Alors qu'elle digérait les détails sur la dernière catastrophe majeure du monde moldu, racontée en long, en large, en travers et de manière un peu plus qu'hystérique par Reggie – il était le plus sensible de ses cousins, le plus prompt à dramatiser bien que Sirius se défende pas mal dans cette arène, et les Black avaient le théâtre dans le sang – Andromeda songea que la situation était quand même furieusement surréaliste.
Son petit cousin plus au courant des réalités du monde que le restant de sa famille, alors qu'il était séparé des ressources et de l'influence dont jouissait le nom Black, ça ne manquait pas d'ironie et la jeune fille s'interrogeait sur le sens de l'humour des Parques tissant la destinée humaine. Peut-être que cela amusait les divinités, mais la sorcière bientôt jeune adulte n'éprouvait qu'exaspération et l'envie furieuse de rouler des yeux si fort qu'ils en tomberaient par terre.
Autrement, elle se retrouverait à lancer des malédictions à l'essaim de poules qui l'entouraient et ne se préoccupaient que de maquillage, voyages à l'étranger et prétendants tolérables pour un mariage arrangé imminent.
Les contrats de mariage, c'était une tradition sorcière qui avait nettement choqué Edward Tonks quand elle avait dévoilé son existence au garçon – lequel insistait pour la courtiser, et à la grande horreur de la sorcière sang-pure, l'assiduité et le charme du demi-dieu fonctionnaient à merveille pour ce qui était de la contraindre à penser favorablement à lui, si bien qu'elle avait opté pour lui faire une révélation qui ne manquerait pas de le décourager, Andromeda ne pouvait pas penser à lui de cette manière parce que l'obtention de ses faveurs n'était pas son choix mais une décision de la Maison Black.
(elle ne peut pas, mais vouloir c'est encore autre chose)
Tonks en était resté la bouche ouverte quand elle avait froidement décrété que Cygnus choisirait un mari pour ses filles, que la main de Cissy avait déjà été demandée par des lignées plus ambitieuses et désespérées que prestigieuses parce qu'elle était la troisième fille et viendrait donc avec une dot plus importante, que Druella Black née Rosier envisageait de fiancer Bellatrix à l'Héritier Lestrange parce que la jeune femme avait fait fuir tous les autres candidats avec son caractère explosif et indépendant, et que jamais un né-moldu ne constituerait un prétendant acceptable, fusse-t-il riche à millions et célèbre dans les trois quarts du globe.
Ce qu'Andromeda s'abstint de préciser, c'était le puissant attrait du sang divin et les dons véhiculés par celui-ci. Oui, les demi-dieux tendaient à mourir jeunes mais la magie accroissait leurs chances de survie, leur accordait un délai suffisant pour produire deux ou trois rejetons, des enfants dont les pouvoirs seraient encouragés par l'infime portion d'ichor coulant dans leurs veines.
Si jamais Cygnus venait à apprendre que le jeune bon à rien issu des caniveaux ouvriers qui bavait après sa fille pouvait lui donner des petit-enfants prodigieux – elle connaissait son père, il avait toujours été déçu, quasiment dégoûté, de n'avoir engendré que trois femelles alors que sa sœur Walburga avait porté deux fils (ou du moins avait menti éhontément à ce sujet et élevé le bâtard de son mari avec son propre rejeton) qui garderaient le nom des Black vivant dans l'avenir.
Andromeda voulait bien admettre – sous la contrainte ! Elle avouait sous la contrainte, pas car elle s'était adoucie – qu'Edward Tonks n'était pas si rebutant que cela, mais la perspective de coucher avec lui seulement pour produire un rejeton qui assouvirait les ambitions de Cygnus Black, un bambin qui serait d'abord et avant tout une arme tournée contre la branche principale de la famille Black… non, elle s'y refusait. Elle ingurgiterait un philtre qui lui détruirait l'utérus avant d'obéir à un plan pareil.
