Jour 4 - 23h30

Le bruit des chaussures claquant contre le sol froid du SGC résonnait comme un écho interminable. Maya gisait sur un brancard, son corps immobile, pâle comme la mort, tandis qu'une équipe médicale s'affairait autour d'elle. Des tubes, des masques à oxygène, et des poches de sang accompagnaient sa trajectoire précipitée dans les couloirs étroits et métalliques.

Jack O'Neill suivait à quelques pas, ses mains tremblantes et ses vêtements souillés du sang de Maya. Son esprit semblait embrouillé, incapable de comprendre tout ce qui venait de se passer. Les mots résonnaient encore dans sa tête, chaque syllabe de leurs derniers échanges devenant un poids insupportable.

- Restez avec nous, Sergent Wells ! criait la chef de l'équipe médicale, sa voix forte contrastant avec le bip constant du moniteur de survie.

A chaque coin de couloir, chaque porte franchie, Jack sentait son souffle se raccourcir. Il n'avait jamais eu aussi peur de sa vie. En faite si, c'était la deuxième fois et il détestait toujours autant l'impuissance qu'il ressentait en ce moment. Ce n'était pas une bataille contre un ennemi extraterrestre, ni une mission suicide sur une planète lointaine. C'était sa fille. Maya. Et il ne pouvait rien faire pour la sauver.

- Oxygène à 100 %, perfusion de plasma maintenant, ordonna Janet en ajustant le masque sur le visage de sa patiente. Son pouls est faible, mais il est là. On peut encore la stabiliser.

Jack se posta à l'entrée de la salle, incapable de franchir la ligne symbolique qui séparait l'action de son iinsuffisance. Ses mains tremblaient toujours, et ses genoux menaçaient de céder sous le poids de sa culpabilité. Daniel posa une main sur son épaule, mais Jack ne réagit pas.

- Jack, murmura Daniel, essayant de trouver les bons mots. Ils font tout ce qu'ils peuvent. Elle est entre de bonnes mains.

- Ce n'est pas suffisant, répondit Jack d'une voix rauque. Ce n'est jamais suffisant.

À l'intérieur, Janet se battait pour sauver la jeune sergent. Elle manipulait des instruments avec une précision chirurgicale, coordonnant son équipe avec une efficacité implacable. Mais chaque minute qui passait semblait étirer le temps, et le bip régulier du moniteur cardiaque devenait de plus en plus irrégulier.

La salle d'opération était plongée dans une activité frénétique. Des médecins et des infirmiers s'activaient autour de Maya, allongée sur un brancard, pâle et ensanglantée. Janet Frasier, concentrée, donnait des ordres rapides tout en vérifiant les constantes vitales de la jeune femme. Au dessus d'elle à quelques mètres, le Colonel O'Neill se tenait dans la galerie vitrée qui surplombait la pièce, à ses côtés le reste des membres de SG1, tous observaient la scène en silence. Leurs yeux étaient rivés sur Maya, le visage de Jack trahissait une douleur qu'il n'essayait même pas de cacher.

- Jack…murmura Daniel.

- Non ! Il était furieux et inquiet, il n'était pas certain de pouvoir gérer ses émotions et il ne voulait pas dire des choses qu'il pourrait regretter.

Il observait la scène en contrebas avec une intensité presque insoutenable. Dans la salle, Janet Frasier et son équipe s'activaient autour du corps inerte de Maya, leurs gestes précis mais rapides, comme un ballet désespéré. Maya, pâle et immobile, semblait minuscule au milieu de cette agitation. Le Colonel ne comprenait pas tout le jargon employé mais chaque mot médicalisé résonnait comme une sentence.

