Chapitre 9 : Réapprendre à vivre.

RAR :

Guest : Merci beaucoup d'avoir commenté, ça fait plaisir de savoir que je suis lue.

Et encore merci beaucoup à tout ceux qui ont commenté.

- Défi des Mille-Prompts : Eddard Stark.

« Dis, il y avait autre chose dont je voulais te parler... Mais j'ai oublié de te le dire hier... Fit Robb à Théon le lendemain matin, alors que lui et Théon, ainsi que Jon (qui discutait non loin avec Arya), se promenaient tranquillement dans Winterfell, après s'être entraînés ensemble quelques heures au combat à l'épée.

Et où Théon avait pu constater qu'il se débrouillait toujours aussi bien qu'avant.

Ce qui était à la fois tout à fait normal, et aussi un peu déstabilisant.

Ce qui était plutôt bizarre c'était de réussir à faire la connexion entre son esprit, qui avait encore ses souvenirs du futur, et son corps qui était le même qu'autrefois.

C'était assez... particulier, pour le moins dire.

Mais, de son propre avis, il s'en sortait plutôt bien.

Et il s'y ferait, avec le temps.

- Quoi ?

- Jon m'a aussi dit que tu lui avais dit que tu ne te sentais pas à ta place ici.

Théon se figea immédiatement.

Ah...

Oui, il y avait ça également...

Il avait presque oublié.

J'aurais jamais dû dire ça...

- Robb, écoute...

- Est-ce que c'est vrai Théon ?

Il soupira.

- Oui Robb, ça l'est. »

Bien sûr que je ne suis pas à ma place ici.

Et pas seulement parce que je suis un Greyjoy et un otage.

L'air à la fois blessé et attristé qu'afficha alors Robb n'aurait pas dû lui faire aussi mal, pensa-t-il.

Et pourtant...

« Est-ce que quelqu'un te l'a dit ? Est-ce que quelqu'un à Winterfell t'a dit que tu n'avais pas ta place ici ? Parce que si jamais c'est le cas... »

Il avait l'air de vouloir s'attaquer à tout ceux qui auraient pu lui en avoir fait la remarque, tout comme il aurait décidé de s'en prendre aux gens qui auraient pu avoir envie d'insulter Jon en utilisant son statut de bâtard pour se faire, et cette simple idée lui fit chaud au cœur.

Est-ce que c'était le cas ?

Est-ce qu'on lui avait déjà dit ce genre de chose ?

Qu'il n'était pas chez lui ici ?

Il était difficile pour lui de se souvenir, il avait déjà été suffisamment difficile pour lui de se rappeler qu'il était Théon Greyjoy après toutes les tortures de Ramsay...

En réalité, il ne se souvenait que de trois occurrences à ce sujet, des évènements qui ne s'étaient pas encore produits.

Tyrion Lannister, se raillant de lui et lui disant que sa loyauté vis-à-vis de ses geôliers était vraiment touchante.

Robb, s'exclamant que ce n'était pas sa maison.

(Première blessure, premier couteau dans le cœur.)

Osha, lui répliquant qu'il n'était en rien un seigneur et qu'il n'était qu'un prisonnier, tout comme elle.

Voilà.

C'était que tout avait commencé, là qu'il avait commencé à comprendre qu'il n'était pas chez lui, ne le serait jamais.

Puis, Robb était devenu roi du Nord, et Théon avait cru, avait vraiment espéré, naïvement, réussir à se frayer une place dans cette famille qui ne serait jamais la sienne.

« Suis-je ton frère, maintenant et à jamais ?

- Maintenant et à jamais. »

Une autre promesse qu'il n'avait pas su tenir.

Il se mit soudainement à ricaner nerveusement, sans pouvoir s'en empêcher, et Robb le regarda avec un air surpris.

« Non, bien sûr que non, je n'ai pas eu besoin qu'on me le dise pour le comprendre par moi-même. Robb, ici, je ne suis qu'un otage, rien de plus !

