Jamais Winterfell n'avait semblé si étranger à Bran, et en même temps si familier.
Sans doute parce que le château était exactement comme avant, comme il aurait toujours dû être, et que ni Théon Greyjoy ni les Bolton n'étaient venus pour s'en emparer ou pour le ravager, et de ce fait, le jeune garçon, en un sens, ne reconnaissait presque plus les lieux où il avait grandi, mais où il avait aussi tant perdu.
S'étant séparé à contre-cœur de sa mère, qui, en tant que Lady de Winterfell, avait bien mieux à faire que de s'occuper de son deuxième plus jeune fils, il se trouvait désormais dans la cour du château, seul.
Mais il n'avait pas peur pour autant.
Sa mère allait bien, et ça lui suffisait amplement.
Mais maintenant, il lui fallait s'assurer que tout les autres membres de sa famille étaient eux aussi en sûreté.
D'abord Rickon (qui serait là avec leur père en tant que spectateur), mais aussi Robb, Jon et Arya, il savait qu'ils seraient les plus simples à voir rapidement, puisqu'ils avaient entraînement à l'arc ensemble à onze heures.
Bien sûr, il y aurait également Théon avec eux, et Bran ne savait pas réellement quoi en penser.
Théon avait trahi leur famille, avait trahi Robb, il avait amené les fer-nés à Winterfell, il avait tué Ser Rodrick, il avait essayé de les tuer, lui et Rickon.
Et tout ce que pouvait ressentir Bran à son égard à cet instant précis, c'était de la colère.
Le pire dans tout ça, en un sens, c'était le fait que Théon soit revenu dans le passé en même temps que lui.
Parce que le jeune homme, tout comme lui, se souvenait de tout ce qu'il avait fait, et même s'il comprenait que l'ancien otage avait ses raisons d'agir, et avait suffisamment payé pour tout ce qu'il avait fait de mal, Bran ne pouvait toujours pas s'empêcher de lui en vouloir.
Alors que, si Théon avait été tout aussi amnésique que les autres, et donc parfaitement ignorant de ses crimes passés/futurs, Bran aurait été bien plus enclin à le pardonner, puisqu'il n'aurait pas eu conscience de tout ce qu'il avait fait.
En effet, l'ancienne corneille à trois yeux savait parfaitement que, si l'on exceptait son côté arrogant et légèrement insupportable de petit con (enfin ça, c'était avant), Théon, dans l'ensemble, était quelqu'un de bien, et que c'était les circonstances, plus que sa propre nature, qui l'avaient poussé à faire ce qu'il avait fait.
Ça n'excusait rien, bien entendu, mais au moins, ça donnait un sens à tout ses actes.
Ainsi, autant le petit garçon savait parfaitement que, face aux autres personnes de son entourage proche, sa seule réaction serait un profond sentiment de joie à l'idée de les savoir en vie, sains et saufs, autant il savait que ce ne serait pas le cas face à Théon.
Il n'avait véritablement aucune idée de comment réagir.
Mais Théon n'était pas vraiment la personne qui occupait le plus son esprit, non, il pensait plutôt à tout les membres de sa famille qui avaient été tués ou brisés au cours de la guerre des cinq rois, ou même avant.
Tout ça avait été effacé en seulement quelques heures.
Son père n'avait pas été exécuté sous l'ordre de Joffrey.
Ni sa mère ni Robb n'étaient morts aux Noces Pourpres.
Jon n'était pas mort à Château-Noir, puis ressuscité par Mélisandre.
Arya ne s'était pas transformée en tueuse sans pitié, avide de meurtre, de sang et de vengeance, non, et surtout, c'était encore une enfant.
Sansa n'avait pas encore été torturée par Joffrey puis par Ramsay, et elle était heureuse et innocente.
Rickon n'était pas mort.
Été, Hodor, Osha, Ser Rodrick, mestre Luwin...
Tout ces gens étaient encore en vie.
Et il allait faire de son mieux pour que les choses restent ainsi.
§§§§
Quand il vit tout ceux à qui il tenait (excepté sa mère, qui vaquait à d'autres occupations, ailleurs, et Sansa, qui elle, était sûrement en train de broder ou de lire dans son coin) réunis ensemble dans le même endroit, il crut que son cœur allait exploser de bonheur.
Et en même temps, c'était presque trop d'un coup pour lui.
