Quelques heures s'écoulèrent dans un silence pesant. Chacun était absorbé dans ses pensées, digérant la révélation concernant la Lame de l'Exil. Kevin feuilletait nerveusement ses notes, Sam et Dean fixaient une carte étalée sur la table, et Castiel restait en retrait, perdu dans ses souvenirs.
Le bunker des Hommes de Lettres était devenu leur sanctuaire, un refuge contre le chaos extérieur. Pourtant, l'atmosphère y était souvent lourde, chargée de secrets et de souvenirs. Dans la grande salle, l'éclairage tamisé projetait des ombres dans les coins, accentuant l'aura mystérieuse du lieu. L'odeur familière du vieux papier, mêlée à celle du café froid abandonné sur une table, imprégnait l'air. Bobby s'adossa à une étagère, les bras croisés, son regard fatigué balayant la pièce.
Au loin, dans la cuisine, une cafetière vrombissait doucement, signalant qu'une nouvelle dose de caféine était en préparation. Dean, toujours à l'affût, s'en approcha et se servit une tasse. Il en prit une gorgée avant de grimacer.
— Bordel, c'est encore plus fort que d'habitude.
Kevin releva à peine la tête de ses notes et marmonna :
— C'est moi qui l'ai fait. Vu ce qu'on doit affronter, j'ai pensé qu'il nous fallait quelque chose de costaud.
Dean haussa un sourcil mais ne fit aucun commentaire supplémentaire. Après une seconde d'hésitation, il attrapa une autre tasse, y versa du lait et ajouta une généreuse dose de sucre. Puis, jetant un regard vers Castiel, toujours recroquevillé sur lui-même, l'air exténué, il s'approcha et posa la tasse devant lui.
— Tiens. C'est du café au lait sucré. Je me suis dit que ça passerait mieux que cette horreur ultra-corsée.
Castiel releva un regard fatigué vers lui, semblant hésiter. Finalement, il attrapa la tasse et la porta lentement à ses lèvres. La chaleur du liquide lui procura un réconfort inattendu, et il ferma brièvement les yeux.
Kevin, qui observait la scène, cligna des yeux, stupéfait.
— Attends… Tu bois ?!
Dean roula des yeux.
— Ouais, Kev. Les anges peuvent boire. Ils font même d'autres trucs humains, incroyable, hein ?
Kevin haussa les épaules, toujours intrigué par l'idée que Castiel puisse apprécier une boisson chaude.
Dean soupira et posa ses coudes sur la table.
— Écoute, Kev. Castiel n'est plus un ange. Il est devenu humain en essayant de nous protéger tous. Et crois-moi, il en a payé le prix. Il s'est fait capturer, torturer… Et maintenant, il doit gérer un corps qui saigne, qui souffre, et qui a besoin de café pour tenir debout, comme nous tous.
Kevin ouvrit la bouche, puis la referma, comme s'il réalisait enfin la portée de la situation.
Dans un coin, Castiel s'adossait lourdement à une chaise, son souffle court. Son corps portait les stigmates de ses blessures : des plaies mal refermées, des ecchymoses violacées marquant sa peau humaine. Parfois, il serrait la mâchoire sous l'effet d'une douleur sourde, mais il refusait de se plaindre. Ses ailes, autrefois majestueuses et invisibles aux yeux humains, n'étaient plus qu'un souvenir douloureux, une absence pesante qui se manifestait à chaque mouvement trop brusque. Il avait vu tant de ses frères tomber, et maintenant, il était piégé dans un corps mortel, brisé autant physiquement que mentalement.
Dean l'observa un instant, une vague de tristesse s'emparant de lui. Il n'aurait jamais cru voir Castiel aussi vulnérable, aussi… humain. Et pourtant, il était là, fatigué, brisé, mais toujours debout. Quelque chose dans cette image lui serra le cœur. Il détourna le regard, serrant la mâchoire. Ce n'était pas le moment de se laisser aller à des pensées qu'il ne pouvait pas se permettre d'avoir.
Bobby finit par rompre le silence.
— Bon, on a un nom et une histoire, mais ça nous avance à quoi concrètement ? Quelqu'un sait où chercher cette fichue lame ?
Kevin soupira et se massa les tempes.
— C'est là que ça se complique. Les textes que j'ai trouvés parlent d'un lieu où la lame aurait été scellée après la chute de Lucifer. Mais bien sûr, c'est cryptique. "Là où les anges ne volent plus et où la terre porte le fardeau du ciel."
Dean grimaça.
— Génial, encore une de ces devinettes à la noix.
Sam fronça les sourcils, réfléchissant à haute voix.
— "Là où les anges ne volent plus" pourrait faire référence à un lieu où des anges sont tombés, ou bien à un endroit où leurs pouvoirs sont limités… Quant à "la terre portant le fardeau du ciel", peut-être une région marquée par un événement céleste ?
Castiel releva la tête, son regard hanté se posant sur eux.
— Je pense savoir où chercher.
Tous se tournèrent vers lui, suspendus à ses mots.
— Il existe un lieu, perdu aux confins du désert du Nouveau-Mexique. Un champ de ruines angéliques. Lors de la première rébellion de Lucifer, c'est là que de nombreux anges fidèles à Dieu ont trouvé la mort. L'endroit a été scellé par les archanges survivants, transformé en une zone où les anges ne peuvent plus déployer leur pleine puissance.
Dean croisa les bras.
— Et tu penses que la lame pourrait être là-bas ?
Castiel hocha la tête.
— C'est possible. Si elle a été cachée loin de Lucifer, un tel lieu aurait été un choix stratégique. Peu d'anges osent s'en approcher. L'énergie qui s'y trouve est imprégnée de souffrance et de mort.
Ses mains tremblaient légèrement alors qu'il parlait. Les souvenirs affluaient, l'écrasant sous leur poids. Il pouvait encore entendre les cris, les prières désespérées de ceux qui avaient chuté en croyant défendre le Paradis. Il voyait encore leurs visages, figés dans la douleur, disparaissant dans un tourbillon de lumière et de cendres. Il se souvenait des cendres… elles recouvraient le sol comme une neige funèbre, imprégnées de la grâce brûlée de ses frères.
Dean posa une main sur l'épaule de Castiel, un geste à peine réfléchi, instinctif. Castiel sursauta légèrement, levant les yeux vers lui. Un instant suspendu s'écoula entre eux, chargé de non-dits.
Kevin déglutit.
— Génial… Donc on doit aller fouiller un cimetière d'anges. Super ambiance.
Sam passa une main dans ses cheveux, pensif.
— Si la lame est bien là-bas, il y a des chances qu'elle soit gardée par quelque chose.
Bobby grogna.
— Ce ne serait pas la première fois qu'on déterre une saloperie ancienne.
Un silence pesant s'installa. Parce qu'au fond, chacun savait que la question n'était pas anodine. Une arme aussi destructrice… pouvait-elle vraiment être une solution ?
Sam serra les poings.
— On avisera une fois qu'on l'aura sous les yeux. Mais on ne peut pas rester les bras croisés pendant que Métatron joue avec l'univers.
Castiel soupira, puis finit par hocher la tête.
