Chapitre 19 : L'espoir fait vivre.
Titre du 12/07/2020 : L'espoir fait vivre
ND'A : Ah oui et après y avoir réfléchi en fait je vais plutôt partir sur du Sansa/Yara et du Daenerys/Margaery en fin de compte. Voilà.
Alannys se sentait revivre.
Elle avait été un fantôme pendant si longtemps, là-bas, enfermée dans sa tour, se sentant mourir et devenir folle à petit feu, entourée qu'elle était par les ombres de ses enfants morts et de celui qu'on lui avait arraché, qu'elle avait fini par en oublier ce que cela faisait que de se sentir tout simplement vivre.
La fer-née avait passé des années à pleurer ce que la guerre et la rébellion de son maudit époux lui avaient coûté, le cœur lacéré, en morceaux, et désormais, alors qu'elle serrait son petit garçon (plus si petit que ça désormais) contre elle, si elle pleurait, ce n'était définitivement pas de désespoir.
Mais bien de joie.
Rien n'était réglé, de toute évidence, et pour optimiste qu'elle soit quant à la future tournure des choses, elle savait bien que rien ne serait probablement jamais totalement réglé à vrai dire, mais là tout de suite, ça n'avait pas la moindre importance.
Là, ici et maintenant, elle n'était plus Alannys Greyjoy, née Harloi, elle n'était plus la dame des Îles de Fer, elle n'était plus qu'une mère qui venait enfin de retrouver son enfant.
Juste une seiche qui pouvait enfin serrer son fils dans ses bras sans avoir peur qu'on le lui arrache à nouveau.
Pour la première fois depuis bien des années, Alannys Greyjoy s'autorisa pleinement à respirer.
Alors qu'elle continuait de serrer son fils contre son sein, férocement, semblant comme vouloir le protéger de tous les dangers du monde, et que ses sanglots se calmaient peu à peu après quelques minutes d'étreinte, elle releva la tête.
Et alors, elle croisa le regard de la louve en face d'elle, Catelyn Stark, celle qui était en théorie son ennemie, tout comme l'était l'ensemble des gens présents autour d'elle, et pourtant, étrangement, elle ne ressentait absolument aucune crainte, aucune peur d'aucune sorte.
Elle se sentait en sécurité en ces lieux où elle n'était pas la bienvenue, bien plus en sécurité ici que lorsqu'elle était encore sur les Îles de Fer, peut-être parce qu'elle savait que son fils, bien qu'otage, était bien plus ici chez lui qu'il ne l'avait jamais été lorsqu'il était encore un kraken autrefois.
Quelle tristesse, vraiment.
Elle soutint le regard de l'autre femme pendant quelques secondes, après avoir posé ses yeux furtivement sur ses louveteaux, ses enfants, qui se trouvaient à quelques pas d'elle.
Il ne leur fallut que quelques secondes, durant cet échange de regards, pour se comprendre parfaitement, sans même se dire un mot.
Elles étaient femmes, elles étaient des dames, elles étaient nobles, mais surtout, elles étaient mères.
Et la louve et la seiche pouvaient se révéler être très redoutables lorsqu'on tentait de s'en prendre à leurs petits, c'était une certitude.
Catelyn Stark ne savait pas encore si elle faisait pleinement confiance à Alannys Greyjoy.
Tout ce qu'elle savait, en revanche, c'est qu'elle se reconnaissait entièrement en elle.
« Tu m'as manqué Theon… parvint-elle enfin à dire, la gorge nouée, les larmes aux yeux, et pourtant le sourire aux lèvres. Tu m'as vraiment beaucoup manqué.
- Vous aussi mère, avoua-t-il à son tour, vous aussi vous m'avez énormément manqué. »
C'était comme si, enfin, au moins pour un petit moment, le monde recommençait à tourner rond.
§§§§
Finalement, ils parvinrent tout de même à mettre fin à cette étreinte, et, alors que Theon reprenait place aux côtés des enfants Stark, sa mère essuya ses larmes, tandis qu'il faisait de même, et elle reporta son attention sur le seigneur et la dame des lieux.
« J'imagine que nous n'allons pas devoir y couper, ironisa Yara avec amusement, afin de dérider un peu sa mère, qui se fendit d'un léger sourire.
- En effet, je le crains… Fit sa mère avec le même ton. Mais si nous voulons nous faire accepter ici, nous allons devoir en passer par là, et ça inclut le fait de passer un accord avec eux. »
Ce n'était pas foncièrement ça le problème, non, c'était plutôt le fait que, malgré tous ses bons sentiments et ses bonnes intentions, Yara Greyjoy restait une fer-née.
Elle était une seiche, une fille de la mer, et les Stark restaient ses ennemis, et même si son frère les aimait et leur faisait confiance, elle-même ne les connaissait pas, et ils ne la connaissaient pas non plus, alors elle allait avoir un peu de mal à ne pas rester sur ses gardes en permanence au cours de son séjour, et elle savait pertinemment que c'était parfaitement réciproque.