- Tu sais très bien que non... Théon, tu te trompes, tu n'es pas qu'un otage pour moi... Tu es bien plus, tu es...

Ton frère, oui, je sais.

Il aurait voulu être plus, bien plus, il avait toujours voulu plus.

Trop peut-être.

C'était sûrement ça qui l'avait perdu, pensa-t-il avec amertume.

Et après tout, peu importe ce qu'il voulait maintenant.

Si il arrivait à faire en sorte que Robb survive à la guerre à venir, il s'estimerait déjà amplement satisfait.

- Tu fais partie de la famille... Tu es un Stark.

- Ce n'est pas ma maison, répéta-t-il obstinément, semblant comme incapable de dire autre chose. »

Tu me l'as suffisamment bien fait comprendre.

À la place, il se mordit la langue.

« Qu'est-ce qui a bien pu te donner cette idée ? Lui demanda Robb avec une naïveté qu'il aurait pu trouver touchante si la maudite phrase n'avait pas été gravée au fer rouge dans son cerveau.

- A ton avis Robb, si jamais je rentre chez mo... sur les Îles de Fer, à Pyk, rectifia-t-il immédiatement (Pyk n'avait jamais été sa maison, définitivement pas), comment est-ce que mon père va m'accueillir ? Nos deux familles sont ennemies, je n'ai pas vu ma famille depuis des années, je les ai presque tous oubliés ou perdus, j'ai passé plus de temps ici qu'à Pyk... Je me sens chez moi ici, a voua-t-il, mais je ne le serai jamais. Je suis perdu entre deux feux, et si jamais vient le jour où je dois choisir... Je sais que je ne saurai pas quoi faire.

- Est-ce qu'ils te manquent ? Ta famille, est-ce qu'elle te manque ?

- Je... ma sœur me manque. Ma mère me manque. Mais mes frères morts à la guerre et mon père... Non. Et en ce qui concerne ce dernier, si je pouvais ne jamais le revoir, j'en serais ravi, marmonna-t-il dans sa barbe. Sans oublier mes oncles...

- Tu voudrais y retourner ?

- NON ! Jamais. Je te l'ai dit Robb, je me sens chez moi ici...

- Et tu l'es, lui assura une nouvelle fois le loup. Peut-être que tu n'as juste pas à choisir.

C'était ce que Jon lui avait dit à l'époque, à Peyredragon, quand il commençait à peine à se remettre d'avoir été Reek.

Après que sa sœur avait été capturée par Euron.

Tu n'as pas besoin de choisir.

Tu es un Greyjoy. Et tu es un Stark.

- Si seulement c'était aussi facile...

- Non, tu as raison, ça ne l'est pas... Seulement, si jamais tu dois un jour choisir... je veux juste que tu saches que tu auras toujours une place ici. Si jamais ta famille ne veut plus de toi. Ou même si c'est le contraire d'ailleurs.

Maintenant et à jamais.

Peut-être que ça pourrait devenir possible dans cette réalité.

Théon se surprit à sourire.

Puis, à sa grande surprise, ce fut à Robb cette fois-ci de le prendre au dépourvu, et de l'enlacer brusquement.

- Je suis désolé Théon, murmura-t-il, désolé que tu ne te sentes pas à ta place ici. Parce que tu l'es. Cet endroit est ta maison, et tu es un Stark. »

Le fer-né, en entendant ces mots, sentit alors la brèche que les mots de Robb avaient autrefois ouvert dans son cœur se refermer complètement.

C'était ce qu'il voulait, ce qu'il avait toujours rêvé d'entendre, ce qu'il avait toujours voulu.

Est-ce que les choses auraient été différentes, si il le lui avait dit ?

S'ils s'étaient tout deux parlés à cœur ouvert, est-ce qu'il aurait fait un choix différent ?

Il ne le saurait jamais.

Non loin, Arya les observait et fronça les sourcils.

« Pourquoi est-ce que Robb serre Théon dans ses bras ?

