Chapitre 21 : Essayer de convaincre.
83. C'était une bien vilaine pensée, mais c'était plus fort qu'elle.
B : Brienne de Tarth
Poisson : Personnage : Brienne (GOT)
Stannis Baratheon regarda ses deux visiteurs avec un air plutôt circonspect.
Des personnes se rendant à Peyredragon pour venir le voir, ce n'était franchement pas commun, de même, ils étaient rares ceux qui voulaient voir Mélisandre d'Asshai, et encore plus rares étaient ceux qui étaient au courant de son existence.
Que lui voulaient-ils donc exactement ?
Comment étaient-ils au courant de sa présence en ces lieux ?
Pourquoi par le maître de la lumière, étaient-ils ici ?
Tyrion Lannister était quelqu'un qu'il connaissait assez peu, mais il était le frère de la reine et d'un des membres de la Garde Royale, il vivait à la cour, sa présence avait encore une certaine logique.
(Même s'il n'avait toujours pas compris cette histoire de verredragon, n'ayant pas encore reçu de réponse de la part de la Citadelle.
Qu'est-ce qu'ils avaient tous avec le verredragon en ce moment bon sang ?)
Mais cette femme étrange habillée en armure, qui venait de Torth, qui s'appelait Brienne et qu'il n'avait absolument jamais vue de sa vie, que diable jouait-elle comme rôle dans cette histoire ?
Lui qui aimait bien pouvoir tout comprendre et tout contrôler, il ne comprenait absolument ce qu'il se passait, et il avait le sentiment que quelque chose était en train de dérailler, mais sans parvenir à déterminer quoi exactement.
Quoi qu'il en soit, cela ne lui plaisait pas, pas du tout, et lorsqu'il reçut le Lannister et la guerrière, il arborait un air renfrogné.
Enfin, ça pouvait tout aussi bien être son expression habituelle.
Et malgré le fait qu'il ne l'appréciait pas vraiment, Tyrion comprenait les doutes qu'il pouvait avoir, il les aurait eu lui aussi si les rôles avaient été inversés.
Quant à Brienne…
Les yeux de la jeune femme étaient emplis de rage, et il le voyait, elle essayait de dissimuler sa haine et sa colère, celle qu'elle ressentait à la fois vis-à-vis de Stannis et de Mélisandre, mais c'était plus facile à dire qu'à faire.
Il la comprenait parfaitement, si il devait faire de nouveau face à Ellaria Sand, celle qui avait assassiné sa nièce Myrcella, lui aussi aurait eu bien du mal à ne pas laisser éclater sa colère.
À la différence que, dans leur autre vie, Brienne avait au moins pu avoir la vengeance et la justice en tuant Stannis Baratheon.
Tyrion, lui, n'avait eu droit à rien de tout cela, et il avait dû s'allier avec la Dornienne.
En rétrospective, ça n'avait peut-être pas été une bonne idée, et cette fois-ci, si Oberyn succombait de nouveau, et que la bâtarde comptait s'en prendre encore une fois à sa famille, de la même manière, il se le jurait, il s'attaquerait à la maîtresse de la Vipère rouge avant qu'il ne soit trop tard.
Maintenant qu'il savait ce qui risquait d'arriver, il était hors de question qu'il laisse une telle chose se produire une seconde fois.
Si un des enfants de Cersei et Jaime méritait de mourir, ce n'était certainement pas Myrcella.
Myrcella vivrait.
Tommen vivrait, ils vivraient tous les deux, parce qu'il le fallait.
Mélisandre, quant à elle, était plus que circonspecte également face au sombre regard bleu que la chevaleresse posait sur elle.
Que lui avait-elle donc fait pour mériter une telle haine au juste ?
« Bien, commença Stannis, coupant court à leurs diverses réflexions. Pourrais-je savoir ce que vous faites ici ? Et j'aimerais comprendre pourquoi vous, de même que Ned Stark et Yara Greyjoy, voulez à ce point-là avoir accès au verredragon de mon île ?
Un sourire se dessina sur les visages du lion et de la noble, et ils échangèrent un bref regard complice.
Que Yara, qui était elle aussi revenue dans le passé avec eux, ait fait une telle demande au seigneur de Peyredragon, cela n'avait rien de surprenant, elle savait ce qu'ils savaient, elle était au courant des propriétés de la pierre.
En revanche, que Ned Stark en ait de même était plus étonnant, lui ne savait pas, il ne savait rien, ne se souvenait de rien, cela devait donc résulter de l'influence de Theon ou de Bran.
Bien, si ils avaient le seigneur de Winterfell de leur côté, ça allait déjà bien faire avancer les choses.
- Si vous nous le disions, mon seigneur, rétorqua immédiatement Tyrion au cerf, vous ne me croiriez pas…
Stannis fronça les sourcils.
