Hey ! Salut ! Comment ça va ? On a trouvé la planète de Morgal et Tch'ana. Ils vont pouvoir rentrer chez eux. Ils nous ont invité. Je vais tâcher de vous filmer ça. Ça va être trop cool. Ensuite, il y aura encore quelques Unas à ramener chez eux, et ce sera fini... C'est étrange. J'ai pas envie de rentrer et en même temps, vous me manquez trop... Enfin... On devrait être de nouveau bientôt ensemble. Donc à plus. Tchô !
(Zen'kan, est-ce que tu as terminé ton message ? Zen'kan, dois-je couper l'enregistrement ? Il a quitté la pièce, je suppose qu'il a fini. Je vais donc interrompre cet enregistrement.
Ubris, fin du message.)
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« Waaah ! Ils sont combien ? » s'extasia Zen'kan.
« Cent, cent-cinquante, je dirais. » estima Liu, alors qu'ils arrivaient au village, composé de huttes de bois et de peaux.
« Et ils sont sur leur trente-et-un. » nota Jiu.
Il avait raison. Tous portaient des parures d'os et d'ivoire, des coiffes de plumes et de fourrures.
Zen'kan se sentit un peu ridicule en jeans et t-shirt.
Il n'eut pas trop le temps d'y réfléchir, car ils furent accueillis à grands renforts de cadeaux, et bien vite emmenés vers le grand feu qui brûlait entre les tentes, faisant rôtir une énorme bête toute entière.
Voyant qu'il était plus qu'emprunté alors qu'un Unas essayait de lui passer un collier d'os autour du cou, Liu, déjà parée d'un collier semblable et d'une sorte de couvre-chef emplumé, se tourna vers lui.
« Relax. Souris et profite. Ils sont juste contents qu'on leur ramène les leurs. »
Avisant son frère qui acceptait avec enthousiasme une gourde d'un liquide mystérieux, il se tourna à nouveau vers Liu, qui se laissait tout aussi tranquillement emmener.
« Comment tu peux être aussi relax ?! »
Elle rit.
« L'habitude, je suppose. Quand tu libères des gens, ç'a tendance à provoquer ce genre de chose. Tu verras, une fois que tu auras fait la fête sur Grinna, tu n'auras plus aucun problème à t'éclater. »
Il répondit d'un vague grondement, toujours pas à son aise.
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« Ahah, qu'est ce que tu t'es mis, mon cher ! » se moqua gentiment Tom, soutenant Zen'kan, un peu trop lourd malgré sa petite taille pour qu'il puisse le porter vraiment sur plus de quelques mètres.
L'adolescent émit un vague grognement hargneux.
Tom se félicita d'être à une demi-galaxie de distance de Milena. Il l'entendait déjà hurler, si elle venait à apprendre qu'il avait laissé son frère de seize ans boire suffisamment pour qu'il ne soit plus capable de tenir debout.
Personnellement, il trouvait l'exploit d'autant plus impressionnant que l'espèce de bière fabriquée par les Unas n'était que très légèrement alcoolisée. Zen'kan avait donc dû en descendre une quantité astronomique pour se mettre dans cet état.
« Je crois que j... »
Il eut à peine le temps de pencher son frère sur le côté pour qu'il arrose plus les fougères que ses propres pieds.
« Beuh... » râla ce dernier, piteux.
« Courage. On est presque à la rivière. De l'eau fraîche, ça va te faire du bien. » l'encouragea-t-il.
Il lui fallut tout de même un temps considérable pour atteindre l'onde tranquille qui serpentait entre les pins, ses rives grises de galets brillant vaguement sous la lueur lunaire.
Avisant un tronc mort aux racines baignant dans un coude de la rivière, il y installa Zen'kan avant de s'approcher de l'eau, avec l'intention d'y tremper un bout de tissu pour le lui donner.
« Lota ! »
L'appel le fit se retourner. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître Arak, qui s'était à moitié incrusté à la fête – comme le reste des Unas qui n'étaient pas encore rentré chez eux.
« Keka ! » insista le reptile, lui faisant signe de reculer.
Il obéit. S'il y avait bien une règle universelle, c'était « ne te crois pas plus malin que les locaux, quand il s'agit de connaître leur monde. ».
Le Unas sembla satisfait quand il fut à un bon mètre de la rive. S'approchant, le guerrier l'examina, vérifiant particulièrement que le ras de cou en os que la tribu lui avait offert était bien serré sur sa gorge.
