Chapitre 5 : Toi et moi, nous allons sauver le monde.

RAR :

Guest : Merci beaucoup pour la review.

Regardant plus attentivement sa petite fille devenue femme, qu'elle n'avait pas vu depuis au moins cinq ou six ans (voire plus), le regard d'Alannys Greyjoy s'adoucit soudainement.

« Qu'est-ce que tu as grandi, murmura-t-elle avec émotion.

- Vous m'avez manqué Mère, lui avoua la Fer-née. »

Et le sentiment était réciproque.

Cela faisait longtemps, si longtemps...

Si longtemps que Alannys avait pratiquement perdu toute envie et toute volonté de vivre.

« Oh, ma pauvre chérie, que t'es-t-il arrivé ? Tu as l'air d'être tellement... triste. »

Vous aussi Mère, pensa la jeune femme.

Yara se força à sourire.

« C'est une longue histoire... »

Lorsque sa mère l'attira dans ses bras dans une étreinte réconfortante, elle crut qu'elle allait se mettre à pleurer.

Oui, cela faisait longtemps, si longtemps qu'elle n'avait pas eu l'occasion de sentir qu'elle n'était qu'une petite fille qui voulait seulement l'amour de sa mère, et que celle-ci soit fière d'elle.

Cela avait-il jamais été réellement le cas d'ailleurs ?

Non, en tout cas, plus depuis la rébellion de son père.

La mort de deux de ses frères ainsi que la perte de Théon l'avaient forcée à grandir prématurément.

Cela faisait bien longtemps qu'elle n'était plus une enfant.

Une fois l'étreinte brisée, quelques minutes plus tard, Yara prit place sur le lit, à côté de sa mère.

En regardant autour d'elle, elle ne put que constater assez rapidement le dénuement de la pièce, et un vent de colère commença à s'agiter en elle.

Il était hors de question qu'elle laisse sa mère continuer à vivre dans de telles conditions.

Perdue dans sa douleur, sa mère ne se rendait sans doute même plus compte du fait que sa chambre était à peine décente, et à vrai dire, elle s'en fichait probablement, mais ce n'était pas le cas de Yara.

« Dis-moi, Yara... qu'est-ce qui t'amène réellement ici ? Lui demanda sa mère.

Sa fille sursauta.

- Que voulez-vous dire Mère ?

- Tu m'as dit que tu étais venue pour me parler de Théon, mais je me doute que tu n'es pas seulement là pour me parler du passé... Et si ton frère était rentré à Pyk, je pense qu'on me l'aurait déjà dit de toute façon. Alors ?

Apparemment, la vivacité d'esprit de sa mère n'avait pas encore disparu.

C'était une bonne chose, ça voulait dire qu'elle n'avait pas encore complètement sombré dans le désespoir.

Cela signifiait que Yara n'avait pas encore perdu sa mère.

Elle soupira, avant de décider de parler directement du problème.

- Père a l'intention d'attaquer Winterfell dans un futur prochain. J'ignore quand exactement, il ne me l'a pas dit, à vrai dire, je pense qu'il ne le sait pas lui-même. »

Jamais elle n'avait vu le visage d'une personne changer aussi rapidement que ne le fit celui de sa mère.

Elle blêmit brutalement, son sourire disparaissant aussi soudainement qu'il était venu quelques minutes avant cela, et se tordit en une grimace pleine d'horreur et d'effroi.

Dans un geste complètement involontaire, elle posa sa main droite sur la jambe de sa fille, et, sans pouvoir s'en empêcher, elle planta ses ongles dans sa cuisse, faisant grimacer de douleur sa fille au passage, tout en serrant le poing gauche, ne pouvant croire ce qu'elle venait d'entendre.

La Fer-née parvint à s'extirper de la poigne de fer de sa mère, qui, toujours tétanisée et muette, se tourna vers elle avec un air d'incompréhension sur le visage.

- Es-tu... es-tu sure de ce que tu avances ?

- Certaine. Père m'en a parlé i peine quelques heures... Puisque c'est moi désormais son héritière, il a décidé de m'impliquer dans ce... projet, dit-elle, en sentant une terrible nausée l'envahir alors qu'elle prononçait ces mots.

Un dégoût que semblait partager sa mère, qui était toujours aussi pâle.

- Et il veut faire cela alors que Théon est toujours retenu prisonnier là-bas... Que veut-il exactement, perdre le seul fils qu'il lui reste ? Hurla-t-elle.