Quand il avait été face à vieille Nan, il n'avait eu aucune vision, aucun flash du passé, pour la simple et bonne raison que celle-ci était morte d'une manière paisible et naturelle, contrairement à tout ceux qu'il avait perdus.
La seule raison pour laquelle il ne s'était pas effondré face à sa mère, était parce qu'elle était la seule personne à être avec lui, donc il n'avait eu à supporter qu'une seule vision, même si c'était l'une des plus horribles qu'il ait jamais vues.
Il aperçut brièvement Ser Rodrick, et tout comme pour Théon, l'image du chevalier décapité apparut une nouvelle fois devant ses yeux, pendant quelques secondes, ce qui le fit blêmir.
Sans oublier le fait qu'il l'avait véritablement vu mourir, qu'il avait été là, sur place, et qu'il n'avait rien pu faire.
Il ferma les yeux, tentant de calmer sa respiration.
Personne ne l'avait encore vu arriver, et c'était tant mieux, parce qu'il lui fallait du temps pour assimiler définitivement et durablement la réalité de ce nouveau monde qui se trouvait devant ses yeux, et pour remplacer dans son esprit les anciennes images de ses visions par de nouvelles, issues de ce qu'il voyait devant ses yeux.
Tout d'abord, son père.
Il avait été le premier à mourir, il était la première personne que Bran avait perdu, et même six ans après, cette mort lui faisait toujours aussi mal.
Il l'avait vu mort avant même que cela n'arrive, et plus tard, en devenant la corneille à trois yeux, il avait rejoué la scène de sa mort dans son esprit encore, et encore, et encore, voyant Glace s'abattre froidement sur lui, entendant les cris de Sansa, sentant la terreur d'Arya.
Il avait regardé ces images en boucle, les avait retournées dans sa tête, sans fin, s'étonnant à l'époque de ne presque rien ressentir, bénissant néanmoins cette insensibilité bienfaitrice à ce moment, qui l'empêchait de se mettre à hurler en frappant au hasard ce qui se trouvait autour de lui.
Seulement, désormais, ce n'était plus le cas, et la scène de l'exécution réapparut devant lui, effaçant presque la vision qu'il avait de son père, en vie, et il fut soudainement saisit d'un terrible haut-le-cœur.
Par ailleurs, même si c'était totalement impossible, il avait presque l'impression de sentir l'odeur du sang affleurer à ses narines.
Vivant, vivant, vivant, se répéta-t-il à lui-même, tentant de toutes ses forces d'une nouvelle fois effacer de sa mémoire l'horrible image qui venait tout juste de ressurgir.
Pour se changer brièvement les idées, il regarda ailleurs, et son regard tomba sur Rickon, assis sur les genoux de leur père.
Cela n'arrangea en rien les choses, son cerveau le trahissant une nouvelle fois en le faisant revoir la mort de celui-ci, durant la bataille des Bâtards, les choses s'aggravant de plus belle quand il entendit le bruit d'une flèche fendre l'air, tirée par Robb directement au centre de la cible en face de lui.
Ce fut à cet instant que tout bascula pour lui.
Il sursauta, provoquant par la même occasion la chute d'un objet à proximité, ce qui fit se tourner vers lui ceux-la même qu'il observait avec tellement d'attention, d'affection et de tristesse mêlées.
Ils étaient là, lui souriant, en vie, et pourtant, tout ce que Bran arrivait à voir, c'était le sang, la mort et l'horreur.
Il voyait Robb poignardé par Roose Bolton, il voyait Rickon transpercé par la flèche de Ramsay, il voyait Jon perdre tout son sang à Château-Noir, il voyait Arya en danger de mort, se battant pour sa vie et pour les siens, ou aveugle et survivant avec difficulté dans la rue, il voyait tout ce qu'ils avaient enduré, et ça le terrifiait.
Oui, en effet, c'était bien trop pour lui que de tous les revoir en même temps, chaque image se superposant l'une sur l'autre, chaque vision étant bien évidemment pire que la précédente, et transformant petit à petit tout son corps en une boule de rage, de colère et de peur.
C'était comme redevenir brièvement la corneille à trois yeux, mais en pire, puisque cette fois-ci, il n'avait plus le même recul qu'à l'époque, n'étant désormais qu'un simple petit garçon confronté à des images bien trop difficiles à supporter pour lui.
Bran sentit son corps se mettre à trembler, il serra les poings, et son souffle s'accéléra drastiquement sans qu'il puisse rien y faire.