Tout cela était bien nébuleux…
- Soit… Il n'avait pas particulièrement confiance en eux, mais il n'avait pas non plus de raison de leur être hostile, aussi, il ne chercha pas à en savoir plus. Avec un peu de chance, la réponse d'un des mestres de la Citadelle l'éclairerait plus à ce sujet. Et pourquoi vouliez-vous voir Mélisandre ?
- Justement, à ce sujet… Continua le nain. Nous voudrions pouvoir nous entretenir seuls à seuls avec elle.
Si il y avait bien une personne dans les Sept Couronnes qui pourrait croire à leur folle histoire, c'était elle, elle les avait renvoyés dans le passé, même si elle ne s'en souvenait pas, elle était au service du maître de la Lumière, et si aucun des deux ne portait la divinité dans leur cœur, ils ne pouvaient que reconnaître que sans elle, ils en seraient toujours au même point.
C'est-à-dire nulle part.
Stannis fronça les sourcils une nouvelle fois, cette fois… cette fois, il n'était pas sûr de pouvoir accéder à leur requête.
Ce n'était pas un hasard si il n'avait pas quitté la pièce, il avait envie de savoir ce qu'ils voulaient lui dire, et il était le maître à Peyredragon, c'était lui qui dirigeait ici, et il devait admettre qu'il était curieux.
- Je doute que cela soit possible, lui rétorqua-t-il d'un ton sec, ne voyant pas le regard de Mélisandre se voiler quelques secondes plus tard.
Elle les regarda plus attentivement, et sentit quelque chose l'envahir, comme si…
Comme si le maître de la Lumière essayait de lui faire comprendre quelque chose.
- Il y a quelque chose que je ne comprends pas, dit-elle, prenant la parole pour la première fois depuis le début de l'entretien. Vous… Je sens la marque du maître de la Lumière sur vous deux. Et pourtant… vous n'êtes pas des adeptes de notre foi, je me trompe ?
- Je prie les Sept madame, lui rétorqua Brienne en soutenant son regard avec assurance, et Tyrion sentit une terrible migraine l'envahir.
Les anciens dieux et les nouveaux, les Sept, le dieu Noyé, le maître de la Lumière, sans oublier tous les autres et ceux qu'il oubliait…
Ça allait être un vrai bordel de réussir à faire coopérer tous ces gens qui croyaient en tellement de choses différentes.
Comme si la situation actuelle n'était pas déjà suffisamment compliquée comme ça…
- Moi de même, ajouta le Lutin, quoi que je ne prie pas très souvent je dois le reconnaître.
Sa tentative d'humour tomba à plat et il se retint de lever les yeux au ciel.
Pourquoi ces gens étaient-ils donc si sérieux, c'était d'un sinistre !
- Vous ne croyez pas au Maître de la lumière, déclara-t-elle, et pourtant, malgré cela… Sa magie est sur vous. Pourquoi ?
- Nous vous le dirons si nous pouvons rester seuls avec vous, lui répondit Brienne avec un ton sans appel, et, après quelques secondes d'hésitation, la femme rouge hocha finalement la tête.
- Très bien. Mon seigneur, je vous demanderais de nous laisser seuls, dit-elle à un Stannis incrédule, je pense… que ce qu'ils ont à me dire est d'une très grande importance.
- Oh, vous n'avez pas idée, ne put s'empêcher de marmonner Tyrion pour lui-même.
Stannis sembla rester un peu perplexe durant plusieurs secondes qui leur parurent très longues à tous les trois, avant de hausser les épaules, décontenancé, et quitta la pièce.
Dès qu'il sortit, Brienne sentit toute la tension qui avait envahi ses épaules disparaître, et les laissa retomber.
Être dans la même pièce que Stannis Baratheon était une véritable torture, et une part d'elle-même aurait souhaité qu'il ne fasse pas parti du voyage de retour dans le passé, quant bien même il n'avait encore rien fait de mal.
C'était une bien vilaine pensée, mais c'était plus fort qu'elle.
- Prenez place, leur dit la prêtresse avant d'elle-même s'asseoir, tandis que Tyrion laissait son regard tomber sur l'ensemble de la chambre peinte.
L'endroit où Aegon le Conquérant avait planifié l'invasion de Westeros, où Stannis Baratheon avait tenu conseil durant la guerre des cinq rois alors qu'il tentait de s'emparer du trône de fer, mais surtout, c'était là également que Daenerys avait à son tour préparé l'invasion du reste de Westeros.
Et il était là à ce moment-là, il y était venu, il l'avait aidée.
Alors qu'il regardait le reste de la pièce, il se souvenait de ce qui avait été et qui, avec un peu de chance ne serait plus jamais.
