Journal de bord du capitaine Giacometti. Jour 288, an 12.
Bon, j'ai pas pu dormir. Mais pas grave. On a trouvé l'épave d'un vaisseau. Il est énorme... Ce serait un vaisseau-mère Goa'uld. On en a à peine exploré un quart, et pourtant, on a déjà déniché des dizaines de caisses pleines de technologie et de bibelots en or massif. Je ne sais pas ce qu'on va trouver encore là-dedans, mais si ça continue comme ça, va y avoir de quoi financer pas mal des grands projets toujours plus onéreux de Delleb... La passion sans borne de cette vieille peau pour la planification urbaine m'impressionnera toujours... Enfin bref. On a trouvé des armes et d'autres artefacts technologiques qui semblent en bon état, mais qu'on a pas réussi à faire fonctionner. Je soupçonne qu'ils soient génotypés. Peu importe, c'est tout de même précieux à étudier. C'est la première technologie avancée autre que wraith ou lanthienne que l'on découvre.
Léonard est tout fou. Je le comprends. Je le suis aussi un peu.
D'ailleurs, faut que j'y retourne. Liu va bientôt revenir sur l'Utopia et ça va être de nouveau à mon tour d'aller explorer.
Tom Giacometti, fin d'enregistrement.
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Le groupe de Liu avait aussi fini par être à court d'oxygène. Il était donc redescendu s'équiper pour repartir avec sa propre équipe et des scaphandres frais pour poursuivre l'exploration.
Il avait rapidement briefé le capitaine en second sur qui faisait quoi à bord, puis avait grimpé dans le Jumper qui les avait déposés dans une brèche de la coque, une demi-douzaine de ponts plus haut que lors de leur première exploration. Ça faisait tout ça de moins de coursives déjà explorées à parcourir en consommant leurs précieuses réserves d'oxygène.
Ni son équipe, ni celle de Liu n'avaient croisé de menaces en dehors de l'état de délabrement généralisé, aussi avançaient-ils un peu plus rapidement, leurs armes non plus au poing mais au côté, les mains libérées pour la fouille et pour les inévitables acrobaties nécessaires à leur progression.
Un cadavre coincé juste derrière un sas, le visage figé dans une grimace féroce, leur fit une petite frayeur, mais en dehors de ça, tout se passa bien, et lorsqu'ils trouvèrent une autre salle de stockage, contenant cette fois non pas de l'équipement technique mais une débauche de coffres, paniers et jarres remplis de joyaux et d'étoffes précieuses, il n'eut guère d'hésitation à scinder en deux son équipe, laissant Jer'kan et deux autres guerriers se charger de transborder le trésor à bord du Jumper, qui avait trouvé un accès à moins de cents mètres de la pièce via une baie vitrée explosée, pendant qu'il poursuivait l'exploration en compagnie de Gual'kan.
L'étage où ils se trouvaient révéla des appartements sublimes, qu'ils documentèrent soigneusement pour les archéologues à bord de l'Utopia, puis ils montèrent au pont suivant, abritant encore plus de locaux magnifiques, enfilades de salles de réception et autres grands halls débordant de candélabres en or et autres statues incrustées de joyaux précieux.
C'était – littéralement – une mine d'or, et s'il notifia dûment la découverte à Liu qui les supervisait depuis le pont, il poursuivit son exploration. Son équipe aurait sans doute à peine le temps de vider la salle de stockage dont ils s'occupaient déjà avant d'arriver à court d'oxygène, alors autant mettre ce temps à profit pour poursuivre l'exploration du gigantesque vaisseau. Ils pourraient toujours revenir le piller plus tard. Inutile de remplir les soutes de bougeoirs clinquants, si des ressources plus précieuses se trouvaient à bord – de la technologie lanthienne, par exemple.
Un étage plus tard, il se félicitait de sa décision, alors qu'à bout de souffle d'avoir forcé à mains nues une porte coupe-vide avec l'aide de Gual'kan, il découvrait ce qui était incontestablement la salle de commandement du vaisseau.
Un rapide examen des lieux lui apprit deux choses : l'endroit n'était plus alimenté en énergie mais en parfait état, et tout ça dépassait absolument ses capacités techniques.
Il tendit donc son esprit vers celui de Léonard, le laissant accéder à ses sens puis, tandis que l'ingénieur lui demandait d'aller examiner telle ou telle console, de démonter tel ou tel panneau pour en examiner les entrailles, il lui confia le contrôle de son corps – tirant un éclat de surprise à l'esprit du vieux wraith face à cette preuve de confiance et de lâcher-prise avant que sa curiosité toute scientifique ne reprenne le dessus, et qu'il ne le pilote tel un pantin de viande. Cela dura jusqu'à ce que Tom le chasse doucement de son esprit, tandis que Gual'kan lui signalait qu'il leur restait moins de quinze minutes d'oxygène et que, s'ils ne voulaient pas mourir asphyxiés, il était plus que temps de faire demi-tour.