Je crains qu'il n'en ait plus rien à faire maintenant...

L'horreur d'Alannys se changea alors en colère, et dans ses yeux, une terrible fureur prit alors place.

- Ainsi donc, tout ça n'aura servi à rien. Théon nous a été enlevé pendant dix longues années, et malgré cela, Balon a quant même l'intention de s'en prendre aux Stark ? Notre fils nous a été volé afin que ton père ne se révolte pas, et pourtant, il compte quant même le faire ? Comment... comment ose-t-il ? Il est hors de question que je le laisse faire une chose pareille, je le tuerai de mes propres mains, s'il le faut, si cela me permet d'éviter que ton petit frère soit exécuté par la faute de son père.

Ne vous en faites pas mère, mon oncle Euron a l'intention de faire la même chose.

Mais pas pour les mêmes raisons, j'en ai peur.

Oui, son oncle était un des autres innombrables futurs problèmes dont il fallait qu'elle s'occupe à un moment ou à un autre.

- Mère, s'il vous plaît, calmez-vous... Ce n'est qu'un projet, pour l'instant du moins. Nous avons encore le temps d'empêcher cela d'arriver.

Le regard que lui lança alors sa mère était teinté d'une lueur de folie, et d'un certain désespoir aussi.

- Tu empêcheras ça Yara, n'est-ce pas ? Lui demanda-t-elle avec espoir. Tu sauveras ton frère de la mort si jamais ton père lance une attaque, pas vrai ?

Je n'ai pas réussi à le sauver la dernière fois.

Je ne referai pas deux fois la même erreur.

- Bien sûr mère, je vous le jure. Je sauverai Théon. Je ne laisserai rien ni personne m'arrêter, ni la folie de Père, ni l'épée de Ned Stark. Je vous le promets. »

Jamais le regard de sa mère ne lui avait semblé aussi lumineux avant cet instant, et, si elle n'avait pas elle aussi été tout autant déterminée à sauver son frère de ce destin tragique, elle aurait sentit une terrible colère s'agiter en elle.

La colère, et également l'amertume de constater qu'aux yeux de sa mère, même maintenant, seul Théon comptait.

Car, si aux yeux de Balon Greyjoy, elle était devenue au fil du temps le seul et unique enfant auquel il portait encore une quelconque affection, pour Alannys, le seul qui avait toujours importé, et qui importait toujours, c'était Théon, et personne d'autre.

Cette colère, elle l'avait ressentie pendant des années, après le départ forcé de son frère pour Winterfell.

Une colère terrible, douloureuse, brûlante, toujours encore un peu vivace, même aujourd'hui, qui lui avait donné envie de hurler de nombreuses fois au visage de sa mère : Oh ! Moi aussi j'existe !

Ce n'était pas pour rien si elle avait fini par arrêter de rendre visite à sa mère au fil des ans, puisqu'à chaque fois qu'elle venait, c'était pour entendre la voix désespérée de sa mère, lui demandant si Théon était rentré à la maison.

Elle avait haï Théon pour ça, dans sa douleur de petite fille, elle l'avait haï à cause de cette souffrance que son absence causait à sa mère, et aussi parce qu'à cause de lui et de son ombre, elle devenait complètement transparente et invisible.

Presque comme si elle ne comptait plus.

Comme si elle n'existait plus.

L'arrogance insupportable de son frère n'avait pas été la seule chose qui l'avait faite se comporter à son égard d'une manière aussi infecte, non.

Elle portait encore le deuil de sa mère, morte en ayant comme dernier nom sur les lèvres celui de Théon.

Yara avait été en colère contre lui pour ça, tellement en colère, elle l'avait détesté pour lui avoir volé l'amour de leur mère pendant toutes ces années, même en étant absent.

C'était une réaction au moins aussi absurde qu'elle était injuste : après tout, Théon lui aussi avait dû grandir sans mère, et contrairement à elle, il avait également grandi sans père, sans famille.

En rétrospective, ce n'était vraiment pas étonnant qu'il ait fini par à ce point-là s'attacher aux Stark.

Elle se fichait bien des Stark.

Mais, si Théon tenait réellement à eux, alors elle ferait en sorte de... disons, limiter les dégâts du mieux possible.

« Yara ?

- Oui mère ?