- Vous semblez être un familier de ces lieux, lui lança Mélisandre, et il se maudit d'être aussi transparent, d'un autre côté, cette femme voyait parfois des choses que personne d'autre ne voyait, ça n'avait donc rien d'étonnant dans le fond. Seriez-vous déjà venu auparavant ?
- Non, mentit-il. Enfin… pas officiellement, se corrigea-t-il peu après.
Un léger sourire se dessina sur son visage, et elle les fixa tous les deux.
- Vos paroles sont bien mystérieuses, Tyrion Lannister… Je ne devrais donc pas m'étonner que le maître de la Lumière ait laissé sa marque sur vous. Je vous écoute.
Par quoi commencer exactement ?
« Nous venons du futur et c'est franchement la merde. »
« Ne brûlez pas les gens s'il vous plaît, c'est pas bien. »
« On va tous crever. »
Brienne se chargea de couper court à ses questionnements et ses interrogations.
- Les marcheurs blancs sont en route pour Westeros. »
Bon…
Au moins il n'aurait pas à s'en charger lui-même, c'était déjà ça.
C'était bien comme formulation, c'était simple, net, direct, ça ne passait pas par quatre chemins, et au moins, si c'était fantaisiste pour la plupart des gens, ça l'était moins que « au fait, on vient du futur », et c'était l'un des dangers qu'ils se devraient d'affronter.
Elle ne sembla pas le moins du monde surprise, et cela n'étonna pas vraiment Tyrion, elle avait accouché d'une ombre qui avait tué Renly Baratheon, elle avait ressuscité Jon Snow, et même si elle ne s'en souvenait pas, elle les avait ramenés dans le passé grâce à ses pouvoirs, alors le retour des marcheurs blancs et de la Longue Nuit n'était probablement pas la chose la plus extravagante qu'elle ait eu à affronter.
Mais surtout c'était comme si…
Comme si elle le savait déjà.
Ça expliquait beaucoup de choses si c'était bien le cas.
« Ça n'a pas l'air de vraiment vous surprendre, remarqua-t-il, et elle haussa les épaules.
- Et pourquoi donc ? Après tout, la nuit est sombre et pleine de terreurs, je savais bien que ce jour arriverait un jour.
La nuit est sombre et pleine de terreurs.
La Longue Nuit.
Bien sûr…
- Mais vous… comment êtes-vous au courant exactement ? Je doute que vous vous soyez jamais rendus au-delà du Mur.
Elle avait à la fois raison et tort.
- Parce que nous venons du futur, lui avoua Tyrion, et parce que c'est vous qui vous nous avez ramenés à cette époque.
Cette fois-ci, elle se figea durant quelques secondes, l'incrédulité se lisant sur son visage.
L'existence des marcheurs blancs était une chose, mais le voyage dans le temps…
Ça, c'était bien différent, bien plus complexe.
- Moi ?
- Oui, vous, renchérit Brienne.
- Combien êtes-vous à être revenus ? Demanda-t-elle, se reprenant très vite.
- Cinq, lui dit Tyrion. Moi, Brienne, Bran Stark, et Theon Greyjoy et Yara Greyjoy.
- Oh… Je suppose que ça explique pourquoi elle a envoyé cette lettre concernant l'obsidienne à Lord Stannis, dit-elle avec un air pensif.
Comme si elle n'était pas prête à croire ce que le lion était en train de lui dire.
Et il ne pouvait pas lui en vouloir pour ça.
Pourtant, quelque chose lui hurlait que c'était la pure vérité.
- Pourquoi êtes-vous ici ?
- Parce que le monde va s'effondrer si nous ne faisons rien, dit Brienne, et nous avons besoin de votre aide…
- Essayez de convaincre votre seigneur que la menace est réelle, si nous l'avons dans notre camp, cela devrait faciliter les choses.
- Je vais voir ce que je peux faire. »
Ils avaient fait un pas en avant, mais ils le savaient déjà tous les deux, ce ne serait pas suffisant.
Pas encore.
§§§§
« Je présume que Lady Mélisandre vous a expliqué la raison de notre venue, lança Tyrion à Stannis quelques heures plus tard.
Il hocha la tête.
- Oui, en effet… Les marcheurs blancs, dit-il avec l'air de quelqu'un qui était tout sauf convaincu par ce qu'il disait.
Stannis Baratheon était un homme pragmatique et rationnel, rien d'étonnant à ce que, pour l'instant, il n'y croit absolument pas.
C'était rageant, mais c'était comme ça, et c'était l'attitude que bien des gens auraient dans les Sept Couronnes en apprenant la vérité.
Parce que le déni avait toujours été plus confortable que la cruelle, rude et froide vérité.
(Mais Tyrion se souvenait du froid de la Longue Nuit, même si cela n'avait pas duré longtemps, et il ne voulait plus, plus jamais, avoir aussi froid de sa vie.)