L'alarme oxygène de son scaphandre vint lui percer les tympans alors que l'espace cargo du Jumper, tout encombré de caisses, était repressurisé.
A peine leur pilote, Menu, leur signalait-elle qu'ils pouvaient retirer leurs casques, qu'il s'empressa de s'exécuter, aspirant bruyamment une grande goulée d'air recyclé, comme tous les membres de l'équipe en dehors des deux soldats d'abordages, dont les réserves étaient à peine aux trois-quarts entamées.
A leur retour sur l'Utopia, ils furent accueillis par la demi-douzaine de matelots qui jouaient les caristes dans la baie à Jumpers, ainsi que par l'équipe de Liu, prête à repartir en exploration, en compagnie d'un Léonard visiblement mal engoncé dans un scaphandre et fort grincheux de cet état de fait.
Une simple pensée lui apprit que son équipe se sentait prête à continuer l'aventure.
« On refait le plein d'oxygène et on repart. Le transbordement du matériel ira plus vite. Liu, tu t'occuperas d'escorter Léonard et de poursuivre l'exploration. »
« Non, capitaine. Vous devez rester à bord si je ne m'y trouve pas » nota-t-elle, un éclat vengeur au fond du regard.
Il fit la moue, mais opina.
C'était une des règles qu'il avait imposées. En opération, sauf cas d'extrême urgence, l'un des deux devait toujours se trouver à bord afin d'assurer une continuité de la chaîne de commandement. Jiu était un excellent pilote et stratège, mais il n'avait pas l'autorité nécessaire pour se faire obéir. Surtout pas de wraiths déviant comme ceux qui constituaient la moitié de l'équipage.
« Bien. Gual'kan, vous escorterez Léonard jusqu'à la salle de commandement. Jer'kan, vous prenez le reste de l'équipage et vous vous occupez du transbordement. Liu, avec ton équipe, tu continues l'exploration. Je vous superviserai d'ici. »
Un salut général lui apprit que ses ordres étaient compris et acceptés.
A contrecœur, il partit déposer son scaphandre dans le logement dédié avant de rejoindre son fauteuil de capitaine, saluant d'un sourire Jiu, qui remontait des soutes, n'ayant plus d'ingénieur manchot à aider.
« Ubris, mets-moi en contact avec les archéologues. »
« Connexion établie, capitaine. »
« Professeur, docteur, ici Tom Giacometti, quoi de neuf ? »
« Heu... Allô, vous nous entendez, capitaine ? » lança la voix hésitante de l'homme sur l'intercom.
« Je vous entends. »
« Ah, super... Quoi de neuf ? Heu... ça dépend. A propos de quoi ? »
Il soupira. Les scientifiques. Peu importait leur race ou leur spécialité, tous les mêmes tendances.
« De tout. »
« Nous n'avons pas pu progresser sur le message. On s'est concentrés sur ce que vous nous avez ramenés de cette py... de ce vaisseau. »
Bien inutilement puisqu'ils ne pouvaient les voir, il fit un geste pour les encourager à poursuivre.
La voix de la femme résonna, hésitante comme à l'accoutumée.
« On... on a réussi à décrypter un cartouche sur une des tablettes d'or... Le... ou plutôt la propriétaire de cette tablette et donc probablement de ce vaisseau se faisait appeler Sekhmet. »
« Sekhmet. Ce serait donc le nom du Goa'uld à qui appartenait tout ça ? »
« Oui... et... heu... je ne sais pas à quel point les vidéos du Dr Jackson sont exactes... mais si c'est le cas... nous vous recommandons la plus grande prudence. »
« Pourquoi ? »
« Sekhmet est sur Terre une divinité égyptienne. Selon les traditions antiques, il s'agit d'une déesse vengeresse envoyée par Râ pour punir l'humanité de sa rébellion contre lui. Or, d'après le Dr Jackson, Râ est le... heu... Grand-Maître qui régnait sur Terre jusqu'à ce que la Porte des Etoiles soit enfouie. »
« Il pourrait donc s'agir d'un seigneur de guerre, et son vaisseau pourrait contenir des armes dangereuses ? »
« Exact. »
« Liu, tu as entendu ça ? »
« Oui. J'ai entendu. On va être prudent. »
Léonard n'avait pas écouté, plongé dans son démontage passionné de console. Il secoua l'esprit de l'ingénieur.
« C'est aussi valable pour vous. »
« Qu'est-ce qui est aussi valable pour moi ? »
« Ce vaisseau a probablement appartenu à une certaine Sekhmet, qui d'après les archéologues était l'exécutrice du Grand-Maître qui détenait la Terre jadis. Ce vaisseau contient potentiellement des armes très dangereuses. Soyez prudent. »
« Je suis toujours prudent. »
Il se retint de faire une remarque. Personne ne devenait un génie comme lui en étant prudent. Mais l'ingénieur était à présent dûment informé, c'était l'essentiel.