- Je voulais juste que tu saches que... je suis tellement fière de toi. »

Et cette unique phrase qu'elle attendait d'entendre depuis tellement longtemps suffit à faire disparaître l'amertume et l'aigreur qui agitaient encore Yara Greyjoy quelques secondes plus tôt.

§§§§

« Est-ce que... est-ce que tu as des nouvelles de Théon, en dehors de ça ? Sais-tu si il va bien ? Si les Stark le traitent bien ?

Yara se mit à sourire.

J'ai bien peur qu'ils ne l'aient mieux traité que nous ne l'avons jamais fait autrefois.

- A ce sujet mère, vous n'avez aucune inquiétude à avoir... Je sais de source sûr que Théon n'est pas maltraité là-bas... Enfin, pour ce que j'en sais... ajouta-t-elle afin de feindre l'ignorance du mieux possible.

Le regard acéré de sa mère se posa sur elle.

- Comment le sais-tu exactement ? Est-ce que tu communiques avec lui ? Est-ce que tu l'as revu ?

Il y avait du désespoir dans les yeux d'Alannys Greyjoy, tellement de désespoir, celui d'une mère qui n'avait pas la moindre nouvelle de son dernier fils depuis plus dix ans, et cette simple vue suffit à briser le cœur de Yara.

- Non mère, bien sûr que non ! Mentit-elle avec assurance. Je ne l'ai pas revu depuis la rébellion de père, il y a dix ans, tout comme vous.

Sa mère la jaugea pendant quelques secondes, avant de froncer les sourcils.

- Tu mens, se contenta-t-elle de dire avec un calme olympien. Puis, son visage se fendit d'un sourire amusé et tendre. Tu n'as jamais su me mentir Yara. Jamais. Théon non plus d'ailleurs. Alors dis-moi la vérité, tu l'as revu, n'est-ce pas ? Tu lui as parlé ? Est-ce qu'il va bien ? Est-ce qu'il se souvient de nous ? Est-ce que nous lui manquons ? »

En vérité, Yara ne savait pas quoi répondre.

Devait-elle essayer de continuer à mentir ?

Ou bien devait-elle révéler tout ce qu'elle savait ?

Mais, sa mère la croirait-elle seulement ?

D'un autre côté, ce serait un poids en moins à porter que de tout lui dire.

Après tout, le seul avec qui elle aurait pu partager ça était Théon, et il était terriblement loin d'elle.

Et ce serait agréable, de ne pas être la seule personne à tout savoir.

En un sens, elle était soulagée que Théon soit revenue en même temps qu'elle, elle était heureuse qu'il se souvienne d'elle.

Mais cela signifiait aussi qu'il se souvenait de tout.

Y compris de tout ce qu'il avait enduré aux mains de Ramsay.

Son corps était de nouveau intact, mais son esprit était probablement toujours brisé, et elle n'avait aucune idée de la manière dont elle pouvait arranger les choses.

Il se souvenait, et elle se sentait presque coupable de s'en réjouir ainsi, parce que s'il n'avait rien su, il aurait vécu heureux, et insouciant.

Est-ce que c'était mal, qu'elle soit heureuse que son frère se souvienne d'elle, et que de ce fait, il soit cassé en mille morceaux ?

Est-ce que c'était égoïste de sa part, que de vouloir que Théon se souvienne d'elle, et donc de tout ce qu'il avait vécu (y compris ce qu'il avait subi de la part de Ramsay), et donc évidemment du pire ?

Est-ce que ça faisait d'elle une mauvaise personne ?

Elle n'en savait rien.

Elle n'était pas sure de vouloir connaître la réponse.

« Mère, lança-t-elle alors d'une voix hésitante, je pense que si je vous raconte tout, vous allez me croire folle, mais...

- Tout le monde sur cette île me pense folle ma chérie. Toi y compris. Je pense que rien de ce que tu me diras ne pourra réellement me surprendre.

Yara sourit avec amusement.

- Même si je vous dis que je viens du futur ? »

Alannys se figea.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? Tu... tu as eu une vision du futur ?

Sa fille tourna la tête en signe de dénégation.

- Non mère, ce n'est pas ce que je veux dire... J'en viens mère. De six ou sept ans dans le futur.

- C'est.. enfin, c'est...