« Qu'est-ce qu'il y a ? » demanda-t-il, espérant que Arak comprendrait.
« Keka ! Kree'ka onac ! » expliqua le Unas, désignant l'eau.
« Quoi ? Je ne comprends pas.»
Arak eut un grondement mauvais, puis, à grands pas, il vint s'accroupir à côté du tronc, avant de plonger sa main dans l'eau, le fixant d'un air grincheux.
Deux longues minutes, durant lesquelles Zen'kan se débrouilla pour vomir sans trop se salir, puis d'un geste vif, le Unas se redressa, tenant quelque chose dans sa poigne. Chose qui se tortillait en couinant, jusqu'à ce qu'il lui casse la nuque avant de revenir vers lui et de le lui tendre.
« Onac! » expliqua-t-il, larguant la masse froide et gluante dans sa main.
Tom dut se retenir pour ne pas jeter la chose au loin en la reconnaissant. Il lui fallut toute sa rationalité pour ne pas réagir instinctivement. Le symbiote était mort. Il ne risquait plus de lui faire le moindre mal.
« C'est qwa ? » bava Zen.
« Une larve goa'uld. L'eau en est infestée.» nota-t-il, avisant finalement des remous suspects dans le coude de la rivière.
L'information s'insinua laborieusement dans le cerveau de son frère.
« Aaaaah... c'est pour çaaaaa... » annonça ce dernier, l'air soudain éclairé.
« Pour ça quoi ? » s'impatienta-t-il, tout en activant sa radio. « Jiu, préviens tout le monde. Les eaux de la région sont infestées de larves goa'uld. Que personne ne s'en approche. »
« Morgal et Tch... Tch'anaa, ils ont genre mégaaa mégaaa peur de l'eau... on comprenait pas pourquoi... Tout un cirque pour qu'ils se lavent... Et pourtant Tch'ana, il pêche... mais que dans la mer... » marmonna Zen'kan, avant de se plaquer une main sur la bouche.
La nausée passée, il se mit à ricaner.
Jetant avec dégoût la carcasse du symbiote dans l'eau, Tom se retourna vers lui.
« Qu'est-ce qui t'arrive encore ? »
« C'est des limaces... Héhéhé... Elles supportent pas le sel... Pssshhhh... Comme des limaces... Ahaha ! »
Il y avait une certaine logique dans l'hilarité alcoolisée de son frère, mais ce n'était pas le moment de s'occuper de ça.
Il se tourna vers le Unas qui était resté là, surveillant l'eau.
« Vous m'aidez à le ramener ? » demanda-t-il, désignant son frère, puis les lueurs des feux qu'on devinait entre les troncs.
Arak opina, puis comme s'il ne pesait rien, ramassa Zen'kan, qui d'abord feula comme un chaton outré, avant d'être réduit au silence par une nouvelle vague de nausée. Ensuite, résigné, l'adolescent s'accrocha au cou du colosse, fixant le ciel en une relativement vaine tentative de réduire ses vertiges.
Tom se contenta de suivre, priant que son cadet ne vomisse pas sur le reptile.
« Hé ! Dis ? » lança son frère, clairement à son attention.
« Mmmh ? »
« Tu crois qu'un jour, je pourrais porter Lili comme ça ? »
« Comment ça ? »
« En mariée... »
« Peut-être. Mais je doute qu'elle se débrouille pour se bourrer la gueule avec l'équivalent Unas d'une limonade.» se moqua-t-il gentiment.
Zen'kan rit de bon cœur.
« Clair ! Lili, elle est pas débile, elle ! »
« Toi non plus » fit-il remarquer aimablement.
« Mais je me bourre la gueule avec de la limonade ! » répliqua-t-il gaiement.
Il semblait bien le prendre, mais Tom ne put s'empêcher de s'inquiéter. Difficile d'oublier la tendance à se rabaisser et à broyer du noir du jeune mâle.
Hésitant un instant, il fit signe à Arak d'obliquer en direction du Jumper, avant d'appeler une fois encore Jiu.
« S'il te plaît, explique à nos hôtes que je reviens vite. Je ramène juste Zen'kan sur l'Utopia. Leur bière l'a mis K.O. Je serai vite de retour. »
« Très bien. A tout à l'heure. »
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Avec un soupir fatigué, Zen'kan s'accrocha à la cuvette des toilettes. Il n'avait plus rien à vomir depuis longtemps, et pourtant la nausée ne passait pas. Il était épuisé, tremblant de l'effort encore et encore répété de ses abdominaux, et pourtant, impossible de dormir. Impossible de se coucher et de fermer les yeux sans que toute la pièce se mette à tanguer.
