J'ai fini par me créer un compte ao3 ! Si jamais le site bugue / que cette histoire disparait, vous pourrez me retrouver là bas sous le même pseudo :)
(ceci dit, je n'y ai encore rien publié... J'aimerais bien finir les choses ici avant :D )


Le cas Welbert ne fut malheureusement pas d'une grande aide : Drago trouva facilement la Surveillante rousse qui « avait toujours du temps à lui accorder » mais son histoire différait largement de la sienne : Elle et son époux avaient perdu l'amour qu'ils se portaient l'un à l'autre. Elle se rappelait de tous les mots doux qu'ils avaient échangés, de toutes les fois où ils avaient eu des rapports sexuels, de leur mariage discret que leurs familles n'avaient pas accepté… Mais tout ça sans aucun sentiment.

« Comme si on m'avait forcée. Comme si j'avais joué la comédie tout ce temps en sachant qu'il faisait pareil de son côté. Comme si tout ça avait été un vaste mensonge… »

Ils étaient accoudés sur les remparts, et le vent leur cinglait le visage. Elle avait prétendu que c'était le meilleur endroit pour ne pas être espionné.

« On me dit que je pourrais me remettre avec lui, mais je sais pas. C'est bizarre de l'imaginer. Pourtant, j'ai rien à lui reprocher : Je vois bien que c'est un bon gars, mais je vois pas comment on pourrait être heureux, l'un avec l'autre. J'ai l'impression que j'aurais plus de chance avec à peu près n'importe qui. »

Drago laissa son regard flotter sur l'horizon.

« On arrive à se parler, maintenant. Je veux dire, on a tous les deux admis que c'était ni sa faute, ni la mienne. On connaissait les risques. Maintenant, on est collègues et en instance de divorce, mais… Disons que j'ai plus envie de me jeter de cette rambarde quand je le vois. Je suppose que c'est déjà ça, et que c'est ce que Nguyen voulait dire par progrès. »

Leurs cas n'avaient rien à voir, donc : Elle était capable d'envisager le fait d'avoir aimé cet homme, ne l'avait jamais considéré comme un ennemi, et n'avait aucun souvenir de violence entre eux, hormis quelques disputes conjugales.

« On faisait des paris sur toi et Potter, ajouta-t-elle soudain en tournant son visage vers lui. Sur combien de temps vous tiendriez, sur la prochaine faveur qu'il t'accorderait, ce genre de choses. Ou sur ta sincérité. Lui, ça a toujours crevé les yeux qu'il était dingue de toi. Toi, par contre, on a jamais trop su si tu l'aimais bien ou si tu voulais juste profiter de lui. Moi, à l'époque, j'étais dans la team des romantiques. »

Elle souriait bravement avec une espèce d'air complice, et Drago se sentit mal à l'aise en lui répondant :

« Je n'en sais pas plus que toi. »

·

Le lendemain matin, Drago accepta finalement de retourner à l'infirmerie.

Il se haït de le faire. Il avait l'impression d'obéir à Potter. La plante de son pied était cependant affreusement douloureuse : Les éclats de verre avaient ouvert de multiples plaies, et la peau déchirée n'en finissait pas de gonfler.

En outre, il avait passé une nuit horrible, effrayé par le moindre bruit, se réveillant même en sursaut, paniqué, quand les chariots magiques s'étaient mis à défiler tranquillement en transportant les petits déjeuners. Comme la veille au soir, l'un d'eux s'arrêta presque aussitôt franchie la porte des cuisines pour venir s'échouer contre la grille de sa cellule. Comme la veille au soir, il se retint de porter à sa bouche quoi que ce soit qui puisse provenir de son plateau. Il ne pensait pas réellement que Potter ait pu empoisonner sa nourriture, mais l'hypothèse n'était pas complètement à exclure : S'il avait été victime d'un filtre d'amour, alors certaines choses pouvaient s'expliquer…

Il attendit patiemment son tour dans la salle d'attente, et quand Nguyen le vit, il esquissa un sourire moqueur et complice auquel Drago répondit par une moue honteuse.

