Le jour de l'expédition en Oblivia arrive enfin. Mimir et Baldr, dans le skell de transport, font partie d'un convoi de plusieurs véhicules qui pénètrent dans Oblivia depuis le passage à l'est de Primordia.

La différence de paysage est plutôt brutale : d'une plaine verdoyante surplombant le lac Janapath, les deux amis pénètrent dans un canyon aride dans lequel la végétation est quasiment inexistante.

« Ça a pas l'air très hospitalier, commente Baldr.

- Oblivia est un désert, répond Mimir. Il n'y pleut absolument jamais et quasiment rien n'y pousse.

- C'est complètement l'opposé de Noctilum…

- Pourtant les deux régions se trouvent quasiment à la même latitude. Quelques personnes émettent des théories comme quoi le climat extrêmement sec d'Oblivia serait lié à l'intensité du champ magnétique dans la région. D'ailleurs, fais attention : il n'est pas rare qu'il y ait des tempêtes électromagnétiques.

- Des tempêtes électromagnétiques ? Ça a pas l'air très rigolo…

- Bien sûr que non ! C'est une tempête de sable chargée électriquement. C'est extrêmement dangereux.

- Il y a même moyen que ça abime les skells…

- Ouaip.

- D'ailleurs, on est le seul skell du convoi, remarque Baldr. C'est normal ?

- Bien sûr. Ça fait des mois qu'on se bat pour avoir un skell pour l'équipe du bestiaire et ils nous l'ont toujours refusé. « Vous en avez pas besoin » qu'ils disent. Soit disant on peut se contenter de véhicules classiques…

- Ce n'est pas le cas ?

- Pour étudier des environnements déjà sécurisés par les Interceptors, si. Mais si on veut pas avoir à attendre après les uns et les autres, ça devient nécessaire d'avoir un skell. Et puis c'est rassurant en cas d'imprévu.

- C'est pour ça que ton amie était contente qu'on vienne, comprend Baldr.

- Vera ? Ouais. Son équipe a pas les moyens de se payer un skell, et même si c'était le cas, c'est pas clair qu'on la laisserait l'emprunter pour une mission comme ça. »

Le convoi poursuit son avancée dans le canyon. Les seules traces de vie sont des auravis qui surveillent les machines depuis les falaises.

« J'ai du mal à croire que quoi que ce soit puisse vivre ici, commente Baldr en balayant le paysage du regard. Comment ils trouvent de quoi se nourrir ?

- Comme dans les déserts sur Terre : en s'adaptant à leur environnement, répond Mimir.

- Tu vas pas me dire qu'ils mangent du sable et des cailloux, quand même.

- Mais… y a des végétaux, tu sais.

- Ah ouais ? J'en ai toujours pas vu, perso.

- T'as pas une bonne vue alors. Regarde au bord du canyon, dans l'ombre. Il y a des choux.

- Hein ? s'étonne Baldr en essayant de trouver les légumes cachés. Je vois vite fait des formes arrondies… C'est ça ?

- Ben… ouais. Ce sont des choux. Tu sais, le chou noir qu'on mange de temps en temps. Ben c'est lui.

- C'est du chou… comment ça s'appelle déjà ? Gaburu ? Guraba ?

- Gubura.

- Ah ouais ! C'est ça. C'est vraiment un nom étrange…

- Apparemment ce serait un endroit en Papouasie, mais je connais pas plus que ça.

- Il aurait pu avoir un nom plus simple quand même…

- Ben, justement, on est encore en train de débattre sur son nom.

- Ah bon ? demande Baldr alors que le convoi approche de la fin du canyon.

- En fait, le type qui l'a trouvé le premier l'a nommé comme ça. Mais comme le nom fait pas vraiment référence aux particularités du chou, certains essaient de le changer.

- Quelles particularités ? demande Baldr au moment où ils atteignent la sortie du canyon. Ouah ! »

Devant lui s'étend un immense désert de sable doré. A l'horizon, d'immenses falaises s'élancent vers le ciel. Au-dessus, plusieurs rochers flottent dans les airs, dont un semble assez gros pour accueillir son propre écosystème. La région est surplombée par un immense anneau de métal planté à la verticale dans le sol. Mais le plus impressionnant, c'est l'immense gouffre qui s'étend juste devant ses yeux. Un gouffre presque aussi grand que le désert lui-même, et si profond qu'il est impossible d'en voir le fond.

« Incroyable ! s'émerveille Baldr.

- C'est vrai que c'est bien plus impressionnant en vrai qu'en photos, répond Mimir. C'est gigantesque !

- Ça a absolument rien à voir avec les descriptions qu'on m'a faites !

- Yep. Mais du coup, pour en revenir au chou…

- Hum-hum, répond Baldr sans quitter le paysage des yeux, tout en continuant de suivre le convoi qui longe le gouffre en direction du nord.

- En fait, c'est un chou noir au goût assez proche du chou classique, explique Mimir. Le seul truc particulier par rapport au chou terrestre, c'est qu'il est très sombre, et que plus on le cuit, plus il s'assombrit.

- Ah bon, répond distraitement Baldr.

- Du coup, certains considèrent qu'on devrait lui donner un nom plus adapté à cette particularité. Sans compter qu'on est en train de se rendre compte qu'il pourrait être un excellent colorant dans beaucoup de domaines.

- C'est dingue… souffle Baldr, toujours focalisé sur le paysage d'Oblivia.

- Bien sûr, on s'en sert en cuisine. Mais on pourrait aussi s'en servir dans l'industrie textile en tant que teinture. En fait, en fonction de l'intensité et de la durée de cuisson, on peut obtenir des nuances de noir très différentes. L'idée, c'est de le cuire selon un procédé précis pour obtenir la couleur voulue, puis de le plonger rapidement dans l'eau froide pour en quelque sorte figer la couleur.

- C'est fou…

- Beaucoup pensent d'ailleurs qu'on pourrait s'en servir pour créer la couleur la plus sombre possible, le noir ultime. Du coup, le nom de « chou gubura » n'est pas très adapté et beaucoup aimeraient le renommer en « chou néant », « chou obsidienne » ou « chou carbone ». Le problème c'est que comme les gens n'arrivent pas à un consensus, le nom de « chou gubura » reste.

- Incroyable…

- … En fait tu m'écoutes pas depuis tout à l'heure, réalise soudainement Mimir.

- Hein ? Si, bien sûr que si !

- Tu sais, si ça t'intéresse pas ce que je dis, tu peux le dire, s'énerve Mimir. Au lieu de me laisser parler dans le vide.

- Mais si, ça m'intéresse ! se défend Baldr.

- Mon œil ! Je parlais de quoi, alors ?

- Heu… hésite Baldr. De la présence de carbone dans le néant, non ?

- … Laisse tomber. »


Feuille de chou gubura : Son goût rappelle celui du chou et la cuisson ne fait qu'intensifier sa couleur noire. Le nom de ce légume fait encore débat.

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