- Aucune idée, fit Jon en haussant les épaules. »

§§§§

En réalisant quelle direction ils prenaient, Théon fronça les sourcils.

Sans savoir pourquoi, il sentit un mauvais pressentiment lui tenailler la poitrine.

Il connaissait les lieux, mais n'arrivait à se rappeler de pourquoi y retourner le faisait se sentir aussi mal.

« Robb... où est-ce qu'on va exactement ?

- Je ne sais pas, Arya a dit qu'elle voulait s'entraîner un peu à se battre avec le fils du boucher, elle profite que Septa Mordane soit occupée avec Sansa, ajouta-t-il en souriant. »

De toute évidence, le caractère rebelle de sa petite sœur l'amusait beaucoup.

« Oh ? Très bien... »

Mais, alors qu'ils continuaient tout les quatre de marcher, il sentit son malaise grandir de plus en plus.

Il n'eut sa réponse que quelques minutes plus tard.

Le village.

La ferme.

Les deux enfants de ferme qu'il avait fait tuer.

Plus que tout ses autres crimes, c'était celui-ci qui le hantait le plus.

L'incendie de Winterfell avait été le fait des Bolton, même si c'était bien son attaque qui l'avait provoqué.

Il avait exécuté ser Rodrick Cassel, parce qu'ils étaient ennemis, et ça avait été une monstrueuse erreur, bien sûr.

Mais ces deux enfants...

Il n'aurait pas dû.

Il n'aurait jamais dû faire une chose pareille.

Ils n'étaient que deux enfants innocents, qui n'avaient rien à voir avec toute cette histoire, qui n'y comprenaient sans doute rien, qui n'avaient rien demandé.

Et qui avaient payé parce qu'il n'avait pas su faire les bons choix.

Il le pensait toujours.

Il méritait d'avoir été Reek.

Et tout ce qu'il voulait maintenant, c'était fuir à toute jambes.

Il n'en eut même pas le temps.

Devant lui, juste sous ses yeux, il vit les deux petits garçons jouer ensemble, innocemment, sans se douter de rien.

Il n'avait jamais oublié leurs visages.

Théon se figea immédiatement, l'air quittant ses poumons alors que la culpabilité l'envahissait une nouvelle fois.

Mais cette fois-ci, c'était différent, plus douloureux.

Parce que leur mort avait été abominable.

Parce que ça avait été de sa faute.

Et, alors qu'il les regardait, il ne voyait que leurs corps calcinés, symbole de son échec, de sa monstruosité.

Il se revoyait lui, prétendu et auto-proclamé prince de Winterfell, alors qu'il ne régnait sur rien, haï de tous et méprisé même par ses propres hommes.

Dieux, qu'il avait été pathétique.

Quand il voyait ces deux enfants, il voyait ce qui aurait pu être et serait peut-être à nouveau.

Pas grâce à lui en tout cas.

Il aurait pu agir autrement.

Il aurait pu ne pas attaquer Winterfell.

Il aurait .

Ser Rodrick et mestre Luwin ne seraient pas morts, ces deux enfants non plus, et Winterfell ne serait pas tombé aux mains des Bolton.

Oui, il était retourné dans le passé.

Mais ça n'effacerait jamais ce qu'il avait fait.

Et, alors qu'il regardait encore et encore ces deux gosses innocents et paisibles, Théon Greyjoy sentit quelque chose se briser en lui.

Comme un mur qui s'écroule soudainement après s'être lentement fissuré suite à de nombreuses attaques répétées.

Il avait revu Ser Rodrick, qui avait péri de sa main.

Il avait revu Mestre Luwin, qui avait été tué par un des Fer-né.

Il avait revu Winterfell.

Il avait revu les Stark, et tout ceux qu'il avait trahis.

Mais revoir ces deux gamins...

C'était beaucoup trop à supporter d'un coup.

D'un seul coup, sous les regards stupéfaits d'Arya, Jon et Robb, Théon s'écroula au sol, et se mit à trembler de tout son corps.