Dans la lumière froide de la salle d'opération, le contraste du sang de Maya sur les draps blancs poignardait son esprit. Elle était sa fille. Comment avait-il pu être si aveugle ? Si distant ? Tout ce qu'il voulait à cet instant, c'était descendre et lui tenir la main, mais il savait qu'il serait un obstacle. Alors il restait là, son cœur serré, sa culpabilité s'amoncelant comme un poids qu'il ne pouvait plus porter. Jack O'Neill, un homme habitué à affronter les pires ennemis de l'humanité, se retrouvait cette fois face à une bataille qu'il ne pouvait pas contrôler.

- Nous avons une forte baisse de tension ! cria Janet Frasier, sa voix perçant l'air oppressant de l'infirmerie.

Le Colonel retint son souffle, ses doigts blanchissant sur la rambarde. Son esprit semblait hurler, mais il restait muet. Le bip constant des moniteurs semblait hésiter, puis ralentir dangereusement. Une infirmière cria quelque chose, et soudain, le bruit strident d'un électrocardiogramme plat remplit la pièce. Le Colonel sentit son cœur se figer en même temps que celui de Maya.

- Arrêt cardiaque ! défibrillateur, maintenant ! hurla Janet. Préparez une charge à 200 joules !

Malgré les efforts de Janet et l'augmentation des charges envoyées ne changeait en rien les schéma de l'électrocardiogramme. L'hémorragie abdominale avait causé l'arrêt, elle devait rééquilibrer son volume sanguin immédiatement.

- Où en sont les transfusions ? Demanda le Docteur Frasier.

- Elle a reçu 2 unités mais elle continue de saigner.

- On va la perdre si on ne stabilise pas sa pression artérielle. Gronda Janet.

Elle leva la tête et croisa le regard du Colonel O'Neill, elle ne voulait pas lui faire revivre ça, elle ne voulait pas lui annoncer la mort d'un deuxième enfant. En haut, O'Neill sentit une bouffée de panique le submerger. Son souffle devint irrégulier. Son front se posa un instant contre la vitre froide. Non, pas comme ça. Tu ne peux pas mourir. Je viens à peine de te trouver.

- Seringue d'épinéphrine ! Ordonna Janet en tendant la main.

Ses doigts agrippèrent la seringues. Une dernière chance. Elle planta l'aiguille directement dans le coeur de Maya, enfonçant le piston d'un geste précis.

- Reprenez les compressions thoraciques ! hurla-t-elle.

Les mains d'un infirmier s'acharnèrent sur la poitrine de Maya, chaque pression une tentative désespérée de la ramener à la vie. Janet fixait le moniteur, priant en silence, son cœur battant trop vite dans sa poitrine.

- Allez, Maya… Reviens murmura Janet pour elle-même avant d'ordonner à haute voix. Reprenez le défibrillateur ! Chargez à 300 joules !

- Docteur, elle est en arrêt depuis quatre minutes ! Objecta une infirmière.

Elle le savait. Elle savait aussi qu'au-delà de six minutes sans activité cérébrale, les chances de récupération chutaient drastiquement. Mais elle refusait d'abandonner.

- Chargez ! hurla-t-elle.

Le bruit aigu du chargement du défibrillateur résonna, oppressant.

- On dégage !

Sam détourna brièvement le regard, incapable de supporter l'idée que Maya puisse ne jamais ouvrir les yeux. Elle porta un instant son regard sur son amant. Elle voulait faire quelque chose pour lui. Le toucher, lui murmurer qu'elle était là. Le bras dans ses bras, se perdre dans ses yeux noisettes, l'embrasser avec passion espérant y chasser toute la douleur que son corps retenait en ce moment même. Mais elle ne pouvait pas. Pas ici, dans cette base sous le poids des règles et parce Jack lui en voulait.

Sous le poids du regard de Sam, Jack se retourna et croisa son regard. Ses yeux bleus azur remplit de tristesse qui tentait de retenir les larmes. Dans les sien, l'angoisse, la douleur et la colère. Cette dernière lui était destiné.

- Chargez ! On dégage. ordonna Janet une deuxième fois.