Dans un chuintement, la porte de la cabine s'ouvrit dans son dos. Agitant vaguement la main, il fit signe que l'endroit était déjà occupé, au cas où le nouvel arrivant ne l'aurait pas remarqué spontanément.
Il y eut quelques instants de flottement, puis un grondement réprobateur retentit, ainsi que le bruit familier de solides bottes de cuir sur le sol métallisé, suivi du murmure d'un robinet qu'on ouvre.
Se recroquevillant autour de la cuvette, Zen'kan tenta juste de protéger ses yeux de la lumière trop brillante de la pièce, défait et vaincu, trop faible pour tenter de chasser l'importun de la pièce.
« Kssssh... Tu empestes... » grommela Liam'kan, s'accroupissant à côté de lui et essuyant délicatement avec un chiffon humide les quelques mèches de cheveux qui pendaient misérablement devant lui, toute croûtées de vomissures.
Tout aussi doucement, le guerrier réunit les cheveux mi-longs du jeune mâle en un demi-catogan sur sa nuque, avant de le redresser un peu, et de lui tendre le linge mouillé pour qu'il s'essuie le visage.
« Quelle folie ! Demander à une larve à peine adulte de s'occuper d'une autre larve. Pas étonnant que ce genre de chose arrive. » siffla-t-il, réprobateur.
« C'est pas de la faute de Tom ! » marmonna-t-il en retour, aussi vindicatif que l'alcool le lui permettait.
Liam'kan rauqua avec ironie.
« Je sais que c'est la guerrière atlante Milena Giacometti qui t'élève, mais comme je l'ai déjà dit au capitaine : les humains n'ont pas beaucoup à nous apporter en dehors de leur force vitale. Les fréquenter est déjà bien suffisant. Inutile de succomber à leurs vices. »
Zen'kan aurait bien voulu répondre, mais rien ne vint. Son cerveau semblait mouliner dans un vide cotonneux. Il se contenta de se frotter vaguement le visage avant de rendre le tissu mouillé au guerrier, qui se releva, partit le rincer, puis – l'empêchant de se débattre d'une poigne de fer – entreprit lui-même de le débarbouiller, correctement.
Vérifiant qu'il n'avait oublié aucun recoin, Liam'kan sourit, vaguement dédaigneux.
« J'espère au moins, larve, que cela te donnera une bonne leçon. »
« Ah ? Laquelle ? » demanda-t-il, avec toute l'impertinence que lui permettait sa misérable situation.
Le guerrier ricana.
« Qu'être maître de soi, et ne pas se laisser aller à la débauche, évite bien des déboires. » nota-t-il, doctement, lui attrapant le bras pour le relever comme s'il ne pesait rien.
L'oreille interne de Zen'kan protesta, et il vacilla, pris de vertiges nauséeux. Liam'kan attendit patiemment que la vague reflue avant de l'emmener dans le couloir, le soutenant autant que le dirigeant d'un bras passé sous le sien.
« On va où ? »
« Au réfectoire. »
« Si tu me fais bouffer un truc, je vais le gerber. » nota-t-il.
Liam'kan gronda un assentiment.
« Tu es déshydraté, les serviteurs pourront te donner de quoi y remédier. »
S'il s'agissait juste d'eau, il n'y voyait aucun inconvénient. Maintenant qu'il y pensait, c'était même une bonne idée. Il était en vérité assoiffé. Et peut-être que ce goût immonde disparaîtrait un peu.
Il approuva mollement, très concentré à mettre un pied devant l'autre.
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« Voilà, jeune seigneur. Avec ça, vous vous sentirez vite mieux ! Tâchez de boire tant que c'est chaud. Mais doucement ! Et voilà une bassine, au cas où. » lui offrit Menu, lui fourrant un quart de métal tiède entre les mains, et posant un grand plat sur la table.
Il opina, étonné que le court trajet jusqu'aux cuisines lui ait paru si long, et soulagé d'être à nouveau assis.
Fixant un point sur la table devant lui, il prit une gorgée prudente de ce qui s'avéra être un bouillon légèrement sucré, sous le regard perçant de la cuisinière et du guerrier qui l'observaient en silence.
A la troisième gorgée, Menu se redressa, les mains sur les hanches.
« J'avais cru comprendre que Monseigneur Markus avait placé ce jeune maître sous votre garde. N'êtes-vous pas responsable de lui, monseigneur ? »
Liam'kan roula des yeux en grognant.
