Chapitre 18 : Et enfin te voilà.

Je compte me casser définitivement sur AO3, donc à part les fics déjà existantes, je ne pense pas poster de nouveaux trucs sur ce site, donc si jamais mes fics vous intéressent (meh tu parles…), suivez-moi là-bas si le cœur vous en dit ! (Et ff veut pas du lien, évidemment, il est sur mon profil, ou sinon c'est le même pseudo mais tout attaché et avec un 2 à la fin)

Depuis qu'il était revenu dans le passé, le temps n'avait plus exactement la même signification ou même le même fonctionnement pour Theon Greyjoy, probablement parce que désormais, il avait deux vies dans la tête qui, mises en parallèle, ne faisaient absolument pas sens ensemble.

Avant, avant tout ça, avant d'avoir vécu cette vie qui n'était plus la sienne, ces sept années parties dans le vent en un instant mais dont il se souvenait toujours, avant d'être brisé puis de s'être reconstruit comme il le pouvait, puis d'atterrir dans une réalité où il n'avait jamais été brisé tout en se souvenant l'avoir été (oh par le dieu noyé, ça lui donnait mal au crâne), il n'aurait pas pensé ainsi.

Avant, quand le monde n'avait pas encore explosé et tournait à peu près rond, quand il était encore lui-même, il n'aurait pas eu cette peur au ventre constante de ne pas avoir assez de temps, de ne pas être assez fort non plus pour arriver à empêcher l'inévitable de se produire.

La guerre des cinq rois.

La destruction du royaume s'effondrant sur lui-même, et les sept couronnes plus désunies que jamais, les prétendants au trône s'écharpant tous pour le trône de fer, Daenerys Targaryen et ses dragons…

Et tout ce qui allait naturellement avec, la douleur, la mort, la destruction, le chaos.

Et la longue nuit, la mort en chemin qu'ils ne pouvaient pas arrêter, pas avant d'avoir réglé le problème (ou plus exactement le faisceau de problèmes, voire le nœud entier de problèmes) qu'ils avaient sur les bras.

Sans oublier cette sensation terrible, atroce, abominable, d'avoir l'impression de se réveiller tous les jours avec un compte à rebours vissé sous son crâne, parce que six ans c'était à la fois beaucoup et pas assez, et parce que connaître à l'avance une partie des évènements à venir ne changerait absolument rien.

Déjà parce que l'avenir restait incertain, certaines choses pouvaient changer, et ils ne savaient pas tout non plus, même si Bran était définitivement un allié de poids de ce côté, et surtout…

Ils étaient cinq par les sept, comment est-ce que cinq personnes pouvaient réussir à changer le cours des choses, comment pouvaient-ils un tant soit peu sauver le monde de sa destruction à venir ?

(Il avait déjà du mal à ramasser les morceaux brisés de lui-même pour les réunir et les faire tenir ensemble, alors qu'en était-il de l'univers lui-même ?

Hé bien c'était très simple, l'univers allait lui rire au nez pour avoir osé croire une seule seconde qu'il serait capable de faire une chose aussi impossible que le réparer alors qu'il ne pouvait même pas se réparer lui-même.

Vraiment, c'était incroyablement pathétique.)

Le profond sentiment d'être seul dans l'univers aussi.

Le monde était sur le point de s'effondrer, et personne ne le voyait venir…

Mais plus que ça, il y avait cette double mémoire, tous ces souvenirs qui s'entrechoquaient les uns avec les autres, qui se bousculaient, se mélangeaient dans sa tête, et faire le tri entre ce qu'il avait vécu et ce qui n'était pas encore arrivé n'avait rien de simple, bien au contraire.

Parfois, il avait presque le sentiment que la réalité se dissolvait sous ses doigts, qu'il ne pouvait plus s'accrocher à quoi que ce soit de tangible ou même de rassurant, et que, d'une seconde à l'autre, il allait se réveiller à Fort-Terreur, le sourire sadique de Ramsay posé sur lui, comme si rien du tout ne s'était passé.

Et il avait l'impression diffuse qu'il en était de même pour Yara (pour Bran aussi peut-être, mais il savait aussi déjà avant ce que ça faisait que de voyager entre plusieurs époques, contrairement à lui. L'expérience ne devait pas être si différente dans le fond.) alors même que sa sœur, sa grande sœur, si forte, si courageuse, qui semblait parfois invulnérable et presque invincible, s'accrochait à lui, le serrait dans ses bras comme si sa vie en dépendait.

