Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 288, an 12.

On a mis le cap sur une planète de laquelle on a capté un mystérieux signal subspatial.
C'est évident que de nombreux mondes galactéens sont habités en dehors de la Terre, mais nous n'avons jamais pris la peine d'explorer cette galaxie.

On en ignore presque tout. C'est donc quasiment à l'aveuglette que l'on avance. Et c'est excitant.
Je ne sais pas ce qu'on va trouver. La seule chose dont je suis certain, c'est que ce ne sera pas des
wraiths.
C'est étrange, mais cette perspective me réjouit vraiment. Je me demande bien pourquoi tiens... Mmmmh... ah ! Je crois que je sais ! Dans Pégase, tout le monde connaît les
wraiths. On est craints et haïs partout. Impossible de mettre le pied quelque part et de ne pas voir les gens fuir ou prendre les armes... mais ici, personne ne nous connaît. Ni moi, ni les autres wraiths de l'équipage n'auront à nous cacher sous nos capuches pour éviter qu'ils ne nous attaquent. S'ils s'en prennent à nous à vue, ce sera juste parce que ce sont des brutes, et pas parce que nous sommes ce que nous sommes. Et ça, c'est carrément cool !

Enfin bref, encore une trentaine d'heures et on sera à destination.

Je ferai sans doute une nouvelle entrée dans ce journal après notre premier contact.

D'ici là, je vais aller dormir un peu. J'ai envie d'être en forme pour cette visite.

Tom Giacometti, fin d'enregistrement.

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Le sommeil devrait attendre. Il commençait à avoir l'habitude.

Précédé de l'hologramme d'Ubris, il fit son entrée sur le pont, pieds nus et toujours vêtu de son pyjama. C'est à peine si un des nouveaux techniciens haussa une arcade sourcilière alors qu'il le saluait comme le protocole le voulait.

Ce n'était pas la première fois qu'il se promenait ainsi à bord, et certainement pas la dernière.

La plupart de ses semblables se contentaient de retirer chaussures et manteau, mais il avait été élevé par des humains, et trouvait un certain réconfort dans le petit rituel consistant à se changer avant d'aller dormir.

Le regard réprobateur de Liu lui apprit qu'il n'aidait certainement pas son équipage à le voir comme un capitaine respectable, ainsi vêtu d'un pantalon de tissu et d'un vieux T-shirt délavé, tout juste assez large et certainement trop court pour lui, ayant appartenu à sa mère et lui arrivant à peine au-dessus du nombril.

En réponse à la remontrance muette de son amie, il haussa vaguement les épaules. C'étaient ses actes qui devaient le faire respecter de son équipage, et pas son apparence.

« Bon, c'est quoi le problème ? » demanda-t-il à la cantonade.

« Nous allons arriver à vue, capitaine. » indiqua le technicien.

Curieux, il s'approcha de la vaste baie vitrée du poste de commandement.

« Ubris, baisse la lumière. »

L'hologramme opina et l'éclairage diminua, les plongeant dans une semi-pénombre.

Devant lui, dans l'obscurité du néant, une forme massive se détachait, à peine éclairée par le soleil encore lointain du système.

« Oh... wow... » ne put-il s'empêcher de murmurer alors que Liu venait le rejoindre.

« C'est... un vaisseau ? »

Il haussa vaguement les épaules.

« En tout cas, ç'a été fabriqué. C'est presque aussi grand qu'Atlantis... Est-ce que c'est lanthien ? »

Il avait posé sa dernière question haut et fort, l'adressant davantage aux opérateurs derrière leurs consoles qu'à Liu.

La réponse ne tarda pas à venir.

« Non, capitaine. Les relevés indiquent des sources d'énergie, mais la signature n'est pas lanthienne. » lui indiqua-t-on.
Il hocha la tête, pensif, alors que l'Utopia doublait un débris de ce qui semblait avoir été une coursive.

« Quoi que ça ait été, c'est à présent une épave. »

« Mais une épave encore alimentée par endroits. » nota Liu.

« Exact. Trouvez un vecteur d'approche. On va aller explorer cette ruine. Quelque chose me dit que ça risque d'être instructif. »

Un « A vos ordres. » choral retentit derrière lui.

« Je vais réveiller l'équipe d'abordage. » nota Liu, excitée.

« Dis-leur de me rejoindre en scaphandre dans la baie à Jumpers. »

« Si tu y vas, je t'accompagne, c'est potentiellement dangereux ! »

Il n'était pas dupe. Elle avait autant que lui envie d'explorer ce vaisseau.

« Non. Le second reste à bord. »

Le regard qu'elle lui lança le fit frissonner.

Il leva vaguement les mains en signe de paix.

« Mais ce truc est tellement grand qu'il nous faudra sans doute des heures pour l'explorer. Tu pourras prendre la tête de la seconde équipe. »

Après de longs instants, elle capitula avec un soupir et, sans un mot de plus, quitta le pont.

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Les scaphandres n'étaient pas confortables. Mais le vaisseau – car, il en était à présent certain, il s'agissait d'un gigantesque vaisseau – avait été éventré sur toute sa hauteur par ce que Léonard pensait être un tir de plasma à haute densité, et s'il restait de l'atmosphère, ce n'était plus que par rares poches. Atmosphère dont ils ignoraient la composition, qui plus est.