Il se ramassa sur lui-même, les images des corps sans vie des deux enfants dansant sous ses yeux, se répétant sans cesse, accompagnées des hurlements de désolation des habitants de Winterfell.

Il revoyait la mort de ser Rodrick, il revoyait son discours enflammé avant la bataille contre les Bolton, il se revoyait assommé par les Fer-nés, il revoyait mestre Luwin l'implorant de faire le bon choix, de partir au Mur, et de prendre le noir.

Rodrick lui avait dit qu'il était désormais perdu, juste avant de mourir.

Il avait eu raison.

À cet instant précis, dans sa tête, tout explosa, et, sans même plus entendre les voix paniquées de Robb, Jon et Arya lui demandant ce qu'il lui arrivait, il sentit sa respiration s'accélérer de plus en plus, jusqu'à en devenir complètement erratique, trop rapide, sifflante, paniquée, presque désespérée.

Il n'arrivait plus à respirer normalement.

Ses dernières barrières venaient de s'écrouler, de se briser en mille morceaux.

Il continua de trembler, et de suffoquer, les larmes aux yeux, sans même s'apercevoir que les deux enfants en question étaient déjà loin, et que seul lui et les trois autres étaient encore là.

Ramsay avait également eu raison.

Les fins heureuses, ce n'était pas pour lui.

Il ne vit pas que Robb se rapprochait de lui, et ce dernier mit sa main sur son épaule, avant de brutalement le secouer, afin de lui faire reprendre ses sens.

Mauvaise idée.

Ses tremblements ne s'arrêtèrent pas, bien au contraire, et en sentant cette main le toucher, se sentant en danger, croyant que Ramsay était revenu pour le briser, il eut la seule réaction qu'il pouvait avoir dans ce genre de situation.

Il hurla.

Il hurla de toutes ses forces, il hurla comme il n'avait jamais hurlé auparavant, la gorge serrée, la poitrine déchirée, le cœur en morceaux, il hurla sa peine, sa colère, sa douleur, son désespoir, sa culpabilité.

Tout ça concentré en un seul cri, sans un seul mot, en un seul son, un seul hurlement d'horreur.

Un hurlement qui résonna dans tout Winterfell.

Un cri que tout le monde entendit, mais que personne ne comprit.

Un appel à l'aide, voilà ce que c'était.

Tout les cris qu'il retenait en lui depuis Fort-Terreur, tout ceux qu'il n'avait pas pu laisser sortir.

Tout ce qu'il voyait devant lui, c'était la mort, encore la mort, toujours la mort, il ne voyait plus Winterfell, ni Robb, ni Jon, ni Arya.

Il s'était égaré dans son propre esprit.

Et, alors que le jeune homme continuait de hurler, les trois Stark continuaient de le regarder avec stupeur, ne sachant que faire.

Théon se prit la tête entre ses mains, hurlant encore et encore.

Il avait l'impression que son crâne allait exploser, tellement il avait mal.

Arya, quant à elle, s'était mise à trembler, et était au bord des larmes.

La crise qu'avait Théon ressemblait trait pour trait à celle qu'avait eu Bran.

Et à nouveau, Arya ne comprenait pas ce qu'il se passait.

Elle avait peur.

Le noble hurlait, comme si quelqu'un l'avait grièvement blessé, mais pourtant, il ne l'était pas.

À moins que la blessure ne soit pas visible ?

« Jon ? Est-ce que... est-ce que Théon est en train de mourir ?

Le bâtard la serra fort contre lui.

Oh, pauvre Arya, petite Arya, qui ne connaissait encore rien de la mort...

Jon se força à sourire.

- Non petite sœur... Ne t'en fait pas, tout ira bien. »

Rien n'était moins sûr...

§§§§

Bran frissonna en entendant le hurlement de Théon résonner dans l'air.

Il était avec mestre Luwin, en train d'étudier l'histoire des sept couronnes (histoire qu'il connaissait désormais presque par cœur, puisqu'il en avait vu les moments clés, ce qui lui permettait de parfois laisser son esprit vagabonder quand il le voulait), avec Rickon.