- Si vous croyez aux pouvoirs de Mélisandre d'Asshai, lui rétorqua Brienne, alors vous ne devriez avoir aucun problème à croire en l'existence des marcheurs blancs.
Les coins des lèvres de Stannis se relevèrent légèrement, comme si il avait l'intention d'esquisser un sourire.
- Vous n'avez peut-être pas tort… J'ai reçu pendant votre entretien avec Lady Mélisandre, une lettre provenant de la Citadelle, et d'un certain mestre Marwin… Il m'a indiqué… que l'une des propriétés du verredragon, ou obsidienne, était de pouvoir tuer les marcheurs blancs, en toutes autres choses… Sans oublier la lettre de Yara Greyjoy, qui me dit exactement la même chose. Une fois, je pourrais comprendre, deux fois ça devient déjà plus surprenant, mais trois fois… ça ne peut plus être une coïncidence, je dois l'admettre. Et je dois vous avouer que je ne sais que penser.
- Venez avec nous à la cour, lui proposa soudainement Tyrion, aidez-nous à convaincre ceux qui se trouvent à Port-Réal et qui y ont du pouvoir de ce qui est en train de se passer. Même si vous n'y croyez pas vous-même, il faudra de toute façon envoyer quelqu'un au Mur pour vérifier si les marcheurs blancs sont bien réels.
- Mon frère ne m'écoutera pas, je n'ai absolument aucune influence sur lui, c'est un combat perdu d'avance.
- Ce n'est pas le roi Robert que je veux convaincre, ou du moins pas seulement, mais aussi ceux qui sont autour de lui, et qui pourraient le convaincre. La main du roi notamment.
Enfin, seulement si Jon Arryn ne se faisait pas empoisonner durant le temps où ils étaient à Peyredragon…
Heureusement qu'il faisait surveiller Lysa Arryn et Petyr Baelish, ainsi que Ser Hugh (pas encore Ser d'ailleurs) par Lancel, Podrick et Bronn.
- L'ambiance de la cour n'est pas pour moi… Elle est emplie de Lannister et je n'aime pas les Lannister, dit le cerf avec sa franchise habituelle.
- Et les Lannister n'aiment pas beaucoup les Baratheon non plus, rebondit Tyrion avec exactement le même ton.
Cette fois, Stannis se mit véritablement à sourire.
- Certes…
- Mais je pense que… que nous devons absolument mettre ces querelles de côté si nous voulons que le royaume ne court pas à sa perte.
La guerre des cinq rois avait précipité les Sept Couronnes dans le chaos, ça n'arriverait pas, pas cette fois.
- Je pense que vous avez vous aussi le bien-être du royaume à cœur mon seigneur, lui dit Brienne, et Tyrion ne put pas la contredire.
Le cerf hocha la tête.
- Vous pourriez emmener votre fille avec vous, si vous avez peur d'y être seul et isolé, ainsi que Ser Davos.
- Ma fille risque de subir de nombreuses moqueries, lui dit le noble avec un ton dur et protecteur.
- Tout comme moi, je suis un nain je vous rappelle, j'ai été moqué toute ma vie. Vous ne pouvez pas garder votre fille enfermée dans une tour toute sa vie, même pour la protéger, le monde se montrera cruel envers elle de toute manière. De toute façon, vous pourrez toujours repartir quand vous le voudrez, si même votre poste au conseil restreint ne vous a pas retenu, alors rien ne vous retiendra.
Il soupira, avant de hocher la tête quelques secondes plus tard.
- Soit. Je vous accompagnerai à Port-Réal, accompagné de Mélisandre, Shireen et de Ser Davos. La cour risque de se répandre en potins à mon égard, je n'ai absolument pas hâte.
Tyrion sourit.
- Oh comme je vous comprends. »
Puis le seigneur de Peyredragon les quitta, et Tyrion sentit d'autres doutes l'envahir.
Il ne savait pas si Jon Arryn et Stannis avaient déjà des doutes à l'époque au sujet des enfants de Cersei, ou même s'ils avaient déjà conscience de la vérité, mais il savait en revanche qu'il ne savait absolument pas quoi faire à ce sujet.
Si il n'y avait eu que Myrcella et Tommen, le choix aurait simple et limpide, mais il y avait Joffrey.
Il entendit alors Brienne ricaner à côté de lui.
« Quoi donc ?
- Vous, l'homme le plus joyeux et débauché du royaume, se montrant en compagnie de la personne la plus triste et la plus austère de tout Westeros ? Les gens ne vont pas comprendre ce qu'il se passe. »
Le Lannister éclata alors à son tour de rire, amusé.
« Oui, en effet… Et ce n'est que l'une des nombreuses bizarreries qui adviendront durant les mois et les années à venir… »
A suivre…