Le corps de Maya se contracta une nouvelle fois.

Bip…

Un sursaut. Puis un autre.

Bip..Bip…Bip…

- On a un pouls ! Cria l'infirmière.

Janet sentit ses jambes faiblir sous le soulagement. Dans la galerie, le Colonel reporta son attention sur sa fille. Il expira bruyamment, comme s'il avait retenu son souffle pendant des heures. Ses jambes tremblaient légèrement, mais il refusa de bouger. Le Docteur Frasier et son équipe poursuivaient leur travail, stabilisant progressivement Maya. O'Neill observa chaque mouvement, chaque action, comme si le simple fait de regarder pouvait la protéger.

L'ambiance dans la galerie d'observation était pesante, comme si l'air lui-même était devenu trop épais pour être respiré. Daniel, Sam et Teal'c se tenaient à quelques mètres derrière Jack, silencieux, parce que Jack O'Neill n'était pas en état d'écouter. Parce que Jack O'Neill était brisé. Quand l'arrêt cardiaque avait eu lieu, Daniel avait détourné le regard. Sam s'était raidit, ses bras croisés, sa mâchoire serrée, elle se battait contre ses propres émotions. Teal'c, lui, gardait le silence absolu mais son regard était sombre, son poing fermé avec force contre sa cuisse.

La porte de la galerie s'ouvrit lentement et le Général Hammond entra, son regard immédiatement tourné vers le Colonel. Un simple signe de tête suffit pour que SG-1 comprenne qu'il voulait être seul avec lui. Teal'c fut le premier à quitter la pièce, suivit de Sam et Daniel, qui lancèrent un dernier regard inquiet à Jack avant de disparaître dans le couloir. Le silence se prolongea. Hammond s'avança jusqu'à la rambarde, ses yeux posés sur Maya en contrebas. Jack ne bougea pas. Il ne le regarda même pas. Puis, après une longue inspiration, il parla.

- Maya est une battante…Il hésita un instant à poursuivre sa phrase. Comme son père.

Jack ferma les yeux un instant, avant de les rouvrir, fixant toujours Maya. Puis, il parla enfin. Sa voix était rauque, brisée par des heures de silence et de douleur contenue.

- J'aurais du le savoir.

Ce n'était pas une accusation criée. C'était un murmure. Un murmure rempli d'une fatigue écrasante. Hammond prit une profonde inspiration.

- Jack…Je n'avais que des brides d'informations et Wells m'avait demandé de ne rien dire.

Jack serra les dents, sa tête s'inclinant légèrement en avant, comme si ces mots lui faisaient mal physiquement.

- Pourquoi ?

Hammond hésita un instant. Puis, il dit simplement :

- Parce qu'elle pensait que vous ne voudriez pas d'elle. Après tout vous aviez signé les documents d'adoption.

Il savait qu'Hammond ne faisait aucun reproche, ne portait aucun jugement mais Jack eut un sursaut imperceptible, un léger tremblement dans sa main.

- Vous pensez vraiment que je suis capable d'abandonné mon enfant ? Jack passa une main sur son visage. Je n'étais même pas au courant ! Il pensa à Sara, à son mensonge. Merde ! Sara m'a caché son existence. Pendant dix-neuf ans. Qui fait ça ? Qui prive un père de son enfant ?

Une femme qui protège son enfant de l'homme qui a tué son fils. La petite voix résonna dans sa tête et le visage de Jack se décomposa. Hammond porta un regard compatissant sur son commandant en second. Un homme ne devrait pas connaître autant de souffrance.

- Je ne crois pas que Sara l'ai fait pour vous blesser intentionnellement. Quant à Maya, elle m'a demandé de respecter sa décision et j'ai agis selon les faits.

Jack serra les poings, essayant de contenir le flot d'émotions qui menaçait de tout faire exploser. Il inspira profondément, puis tourna enfin la tête vers Hammond. Son regard était noir, empli de douleur et de rage contenue.