- De la folie ? Peut-être mère, mais ce que je sais, c'est qu'il y a encore quelques heures, je me trouvais aux mains de mon oncle Euron, dans une de ses cellules, et que Théon était... en train de se battre contre les marcheurs blancs.

- Les marcheurs blancs ?

- Oui mère, je sais que cela n'a l'air que d'être une histoire issue d'un conte de fées, mais... je vous jure que c'est la vérité.

Souriant faiblement, elle posa sa main sur la joue de sa fille, lui caressant les cheveux.

- Tout ça n'a... absolument aucun sens, Yara...

- Ils arrivent mère. L'armée des morts est en chemin, ils sont encore au-delà du Mur, mais un jour, ils arriveront jusqu'ici. Et si nous ne faisons rien contre eux, un jour, ils nous détruiront. Je ne vous demande pas de me croire, seulement de me faire suffisamment confiance pour penser que peut-être, juste peut-être, j'ai raison.

- Dans ce cas-là, dis-moi ce qui m'arrive dans ce futur.

Le regard de la Fer-née se troubla immédiatement.

- Non, mère, s'il vous plaît, ne me demandez pas ça... Je... Je ne... Elle ferma les yeux. Vous mourrez, mère, et je vous pleure, seule...

- Et toi ma fille ? Que deviens-tu ?

- L'héritière des Îles de Fer. De façon véritablement officielle en tout cas. Dans ce futur, Théon revient à la maison, après votre mort, et Père et moi, nous... nous nous comportons d'une façon infâme à son égard.

- Pourquoi donc ? Qu'avait-il fait de si terrible pour mériter ça ?

- Il revenait en Stark... Il avait passé tellement de temps à Winterfell, qu'il avait fini par nous oublier, et il est revenu de la part de Robb Stark. Père et moi nous n'avons pas supporté cet affront. »

Sa mère la fusilla instantanément du regard.

« Et alors ? Il était là, à la maison, sain et sauf, en vie, et vous n'avez rien trouvé de mieux à faire que de le rejeter ? Vous auriez dû vous en réjouir !

- C'était devenu un petit con, et il a essayé de me draguer, se défendit-elle, en ignorant encore que c'était moi. Il me méprisait, et le sentiment était réciproque. J'admets avoir fait quelques erreurs.

- Et après ? Lui demanda sa mère, le regard dur.

- Il a attaqué Winterfell. C'était la guerre, Ned Stark était mort, le roi Robert aussi, tout le monde s'écharpait pour le Trône de Fer, et Théon a conquis Winterfell, avant de se le faire reprendre. Par la suite... fit-elle, avant de s'étrangler à la simple idée de ce qu'il se passait ensuite.

- Quoi donc ?

- Il a été capturé par le bâtard de Roose Bolton. Il a été humilié, torturé, mutilé, brisé. J'ai essayé de le sauver, mais sans succès, et plus tard, il s'est évadé, et en rentrant aux Îles de Fer, père venait d'être tué par notre oncle Euron. Celui-ci a essayé de nous faire tuer également quand j'ai voulu revendiquer le trône de sel. »

Alannys prit une profonde inspiration, désormais complètement blême.

« D'accord Yara... Je... je te crois. Peu importe que ce ne soit qu'une vision, ou que tu viennes réellement d'un futur potentiel, mais... je pense que tu dis la vérité. De toute façon, je ne vois pas qui pourrait bien inventer une histoire pareille, fit-elle en riant légèrement, tentant d'alléger l'atmosphère.

- Merci mère...

- Et Théon, il... il va bien ?

- Oui. Non. Il est revenu en même temps que moi, tout comme trois autres personnes. Il se souvient de tout, ce qui signifie que... Mère, si jamais vous revoyez Théon, ne perdez pas de vue qu'il n'est pas comme avant. Qu'il ne le sera sans doute plus jamais. Il a terriblement souffert.

Le sourire de sa mère ressurgit alors sur son visage.

- Cela fait longtemps, tellement longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'être véritablement une mère. Que ce soit pour lui... ou même pour toi. »

§§§§

« Et maintenant Yara ? Que comptes-tu faire désormais ?

- Je vais envoyer une lettre à Théon. Pour lui faire comprendre que nous ne l'avons pas oublié, et que nous allons tout faire pour le revoir. Je vais également lui parler de l'attaque que Père compte mener contre Winterfell. Je pense qu'il ne sera aucunement surpris, fit-elle avec amertume.