« Il est surtout sous la responsabilité du capitaine. Je suis juste censé veiller à son entraînement de guerrier... »
La femme ne se laissa pas impressionner.
« Le noble capitaine Giacometti a assez de responsabilités comme ça. Il ne peut pas toujours veiller sur son petit frère ! Permettez-moi de vous dire que vous devriez avoir honte, monseigneur. Laisser un enfant se mettre dans un tel état, c'est indigne. »
« Silence, femelle, je n'étais même pas là. Si tu veux accuser quelqu'un, va donc accuser le capitaine. C'est lui qui l'a emmené sur cette planète, et l'a ramené couvert de son propre vomi. » siffla le guerrier.
« Oh, mais je vais le faire, je vous le promets, maître Liam'kan ! En attendant, prenez vos responsabilités, et occupez-vous de ce jeune seigneur comme l'apprenti qu'il est pour vous durant toute la durée de son séjour ! »
Le mâle montra les dents en grondant.
« Tu n'as pas d'ordre à me donner, humaine ! »
« Alors faites en sorte que je n'aie pas à le faire, noble maître. Montrez-vous digne des responsabilités qu'on vous confie. »
Avec un rugissement mauvais, les doigts agités de tics, le guerrier s'éloigna. A la porte, il se retourna.
« Je vais revenir. D'ici-là, occupe-t'en mieux que de ta propre engeance, femelle, sinon tu auras affaire à moi. »
Avec une petite exclamation outrée, la cantinière jeta un torchon roulé en boule en direction de la porte, derrière laquelle Liam'kan avait déjà disparu.
« Je n'ai pas besoin qu'on me donne des ordres pour que je m'occupe correctement d'enfants ! Non mais ! »
« Désolé. C'est de ma faute. J'ai picolé comme un putain d'abruti... » marmonna Zen'kan, fixant avec consternation sa tasse.
La femme soupira, se radoucissant sensiblement.
« Non, jeune seigneur. Vous savez, j'ai connu monseigneur le capitaine Giacometti quand c'était encore un tout jeune mâle. Tout juste sorti de l'enfance. Plus jeune que vous ne l'êtes aujourd'hui. Et avant lui, j'ai connu beaucoup d'autres jeunes seigneurs. Quoi qu'en dise monseigneur Liam'kan, un enfant est un enfant. A chaque âge, ses bêtises. Cela fait partie de l'apprentissage de la vie. Il faut faire des erreurs et tester les limites du cadre pour pouvoir devenir un adulte épanoui. »
Zen'kan ne put s'empêcher de ricaner.
« Donc, j'ai bien fait de boire comme un trou ? »
« Non, monseigneur. (Elle sourit.) Et vous vous en rendez très bien compte, n'est-ce pas ? »
Il opina, posant sa tasse vide. Quoi que soit ce bouillon, ça lui avait fait du bien. Il se sentait moins mal. Mais toujours aussi piteux.
Menu récupéra le récipient et le lui ramena bien vite, empli à nouveau.
« Je me sens nul.» marmonna-t-il en le récupérant, sa douce chaleur réconfortante sous ses paumes.
La femme haussa les épaules.
« Personne ne se sent très glorieux après avoir trop bu, monseigneur. »
« Vous croyez qu'il m'en veut ? » demanda-t-il, jetant un coup d'œil inquiet à la porte.
La cantinière tendit la main, posant sa paume calleuse sur son bras qu'elle serra avec chaleur.
« Non ! Monseigneur Liam'kan est juste perdu. Il ne sait pas comment s'y prendre avec vous. Il a élevé et formé avec succès de nombreux et courageux guerriers, mais ce qui se faisait alors ne se fait plus aujourd'hui. Ni le capitaine, votre frère, ni votre maître, le seigneur Markus, ne tolérerait qu'il vous traite comme il a traité ses précédents apprentis. Il fait de son mieux, mais il est un peu perdu. »
Zen ricana sombrement, s'affaissant un peu.
« Je m'en serais prise une, hein ? Ou cent, plutôt... »
La cantinière opina tristement, serrant doucement son bras.
« Mais les temps changent. Pour le meilleur, monseigneur. »
« Vraiment ? »
« Je vous le promets, jeune maître. »
Quelque chose dans le sourire maternel de la femme le poussa à la croire.
Il sourit. Piteusement, mais sincèrement.
« J'irai quand même m'excuser demain. A Tom aussi. »