Et, alors que le cri continuait sans fin, il sut qu'il devait faire quelque chose, n'importe quoi.

Il ne pouvait pas laisser Théon souffrir comme ça.

Il se leva précipitamment.

« Pardon mestre Luwin, mais il faut que j'y aille...

- Quoi ? Enfin Bran, où vas-tu ? »

Montrer à Théon qu'il n'est pas seul.

« Je vais voir ce qu'il se passe, mentit-il. »

Il se rendit directement dans le bois sacré, là-bas au moins, personne ne verrait ce qu'il était en train de faire.

Il s'assit par terre, et ferma les yeux.

Il s'était déjà un peu ré-entraîné à utiliser ses pouvoirs de zooman, dans la matinée, en réussissant à posséder un corbeau l'espace de quelques secondes.

Ses yeux se révulsèrent alors qu'il cherchait à atteindre l'esprit de Théon avec le sien.

Ce dernier hurlait toujours, et le cœur de Bran se serra.

Alors qu'il entrait dans la tête de Théon, il faillit lui-même se mettre à hurler.

C'était presque... ridiculement facile, en un sens.

À force, il était habitué à utiliser ses capacités de zooman, son retour dans le temps n'avait heureusement aucunement altéré ces dernières.

Quand il parvint à enfin se fixer dans l'esprit du fer-né, le plus difficile fut en réalité d'y rester et de ne pas en être expulsé directement, à cause du véritable bordel qui y régnait.

Mais, quelques secondes plus tard, il parvint à s'y frayer une place, et à y rester accroché.

Théon, arrête de hurler...

Tout va bien.

L'otage, à cet instant précis, cessa immédiatement de hurler, au grand soulagement de ses proches, mais alors qu'il le regardait, Robb trouva que son regard était étrangement vide, et il sursauta en voyant les yeux de son ami se révulser brusquement.

Il tremblait toujours autant, ses ongles désormais profondément enfoncés dans ses genoux, et Robb ne savait pas quoi faire.

Pendant ce temps-là, Bran se promenait tranquillement dans le cerveau de Théon Greyjoy, et il se rendit compte rapidement d'une chose.

Son esprit était un véritable champ de bataille.

Et, enfermé dans son propre esprit comme il l'était par Bran, Théon n'avait toujours pas arrêté de hurler.

Bran le regarda, et se figea, le regard empli d'horreur.

Celui qui était en face de lui n'était pas Théon Greyjoy.

C'était Reek.

Les habits déchiquetés, le corps mutilé, le regard vide, pas de doute, il était redevenu la créature de Ramsay.

Et ils étaient de retour à Fort-Terreur.

L'ancienne corneille se rapprocha rapidement de lui, et utilisant au mieux sa connaissance du monde des esprits, il tenta de changer l'environnement, avec succès.

Théon tremblait toujours, mais ils étaient revenus à Winterfell, et Théon était redevenu Théon, physiquement du moins, c'était mieux que rien.

« Théon, regarde-moi.

- Pas Théon ! Hurla-t-il, comme autrefois, quand sa sœur avait tenté de le sauver de Ramsay, à Fort-Terreur. Reek !

Par les sept, et toutes les divinités que comptait Westeros...

Théon parviendrait-il un jour à oublier ?

Probablement jamais, pensa Bran avec tristesse.

Il se croyait revenu à Fort-Terreur, il pensait que Ramsay était encore là, et que les derniers jours n'avaient été qu'un beau rêve, qu'on venait à peine de brutalement lui arracher.

Reek, Reek, Reek.

Le mot courrait dans l'esprit de Théon, se répétant sans cesse, encore et encore.

Et ce n'était pas la seule chose que son esprit était en train de hurler à plein poumons, quand son corps ne le pouvait pas.

Bran blêmit instantanément quand il comprit ses paroles.