Comme si elle avait peur elle aussi qu'en le lâchant, il lui serait arraché une nouvelle fois, et qu'à son tour, elle retournerait là où elle était avant, lorsqu'elle était encore aux mains d'Euron, et il perçut ce changement en elle, cette fragilité qu'elle avait si peu affiché depuis qu'il était revenu aux Îles de Fer, qui lui montrait que oui, effectivement, même si ils n'avaient techniquement rien vécu de ce futur fait de cendres, de douleurs, de trahison, de torture et de regrets amers…

Ils avaient changé tous les deux, grandement, et ce, pour toujours…

« Yara…

- Quoi ? Fit-elle, le serrant toujours aussi fort, semblant comme avoir oublié le monde autour d'eux.

- Tu… tu m'étouffes là, finit-il par admettre.

Elle desserra un peu son étreinte autour de lui, mais sans le laisser complètement partir pour autant, et il retint avec difficulté un éclat de rire, la gorge légèrement nouée.

Les Fer-nés n'étaient pas des personnes très démonstratives, Yara ne faisait pas exception à la règle, surtout en grandissant dans un monde où deux de ses frères étaient morts, où le troisième était devenu un étranger pour elle, et où la santé mentale de sa mère se délitait peu à peu dans l'air.

Elle avait grandi seule, en somme, élevée en héritière d'un père aussi froid et sec que l'était le vent qui soufflait autour des Îles de Fer, elle était devenue en conséquence aussi rude et impitoyable qu'elle était supposée l'être.

Alors, pour qu'elle le serre ainsi dans ses bras, de cette manière, aussi longtemps et devant tout le monde qui plus est, il fallait vraiment qu'elle ait eu peur de le perdre, et même si il savait déjà qu'elle ne pleurerait pas (pas ici en tout cas), tout comme lui, il entendit distinctement le bruit du sanglot qu'elle réprima alors que ses bras étaient toujours enroulés autour de lui, comme défiant le monde entier de vouloir jamais le lui prendre de nouveau.

Un silence de mort régnait actuellement, et Theon osa finalement parler de nouveau pour le briser.

- Hum… Tu sais, moi aussi je suis content de te voir, vraiment, mais…

- Quoi ?

- On est au milieu de la cour du château de Winterfell, et je ne sais pas depuis combien de temps tu m'enlaces, mais ça doit faire déjà plusieurs minutes, et tout le monde nous regarde.

- Oui, en effet… Et alors ?

- Alors… Officiellement ce n'est pas moi que tu es venue voir, alors tu devrais peut-être… aller présenter tes hommages au seigneur et à la dame de Winterfell ?

- Peu importe… Si tu savais à quel point je m'en fous là tout de suite… J'aurai le temps de le faire plus tard, quand je le voudrai, ou maman le fera à ma place, mais… Là tout de suite, ce que je veux c'est te serrer dans mes bras, et m'assurer que tu ne vas nulle part. Que tout cela n'est pas qu'un rêve et que je ne vais pas me réveiller en entendant le rire cruel d'Euron me percer les tympans…

- Je suis là, je suis vraiment là Yara…

- Et il n'y a pas que cela, Theon, je… Je t'ai perdu pendant plus de dix ans, et en un sens je ne t'ai jamais réellement retrouvé, puis je t'ai reperdu, par deux fois, on t'a arraché à moi tant de fois, et je… Je veux juste que personne ne nous vole ce moment… Jamais. Alors s'il te plaît, contente-toi de me laisser te serrer dans mes bras, et par pitié, tais-toi. »

Quand il éclata de rire la seconde suivante, le fer-né eut alors le sentiment pour la première fois que la réalité avait enfin de nouveau un sens et que les choses étaient finalement revenues à leur juste place.

Perdus dans leurs retrouvailles, aucun d'eux ne vit la façon dont les yeux de Lady et Lord Stark s'étaient adoucis lorsque la seiche s'était jetée dans les bras de son petit frère.

Bien, à première vue, leur petit louveteau ne serait pas en danger avec elle dans les parages si jamais ce mouvement de sa part était bien sincère.

§§§§

Parce que tout doit se finir un jour, ils se séparèrent finalement l'un de l'autre, ne prêtant aucunement attention aux personnes autour d'eux, et après tout, c'était bien normal, en théorie, ils ne s'étaient pas vu depuis des années, évidemment que les retrouvailles allaient être chaleureuses et émouvantes, Fer-nés ou pas.

Un sourire amusé sur le visage, Yara se retourna en direction de sa mère qui était restée figée sur place.