Au retour vidéo des différents scaphandres, il pouvait dire qu'effectivement, Liu et son équipe étaient attentifs à ne toucher aucun panneau de contrôle ni autre console par inadvertance. Léonard, lui, n'avait en rien changé son démontage systématique et parfois brutal. Tom se rassura en se disant que, le pont n'étant pas alimenté en énergie, il n'y avait probablement aucun risque.
Un peu moins de deux heures plus tard, il devait ordonner à l'ingénieur d'obéir à Gual'kan et de rentrer sur l'Utopia pour venir refaire le plein d'oxygène.
Moins de dix minutes plus tard, Léonard lui signifiait son retour d'une pensée aigre.
A peu près en même temps, la voix surexcitée de la scientifique terrienne résonnait sur l'intercom.
« Capitaine, on a fait une découverte fantastique ! On aurait besoin d'un de vos techniciens dès que possible. »
« Pourquoi ? »
« On s'est intéressés aux vases canopes afin d'essayer de déterminer si tous les objets rapportés appartiennent à cette Sekhmet, et on a fait une découverte fantastique ! »
« C'est-à-dire ? »
« Normalement... »
« Elle veut dire sur Terre » intervint l'homme.
« Oui, normalement, sur Terre, les vases canopes sont de simples poteries dans lesquelles sont placés les organes vitaux des défunts. Au mieux, ils sont scellés avec de la cire. »
« Mais ? » devina-t-il.
« Mais ce n'est pas le cas de ceux-ci. Ils ne portent aucune inscription, et les couvercles ne sont pas sculptés. Nous avons donc tenté de les passer aux rayons X en espérant découvrir à l'intérieur une amulette ou quelque chose qui nous renseignerait. »
« Mais ? »
« On ne sait pas en quoi ils sont faits, peut-être en plomb, mais les rayons X n'ont rien donné. On a donc essayé de les ouvrir et... impossible. Le couvercle se retire bien en tournant, mais en-dessous... Faut que vous voyez ça ! Il y a un système de fermeture dans un métal inconnu... Je... je crois que c'est une technologie alien... »
« Je m'en charge. »
Le sifflement sourd de Léonard résonna à la fois dans le retour radio des scaphandres et dans les intercoms, produisant presque un effet larsen.
« Capitaine, dites-lui de retirer son scaphandre avant ! On ne peut pas recharger les réserves s'il le porte toujours ! » protesta Gual'kan d'une pensée furieuse, lui envoyant la vision furtive de l'ingénieur manchot, la manche vide de son scaphandre toujours étrangement coincée derrière le réservoir dorsal, qui remontait les coursives à toute vitesse.
Il soupira. Il connaissait Léonard. Inutile d'essayer de l'intéresser à ce genre de menus détails quand un mystère de cet acabit se présentait. Il se débarrasserait sans doute bien assez vite du scaphandre afin de retrouver toutes ses capacités de manipulation fine.
« Suivez-le et récupérez le scaphandre quand il l'enlèvera. »
« A vos ordres » siffla le guerrier, retenant avec peine la pointe de dédain à l'idée de cette tâche à peine digne d'un serviteur.
S'étirant, il regarda avec satisfaction sur les moniteurs l'équipe de Liu et ses wraiths restés à bord embarquer sur le Jumper venu les récupérer, pour eux aussi rentrer afin de refaire le plein d'oxygène.
Il mourait d'envie de repartir en exploration, mais ça faisait quatre heures que son équipe travaillait en apesanteur sans pause et, tous wraiths qu'ils fussent, ils devenaient aussi plus prompts aux erreurs avec la fatigue. Il était temps que tout le monde se repose avant de repartir.
Il organisa donc les quarts afin que chacun puisse se reposer, ignorant les protestations de Liu avant de l'envoyer dormir. Certes, lui-même était censé prendre un quart de repos avant qu'ils ne découvrent cette épave, mais elle venait de passer une bonne partie de son quart de service à travailler en apesanteur et en scaphandre – et elle n'était qu'humaine.
Il dut cependant accepter le compromis de partir aussi se reposer et de confier le vaisseau à Jiu, qui promit et jura sur les Ancêtres de les réveiller au moindre problème, ce qui acheva de convaincre sa sœur d'aller aussi se reposer.
Une fois éclairci qui était de service et que ne l'était pas, il se retira dans ses quartiers et, malgré l'excitation de la découverte qui le tenaillait, s'allongea. Jamais il ne pourrait dormir, électrisé comme il l'était... Ah... tiens... C'était quand même bien agréable de fermer les yeux... mais jamais il ne pourrait...