Et d'un autre côté, elle ne pouvait pas foncièrement leur donner tort à ce sujet, son père s'était déjà rebellé une fois (et on voyait bien ce que ça avait donné…), il comptait le refaire, et elle-même aurait menti si elle avait affirmé n'avoir absolument aucune volonté d'indépendance.
Bien au contraire, même si les choses avaient changé maintenant, qu'elle n'était plus la même qu'avant, que ses priorités et ses objectifs eux-mêmes étaient différents désormais, elle rêvait toujours d'une couronne et d'un trône, pas du trône de fer (même si elle avait bien rêvé de Daenerys Targaryen autrefois, mais ces songes appartenaient au passé désormais), et de l'indépendance de son peuple, mais…
Mais elle savait bien que le moment n'était pas le plus propice pour parler d'indépendance, de conquête, de guerre et de rébellion, son père s'était rebellé, par deux fois dans une réalité qui n'existait déjà plus, et la deuxième fois, il avait vaincu pendant un temps…
Oui, mais…
Mais qu'est-ce que ces deux rébellions avaient apporté à son cher père exactement ?
Rien.
Rien du tout, tout simplement, bien au contraire à vrai dire.
Elles lui avaient pris bien plus qu'elles ne lui avaient donné.
La première guerre lui avait tué deux de ses fils, lui avait arraché le troisième, avait poussé sa femme au bord du précipice de la folie, et il avait perdu.
Quant à la deuxième, ce n'était guère mieux, il n'était certes pas mort de cette guerre (non, c'était Euron qui s'en était chargé, probablement la seule chose bien qu'il avait jamais fait de sa vie), mais Theon…
Oh que le dieu noyé la pardonne, mais jamais elle ne serait capable de le pardonner lui pour ce qui était arrivé à son petit frère (il y avait Ramsay Bolton sur sa liste, et il ferait bon pour le bâtard de Fort-Terreur que celui-ci ne croise jamais sa route dans cette vie-là sinon elle ne savait pas exactement si elle pourrait se retenir de le tuer), pour son indifférence et sa complète froideur lorsqu'il avait disparu et qu'elle s'était retrouvée seule.
Sans père, sans mère, rien ni personne de sa famille pour l'aider, la soutenir, ou seulement lui dire que tout irait bien.
Elle s'était battue, elle s'était battue seule, elle était partie chercher son frère, elle était allée le sauver sans que son père en ait quoi que ce soit à foutre, sans que sa mère redevienne elle-même, et elle aussi elle avait perdu.
Elle avait perdu son frère une nouvelle fois, avait cru le perdre pour toujours, puis elle l'avait retrouvé, et avant même ce retour dans le passé inespéré, elle s'était jurée que plus jamais elle n'accepterait de le perdre.
Donc non, elle se refusait à tenter quoi que ce soit, parce que qui disait indépendance disait rébellion, et donc guerre, et elle n'avait pas fait tout ce chemin jusqu'à Winterfell pour voir son petit frère se faire tuer juste parce qu'elle voulait faire comme son père.
Oh, elle aurait pu faire en sorte de l'emmener avec lui, mais ça n'aurait jamais pu marcher, elle le connaissait bien maintenant, jamais il ne voudrait abandonner les Stark à leur sort, pas après tout ce qu'il s'était passé, et elle le comprenait.
Elle allait devoir faire ce qu'aucun d'eux deux n'avait pu faire à l'époque, et qui les avait tous les deux perdus : des compromis.
Alors oui, l'indépendance, surtout dans ces conditions, alors que les marcheurs blancs fondaient sur eux et que les Sept Couronnes étaient plus désunies que jamais, c'était hors de question, pas maintenant, peut-être même jamais, qui sait mais…
Mais ça n'avait pas la moindre importance, tant que ce qu'ils allaient faire comptait un tant soit peu, tant qu'ils parvenaient à réparer le monde, qu'elle ne devenait plus jamais la prisonnière de qui que ce soit, et que son frère et sa mère allaient bien, c'était la seule chose qui comptait pour elle.
(Et si son oncle Euron se mêlait une seule seconde de tout cela, elle se ferait un plaisir de le décapiter elle-même.)
§§§§
Alors que sa mère partait saluer Eddard et Catelyn Stark, et que les soldats fer-nés qui constituaient leur garde suivaient l'intendant Vayon Poole ainsi que Jory et Rodrick Cassel là où ils étaient censés aller (peu importe où exactement, du moment qu'aucun d'eux ne causait de problème), Yara engagea la conversation avec son petit frère tout en regardant autour d'elle.
Les regards posés sur elle venant des gens de la maisonnée, pour autant qu'elle pouvait en juger, n'avaient pas l'air proprement hostiles, mais plutôt circonspects et curieux.
Bien, le tout c'était maintenant de réussir à faire bonne impression si possible, ce qui… n'était pas réellement son fort, elle devait le reconnaître.
Surtout en terrain ennemi.
Elle fronça brièvement les sourcils en surprenant le regard rempli d'admiration d'une gamine posé sur elle, elle était l'une des Stark semble-t-il, et…
Oh…
Oui, évidemment.
« Ainsi, voilà donc la fameuse Arya Stark, murmura-t-elle le moins fort possible à Theon.
