Aujourd'hui, un chapitre qui me plait vraiment beaucoup ! Je ne m'y attendais pourtant pas... Mais je sais pas, je suis contente de moi, il a un ton différent des autres...
TW : rien de graphique, rien d'explicite, mais pas mal angst, avec des fantasmes malsains.
En passant : C'est super adorable, merci encore mille fois pour tes encouragements. Mine de rien, ça fait du bien quand j'arrive à me retrouver une petite heure tranquille devant mon clavier ! Bonne fêtes de fin d'année à toi aussi !
Sa création, sa réalisation, son adorable bébé.
Il pouvait enfin le tenir entre ses mains larges et le lever vers la lumière, l'admirer, le chérir. Il était parfait. Tout en lui était parfait.
Ça avait pris des années pour l'obtenir. Dès qu'il avait vu Narcissa Black, il avait su qu'elle était celle qui lui fallait. Il l'avait immédiatement aimée. Elle était magnifique, puissante, rayonnante, pure comme une neige tout juste tombée du ciel. Des cheveux d'un blond presque blanc, des yeux bleus presque gris. Elle lui ressemblait : Quand ils se tenaient côte à côte, on aurait pu les prendre pour un frère et sa sœur.
Parfois, il fantasmait sur l'idée que ce fut le cas : Que son père si admirable, le noble Abraxas, ait pu aller butiner la belle Druella lors d'un gala mondain, et que cette femme aux mœurs que l'on disait légères ait pu porter l'enfant à terme. Ce n'était pas impossible : Quand on comparait Narcissa au reste de sa famille, la couleur de ses cheveux sautait aux yeux. L'hypothèse la rendait un peu moins parfaite, un peu plus sale, encore plus attirante…
La séduire avait pris du temps. Elle n'était pas stupide, elle connaissait sa valeur. Lui connaissait la sienne. Une fois qu'elle avait été conquise, toutefois, convaincre leurs parents avait été presque trop facile, et le fantasme qu'elle était sa demi-sœur s'était évaporé sous la certitude qu'Abraxas n'aurait pas accepté que leur lignée soit souillée par un mariage à ce point consanguin.
Peu importait, elle restait parfaite.
Obtenir son héritier aussi avait pris du temps. Par trois fois, elle était tombée enceinte, et par trois fois son sortilège d'investigation lui avait révélé que l'enfant à naître risquait d'être une fille. Par trois fois, il avait patiemment versé la potion d'Avortium dans son jus de pomme matinal. Elle avait tant pleuré… Elle avait failli se briser entre ses bras, mais il l'avait soutenue, avec sa détermination, sa puissance et son amour, et par trois fois, elle s'était redressée. Il pouvait passer des journées entières, blotti contre elle à lui répéter à quel point elle était parfaite et combien il l'aimait.
La quatrième fois, elle l'avait prévenu : Elle ne se sentait pas la force d'affronter cette épreuve à nouveau. Que l'enfant vienne au monde ou pas, ce serait la dernière fois que son ventre porterait la vie.
Elle n'avait jamais été aussi belle que quand elle s'était tordue de douleur en hurlant et en pleurant dans leur chambre du manoir, salissant les draps de soie blanche avec son sang rouge, quand enfin, la tête minuscule de son fils était apparue entre ses jambes.
Il avait pu le prendre entre ses mains et le porter vers la lumière.
Sa création, sa réalisation, son héritier.
Ils s'étaient tous extasiés devant lui, devant son corps minuscule et vibrant de vie, devant ses yeux si pâles déjà, son Sang si pur, sa magie si apparente… Le Seigneur des Ténèbres lui-même avait souri, avait hoché la tête, l'avait félicité.
« Oui. Cet enfant est parfait. »
Il lui avait confié Son journal :
« Quand il aura 16 ans. Pour qu'il comprenne ce qu'il doit devenir. »
Ça avait pris des années de l'élever, de lui permettre de s'élever, et il l'avait aimé comme il n'avait jamais cru pouvoir aimer un autre être humain. C'est un enfant adorable, obéissant, appliqué, beau au-delà du possible, son portrait craché. Chaque geste qu'il effectuait, chaque mot qu'il prononçait, le bambin les répétait à l'identique avec ses jolies mains délicates et potelées et sa petite voix aigüe.