« Tues-moi... Par pitié, Robb, tues-moi... »

Tues-moi, tues-moi, tues-moi, TUES-MOI !

Bran crut qu'il allait vomir.

Théon répétait cela, sans cesse, et le pré-adolescent réalisa soudainement l'évidence.

Théon avait envie de mourir.

Ce n'était pas juste de la culpabilité, et pas la seule raison pour laquelle il n'avait cessé de répéter : j'aurais dû mourir avec lui aux Noces Pourpres.

Théon Greyjoy avait vraiment envie de mourir.

Et, alors qu'il le voyait ainsi, si misérable, l'esprit tellement brisé par la douleur et la culpabilité, Bran réalisa que toute sa rancœur venait de s'évanouir.

Il l'avait pardonné, pour de bon.

Tout doucement, il se dirigea vers Théon, comme on s'approche d'un animal blessé, et le serra dans ses bras.

« Théon... écoute-moi... Je te pardonne. Pour tout, pour Winterfell, pour ta trahison. Tu as suffisamment payé, suffisamment souffert comme ça. Tu mérites de vivre. D'être heureux. Vraiment. Alors s'il te plaît, crois-moi quand je te dis que tu as le droit de vivre. Et si jamais tu t'en veux toujours, vis pour nous, vis pour régler ta dette, pour te racheter, si tu penses encore que ce que tu as fait n'est pas suffisant. Vis pour Robb, et à la mention du Jeune Loup, une flamme sembla se rallumer dans le regard du Fer-né, pour le plus grand soulagement de Bran. »

Il avait cessé de hurler.

« Théon, regarde-moi. REGARDE-MOI ! Ce qui est mort ne saurait mourir, alors je t'en supplie, Théon, bats-toi ! »

Théon hocha brusquement la tête, semblant avoir compris, et Bran relâcha son contrôle, retournant dans son propre esprit.

Les yeux de Théon revinrent à la normal, et il regarda Robb avec un air interloqué, clignant des yeux pour se remettre du choc, avant de se mettre à sourire avec tristesse.

« Je suis désolé, murmura-t-il, ce que Robb ne comprit pas. »

Juste avant de perdre connaissance.

Robb l'accueillit dans ses bras avant qu'il n'atteigne le sol, toujours aussi terrifié que quelques minutes plus tôt, quand Théon ne répondait pas à ses appels, mais rassuré malgré tout de voir que son cœur battait toujours et que tout semblait être revenu à la normale.

Il le prit dans ses bras, le serrant contre lui, fort, comme décidé à le protéger de tout les dangers du monde.

Par les dieux...

Que venait-il de se passer ?

§§§§

Bran savait que ce n'était probablement pas le bon moment pour en parler.

Son père était très secoué (tout comme Bran lui-même) par ce qu'il venait d'arriver à Théon, et ne serait probablement pas réceptif.

Mais le temps pressait, et mestre Luwin avait dit que de toute façon, ils ne pouvaient qu'attendre que Théon se réveille de sa... « crise », en quelque sorte.

Que pouvait-il faire d'autre, si ce n'est essayer de calmer son angoisse en parlant d'une de ses peurs les plus grandes ?

Il avait vu l'armée des morts.

Et le roi de la nuit.

Il savait ce qui les attendait.

L'hiver éternel, la Longue Nuit, le froid, la glace, la mort, l'oubli, la destruction définitive de tout ce qu'il leur était cher.

Et Bran avait tout sauf envie de rester les bras croisés pendant les sept prochaines années à craindre pour la vie des gens qu'il aimait.

Il allait se battre.

Et le roi de la nuit et ses troupes n'avaient qu'à bien se tenir.

« Père ? Il faudrait que je vous parle. En privé, et maintenant. C'est urgent. »

Ned Stark, qui était lui aussi au chevet de Théon (qui ne s'était toujours pas réveillé), comme tout les autres membres de la famille Stark, releva la tête et regarda son fils.