« Monsieur Malfoy », salua-t-il quand Drago prit enfin place derrière son bureau de bois blanc. « Décidément…

– Monsieur Nguyen… Plus le temps passe, et plus j'ai la sensation que vous effectuez votre travail avec moi à contre cœur…

– Au contraire, vos visites sont des surprises auxquelles je commence à prendre plaisir… Dommage que je ne réalise cela qu'à quelques jours de votre départ… À moins que celui-ci ne soit retardé, encore une fois ? »

Drago soupira, sans oser rétorquer à l'infirmier que ce serait peut-être bien le cas.

Après avoir montré l'état de son pied, il obtint un onguent vert et piquant dont il put se tartiner généreusement. Tout en appréciant la fraicheur de la pommade, il se mordilla les lèvres, puis annonça :

« J'ai parlé avec Wihelma Welbert.

– A-t-elle su vous rassurer ?

– Pas vraiment, mais… Je me demandais… Enfin, je me souviens… Je crois me souvenir qu'une fois, vous aviez insisté… pour que je vous parle de lui. De Po… Monsieur Potter, je veux dire. Lors d'une séance de psychologie… Je me demandais si vous accepteriez de me répéter ce que j'ai dit, cette fois-là… »

Nguyen n'hésita que quelques secondes avant d'aller tranquillement chercher un petit dossier dans un placard, puis de revenir s'installer à son bureau en le consultant. Il lui tendit ensuite un parchemin qu'il le laissa lire en entier.

Drago se rappelait de cette séance, se souvenait l'insistance de l'infirmier à le faire parler, après que Potter l'eut giflé, et il se fit la réflexion que cette discussion avait finalement été une bonne idée… Malheureusement, le compte-rendu ne lui apprit pas grand-chose : Les faits étaient listés sans grande émotion, et dans un ordre chronologique. Drago y recensait quelques mauvais traitements qu'il avait subis, mais insistait sur le repenti, les regrets et les excuses de Potter. Le consentement de leur relation était très régulièrement évoqué, ainsi que des notions de confiance et de respect que Drago comprenait mal. Tout le discours semblait à plus d'un titre incohérent.

Pendant sa lecture, Nguyen, qui parcourait ses autres parchemins à la recherche de paroles émises lors d'autres entrevues, lui citait quelques autres phrases, toujours bizarres et désordonnées : Des remarques sur la blague que Potter lui avait fait en troisième année à Poudlard, avec l'hippogriffe… Sur ses résultats en potion, sur le travail qu'il effectuait pour lui…

Drago était encore plus confus après cette lecture qu'avant.

Il rendit le parchemin à Nguyen qui le parcourut brièvement des yeux avant de le replacer avec les autres.

« Qu'en pensez-vous ? demanda finalement Drago en se sentant parfaitement pitoyable à demander un avis extérieur.

– Malheureusement, je doute que vous ayez été tout à fait honnête à l'époque, répondit poliment Nguyen. C'est une technique de soin moldue, et elle manque donc de rigueur. Je peux affirmer que vous l'avez défendu plus que de raison, mais j'ignore si c'était par affection ou par peur. »

·

Il passa le reste de la journée à se promener dans le château ou sur la plage. Il parcourait les lieux à la recherche de sensations ou d'émotions qui pourrait l'aider à retrouver ses esprits. Dès qu'il entendait du bruit ou risquait de croiser quelqu'un, il se calfeutrait dans une pièce ou dans une autre et attendait que le danger soit écarté.

Et puis, le soir venu, il attendit la fin du cours de Patronus pour se rendre dans le Hangar. Contrairement à d'habitude, personne ne s'était attardé, à une exception près : Le cerf parfait et toujours aussi lumineux et opalescent se promenait négligemment dans la salle, s'arrêtant parfois pour brouter une herbe imaginaire. Son propriétaire était affalé sur l'un des bancs qui longeaient les murs, les coudes plantés dans les genoux, la tête basse. Il faisait tourner sa baguette entre ses doigts.