- Et si jamais le message était intercepté par quelqu'un ? Ton frère ou toi vous risqueriez d'avoir des problèmes.

Yara lui adressa un sourire ravi.

- Ne t'en fais pas maman, dit-elle, utilisant le mot affectueux pour la première fois depuis le début de la conversation, je vais utiliser un code que Théon et moi nous utilisions autrefois. J'espère seulement que Théon s'en rappellera. Je vais également envoyer un corbeau à Ned Stark pour lui signifier le projet de mon père.

Alannys se figea.

- C'est un acte de haute trahison, tu le sais, n'est-ce pas ?

- Oui Mère, parfaitement. Mais ce que je sais aussi, c'est que le projet de Père est insensé, et qu'il y a des choses bien plus importantes que sa volonté d'indépendance. Il va y avoir une guerre bientôt, si nous ne faisons rien, et je refuse de perdre mon petit frère une nouvelle fois.

Je vais envoyer un message à Ned Stark pour lui faire comprendre que je me désolidarise de son projet. C'est un homme noble et juste, Théon en parlait avec beaucoup d'estime. Je sais qu'il comprendra que Théon n'y est pour rien.

- Inclus-moi là dedans également. Je ne suis peut-être pas la même femme qu'autrefois, mais je reste la dame des Îles de Fer. J'ai un poids politique moi aussi, tout autant que toi. Et moi non plus, je n'ai pas l'intention de perdre Théon une nouvelle fois à cause de la folie de ton père...

- Je suis ravie de savoir que nous nous accordons sur ce point Mère... Sur celui-ci et sur beaucoup d'autres également.

- Quels sont tes autres projets ?

- Je vais également envoyer un message à Stannis Baratheon.

- Dans quel but ?

- Lord Stannis est le seigneur de Peyredragon, lui expliqua-t-elle, à savoir l'île qui contient le plus de verredragon sur l'ensemble du royaume des sept couronnes, il s'agit d'une des seules choses, avec le feu et l'acier valyrien à pouvoir détruire définitivement les marcheurs blancs. Et étant donné que l'acier valyrien est plutôt rare, les seules armes utilisables, en dehors de flèches enflammées, seront les épées et autres armes en verredragon.

Et si jamais j'envoie certains des Fer-nés sous mon commandement là-bas pour extraire du verredragon sans sa permission et qu'il s'en rend compte, je risque de provoquer son courroux. Une chose que je veux à tout pris éviter, après tout, je ne suis pas revenue dans le passé pour provoquer inutilement la colère du frère du roi ! S'exclama Yara avec un rire nerveux, tentant vainement de cacher son inquiétude quant aux évènements à venir.

- Je vois ce que tu veux dire. Cependant... Crois-tu qu'il acceptera facilement de se défaire d'une grande partie de ce verredragon ? Après tout, il lui appartient de droit, n'est-ce pas ?

Yara haussa les épaules.

- Dans ce futur qui est, je l'espère, désormais révolu, Daenerys Targaryen n'a eu aucun problème pour nous laisser exploiter le verredragon de l'île. Elle en ignorait encore les propriétés à l'époque. J'imagine qu'il en est de même pour Stannis. Pour lui, ce ne sont que quelques cailloux, beaux certes, mais surtout inutiles.

- Que lui répondras-tu, si jamais il te demande ce que tu comptes en faire ?

Oh...

Voici un problème auquel elle n'avait pas encore songé.

- Je ne sais pas. La vérité, probablement. Que je compte forger des armes avec.

- Penses-tu qu'il est réellement prudent de faire une chose pareille ? Si tu dévoiles tes intentions aussi clairement, il risque de penser que les Fer-nés se préparent à livrer une guerre.

- C'est le cas. Si jamais Stannis Baratheon me questionne à ce sujet, alors je lui dirai la vérité. Toute la vérité. Au sujet des marcheurs blancs. Libre à lui de me croire ou de penser que je suis folle. Si je lui mens ou si je lui cache mes intentions, il risque de se méfier d'autant plus et de prévenir son frère que quelque chose se prépare.

Puis, une lueur calculatrice apparut dans ses yeux.

- En réalité... peut-être que cela nous sera même profitable !

- Que veux-tu dire ?

- L'important, c'est que le monde soit mis le plus rapidement possible au courant du retour des marcheurs blancs ! Si jamais Ser Stannis mène une enquête pour vérifier mes dires, peut-être que les gens ouvriront enfin les yeux ! Et si jamais je dois me rendre à Port-Réal pour prouver ce que j'avance, je le ferai sans hésiter !