Si seulement il s'était aperçu plus tôt de ce que cette perfection impliquait…
Tous, ils avaient tenté de le lui voler : Dumbledore le premier, qui avait exigé qu'il puisse étudier dans cette école qu'il avait souillée de ses idées aberrantes sur les Sang-de-Bourbes et les Sang-Mêlé. Que son fils parfait fréquente ces dégénérés ?! Il s'y été opposé de toutes les façons qu'il avait pu. Il l'aurait envoyé n'importe où ailleurs ! Narcissa avait eu gain de cause. On ne pouvait pas lutter contre l'amour qu'une femme comme elle pouvait porter à un enfant comme lui.
Et puis le Seigneur des Ténèbres en personne avait de nouveau posé Ses yeux sur lui, et il avait immédiatement compris : Son fils était plus beau que lui, plus jeune, plus doué. Plus obéissant, aussi. Parfait. Il faisait pâle figure à ses côtés, et Il avait voulu le lui dérober.
Sa création, sa réalisation, son chef d'œuvre.
Il n'avait pas réalisé ce que sa perfection risquait de lui couter : Son obéissance abjecte, son amour démesuré… On lui avait dit pourtant : Les sentiments sont une faiblesse. Il n'avait pas compris qu'il n'y avait pas que les siens qui comptaient.
Le Seigneur des Ténèbres avait fini par deviner que cet enfant-là pouvait accepter n'importe quelle punition sans broncher. À l'exception de celles qui touchaient ses parents. Il torturait le fils pour humilier le père, et humiliait le père pour torturer le fils. Il lui avait volé sa baguette, et Il l'avait détruite. À la fin, Il lui avait même fait porter des guenilles d'elfe de Maison. Quand il s'était présenté devant eux, ils avaient tous ri de sa déchéance, mais le Seigneur, Lui, n'avait pas ri, ne l'avait même pas regardé : Il n'avait fait que contempler joyeusement le visage ravagé de son fils dont on pouvait deviner, à la bouche plissée, qu'il ne se permettrait plus d'échouer.
Quand il avait été envoyé à Azkaban, la première fois, c'est la pensée de son fils qui lui avait servi de Patronus : Son fils parfait, étincelant, qui viendrait le libérer, ou qui lui survivrait en le rendant ainsi immortel :
Sa création, sa réalisation, son double de lui-même.
La deuxième fois, il n'avait pas supporté l'idée. Alors il l'avait emmené avec lui.
Sa création, sa réalisation, le bouclier dont il avait besoin et qu'il était temps d'utiliser.
C'était facile : Il suffisait de le lui ordonner. Narcissa avait voulu le lui prendre, encore une fois, mais ce jour-là, il avait gagné. Il en avait besoin davantage qu'elle. Il avait détruit dans sa tête l'image que son fils se faisait de sa mère. Il était hors de question qu'il le laisse seul, à nouveau.
Avait-ce été une bonne idée ? Difficile à dire : Il avait maintes fois prouvé son utilité, mais…
Il était toujours aussi parfait. Toujours, toujours, toujours. Toujours aussi parfait. Lui vieillissait, s'affaiblissait, souffrait, et lui, toujours si beau et si parfait… Sa perfection était devenue une humiliation de plus, une souffrance permanente, un douloureux rappel de ce qu'il aurait pu être s'il avait eu un plus de chance… La jalousie le rongeait.
Il s'était mis en tête de vouloir le détruire, ou tout du moins, le rabaisser. Le mettre à un niveau humain, un niveau avec lequel il pouvait rivaliser. Il avait savouré les coups qu'on lui avait porté, avait jubilé à chaque nouvelle cicatrice, à chaque os brisé… Il voulait le voir faible, désespéré, pour pouvoir le soutenir et se sentir fort à ses côtés.
Et son fils parfait, à chaque fois, s'était relevé. Toujours aussi beau, toujours aussi jeune, toujours aussi obéissant et parfait.
Pire que cela même : De plus en plus attirant, de plus en plus fascinant, chaque jour plus subjuguant que le précédent : Chaque blessure qu'il recevait, chaque humiliation posait la question : Est-ce que cette fois-ci serait la bonne ? Est-ce qu'enfin, il cesserait de nous affamer, tous, avec sa perfection et sa résistance qui n'en finissait pas ? C'était une obsession, un concours, un défi : La coupe à celui qui parviendrait enfin à lui faire perdre de sa superbe.