Drago l'observa longtemps de loin, incertain de savoir s'il voulait le confronter ou non.

Finalement, il n'eut pas à se décider : Au bout d'un moment, Potter soupira, redressa la tête en faisant mine de se relever, et leurs regards se croisèrent. À ce moment-là, Drago n'eut plus qu'une idée en tête : Provoquer le grand Harry Potter jusqu'à ce qu'il baisse à nouveau les yeux :

« S'il y avait une justice dans le monde, alors c'est toi qui aurait perdu la faculté de faire apparaître cette chose. » Il aurait aimé charger sa voix de davantage de mépris, mais il avait l'impression de s'entendre pleurnicher.

Potter émit un petit rire suffisant, horripilant, rendu plus détestable encore par une espèce de reniflement à l'intérieur :

« Ouais, c'est ce que je me disais aussi… Mais non. La justice céleste semble pas beaucoup plus efficace que celle du Magenmagot, et apparemment, je le maîtrise toujours autant… Mais bref. T'es pas venu jusqu'ici pour le plaisir de ma compagnie, je suppose. Tu avais quelque chose à me demander ? »

Drago se força à avancer et vint se planter, les bras croisés, devant Potter qui reposa ses fesses sur le banc et se contenta de lever la tête pour le regarder d'en bas.

Il fallait admettre que ses yeux étaient probablement toujours gonflés et rougis. Son menton fraichement rasé semblait plus fuyant qu'à l'accoutumée. Peut-être, peut-être qu'il souffrait réellement de la situation.

« Je t'écoute », affirma soudain Drago en se redressant.

Potter resta silencieux, stupide, la bouche entrouverte un instant, puis il demanda :

« Tu veux t'asseoir ?

– Non, dépêche-toi. »

Potter ricana de nouveau, et le cerf disparut en nuage de fumée argentée.

« Je sais que c'est difficile à croire, Drago, mais l'espoir que je t'ai arraché, celui qui était assez puissant pour créer un Patronus, c'était l'idée qu'on puisse vivre heureux et ensemble, toi et moi. »

Drago ne répondit pas à l'insulte, il continua simplement de toiser Potter sans bouger.

« Les détails changeaient. Les détails avaient peu d'importance », reprit ce dernier en observant son visage avec avidité. « Ce qui revenait toujours, c'est qu'on vivait loin du monde magique, à la campagne, en se faisant passer pour des Moldus. On avait deux gosses. L'ainé, un garçon, Scorpius, et la seconde… »

Potter parla longtemps, et Drago se sentait de plus en plus mal à l'aise en l'écoutant. Tout son corps, tout son esprit, lui hurlaient de déguerpir. Il sentait ses muscles crispés trembler, la plante de ses pieds le démangeait, ses orteils se contractaient malgré lui. Rester immobile lui prenait l'intégralité de ses forces, et il était donc difficile d'écouter le discours du Survivant.

L'histoire ressemblait franchement à un cauchemar : Abandonner la Magie et vivre avec Potter ? Difficile d'imaginer un enfer pire que celui-ci, mais…

Certains détails étaient troublants. Les prénoms des enfants, par exemple : Pourquoi les lui aurait-il confiés ? Scorpius et Ariadne étaient son petit secret à lui, qu'il n'avait jamais partagé avec quiconque.

Potter aurait pu le forcer, le manipuler, pour lui faire avouer ce qui lui tenait le plus à cœur, mais ça ne ressemblait pas à sa manière de faire. Et puis il y avait d'autres anecdotes, tellement futiles que de l'imaginer lui extorquer ces informations relevait de l'aberration :

« Et puis il y avait… tu sais, ces gants rembourrés qu'on utilise pour ne pas se bruler en sortant un plat du four ? Des manilles ? Quelque chose comme ça ? Vous en aviez, au manoir, que vous n'utilisiez qu'une fois par an, pour faire le pudding de Noël ? Tu avais dit qu'il fallait recréer les mêmes, avec des yeux et des cornes cousus sur le dos de la main, pour faire la gueule du Dragon ? »

Potter mima la mâchoire avec ses doigts pour expliciter son propos, comme si Drago était complètement idiot.