- Peut-être n'auras-tu pas besoin d'aller aussi loin, déclara sa mère, pensive.

- Comment cela mère ?

- Toi et moi, nous ne pouvons pas rester ici indéfiniment. Nous devons aller autre part, n'importe où, le plus loin possible de ton père, afin de nous désolidariser définitivement de son projet insensé.

- Winterfell ! Proposa immédiatement Yara, comme si elle y avait déjà mûrement réfléchi.

Alannys la regarda, surprise.

- Ainsi donc, tu serais prête...

- Prête à proposer une alliance à Ned Stark en gage de ma bonne foi ? Certainement oui. Si cela me permet de revoir Théon, je le ferai sans hésiter.

- En espérant qu'il accepte de nous héberger toutes les deux à Winterfell... Quand partons-nous ?

- Une fois que j'aurais reçu une réponse de Ned Stark, du moins si jamais elle est positive. En attendant Mère, je ne peux pas vous laisser continuer à vivre ici, je vais faire donner des ordres pour que vos effets soient déplacés sur mon navire, Vent Noir, et vous vous y installerez pour cette nuit.

Ce sera bien mieux que ce... que cet endroit, se contenta-t-elle de dire pour ne pas devenir vulgaire. Nous ferons voile demain en direction des côtes, et nous y jetterons l'ancre, en attendant le corbeau de Lord Stark.

- Je vois que tu as tout prévu, se réjouit sa mère avec un ton de fierté très notable dans sa voix. Et j'imagine que, en chemin, toi et tes soldats vous allez piller les villages sur votre chemin. »

Il n'y avait pas de réelle désapprobation dans la voix d'Alannys Greyjoy, seulement du... du fatalisme. Après tout, c'était bien ce pour quoi les Fer-nés étaient connus dans l'ensemble du royaume des sept couronnes.

Sa fille secoua la tête.

« Non mère, cela n'arrivera pas. À nouveau, dans ce futur, j'ai promis à Daenerys Targaryen que les Fer-nés cesseraient définitivement les pillages. Et je compte tenir ma promesse le plus rapidement possible, d'autant que ça prendra sûrement du temps à se faire. Donc, terminé les vols, les rapines et les viols. Il va falloir que je les y habitue d'ailleurs, ça risque d'être difficile, reconnut-elle en grimaçant.

Sa mère la regarda attentivement.

- C'est la deuxième fois que tu évoques la fille Targaryen... Quel rôle joue-t-elle dans cette histoire ?

- Hé bien... Dans le futur, elle tente de s'emparer du trône de fer, et je l'aide à y parvenir.

- Je vois... Le regard d'Alannys se fit inquisiteur. Mais, dis-moi... à quel point... à quel point elle et toi êtes vous proches dans ce futur ? »

Yara se sentit alors rougir malgré elle.

Sa mère l'avait cernée en à peine dix secondes, c'en était effarant.

Et un peu terrifiant, aussi.

Elle n'avait honte de rien, et à vrai dire, cela faisait bien longtemps qu'elle n'était plus une innocente jouvencelle (enfin, l'avait-elle jamais réellement été ?), mais le fait est qu'elle n'avait jamais eu l'occasion de parler de sa vie amoureuse ou sexuelle avec sa mère.

Ou même avec qui que ce soit d'autre, en fait, à l'exception de ses amants et amantes, ou avec son frère, une fois, et Daenerys elle-même, brièvement.

En parlant de la reine des dragons...

Ça aurait été mentir que de dire qu'elle n'y avait pas songé, au moins deux ou trois fois, qu'elle n'aurait pas souhaité, elle aussi, comme tant d'autres, avoir une relation amoureuse avec l'autre jeune femme.

Mais, ses avances étant restées lettres mortes, elle avait très rapidement abandonné.

Et, quand Ellaria Sand s'était proposée à elle, elle avait sauté sur l'occasion...

Dommage que son oncle Euron ait attaqué juste après.

En repensant à celle qui n'avait été son amante que l'espace de quelques secondes, Yara sentit son cœur se serrer.

Étrangement, le fait de savoir qu'elle ne se souvenait pas d'elle n'était pas extrêmement douloureux.