Ce dernier ricana, et Yara s'autorisa à sourire, heureuse de pouvoir le voir faire ça de nouveau, rire comme avant, comme s'il était définitivement redevenu lui-même, et elle savait bien que ce n'était pas le cas, elle voyait bien les fissures, les fêlures dans son rire, qu'il essayait de cacher à tout le monde, mais pour l'instant son petit frère souriait.
Il souriait, le monde ne s'était pas encore écroulé, alors elle tenta de se persuader encore pendant quelques secondes que tout allait bien même si c'était faux.
- Oui, elle-même… Elle n'est pas encore devenue une terrible meurtrière, et je pense que tu es son modèle, je suis sûr et certain qu'elle va tout faire pour s'entraîner avec toi.
- J'ai hâte de voir ça, fit-elle avec un sourire amusé. »
Et, alors qu'elle se dirigeait vers sa mère, Lord et Lady Stark, elle ne vit pas le regard de Sansa Stark la suivre.
§§§§
Sansa Stark ne se souvenait pas avoir jamais rencontré une personne comme Lady Yara.
Enfin, lady…
La grande sœur de Theon était une dame au même titre que l'était Arya, c'est-à-dire qu'elle n'en était pas réellement une, enfin, pas selon les critères avec lesquels Sansa avait grandi, avait été élevée, et en un sens, c'était une bonne chose.
Parce que si Arya détonnait effectivement à Winterfell, ça n'aurait pas été le cas ailleurs, et si Sansa connaissait en théorie les femmes Mormont de l'Île-aux-Ours et les Aspics des sables de Dorne, elle ne les avait jamais vues en vrai, et voir Yara Greyjoy, constater qu'elle était bel et bien réelle, ça remettait en cause beaucoup de choses qu'elle croyait savoir sur le monde.
Les femmes guerrières existaient, oui, elle en avait un exemple juste devant elle, et si Arya restait tout de même à part à Westeros, la rousse finit par réaliser qu'elle n'était pas totalement seule.
Et, au-delà de simplement la rassurer quant à l'avenir de sa sœur, qui pourrait ainsi trouver dans le futur des alliées si jamais elle comptait continuer d'apprendre à se battre pour devenir un jour chevalier (ou chevalière ? Chevaleresse ? Y avait-il seulement un mot pour ça ?), il y avait autre chose.
Le fait que sa sœur ne soit pas la seule à vouloir briser les codes et les carcans qu'on lui imposait depuis sa naissance, c'était une preuve que, peut-être, tout ce qu'on lui avait toujours enseigné pouvait être remis en cause.
(Et aussi que, peut-être, elle n'était elle-même pas obligée de devenir celle qu'on voulait qu'elle soit et qu'elle avait toujours cru vouloir être.)
Et à vrai dire, la jeune femme n'était absolument pas comme elle l'avait imaginée, enfin la vérité, c'est que, elle ne savait pas réellement à quoi s'attendre, elle n'avait jamais rencontré de guerrière de sa vie (sa sœur ne comptait pas vraiment, ce n'était encore qu'une enfant, tout comme elle), et si Yara semblait à la fois heureuse et méfiante à l'idée d'être là, elle semblait surtout…
Épanouie.
Elle était jolie aussi.
Sansa ne comprit pas pourquoi son cœur s'était brusquement mis à faire un looping en la regardant.
§§§§
« Lord Stark, Lady Stark, les salua Alannys, suivie peu de temps après par Yara qui les salua de la même manière.
- Lady Greyjoy, Lady Yara, leur répondirent leurs hôtes quelques secondes plus tard. Bienvenue à Winterfell. »
Même si la scène advenue quelques minutes plus tôt avait permis de détendre un peu l'atmosphère, les deux fer-nées ne pouvaient que sentir que tout le monde était encore tendu, et que c'était uniquement dû à leur présence.
Yara s'y attendait bien, s'en doutait parfaitement, on n'effaçait pas des siècles de défiance et de haine en un claquement de doigts, surtout après ce qu'il s'était passé dix ans plus tôt, elles avaient fait le premier pas, c'est vrai, mais ce n'était clairement pas suffisant, il en faudrait d'autres, et surtout, il en faudrait des deux côtés.
Il allait falloir amener les nordiens et les fer-nés à s'entendre, et ça, c'était loin d'être gagné, que ce soit à cause des rancœurs légitimes venant des deux côtés, ou du fait que son père allait bien évidemment tout faire pour faire capoter ses plans, sans même s'en rendre compte.
Aussi, alors qu'elle voyait la méfiance et l'inquiétude se mêler dans les yeux de Catelyn et Ned Stark, elle ne s'en formalisa pas.
Elle savait parfaitement qu'elle aurait réagi exactement de la même manière si les rôles avaient été inversés.
Lorsqu'ils les invitèrent à entrer dans la grande salle, Yara se remémora brièvement le jour où elle était venue dans ce même château avec des intentions beaucoup moins pacifiques, et se mit à prier le Dieu Noyé pour que les choses se terminent mieux que la dernière fois.
A suivre…
