pour son niveau de maturité actuel – mais pour proférer une moquerie pertinente il faut savoir de quoi on parle, et les dramaturges grecs dont les pièces ont survécu jusqu'au vingtième siècle font preuve d'un esprit quand même assez fin.
Un esprit tellement fin qu'il a trouvé un recueil de leurs œuvres dans la bibliothèque du Manoir Lestrange, et tant pis si les auteurs n'avaient pas une goutte de magie dans les veines. Ça, ou les pièces de théâtre remontent à tellement longtemps que Grand-père ne pense pas que ça vaille la peine d'appliquer ses propres valeurs à une époque passée depuis des millénaires, le temps où les dieux ne s'étaient pas encore retirés du monde.
Roshan se demande si la bibliothèque de Poudlard aura une section sur le théâtre, ou même une section sur les pirates. Ou rien qu'une étagère. Au moins un livre, c'est supposé être un lieu nourrissant les esprits de dizaines de jeunes sorciers et sorcières, dans le tas il doit bien s'en dénicher fatalement un ouvrage, non ?