Après tout, elle la connaissait à peine, et savoir que la résidente de Dorne était chez elle et avec son amant Oberyn, et qu'elle allait bien, lui faisait malgré tout chaud en cœur.

En revanche, savoir que Daenerys ne se souvenait pas l'avoir connue était un peu plus douloureux, puisque la relation de confiance instaurée entre elles deux mettrait probablement pas mal de temps à se reformer.

Enfin, si jamais elle la revoyait en tout cas.

« Nous sommes alliées, rien de plus, fit-elle en feignant l'indifférence.

- Mais tu voudrais que cela devienne plus, n'est-ce pas ?

La Fer-née, à sa grande horreur, se mit à rougir de plus belle, sous le regard amusé de sa mère.

- Mère ! Ce n'est pas... enfin, ce n'est pas le moment de parler de ça !

- Pourquoi pas ? Après tout, j'ai raté un grand nombre de choses dans ta vie, il est grand temps que je rattrape tout ça.

- Maman ! Protesta Yara. Je suis sérieuse, ce n'est pas le moment.

- Si tu le dis, fit Alannys, souriant toujours, et, en comprenant que sa mère l'acceptait pleinement telle qu'elle était, la jeune guerrière sentit une douce chaleur l'envahir. En dehors de cela ? As-tu autre chose à ajouter ?

- Non mère... Je vous fais seulement une promesse. Que nous retrouverons Théon. Ensemble. Et que cette histoire finira bien.

Le regard de sa mère redevint alors sérieux.

- Je l'espère de tout cœur Yara... En tout cas, sache que je t'aime, et que je suis fière de toi.

- Moi aussi je vous aime mère. »

§§§§

Yara ressentait une étrange tristesse à l'idée de quitter pour un long moment les Îles de Fer.

Ça avait été sa maison pendant tellement longtemps, après tout.

Mais, cette tristesse était contre-balancée par la quasi-certitude qu'elle allait bientôt rejoindre son frère.

Elle se demanda comment il vivait la situation.

Elle-même, si elle exceptait son attitude vis-à-vis de Théon lors du premier retour de celui-ci aux Îles de Fer, son échec pour le sauver de Ramsay, son comportement lors de son second retour, et le fait qu'elle n'avait pas réussi à échapper à son oncle Euron, elle ne ressentait que peu de regrets.

Elle était revenue dans le passé, et maintenant, elle pouvait faire les choses d'une bonne manière, elle pouvait mieux faire.

Mais Théon, lui, avait commis des choses horribles, et désormais, il était entouré par tout ceux-là mêmes qu'il avait trahis.

Même si tout ses crimes avaient été effacés, il n'en était pas de même pour ses remords, elle en était persuadée.

Combien de fois l'avait-elle entendu déclarer, le cœur en morceaux :

J'aurais dû mourir avec lui aux Noces Pourpres.

Dans cette nouvelle réalité, Robb Stark était vivant, tout comme Ser Rodrick Cassel, ainsi que les deux enfants qu'il avait exécutés, mais en un sens, cela ne changeait rien à ce qu'il avait fait.

Parce qu'il se souvenait.

Absurdement, elle se mit à prier pour que Bran Stark, qui lui aussi se souvenait, ne déverse pas sa colère sur lui.

Elle se surprit à espérer que dans cette nouvelle histoire, son frère puisse enfin trouver la paix, ainsi que la force de se pardonner lui-même.

Elle se demanda également si il s'en voulait pour ce qu'il s'était passé lors de l'attaque d'Euron.

D'un point de vue objectif, sans prendre en compte les circonstances, oui, il était coupable.

Il l'avait abandonnée, l'avait laissée aux mains de leur oncle, sans un regard en arrière.

Pourtant, elle ne lui en voulait pas.

Elle le comprenait, après tout, elle aussi l'avait laissé tomber à Fort-Terreur face à Ramsay et à ses hommes, alors qu'elle n'était pas seule, et qu'elle était préparée. Ça aurait déjà été du suicide de sa part à elle de continuer à se battre, alors lui, tout seul ?

Il se serait fait tuer en essayant de la sauver, et elle serait probablement morte elle aussi.

C'était un combat sans espoir, un combat perdu d'avance.

Sur le coup, oui, elle lui en avait voulu, mais là ?

Elle l'avait pardonné.

Enfin, si tant est qu'il y ait quelque chose à pardonner.