- Vous auriez dû me le dire.

Hammond ne détourna pas les yeux.

- Ce n'était pas à moi de le faire ! Ni au Major Carter. Gronda Hammond, il avait bien vu le regard accusateur de Jack un peu plus tôt dans les couloirs à l'encontre de sa subordonnée. J'ai conseillé à Maya de venir vous en parler mais elle n'était pas prête. Si vous devez régler vos comptes avec quelqu'un c'est avec votre fille et votre ex-femme.

Jack secoua la tête. Il maudissait son ex-femme en ce moment et il se maudissait lui-même parce qu'au fond de lui il savait que les craintes de Maya était fondée. Hammond posa sa main sur l'épaule de l'homme qu'il considérait comme son fils et dont il admirait le courage et la détermination autant qu'il pouvait l'exaspérer par sa puérilité.

- Je suis navrée Jack.

Jack ferma les yeux, inspirant profondément pour maîtriser l'ouragan d'émotions qui tourbillonnait en lui. Lorsqu'il les rouvrit, son regard était fixé sur Maya. Hammond retira sa main et quitta la galerie en silence, laissant Jack seul face à sa fille inconsciente en bas. Le Colonel posa une main sur la vitre froide, ses yeux ne quittant pas Maya.

- Je vais me rattraper, murmura-t-il. Je vais tout réparer, même si ça me prend le reste de ma vie.

Couloir SGC

Le silence. Un silence si profond qu'il lui sembla irréel. Maya ouvrit les yeux. L'éclairage artificiel du SGC baignait les murs gris d'une lumière froide et familière. Pourtant, quelque chose clochait. La base était vide. Elle se redressa lentement, sa main glissant sur l'uniforme impeccable qu'elle portait. Elle ne ressentait plus la douleur, ni la lourdeur de son corps blessé. Au contraire, elle se sentait… légère. Comme si un poids monstrueux qu'elle n'avait même pas su porter venait enfin de s'envoler.

Son regard balaya les couloirs du SGC. Pas une âme en vue. Pas de bruit de pas, pas d'ordres lancés par les hauts-parleurs, pas de techniciens courant d'une salle à l'autre. Juste un silence oppressant, qui s'étendait à l'infinie dans les couloirs de la base. Elle avança prudemment, son cœur battant à un rythme étrange, plus calme qu'il ne l'aurait dû dans une telle situation. Puis, un son brisa enfin ce silence irréel. Un rire. Léger. Flottant dans l'air comme un écho du passé. Maya s'arrêta net, son corps tout entier tendu.

- Eh Oh ! Il y a quelqu'un ?

Aucune réponse. Le rire résonna à nouveau. Un rire enfantin, insouciant. Son cœur se contracta. Ses pas s'accélérèrent. Elle devait comprendre ce qui se passait, comprendre pourquoi la base était vide, comprendre… ce qui n'allait pas. Elle arriva dans la salle de commande, surplombant la porte des étoiles. L'horizon bleuté du vortex ondulait doucement, illuminant la pièce d'un éclat. Comme un appel.

Au pied de la rampe, une silhouette se tenait là. Un petit garçon, une batte de baseball à la main et un sac de balles à ses pieds. Maya sentit son souffle se bloquer. Elle le vit lancer une balle en l'air, ajuster sa posture avec un sérieux enfantin, puis frapper avec une précision parfaite. La balle siffla dans l'air et disparut dans l'horizon de la porte. Elle sursauta.

- Hé ! Qu'est-ce que tu fais ? lança-t-elle, sa voix résonnant à travers les haut-parleurs de la salle de commande.

L'enfant s'arrêta, redressa la tête, et tourna lentement son visage vers elle. Un sourire espiègle, une lueur malicieuse dans les yeux. Maya eut un mouvement de recul. Elle connaissait ce visage. Ce sourire. Ces yeux rieurs. Un frisson glacé lui parcourut l'échine. Elle avait vu ce visage sur les photos.

