Apaisement


Avec un léger tintement, la dernière assiette rejoignit ses consoeurs.

En cette heure tardive, la seule personne debout soupira de contentement. Fraîche, astiquée, la cuisine brillait de propreté et chaque chose était à sa place. Personne n'aurait pu savoir que quelques heures plus tôt ces lieux reflétaient un désordre sans nom.

Le cuisinier de l'équipage n'avait pu se résoudre à suivre ses compagnons, partis s'effondrer dans leurs lits gigognes, sans remettre de l'ordre dans sa chère cuisine.

La fête en l'honneur de leur capitaine s'était poursuivie jusqu'à tard dans la nuit.

Il était aussi fatigué que les autres sinon plus, de par les préparatifs des derniers jours. Rien que de tenir Luffy éloigné de la cuisine - assez longtemps pour monter son gâteau - était une épreuve en soi. Usopp peut en témoigner. Il fallait vraiment que Sanji songeât à le remercier ; peut-être pourrait-il préparer de ces gaufres aux noix de pécan que le sniper affectionnait ?

Remettant au lendemain ce projet, il s'assura d'un coup d'oeil que tout était en ordre. Le corps épuisé mais l'âme satisfaite, le chef estimait que ces moments de bonheur valaient bien quelques nuits blanches.

« Et davantage... murmura-t-il pour lui-même, essuyant ses mains dans un torchon. »

Malgré la fatigue accumulée, il était remboursé de ses peines au centuple à la vue de la joie sur le visage des êtres aimés.

Ces derniers jours avaient été rythmés par l'enchaînement d'escales et de combats monotones contre des marines insipides, embrayant sur d'inévitables courses-poursuites. Prendre le temps de souffler tous ensemble, sous le signe des réjouissances, était une pause bienvenue.

Sanji éteignit les lumières, s'autorisant enfin à relâcher la pression. Il avait juste le temps de faire un court somme avant de se relever préparer le petit déjeuner. Du moins, c'est ce que le chef se disait en tendant la main pour se saisir de son veston.

Et son regard se posa sur le sofa.

Ledit sofa squatté par un jeune homme visiblement au pays des songes depuis plus de temps qu'il n'en fallait pour faire la vaisselle.

J'y crois pas... il est resté derrière.

Attendri, il hésitait à le réveiller ; tout de même, effacer son sourire... Ne serait-ce qu'un instant... C'est criminel, même pour un pirate.

Il vérifia l'heure. Lorgna la porte. Reporta son regard sur son capitaine. Pesa le pour et le contre. Enfin, il se décida. Traversant en quelques foulées le salon, Sanji se glissa dans l'infirmerie déserte et se saisit du plaid que Chopper gardait à portée de main - pardon, de sabot.

Déposer la couverture sur les épaules de son capitaine ne lui prit qu'un instant. Puis, s'asseyant à ses côtés sur le sofa, il dit très simplement :

« Si tu pensais finir le gâteau, c'était mal calculé. »

Le silence lui répondit. Il tapota affectueusement la tête du brun.

« Joyeux anniversaire, mon capitaine... »

En réponse, Luffy émit un vague bourdonnement, comparable au ronronnement d'un chaton rassasié.

Ébauchant un sourire, Sanji se laissa aller contre le dossier et observa les ombres au plafond, une main enfouie dans les cheveux du brun.


Il n'avait pas prévu de s'endormir.

Le soleil les surprit au petit matin, caressant de ses rayons chaleureux la figure de Luffy, sa tête reposant sur les genoux de son aîné.

Dans cette atmosphère de paix, le silence n'était rompu que par les respirations régulières d'un cuisinier qui se surmenait et de son trop jeune capitaine. Ledit cuisinier retenait son capitaine d'un bras lâche, à présent totalement détendu.

Mais le conditionnement né d'une décennie de restauration reprit le dessus. Le blond entr'ouvrit les yeux.

Il percevait plus qu'il ne voyait Luffy s'accrochant vaguement à lui tel un poulpe de guimauve. Lui communiquant sa chaleur. Loin de se soucier du réveil.

Bien sûr, dans un moment, leur capitaine recommencerait à courir d'un bout à l'autre du navire, réclamant sans ordre particulier de la nourriture, des aventures, et l'attention de son équipage. Il y aura les tentatives plus ou moins discrètes d'infiltration dans la cuisine, par ennui ou par bravade. Ils reprendraient leur vie trépidante et aventureuse...

Comme s'ils communiquaient par la pensée, l'étreinte du brun se resserra. Refrénant une bulle de rire qui gonflait dans sa poitrine, le blond ébouriffa les cheveux de Luffy.

« Je sais, je sais... Tout à l'heure, ne? »

Dans un moment. Ils avaient encore le temps.


N.d.A. : Merci de m'avoir lu !

Date de rédaction : 2019/05