« Theon, je crois que… qu'il y a quelqu'un ici qui souhaiterait enfin te revoir et te parler. »

Alannys savait que son petit garçon avait changé depuis le temps, il avait grandi, dix ans après, c'était plutôt normal, mais tout de même, elle ressentit un grand coup en le voyant ainsi, adulte, mais vivant et sain et sauf, elle ressentit à la fois un pincement au cœur et une bouffée de joie lui réchauffer le cœur.

C'était son fils, et il était là, il était vivant, et qu'importe qu'il soit devenu un loup désormais, il allait bien, aussi bien que possible, et elle avait déjà perdu deux enfants, elle n'en perdrait pas un troisième, par le dieu noyé, elle s'en faisait le serment solennel.

Ni rien ni personne, et surtout pas Balon ne pourrait l'en empêcher.

Elle le regarda, son enfant, son tout petit, et elle n'avait plus que quelques mètres à franchir pour enfin le prendre dans ses bras pour la première fois depuis ce qu'il lui semblait être une éternité, il était là, il était réel, alors qu'elle avait passé des années entourée par son ombre et celle de ses frères morts au combat.

Et pourtant, malgré tout, malgré ça, malgré cette joie indescriptible qui envahissait le corps entier de la Fer-née, elle n'arrivait tout simplement plus à bouger.

De même que son fils, qui, suite aux mots de Yara, avait compris en l'espace d'une seconde qui était en face de lui, sa mère, celle qu'il n'avait pas vue depuis des années, celle qui, finalement, était devenue folle, seule, là-bas, sur les Îles de Fer, et peut-être que si il avait pu lui parler à son retour sur Pyk, il se serait senti un peu plus à la maison à l'époque.

Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas été dans la même pièce qu'elle, qu'au final, il avait presque tout oublié d'elle, il avait oublié à quoi elle ressemblait, il avait oublié son visage, par les sept, il avait même oublié le son de sa voix, il avait oublié son sourire.

En revanche, il se souvenait de l'accueil froid et dépourvu d'amour qu'il avait reçu à son retour lors de la guerre des cinq rois, du regard méprisant et indifférent de Balon Greyjoy, alors qu'il était son dernier fils vivant par les sept !

D'un seul coup, il redevint le petit garçon de dix ans à peine qu'on avait arraché à sa mère sans qu'il ait son mot à dire à ce sujet, et qu'il n'avait en un sens jamais cessé d'être, et il sentit une boule d'angoisse et de souffrance envahir son estomac à cette pensée.

Et pourtant, lorsqu'elle lui sourit d'un sourire hésitant mais néanmoins sincère et chaleureux, il sentit son angoisse immédiatement se dissoudre pour de bon, et c'était elle, c'était bien elle, c'était sa mère, elle était là, et il n'arrivait toujours pas à y croire.

« Theon ? Lança-t-elle alors, presque comme si, elle aussi, elle n'était pas sure et certaine qu'il soit véritablement réel, elle qui avait passé des années dans l'ombre et les ténèbres, à la lisière de la folie, voyant les ombres de ses enfants, morts comme vivants, partout où elle posait les yeux.

Maman ? S'autorisa-t-il à penser, ce mot qu'il n'avait pas prononcé depuis tellement d'années qu'il avait presque fini par oublier sa signification.

- Je… Bonjour mère, parvint-il enfin à dire en se dirigeant lentement vers elle, et, en un sens, le temps s'était d'un seul coup arrêté.

Ce temps, ce si précieux temps qu'ils se devaient de ne pas gâcher si ils voulaient pouvoir réussir à vaincre cet ennemi impossible à détruire, c'était comme si il n'existait plus, comme si il avait été aboli, au moins pendant un léger instant, et que la seule chose qui comptait, c'était eux et personne d'autre.

Cette mère et son fils qui avaient été cruellement arrachés l'un à l'autre, et qui, enfin, allaient pouvoir se retrouver de nouveau.

Alors qu'il se jetait dans ses bras et qu'elle l'y accueillait sans la moindre hésitation, il sentit comme une digue céder en lui, le dernier barrage qui l'empêchait encore de craquer, et qui avait déjà été bien entamé par l'arrivée de Yara.

Cette fois, il éclata en sanglots, et si tout le monde put le voir fondre en larmes, ça n'avait pas la moindre importance.

Parce que sa mère pleurait elle aussi, et qu'il était sûr et certain que Yara était également en train de faire de même…

A suivre…