- Charlie… murmura-t-elle, incapable de croire à sa présence ici.

Son grand frère se tenait là, bien vivant, devant la porte des étoiles. Le monde bascula autour d'elle. Son cœur tambourinait dans sa poitrine, un mélange de joie déchirante et d'effroi.

- Viens jouer avec moi Maya. Dit-il avant de se lancer une nouvelle balle et de la frapper

Charlie venait de lui demander de se joindre à lui comme s'il était tout les deux sur un terrain de jeu et non sur une base militaire. Elle quitta la salle de commande en titubant légèrement et descendit lentement les marches qui menaient à la salle d'embarquement.

Quand elle arriva dans la pièce, Charlie se contenta de l'observer, toujours ce sourire sur les lèvres, la batte reposant nonchalamment sur son épaule. Maya s'arrêta net. Elle hésita une seconde, incapable de bouger. Son regard scruta la pièce, puis revint sur l'enfant. Elle déglutit difficilement.

- Est-ce que je suis morte ?

Un silence s'étira entre eux. Le sourire de Charlie s'adoucit, son regard devint plus tendre, plus profond. Il posa sa batte au sol et haussa les épaules.

- Ça dépend. répondit-il.

Le cœur de Maya manqua un battement.

- Ça dépend de quoi ?

Charlie pencha la tête sur le côté, comme s'il cherchait comment lui expliquer quelque chose d'incompréhensible.

- De ce que tu veux.

Son ton était doux, presque rassurant. Mais il n'apportait aucune réponse. Maya sentit une vague de panique monter en elle. Tout à coup, la salle du SGC sembla encore plus vide, encore plus irréelle. Elle baissa les yeux sur elle-même. Son uniforme était propre, intact. Pas une trace de sang, pas une seule douleur dans son corps. Pourtant, elle savait. Elle savait ce qui s'était passé. Elle se souvenait de la balle. Du choc. De la douleur. Du regard terrifié de Jack alors qu'elle s'effondrait dans ses bras. Elle se souvenait de tout. Alors pourquoi était-elle ici ? Pourquoi Charlie était-il ici ? Elle releva les yeux vers lui, le souffle court.

- Et si je ne sais pas ce que je veux ?

Charlie la regarda en silence, puis, lentement, il déposa sa batte de baseball et lui tendit la main.

- Viens avec moi.

Maya regarda la main tendue de Charlie, incertaine. Son regard cherchait des réponses qu'elle ne comprenait pas encore, qu'elle n'était peut-être pas prête à entendre. Mais quelque chose dans la façon dont il la regardait, avec cette certitude douce et paisible, lui fit comprendre qu'elle devait le suivre. Elle prit sa main.

- Où est-ce que tu m'emmènes ?

- Je te montre la vérité.

D'un coup, l'air changea autour d'eux. Ils n'étaient plus dans la salle d'embarquement du SGC. Ils étaient ailleurs. Le SGC s'était transformé en un couloir d'hôpital. L'odeur caractéristique des désinfectants et du linge propre flottait dans l'air, et des bruits de pas feutrés résonnaient contre le sol en carrelage. Maya regarda autour d'elle, confuse.

- Où est-ce qu'on est ? murmura-t-elle.

Charlie ne répondit pas.

- Charlie, attends !

Maya tourna la tête, au loin une autre version de son frère courait. Dans sa main il tenait un nounours avec un ruban rose serré contre sa poitrine, son excitation enfantine débordant dans chacun de ses pas. Derrière lui, a quelque mètre, elle le vit, Jack, plus jeune, vêtu d'un jean et d'un pull gris. Il accéléra le pas pour rattraper son fils.

- Charlie, doucement, attends-moi ! lança Jack en riant légèrement.