Il vit son père froncer les sourcils, comprenant que quelque chose n'allait pas.
Une nouvelle vision l'assaillit alors, montrant son père, trahi par Petyr Baelish, le couteau sous la gorge.
Alors que son regard se posait cette fois-ci sur Robb, il revit le corps mutilé de celui-ci être ironiquement porté en triomphe en l'air, la tête de Vent Gris attachée à son corps, il revit le visage anéanti d'Arya quand cette dernière y avait assisté, sans comprendre encore ce qu'il se passait.
Il pouvait presque entendre le rire sardonique des Freys présents ce soir-là, presque voir Walder Frey jubiler de son mauvais coup, et il sentit les larmes lui monter aux yeux.
Il les regardait, et tout ce qu'il voyait, c'était du sang, tout ce qu'il réussissait à voir, c'était la mort, partout la mort.
Il ne put en supporter davantage.
Quelques secondes plus tard, Bran Stark se mit à hurler, se tenant le crâne avec les mains, souhaitant juste que la douleur cesse, juste avant de s'écrouler au sol et de perdre connaissance.
§§§§
Arya fut la première à réagir, les autres étant beaucoup trop figés par la stupeur pour pouvoir bouger.
« Bran ? S'exclama-t-elle, courant vers lui à toute vitesse. Qu'est-ce qu'il y a ? »
Il avait momentanément arrêté de hurler, mais, alors qu'Arya pensait qu'il n'était qu'endormi, elle vit le corps de son petit frère commencer à trembler.
Même inconscient, il voyait.
Le choc provoqué par les retrouvailles avec la plupart de ses frères et sœurs (dont l'un deux était son cousin par le sang. Détail. Jon restait son frère, quoi qu'il arrive.) et avec son père avait provoqué ce flot d'images qu'il n'arrivait plus à arrêter, ne lui montrant bien évidemment que les pires.
Il voyait Jon faire face aux marcheurs blancs, il voyait son père affronter Jaime Lannister et frôler la mort, il voyait Arya être attaquée par l'orpheline, il voyait Rickon terrifié faisant face à Ramsay Bolton, il voyait Robb hurler après appris la mort de leur père.
Il se voyait tomber, tomber, tomber, il voyait Jojen mourir, il voyait Hodor périr, il voyait Été être tué lui aussi, il voyait le roi de la Nuit lui sourire et partir à sa recherche.
Bran tremblait de plus en plus, et aucun des membres de sa famille ne savait exactement ce qu'il était en train de se passer, ni ce qu'ils devaient faire.
Tout doucement, il se mit à sangloter, et, comme pris dans un cauchemar, il se mit à marmonner des propos incohérents, tremblant encore, et encore, et encore, au point qu'Arya et Jon étaient obligés de le plaquer au sol pour l'empêcher de bouger trop et de peut-être se blesser.
« Père... Qu'est-ce qu'il se passe ? Finit par demander Arya, terrifiée, constatant que ses appels pour réveiller son frère ne fonctionnaient pas. »
Ned se tourna vers Robb.
« Va chercher ta mère et mestre Luwin ! » Lui ordonna-t-il, et son fils aîné s'empressa d'obéir, tandis que le bruit provoqué par leurs éclats de voix avait fini par attirer Sansa, qui leur lança un regard inquiet.
Jon ne put s'empêcher de froncer les sourcils.
D'abord Théon, maintenant Bran...
Par les sept enfers, mais que se passait-il donc ici ?
Il tenta de prêter attention à ce que racontait son petit frère (même si ça n'avait définitivement aucun sens pour lui), qui gémissait de douleur, un peu comme si quelque chose d'affreux était en train de lui arriver.
Bloqué comme il l'était dans ses visions cauchemardesques, c'était bel et bien le cas.
« Non... Ne fait pas ça... Noces pourpres... Vraiment belle dans ta robe de mariée tu sais... Marcheurs blancs... Roi de la nuit... Dragons... Traître... Un Lannister paye toujours ses dettes... Poison... Vous n'auriez jamais dû me faire confiance... Dis-leur que le Nord se souvient... Et que l'hiver est tombé... L'hiver vient... Basée sur un mensonge... Le tuera si il sait qui il est... Loups... Vengeance...