Un soulagement infime : Lui-même y parvenait, parfois. Il n'avait pas besoin, comme les autres, de s'abaisser à la brutalité : Un mot suffisait, un regard, et il se décomposait. En l'écrasant, il se sentait un peu plus grand, un peu plus respecté.
Ça ne durait jamais longtemps : L'amour et le respect revenaient dans ses yeux, et il avait envie de les lui arracher.
Il y avait quelque chose de répugnant dans sa manière d'être, dans sa façon d'aimer.
Sa création, sa réalisation, l'arme qu'il avait lui-même forgée et qui le frappait chaque jour plus fort, à mesure que le temps passait et que le métal continuait de briller, alors que lui se sentait indubitablement ternir et rouiller…
Ne pouvait-il pas enfin mourir, enfin disparaître ?! Il savait qu'alors, il serait capable de l'aimer et de le chérir à nouveau, parce que son sacrifice servirait à sublimer sa légende. Il n'y avait probablement rien de plus beau que de survivre à son enfant.
Et puis Harry Potter était arrivé et le lui avait arraché.
Sa création, sa réalisation, sa propriété.
L'imaginer, de nouveau, évoluer loin de lui…
Que faisaient-ils ensemble ? Ils parlaient ? Ils se battaient ? Ils baisaient ?! Ils plaisantaient ?! Est-ce qu'ils se moquaient de lui ?!
Que lui faisait-il ? Est-ce qu'il le touchait ? Est-ce qu'il le torturait ? Est-ce qu'il l'aimait ? Est-ce qu'il le changeait, le transformait ? Est-ce qu'il le modelait à son goût ? Est-ce que Lui était capable de le briser ?! De faire disparaître cette perfection incarnée ?!
Oui, il en était capable.
Quand il avait revu son fils, celui-ci était méconnaissable.
Hideux. Il avait perdu son visage, sa voix, sa prestance, sa valeur enfin. Il n'avait plus rien de son fils parfait, il se tenait vouté, déformé, désobéissant… Il avait ouvert la bouche sans y être invité.
Et il s'était senti soulagé.
Sa création, sa réalisation, une espèce de déchet.
Il était libre à nouveau. Dans sa tête tout du moins : Il suffisait de patienter, il n'avait plus à se soucier de cette erreur, de cette salissure sur la page parfaite de son histoire. Il était un homme, et aucune marque de grossesse ne salissait son corps et venait rappeler cette faute dans son passé. Il parviendrait à l'oublier.
À les oublier tous les deux : Sa femme et son garçon.
Cette femme et ce garçon.
Une femme et un garçon.
Ils n'étaient rien de plus.
Sauf que désormais…
Il l'avait revu à nouveau. Encore une fois transformé, méconnaissable. Il n'était ni son fils parfait, ni la créature immonde qu'il avait vu entre temps.
Un inconnu étrange, barbare, revêtu d'une peau de bête, qui se tenait droit et fier malgré sa difformité. Il avait été impressionné, presque admiratif. Un homme qui pouvait s'arranger pour le faire libérer, et il savait, il savait, que sous cette carapace bizarre se cachait encore le petit bébé qu'il avait porté vers la lumière. Ce petit garçon qu'il savait manipuler et qui ferait tout pour lui plaire.
Parce qu'une nouvelle fois, dans ses yeux, cette volonté farouche et répugnante d'être aimé…Une faiblesse, une faille a exploiter, et il était passé maître en ce domaine. Dans toute relation, le pouvoir appartient à celui qui est aimé.
Il avait fait une erreur : Il lui avait fait confiance. Sans retenue. Et évidemment, encore une fois, il avait été déçu.
La vengeance viendrait, cependant. En temps et en heures, elle viendrait. Trop d'arrogance et de fierté, mais il pouvait le briser à nouveau. L'exploiter, d'abord, puis s'en débarrasser. Hors de question de conserver cette chose instable trop proche de lui.
Il réitèrerait l'exploit. Il aurait un nouveau fils qu'il pourrait utiliser. Celui-là n'était qu'un brouillon raté.
« Pendant quelques minutes, je vous ai rendu fier, et je chérirai ce souvenir jusqu'à ma mort. »
S'il avait su, il ne lui aurait même pas accordé cela.
Sa création, sa réalisation, son cauchemar.
Il lui fallait absolument y mettre un terme.