Son coeur se serra dans sa poitrine. Elle n'avait jamais entendu Jack rire ainsi. Pas de ce rire sincère, ce rire de père comblé. Jack rattrapa Charlie et posa une main sur son épaule avec une tendresse naturelle. Les yeux de son père rayonnait de bonheur, pas de douleur, de désespoir ni de tristesse. Tout cela était effacé.

- On ne court pas dans les couloirs de l'hôpital, gamin.

Charlie s'excusa à moitié, avant de s'arrêter devant une porte. Il sauta presque sur place d'excitation. Jack ouvrit la porte, et l'enfant s'engouffra à l'intérieur. Maya et Charlie les suivirent. Sur le lit d'hôpital, Sara tenait dans ses bras un nourrisson emmailloté dans une couverture rose pâle. Maya sentit son souffle se bloquer. Sur le bracelet au poignet minuscule du bébé, elle lut son nom.

*Maya O'Neill.*

Charlie grimpa sur le bord du lit et tendit le nounours à sa mère, les yeux brillants.

- Regarde, maman ! J'ai acheté un doudou pour ma petite sœur ! Ce sera son préféré !

Sara rit doucement, effleurant la joue du petit garçon du bout des doigts. Jack, lui, avait les yeux rivés sur le bébé dans les bras de sa femme. Il s'approcha, son regard rempli d'un amour inconditionnel. Il se pencha pour embrasser Sara. Légèrement mal à l'aise Jack regarda l'enfant dans les bras de Sara.

- Je peux ?

Sara la lui tendit et délicatement Jack prit l'enfant dans ses bras.

- Bonjour ma princesse…C'est papa. murmura-t-il.

Maya sentit les larmes lui brûler les yeux. C'était ce qu'elle aurait pu avoir. Un père qui l'aimait, un frère protecteur, une famille. Elle se força à ne pas détourner les yeux alors que Jack embrassait doucement le front du bébé.

- Maya viens ! Suis moi ! On a pas beaucoup de temps.

Elle se retourna. Charlie était devant la porte de la chambre d'hôpital, elle jetta un dernier regard à cette scène remplit d'amour avant de suivre son frère. Son voyage n'était pas terminé. Une fois la porte passé, le décor changea de nouveau.

Ils étaient dans le couloir d'une maison. En bas, elle entendit des cris, une dispute éclatant dans le salon. Elle reconnut la voix de son père. Alors qu'elle s'apprêtait à descendre; Charlie l'interpella.

- Ici !

Elle s'avança, devant elle une chambre d'enfant, au vue de la décoration elle en déduisit qu'il s'agissait de la chambre de son frère. Une version plus âgé de Charlie, peut-être dans les début de l'adolescence, était assis sur un lit, serrant contre lui une fillette de quatre ans qui pleurait. C'était elle. Charlie caressait doucement les cheveux de sa petite sœur.

- C'est rien, p'tit sœur, ils vont se calmer…chuchota-t-il.

Elle regarda leur double, elle pleurait de peur dans les bras de son grand-frère. Charlie avait dans ses yeux un regard résigné. Il était plus grand, il comprenait ce qui se passait. Que les cris allaient continuer.

- Que se passe-t-il ? demanda Maya en tournant la tête vers les éclats de voix au loin.

Charlie qui était toujours à ses cotés leva la tête vers elle.

- Avant ton arrivée, Papa et maman faisaient toujours attention de ne pas se disputer devant moi. Mais quand ils me croyaient endormie…dit-il d'une voix calme, presque détachée. Ton arrivée n'a rien changé, Papa a continué à partir pour ses missions avec l'armée et maman était toujours triste.

En bas, les cris redoublèrent d'intensité.

- Le divorce était inévitable. Continua l'enfant. Mon décès n'a fait que précipiter les choses. Mais crois-moi… Nous n'aurions pas été une famille unie. Papa et maman n'étaient pas heureux ensemble.