« Enfin, voilà, termina-t-il au bout d'un moment. Parfois, on s'imaginait en été, devant un barbecue, parfois en hivers, prés de la cheminée… Dans le jardin, à la cuisine, à la bibliothèque, en promenade à Londres… Vraiment, on pouvait être n'importe où et faire n'importe quoi. L'important, c'est qu'on était ensemble… »

Potter laissa mourir sa voix dans un soupir.

« Voilà… Je sais que c'est difficile à croire, mais c'était ça qui te rendait heureux. »

Quand Drago se força à reprendre la parole, sa voix était enrouée :

« Qu'est-ce qui te fait croire que je pensais à ça quand j'ai invoqué mon Patronus ?

– On pensait toujours à ça, c'était…

– Non, rétorqua immédiatement Drago. Ce n'était pas à ça que je pensais la première fois. Quand… Le Patronus raté, ce n'était pas ça.

– Non, j'imagine. À ce moment-là, tu n'as pas invoqué un souvenir ou un espoir assez puissant. Tu t'imaginais libre à Rome, je suppose ? Un truc de ce genre-là ? »

Drago haussa les épaules, et le regard de Potter, vif comme l'éclair, tomba le long de ses bras toujours croisés. Drago se força à décrisper ses doigts pour que son trouble soit moins perceptible.

Le sourire fier de son géniteur, celui qu'il avait recherché toute sa vie, n'avait pas suffit à créer un Patronus corporel. Hors de question d'en informer Potter, qui n'en finirait pas de se moquer.

« Enfin, peu importe, marmonna celui-ci en le regardant dans les yeux à nouveau. À chaque fois qu'on s'entrainait, on parlait plutôt de cette histoire de futur à deux. Et sur la plage aussi, c'est de ça dont je t'ai parlé. Quand tu te sentiras prêt, tu regarderas les souvenirs que je t'ai confiés, et tu verras bien. »

Ils se fixèrent un moment en silence, puis Drago ordonna :

« Ferme les yeux. »

Les sourcils de Potter se haussèrent une seconde, puis il obéit, tranquillement, tendant son visage vers lui. Drago se sentit légèrement moins en danger, un peu plus maître de la situation.

Il fallait être un sacré crétin pour fermer les yeux devant un ennemi qui avait été à deux doigts de lui lancer un Avada Kedavra moins d'un jour plus tôt… Être soit idiot, soit sacrément inconscient ou courageux. Potter était tout ça à la fois.

Drago observa son visage lisse et stupide, ses sourcils épais, ses lunettes ridicules, sa cicatrice affreuse… Cherchant presque désespérément dans ses traits quelque chose qui pourrait lui plaire. Pas que la beauté physique soit indispensable, mais tout de même… S'il l'avait réellement aimé, il devrait être capable de lui trouver un minimum de charme.

Peine perdue : En trois ans, Potter avait à peine changé. Pire qu'un visage ingrat, il avait la tête d'un sale gosse à problème. Hautain, arrogant, vulgaire… Il y avait quelque chose dans la forme de ses sourcils, dans le pli de sa bouche, dans les minuscules ridules au coin de ses yeux, qui donnait envie à Drago de griffer et de mordre, de défigurer.

Et ça n'avait aucun sens qu'il éprouve un rejet aussi fort. Pas après ce que les autres lui avaient fait. Potter n'avait objectivement pas été pire que la moyenne !

Une envie de vomir lui vint, et Drago tourna les talons et s'en alla sans un mot de plus. Il venait d'atteindre la sortie de la salle quand la voix misérable de Potter l'interpela. Il l'ignora, une boule au cœur.