Jamais Bran ne lui avait parut être aussi sérieux qu'à cet instant, à part peut-être le jour où il avait eu son malaise, un malaise d'ailleurs étrangement semblable à celui que venait d'avoir Théon.

Il amena son fils jusqu'à son bureau, et, prenant place, il le regarda avec curiosité.

« Qu'y a-t-il Bran ?

Le zooman croisa les bras, bien décidé à ne pas y aller par quatre chemins.

- Je suis venu pour vous parler des marcheurs blancs.

Son père eut l'amabilité de ne pas lever les yeux au ciel.

Il aurait pu, et son sourire amusé trahissait le peu de cas qu'il faisait de la mise en garde de son fils.

Ce dernier, lui, se sentait impuissant comme jamais, presque désespéré de voir que personne ne le croyait encore, alors que la menace était là, tout près, tapie dans l'ombre, n'attendant qu'une erreur de leur part pour les détruire tous.

Il avait beau être le fils de Lord Stark, il n'était encore qu'un enfant, il n'avait aucun poids ici, aucune influence réelle, personne ne l'écoutait ou ne le prenait au sérieux.

- Bran... les marcheurs blancs ont disparu il y a des milliers d'années. »

NON !

Que pouvait-il faire, que pouvait-il dire, bon Dieu, pour qu'on le croit enfin ?

« Je sais que vous n'avez pas vaincu Arthur Dayne tout seul, Howland Reed vous a aidé.

- Je ne vois pas ce que ça a à voir avec...

- Je sais qui est la mère de Jon, lâcha-t-il soudainement. Et je sais aussi qui est son père. Je sais que vous lui avez fait une promesse, celle de veiller sur son fils, et vous l'avez fait. Je sais qu'il n'est pas un bâtard. »

Eddard blêmit instantanément.

« Comment... est-ce que tu peux savoir ça ? Personne d'autre dans les Sept Couronnes ne le sait...

- Et personne d'autre ne doit le savoir Père, je le sais... Je vous l'ai déjà dit, j'ai eu des visions, du passé, du futur. J'ai vu les marcheurs blancs, ils sont réels, et ils arrivent. L'hiver vient, et si nous ne faisons rien pour le stopper, bientôt, il nous emportera tous. Et il ne restera plus rien. Excepté l'hiver. Et la Longue Nuit.

Alors, Père, faites ce que vous voulez, mais je vous en supplie, écoutez-moi. Envoyez un message à la garde de nuit pour vous assurer que ce que je dis est vrai, interrogez des sauvageons en provenance d'au-delà du Mur, et si jamais on vous ramène un déserteur de la garde de nuit qui prétend avoir vu des marcheurs blancs... écoutez le avant de le faire exécuter. S'il vous plaît. Nous devons être forts, et unir tout Westeros contre la menace à venir, sinon nous sommes perdus.

- Bran... tu as bien conscience que, même si ce que tu dis est vrai, peu nombreux seront ceux qui y croiront. Ou même qui seront prêts à se battre.

Le sourire de Bran se chargea d'un cynisme que son père n'avait encore jamais vu en lui.

Ce qu'il avait vécu avait laissé des traces, de toute évidence.

Ce n'était plus un enfant, depuis bien longtemps.

- Je sais dans quel monde nous vivons père... Cela ne me rend que d'autant plus déterminé à le sauver de la ruine qui s'annonce.

Ned soupira.

- Très bien Bran, j'enverrai un corbeau au Lord Commandant, à Château-Noir, pour vérifier tes dires. Mais j'espère sincèrement que tu te trompes. »

Non Père.

Jamais je n'ai été aussi sûr d'avoir raison.

Cette fois-ci, il s'autorisa à sourire avec un peu moins d'amertume.

Tout seuls, ils étaient démunis, impuissants, désunis, inutiles.

Mais si ils hurlaient tous ensemble, à plein poumons, pour alerter le monde du danger qui s'annonçait, peut-être parviendraient-il à enfin se faire entendre.

Bran l'espérait, de tout son cœur.

Dieux, il l'espérait tellement fort.

A suivre...