Maya sentit un frisson lui parcourir l'échine. Elle vit Charlie se diriger vers les escaliers, elle le suivit descendant quelques marches avant d'être propulsé dans un autre lieu. Le décor changea brutalement. L'air était épais, brûlant. Maya sentit son cœur s'accélérer. L'odeur de la chair brulé et du sang lui provoqua un haut le coeur.

Tout autour d'eux, une ville était en feu. Dans le ciel, des vaisseaux goa'ulds bombardaient les immeubles tandis que des Jaffas marchaient dans les rues, massacrant tout sur leur passage. Maya reconnut leur quartier résidentiel. Au loin, elle vit une silhouette courir. Jack. Mais il était plus vieux, fatigué, son visage marqué par les épreuves.

- Qu'est-ce qui se passe ? s'écria-t-elle en se tournant vers Charlie.

Il la regarda avec une tristesse infinie.

- Je ne suis pas mort.

- Et alors ? En quoi est-ce important ?

- Papa et maman ont divorcé. Papa a quitté l'armée, c'était sa seule solution pour obtenir notre garde alternée.

Maya observa Jack courir vers la maison, criant leurs prénoms à s'en briser la voix.

- Quand l'Air Force est venue lui proposer la mission Abydos, il a refusé.

Il y eut un silence. Charlie tourna vers elle un regard chargé de regrets.

- Ils ont envoyé d'autres personnes. Quelqu'un qui n'a pas hésité à lâcher la bombe sur Abydos. Tuant des milliers d'innocent et le Docteur Jackson.

Maya recula d'un pas. Elle ne voulait pas voir ça, elle ne voulait pas entendre la suite.

- La porte des étoiles a été scellée. Samantha Carter ne travaillera jamais sur le programme, SG1 ne sera jamais crée et Teal'c ne rejoindra jamais la Tau'ri. Par conséquent, la Terre ne sera jamais protéger, laissant le champs libre aux maîtres Go'auld.

Jack entra dans la maison. Un hurlement de douleur déchira l'air. Maya courut derrière lui, son cœur battant à tout rompre. Elle retint un vomissement. Sara, sans vie, gisait au pied de l'escalier. Une brulure béante dans la poitrine. Jack courut vers le jardin, elle le suivit. Charlie et elle étaient étendus sur le sol, enlacé l'un contre l'autre. Leurs corps sans vie allongé, leurs vêtements imbibés de sang. Jack s'effondra sur le sol, brisé, hurlant de désespoir face au massacre de sa famille. Maya recula, des larmes roulant sur ses joues.

- Arrête, Charlie ! hoqueta-t-elle. Je ne veux pas voir ça !

Elle entendit derrière elle, le bruit d'une arme qui se charge, elle reconnut le son d'une arme Jaffa. Maya se précipita devant son père.

- Non ! Hurla-t-elle.

La décharge la traversa et Jack fut touché à l'arrière du crâne, un trou béant se forma et le corps de Jack s'effondrit. Maya courut auprès de son père, étendu, les yeux grand ouvert.

- Colonel relevez-vous !

- Il est mort Maya, on l'est tous !

Elle fusilla Charlie du regard.

- Arrête ça ! Pourquoi tu as fait ça. Tu ne sais rien ! Tu ne sais pas comment aurait été notre vie ! Cria-t-elle, désespérée.

Il s'approcha d'elle et posa sa main d'enfant sur son épaule.

- Je sais tout. Je suis mort.

Maya fixait son frère, son cœur tambourinant dans sa poitrine. Il lui avait tout montré. Tout ce qu'elle ne voulait pas voir. Les illusions qu'elle s'était fabriquées s'étaient effondrées, brisées par les vérités qu'il lui avait imposées. Il n'y avait pas de vie parfaite où Charlie était resté en vie. Pas de famille unie, pas de père toujours présent, pas de maison remplie de rires et de bonheur. Il n'y avait que la réalité. Crue. Froidement honnête. Maya secoua la tête, essuyant les larmes qui roulaient sur ses joues.