- Bran ? Murmura-t-il alors en désespoir de cause. Est-ce que tu m'entends ? »
Toujours rien, si ce n'est que, dans son inconscience, le petit garçon sembla instinctivement se rapprocher de lui, sa main enserrant son bras avec une grande fermeté, et ses tremblements diminuèrent légèrement, avant de presque complètement s'arrêter, alors que les visions qu'il subissait devenaient moins intenses.
Contrairement à ses sanglots.
La voix de Catelyn Stark les tira un instant de leur stupeur.
- Ned ? Qu'y a-t-il ?
L'air soucieux, son mari se tourna vers elle.
- Je n'en sais rien Cat, avoua-t-il, alors que mestre Luwin se rapprochait de Bran, qui ne tremblait désormais plus du tout, et Jon tout comme Arya le relâchèrent, sentant leur respiration s'apaiser. Bran allait très bien il y a encore quelques minutes, il venait vers nous, et d'un seul coup, sans crier gare, il s'est mis à hurler et a perdu connaissance. »
Cat se rapprocha alors de la scène, interdite.
« Je ne comprends pas... Je l'ai vu tout à l'heure, et... je n'ai rien remarqué d'anormal ou d'inhabituel.
- Est-ce qu'il te paraissait troublé ou mal à l'aise ?
- Non ! Il m'a parut particulièrement affectueux et heureux de me voir, et il m'a promis de ne plus jamais grimper aux murs, mais rien de plus. »
Ce fut à cet instant précis que Bran reprit connaissance.
Sa perte de conscience n'avait en tout et pour tout duré que quelques minutes à peine, mais pour tout les autres membres de la famille Stark, ces quelques minutes paraissaient avoir duré une éternité.
Il se releva avec lenteur (par les sept, ça restait toujours aussi incroyable pour lui d'avoir de nouveau accès à son corps, comme avant l'accident), aidé en cela par Luwin et Arya, qui le regardaient toujours avec inquiétude, comme semblant avoir peur qu'il ne s'écroule d'un moment à l'autre.
Le jeune garçon s'essuya les yeux, même pas surpris de constater qu'il avait pleuré pendant son « absence » momentanée.
Ses visions s'étaient effacées, du moins celles sur lui-même ou celles concernant les membres de sa famille présents au moment où celles-ci l'avaient assailli, et il pria pour qu'elles disparaissent à tout jamais de son esprit.
Sentant une petite main posée sur son épaule, il se tourna vers Arya.
Et sans attendre, il la serra dans ses bras.
« Bran... Est-ce que tout va bien ? »
Il ne répondit rien, se contentant de la serrer encore plus fort dans ses bras.
Dieux, elle paraissait tellement petite maintenant qu'elle n'avait plus que onze ans.
Il sentit ses yeux s'humidifier une nouvelle fois, et il se remit à pleurer.
« Je vais bien Arya, ne t'en fait pas, je suis juste... »
Vous m'avez tous tellement manqué.
Sans bruit, sans un mot, il alla enlacer tout les membres de sa famille les uns après les autres, blêmissant soudainement en voyant Sansa.
La seule qu'il n'avait pas encore revue.
Il revit les humiliations de Joffrey, comment ce salop de prince l'avait forcée à regarder la tête de leur père enfoncée sur une pique, comment Ramsay l'avait torturée et violée de nombreuses fois, et il ne put retenir son envie de vomir plus de quelques secondes.
S'éloignant d'elle, il rendit sur le sol son petit-déjeuner du matin, remerciant Sansa quand elle lui donna un mouchoir pour qu'il puisse s'essuyer la bouche. Les visions d'horreur toujours collées à sa rétine, il ne put complètement se débarrasser de la nausée et de la bile persistants dans sa gorge.
Quand il se retourna, sa famille le regardait avec incompréhension.
Il se força à sourire.
« Je vais bien, vraiment.
Son père croisa les bras.
- Tu ne nous donnais pas vraiment cette impression il y a quelques minutes. »
Non, effectivement.
Qu'est-ce qu'il pouvait lui répondre exactement ?
Je reviens à l'instant même du futur, et je viens tout juste de revoir en accéléré toutes les choses horribles que vous allez vivre si on ne change pas les choses, et ça m'a retourné la tête et l'estomac.
Ils allaient le prendre pour un fou.
Dire qu'il avait eu un cauchemar aurait été beaucoup trop gamin, et pas à la hauteur de l'horreur qu'il venait à peine de revivre.
Parler de ses visions, en revanche...