Prenant une profonde inspiration, maintenant qu'elle était en dehors de la tour, elle partit donner des directives aux hommes sous son commandement, leur donnant diverses tâches à exécuter, avant de se rendre elle-même sur son navire, afin d'écrire les trois lettres qu'elle comptait envoyer.

Une fois les trois lettres écrites et envoyées, il lui restait un autre problème.

Un problème que sa mère avait bien soulevé quelques heures plus tôt, et qui n'avait pas encore trouvé de réponse.

Que faire des trente navires sous son commandement au juste ?

Ou pouvait-elle bien les envoyer ?

Si elle les laissait seules sur les côtes, ils allaient reprendre leurs mauvaises habitudes, et piller tout ce qui se trouvait sur leur passage.

Autant elle pouvait gérer son propre navire et les marins qui se trouvaient sur ce bâtiment, qui l'accompagneraient elle et sa mère à Winterfell, mais ce n'était pas le cas pour les vingt-neuf autres.

Soudain, une idée folle la frappa, comme une révélation soudaine, presque comme une évidence.

Bon sang, mais c'est bien sûr !

L'Île aux Ours !

C'est surtout complètement stupide comme idée, lui fit comprendre la partie de son cerveau encore un peu raisonnable et rationnelle.

Non, au contraire, c'est brillant !

Les habitants de l'Île aux Ours craignaient les pillages venant des Fer-nés, alors, quoi de mieux pour prouver sa bonne foi et se détacher de son père et des coutumes Fer-nées que de proposer une alliance à la maison Mormont, en proposant ses propres hommes pour assurer la sécurité des habitants de l'île ?

Ainsi, ses soldats, après avoir été tant habitués à détruire, pourraient prendre l'habitude de protéger des gens pour gagner leur vie.

Ça pouvait marcher.

Peut-être.

Si elle voulait réellement changer les choses, autant commencer ça en enterrant les vieilles querelles du passé, non ?

C'est de la folie.

Peut-être, mais ça vaut le coup d'essayer.

Se saisissant d'encre, de papier et d'une plume, elle commença alors la rédaction d'une autre lettre, adressée cette fois-ci à Lady Maege Mormont, qu'elle rédigea avec plus d'hésitation et de circonspection.

Elle le savait d'avance, sa bonne foi et ses bonnes intentions ne suffiraient pas à convaincre la suzeraine de l'île, et elle se doutait bien que sa proposition serait perçue comme un piège grossier.

Elle hésita, pendant encore quelques minutes, à prouver sa bonne foi et ses dires en évoquant le projet d'attaque de son père contre Winterfell, le fait que la vie de son frère allait être mise en danger, et que c'était pour cela que, ironiquement, elle se révoltait contre lui.

Qu'elle en informe Ned Stark, passe encore, il était le premier concerné, mais qu'elle le dévoile également aux Mormont ?

Ce serait considéré comme de la haute trahison vis-à-vis de son père et de sa famille, de son peuple.

Était-elle prête à courir ce risque ?

Oui.

Sans hésiter.

Et quand Balon Greyjoy l'apprendrait (car il serait mis au courant tôt ou tard que la fuite venait d'elle), hé bien...

Oh, par le Dieu Noyé, réalisa-t-elle à cet instant précis, son père allait tellement la renier pour ce qu'elle était en train de faire.

Un léger sourire apparut sur ses lèvres.

Ce fut ce qui la décida à coucher sur le papier les mots évoquant la future trahison de son père.

Quand elle eut fini de la rédiger, n'omettant aucun détail, elle l'envoya, tentant de rester la plus sereine possible.

Regardant au dehors, elle constata qu'il faisait désormais nuit noire.

La jeune noble n'avait aucune certitude quant à la suite des événements.

La seule chose dont elle était certaine, c'est qu'elle retrouverait son petit frère, tôt ou tard.

Et qu'un jour, peut-être, aucun d'eux deux n'aurait plus à se soucier de sauver le monde des marcheurs blancs, ou même de la stupidité des humains, ou de leur capacité d'auto-destruction.

Que la seule chose dont ils auraient à se soucier, ce serait de leur vie, et d'être heureux.

Elle partit se coucher le cœur léger, enfin, du moins, en tâchant de s'en faire le moins possible.

A suivre...

Prochain chapitre : On repart sur Tyrion et Brienne et... serait-ce Lancel que j'aperçois au loin ?