A la forme de l'engin, il soupçonnait que la théorie du Dr Jackson à propos des pyramides terrestres servant de zone d'atterrissage ne soit pas si ridicule que ça.

Soupçons confirmés par les petites exclamations excités des deux archéologues terriens que Liu avait tirés de leurs recherches sur le message, pour les installer devant le retour vidéo des casques de l'équipe d'abordage.

De ce qu'ils lui avaient expliqué, les murs étaient couverts d'une écriture qu'ils appelaient « hiéroglyphique », et la décoration à bord leur évoquait la culture terrienne égyptienne.

Les deux scientifiques déblatéraient avec enthousiasme dans leur jargon, et il les entendait sans les écouter, toute son attention centrée sur l'exploration. S'il doutait trouver quoi que ce soit de vivant à bord, sauf éventuellement dans un quelconque caisson de stase si cette race – les Goa'uld semblait-il – l'avait développée, cela ne signifiait pas que l'endroit soit dépourvu de dangers potentiels.

L'état de délabrement de la ruine spatiale était bien sûr le principal problème, mais ils avaient détecté des sources d'énergie à bord, et de fait, la présence de système de défense encore actifs n'était pas totalement exclue.

Ils avançaient donc prudemment, en formation militaire, Jer'kan et Gual'kan – deux vétérans des pionniers d'abordage – en tête. Les deux wraiths avaient littéralement passé plusieurs années de leurs vies enfermés dans leurs scaphandres, à s'infiltrer et à se battre dans le vide de l'espace.

Ça devenait particulièrement évident lorsque, pour passer un gouffre ou rejoindre l'autre côté d'une plate-forme effondrée, ils devaient démagnétiser leurs bottes et se lancer dans le vide.

Pour lui, comme pour la plupart des autres membres de l'expédition, c'était un calcul terrifiant. Se lancer ainsi dans l'espace, avec le risque toujours présent de sauter trop fort ou de mal estimer sa trajectoire, et de se retrouver à dériver dans le vide au lieu de rejoindre sa destination.

Pour Jer'kan et Gual'kan, c'était aussi anodin que de sauter au dessus d'une flaque pour ne pas mouiller ses chaussures.

Certains étaient peut-être jaloux de cette aisance. Lui, était surtout rassuré d'être avec de véritables professionnels des opérations sans gravité ni atmosphère. Et il ne voyait pas trop comment il pouvait être jaloux d'experts qui avaient passé plus de temps à faire ça que lui n'avait vécu. D'autant plus que c'était un métier risqué. Il fallait être un peu fou, ou du moins ne certainement pas avoir peur de la mort, pour oser ramper sur la coque d'une ruche afin d'y ouvrir des brèches pour que le gros des troupes puisse s'y infiltrer.

D'autant plus que les wraiths n'avaient jamais vraiment développé de technologies furtives. Les pionniers étaient donc souvent obligés de se lancer dans le vide parfois de plusieurs milliers de kilomètres de distance, afin de ne pas être détectés.

Un jour, Jer'kan lui avait raconté comment il avait passé presque un jour entier à dériver dans le néant spatial, seul dans son scaphandre, tandis qu'une bataille titanesque faisait rage autour de lui.
Il n'avait que de petits propulseurs de position sur son scaphandre, et une réserve plus que limitée d'oxygène. Il ne pouvait pas se permettre d'en gaspiller pour corriger sa trajectoire. Il s'était donc lancé des heures à l'avance sur la position que devrait avoir théoriquement la ruche au moment du contact. Sa mission initiale était de poser une bombe sur les propulseurs hyperspatiaux afin de coincer le vaisseau ennemi dans le système. Malheureusement, la reine adverse avait eu vent des manigances de sa souveraine et cette dernière – afin de ne pas laisser à sa rivale l'opportunité de fuir – avait lancé une attaque immédiate, sans attendre de voir s'il réussirait son infiltration ou pas.

Il s'était donc retrouvé, seulement protégé de son scaphandre, en plein cœur d'une bataille spatiale, avec évidemment une ruche cible qui avait changé son cap, et aucun moyen d'adapter suffisamment le sien.

Finalement, quand il était devenu évident qu'il ne pourrait réussir sa mission en l'état, il s'était uniquement concentré sur sa survie et avait finalement été secouru par un de ses frères alors que, en demi-stase, il tentait d'économiser les quelques précieuses minutes d'oxygène qu'il lui restait.

Tom aimait l'espace. Il adorait le parcourir, filant entre les étoiles à bord de son vaisseau. Mais seulement vêtu d'un scaphandre, face à l'immensité du néant, il se sentait petit et fragile.

Chaque saut au dessus d'un trou béant, chaque longue minute passée à longer un couloir éventré était une épreuve terrifiante.

Ils avaient abordé quelque part près de la base du gigantesque vaisseau pyramidal. Le temps que leurs réserves d'oxygène deviennent dangereusement basses, ils avaient à peine parcouru les premiers niveaux.