Le croiraient-ils seulement ?
Au moins, valait mieux les avertir tout de suite au sujet des marcheurs blancs.
« J'ai eu une vision. Enfin, des visions. Je vous ai vus mourir.
Ce n'était qu'un demi-mensonge, en réalité, hormis lui-même, Arya et Sansa, personne dans sa famille n'était pas mort au moins une fois.
- J'ai vu l'armée des marcheurs blancs marcher sur nous. »
J'ai vu la mort.
Et que les dieux me pardonnent, mais j'ai tellement peur.
Ils ne le croyaient pas, de toute évidence.
Mais peu importe.
Jamais Bran ne s'était senti aussi léger.
Et ils savaient qu'il allait bien désormais.
Jamais il n'avait été aussi heureux de voir sa famille au grand complet, et encore en paix, jamais il n'avait été aussi heureux tout court.
Il se fit alors une promesse.
Celle qu'il ferait absolument tout ce qui était en son pouvoir pour tenter de protéger sa famille et les sauver de leur terrible destin.
Quoi qu'il lui en coûte.
Quitte à commettre le pire s'il le fallait.
Puis, il se souvint d'un détail, d'une chose que lui seul et Ned Stark savaient, et qui, peut-être, ferait que son père croirait à son don et écouterait peut-être ses histoires de marcheurs blancs, et comprendrait que c'était bien plus qu'une simple histoire pour faire peur aux enfants.
Mais plus tard.
Pour l'instant, il devait se reconnecter à sa famille, et s'entraîner à tirer à l'arc.
Cela faisait bien des années qu'il n'avait pas eu l'occasion de s'exercer, et pour être honnête, ça lui manquait.
§§§§
Remarquant finalement un détail auquel il n'avait pas prêté attention jusque là, submergé qu'il était par ses visions et par l'inquiétude de sa famille (dont les membres encore présents le regardaient encore comme si ils étaient persuadés qu'il allait s'écrouler d'un moment à l'autre), il fronça les sourcils.
« Où est Théon ? Demanda-t-il à Robb (qui devait très certainement être le seul d'entre eux à être véritablement proche de l'autre jeune homme). Il aurait dû venir s'entraîner avec nous. »
Il ne savait toujours pas quoi faire au sujet du traître, et ça aurait été mentir que de nier qu'il était soulagé par son absence, mais ça ne l'empêchait pas d'être inquiet pour lui.
Ce dernier lui avait une fois sauvé la vie après tout, et il l'avait véritablement considéré comme son frère avant sa trahison, et malgré ce qu'il avait fait, il tenait encore un peu à lui.
Où était-il ?
Peut-être subissait-il lui aussi le contre-coup de son retour brutal dans le passé.
Robb haussa les épaules, tentant vainement de cacher son inquiétude.
« Il est reparti se coucher. Apparemment, il est malade. Un peu comme toi, quand je l'ai vu avec Jon tout à l'heure, il avait l'air d'aller très mal. Il n'a rien dit à Jon d'ailleurs, ne l'a ni insulté, ni rabaissé, c'est dire à quel point il n'était pas dans son état normal. »
Ah oui, c'est vrai, il en avait presque oublié l'ancien Théon, au sourire narquois, toujours une remarque sarcastique aux lèvres, ce qui pouvait le rendre au moins aussi drôle qu'insupportable.
Mais, ce que Robb ne savait pas encore (et ne saurait sans doute jamais), c'est que ce Théon là était probablement mort à Fort-Terreur sous les coups et la torture de Ramsay.
Penser à ce que l'archer avait été forcé d'endurer à cause de ce monstre le fit frissonner une nouvelle fois.
Regardant son grand frère, il s'aperçut rapidement d'à quel point ce dernier paraissait anxieux, comme hésitant entre deux choses : aller voir Théon pour s'assurer qu'il allait bien, ou encore n'en rien faire à cause de son emploi du temps trop chargé.
« Si tu veux, je peux aller le voir après déjeuner, lui proposa Bran.
Son frère se mit à sourire, avant de hocher la tête, puis de lui ébouriffer les cheveux avec tendresse.
- Merci, petit frère. »
Bran ne prit pas la peine de lui dire qu'il ne faisait pas ça seulement pour lui.
Lui et Théon avaient beaucoup de choses à se dire.
§§§§
Assis sur une chaise, appuyé à une table, les bras croisés et la tête posée sur ceux-ci, Bran regardait Théon Greyjoy dormir.