- Pourquoi ? Pourquoi Charlie ? murmura-t-elle en larmes.

Charlie ne répondit pas tout de suite. Il l'observa un long moment, avant de baisser doucement la tête.

- Parce qu'il fallait que tu saches avant de prendre ta décision. Sa voix était douce, mais lourde de sens. Tu t'es persuadé que si les choses avaient étaient différente tout aurait été plus simple, moins douloureux.

Maya déglutit difficilement. Charlie continua

- Nous n'aurions pas eu de vie parfaite ça n'existe pas. Mais si tu décide de répartir alors tu dois arrêter d'en vouloir à papa pour quelque chose qu'il n'a jamais eu l'opportunité de faire.

Elle releva les yeux vers lui. Il pris sa main dans la sienne.

- Il t'aime. Plus que tu ne le crois. Il ne veut juste pas l'admettre, parce qu'il a peur de te perdre.

Maya serra les dents.

- C'est trop tard. Il ne voudra jamais me pardonner de lui avoir menti.

Charlie eut un petit sourire triste.

- Alors regarde.

Soudain, le jardin s'effaça, les corps sans vie disparurent et l'image de l'infirmerie du SGC s'anima sous leurs yeux. Jack était toujours assis près d'un lit, tenant fermement la main de Maya dans la sienne. Son visage était marqué par l'angoisse, ses yeux cernés par des heures d'insomnie et de douleur. Il lui parlait à voix basse, comme s'il voulait la retenir, comme s'il avait peur qu'elle lui échappe pour de bon.

- Je suis désolé Maya.

Maya sentit son souffle se bloquer. Jack serra plus fort sa main inerte, baissant la tête.

- Je suis désolé de ne pas avoir été là. Je suis désolé de ne pas avoir compris plus tôt. Il inspira profondément, sa voix brisée par l'émotion. Mais tu dois te réveiller, d'accord ? Tu dois me laisser une chance.

Maya porta une main tremblante à sa bouche. Elle le regarda, et elle vit la douleur sincère dans ses yeux. Ce n'était pas un homme qui rejetait sa fille. C'était un père qui priait pour la revoir.

- Il a besoin de toi, murmura Charlie à ses côtés avec un petit sourire au coin des lèvre.

Maya s'apprêtait à parler mais son frère connaissait déjà son inquiétude.

- Ne t'inquiète pas pour moi. Charlie leva des yeux brillants vers elle, remplis d'un mélange de tristesse et de tendresse.Tu es ma petite sœur, Maya. Je ne veux pas que tu meures.

Maya sentit ses larmes redoubler. Elle voulait rester. Elle voulait rester avec lui, avec ce frère qu'elle n'avait jamais eu la chance de connaître. Mais… Elle pensa à Jack, à ses mots. Elle pensa à Daniel, à Teal'c, à Sam. Elle pensa à tout ce qu'elle laisserait derrière elle.

Un silence s'étira entre eux. Puis, Maya ferma lentement les yeux. Quand elle les rouvrit, ils étaient de nouveau dans la salle d'embarquement, la porte des étoiles toujours ouverte. Charlie et elle montèrent sur la rampe. Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres du Vortex. Elle le fixa, les fluctuations vacillaient comme des vagues. Elle tourna la tête vers son frère et se mit a sa hauteur. Elle le prit dans ses bras.

- Je suis désolée, Charlie.

- Dis à papa que je l'aime.

Maya hocha la tête.

- Promis.

Charlie recula légèrement.

- Je t'aime petite soeur.

Avant que Maya ne puisse répondre, elle sentie Charlie la pousser dans le vortex. Maya eut juste le temps de voir son sourire une dernière fois. Puis, tout devint blanc et la douleur revint.

- Charlie ! Charlie ! Souffla-t-elle paniquée.