Ils avaient découverts beaucoup de choses, récoltés assez d'images pour occuper les deux archéologues pour quelques mois, et réussi à vaguement deviner le sort tragique du vaisseau et de ses habitants, dont ils trouvaient parfois un corps, coincé dans les débris, conservé par le froid et le vide de l'espace.
Ils avaient rapidement examiné les cadavres. Il s'agissait essentiellement d'humains, portant pour la plupart un tatouage – toujours le même – sur le front, et une étrange fente en forme de X sur le ventre.

Ils étaient parvenus à décoincer un des corps de la poutrelle qui l'avait encastré dans un mur, et en examinant le torse broyé, ils avaient trouvé ce qui ressemblait à une sorte d'anguille dans les boyaux de l'homme.

Curieux de savoir s'il s'agissait d'un quelconque parasite, ou d'un des symbiotes dont le Dr Jackson faisait mention dans ses vidéos, ils avaient envoyé Gual'kan récupérer un autre cadavre flottant dans une vaste salle qu'ils soupçonnaient faire partie des systèmes de propulsion du vaisseaux. Arrachant plus des bouts de chairs congelées qu'autre chose, ils l'avaient éventré pour découvrir, roulé en boule dans la cavité abdominale, un autre parasite serpentin.

Ils en avaient déduit que les humains devaient être des Jaffas, et que la ruine qu'ils exploraient datait probablement de l'époque des Grands Maîtres goa'uld.

Encore le temps pour eux de scanner autant que possible l'immense pièce afin que Léonard, resté à bord, puisse essayer d'en deviner l'usage, et il était temps pour eux de rentrer.

A peine le Jumper qui les avait amenés sur le vaisseau touchait-il le pont de l'Utopia que Liu et la seconde équipe d'exploration, eux aussi en scaphandre, s'avançaient.

Ils n'avaient pas besoin de se faire de rapport. Ils avaient déjà partagé toutes les images, toutes les communications radio ou télépathiques.

Il se contenta d'une tape amicale sur l'épaule de son amie.

« Pas de bêtise, hein. »

Liu lui sourit depuis les ombres de son scaphandre.

« C'est pas mon genre. »

« Mais ouiiii... bien sûr... » ricana-t-il, alors que la porte du Jumper se refermait sur elle et son équipe.

Il ne put s'empêcher de sourire. Liu était au moins aussi folle que lui. La preuve en était le scaphandre wraith qu'elle portait.

Elle aurait parfaitement pu prendre un des scaphandres lanthiens qu'ils avaient à bord, mais elle avait choisi un des wraiths. Un scaphandre vivant, capable de se régénérer s'il était abîmé... en puisant dans la force vitale de son porteur. C'était comme se faire ponctionner, en moins violent et sans l'enzyme, et pourtant, c'était ce qu'elle avait choisi.

Officiellement, car elle préférait vieillir de quelques mois que de mourir d'une dépressurisation.

Mais il ne pouvait s'empêcher de penser que c'était aussi par défi. Le même genre de défi qui lui faisait porter des vêtements humains. Un genre de grand et provocant « Et alors, qu'est-ce que tu vas faire ? » jeté à la face de tous les bien-pensants.

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Il s'était changé, avait été chercher, pour le pur plaisir de le siroter, un thé au réfectoire, puis s'était installé dans son fauteuil de capitaine sur le pont pour suivre la progression de la seconde équipe.

Ils allaient plus vite qu'eux. Ce qui était parfaitement normal. Ils n'avaient plus de murs à scanner pour donner de quoi étudier aux deux scientifiques terriens, ni de cadavres à examiner.

Ils étaient remontés de plusieurs ponts, et s'étaient enfoncés au cœur de la structure, lorsqu'ils trouvèrent ce qui était de toute évidence une zone de stockage, miraculeusement épargnée par les dévastations.

Dans les caisses, ils avaient découverts des armes, du matériel technologique et d'autres babioles prometteuses, et avaient décidé de les ramener à bord de l'Utopia, pour que Léonard et le reste de l'équipage puisse les examiner pendant qu'ils poursuivraient leur exploration.

Il avait donc laissé Jiu superviser le pont et l'équipe d'exploration et était descendu dans la baie à Jumpers pour examiner les caisses et leur contenu.

Les armes semblaient en bon état . Et il avait tenté de les utiliser, avec toute la prudence que l'usage d'une arme inconnue imposait. Prudence et essais vains, les machines refusant ne serait-ce que de s'activer entre leurs mains. Même Jiu, avec son gène lanthien puissant, ne parvint à rien.

Les autres caisses contenaient un mélange mystérieux d'objets qui refusèrent tout autant de s'activer, et qu'il confia donc à Léonard afin qu'il en découvre l'usage.

Enfin, sur demande des deux archéologues terriens, il leur confia plusieurs tablettes d'or gravées de hiéroglyphes, ainsi que deux pots qu'ils avaient identifiés comme des vases canopes, genre de réceptacle à but funéraire.

Le tri fait, il était parti relever Jiu sur le pont afin que ce dernier puisse descendre aider Léonard.