Dès son arrivée dans la chambre du fer-né, il avait vu, absolument tout, et s'il avait cru un moment que ses visions précédentes de la journée avaient pu l'immuniser contre celles qu'il allait subir dans cette chambre, il n'en était rien.
Avec Sansa, il devait probablement être celui de ses proches à avoir le plus subi de choses, que ce soit physiquement ou psychologiquement, de ce fait, y être confronté une nouvelle fois avait été tout sauf agréable.
La seule raison pour laquelle il n'avait pas flanché était sûrement parce que son corps avait réussi à tenir le choc.
Non sans peine, bien sûr, et la nausée qui l'avait une nouvelle fois saisit avait manqué de le faire vomir une nouvelle fois, fermer les yeux n'y avait rien changé, et, quand les différentes visions concernant Théon avaient fini par s'effacer, Bran avait eu beaucoup de mal à reprendre son souffle.
Toute cette souffrance, tout ces hurlements, toute cette culpabilité...
Il avait eu envie de crier.
Bran était toujours en colère contre Théon, c'est vrai, et il le resterait probablement toujours un petit peu.
Mais personne, non personne ne méritait de subir une chose pareille.
Et malgré toute sa haine et sa colère, Bran espérait de tout son cœur que Théon allait bien.
§§§§
Depuis combien de temps n'avait-elle pas vu sa mère exactement ?
Six ans ? Sept ?
La dernière fois qu'elle l'avait vue, c'était seulement quelques semaines avant sa mort, et elle était déjà terriblement mal en point.
Alors qu'elle regardait la porte de la chambre du château Dix-Tours que sa mère Alannys occupait depuis que Théon avait été emmené loin d'eux, elle poussa un profond soupir.
Quand Théon était revenu à Pyke, leur mère était morte de chagrin seulement quelques mois plus tôt, et ses derniers mots avaient été pour sa fille, mais aussi et surtout pour ce petit garçon qui lui avait été si injustement arraché des années plus tôt.
Il n'avait jamais pu la revoir et elle non plus, et c'était probablement l'un des plus grands regrets de Yara.
Que leur mère soit morte sans même avoir pu dire au revoir à son petit garçon.
Quand elle était venue la voir, la jeune femme avait été terriblement frappée par la tristesse qui se dégageait d'elle, et d'à quel point elle avait eu l'air d'avoir prématurément vieilli en seulement quelques mois.
D'après les résidents de la forteresse, cette dernière avait semble-t-il fini par comprendre qu'elle ne reverrait plus jamais son fils, et elle s'était laissée mourir.
Et Yara avait sentit son cœur se fendre en deux à cette nouvelle, et seule dans sa chambre, loin de tous, elle avait pleuré la mort de sa mère, comprenant également qu'elle ne reverrait sans doute jamais Théon non plus.
La main en l'air, non loin de la porte, la fer-née hésitait encore à frapper la porte pour se faire annoncer.
Elle se souvenait de sa mère comme d'une femme aux traits tirés, aux cheveux en partie blanchis, des cernes sous les yeux, et qui lui avait seulement demandé : as-tu ramené Théon à la maison ?
Non, mère, pensa-t-elle en se remémorant cette conversation, pas encore.
Puis, elle finit pour de bon par frapper fermement à la porte deux ou trois fois, avant d'entendre une voix déclarer : « Entrez ! »
Yara ouvrit la porte, et, alors qu'elle entrait, son regard tomba sur une femme aux cheveux blonds qu'elle identifia immédiatement comme étant sa mère, et son cœur se serra, perdu entre joie et tristesse.
Elle fit quelques pas, se dirigeant vers celle qui était allongée mornement sur son lit.
Dans ses yeux, aucune flamme de vie ne brillait, et elle était bien décidée à changer cela.
« Bonjour mère, fit-elle, la saluant avec un sourire. Je suis heureuse de vous revoir. Je suis venue ici pour vous parler de Théon, ajouta-t-elle afin d'être la plus claire et la plus rapide possible. »
Le regard d'Alannys Greyjoy, née Harloi, se fit attentif, puis elle se leva et sortit de son lit malgré sa fatigue apparente, comme si ces simples mots venaient tout juste de lui rendre son énergie.
Et désormais, ses yeux brillaient.
« Je t'écoute, ma fille. »
A suivre...