« Et tu es d'accord avec ça, toi ? Finir mariée à un type qui boit ou qui pense que les domestiques méritent le fouet quand ils cassent un verre, seulement parce que ton père lui trouve un bon pedigree ? »
Tonks parlait d'un ton si scandalisé, à croire qu'elle venait de lui annoncer qu'elle partait à la mort, c'était absurde. Elle avait presque ri.
« Et tu es d'accord pour mourir avant tes vingt-cinq ans, le jour où un monstre aura plus de chance que les autres ? » lui avait-t-elle renvoyé à la figure.
Le demi-dieu avait froncé les sourcils. Il était beau quand il était contrarié – encore plus beau, il avait été engendré par une déesse de la beauté et de la séduction après tout, et Andromeda avait eu l'opportunité de rencontrer les sœurs de Reggie lors de sa visite au refuge des enfants des dieux, la Dame des Colombes semblait incapable de pondre un mioche aux traits ingrats.
« N'essaie pas de prétendre qu'il s'agit du même calvaire. Quand je devrais rejoindre les Enfers, ça ira vite. Mais un mariage, c'est pour le restant de ta vie. Tu tiens réellement à endurer un mari que tu n'aimes pas pendant des années, voire des décennies ? »
Jalousie ou défense du domaine de sa mère divine ? Peut-être les deux, les gens n'étaient jamais simples, ou s'il existait une personne simple dans ses motivations, Andromeda n'avait jamais eu l'occasion de lui être présentée.
« Tu serais surpris par tout ce à quoi une fille déterminée peut survivre » avait-elle nonchalamment déclaré. « Ma mère a survécu à mon père, pourquoi ne survivrais-je pas à mon mari alors que j'ai un bien plus sale caractère ? »
En vérité, c'était Bellatrix qui avait hérité de la passion Black et de la cruauté Rosier et les avait amplifiés à un tel point qu'elle en était incontrôlable et serait probablement parfaitement heureuse de terminer vieille fille du moment qu'elle pouvait étrangler des liches à mains nues. Hélas, le monde était imparfait et il lui faudrait devenir une épouse – au moins Rodolphus Lestrange semblait plus intrigué par sa vigueur que décidé à la briser.
Tonks avait continué à la dévisager de ses yeux pailletés qui brillaient curieusement.
« Attention à vous, Miss Black. On ne vous a jamais prévenue que les belles jeunes femmes contraintes à des noces malheureuses se voient enlevées par leur véritable amour avant que le mariage ne soit conclu ? »
Là, elle n'avait pu s'empêcher de sourire.
« Et où donc se cache ton étalon blanc, dans la poche de ton pantalon ou dans ton sac à dos ? »
« Je suppose que je pourrais emprunter un pégase à la Colonie » avait-il proclamé. « Ce serait thématiquement approprié, n'est-ce pas ? Le preux demi-dieu sur son cheval ailé, emportant la belle Andromède loin de son destin tragique. »
« Ce qui fait de mon fiancé hypothétique le monstre marin ? Flatteuse, la description » avait commenté la sorcière de sang-pur, seulement pour recevoir un sourire éblouissant.
« Plutôt une incarnation de la haute société anglaise magique en général, mais ça peut aussi être une caricature de ton père si tu veux, parce que les descriptions que tu donnes de lui me laissent croire que ce serait très ressemblant. »
« A peine exagéré » n'avait pu s'empêcher de concéder Andromeda. « Mais tu opères sur le postulat que je me laisserais enlever bien gentiment, comme une récompense au point d'arrivée plutôt qu'une fille de la famille Black. »
Elle s'était autorisé un sourire.
« Si devenir un galant héro est ton désir, soit. Mais je ne te faciliterais pas la tâche. »
Elle avait réellement cru qu'il baisserait les bras, alors, anticipant déjà la piqûre de la déception. Seulement pour qu'Edward Tonks la considère de ses yeux brillants et murmure d'une voix lui ayant procuré des frissons incandescents le long de la colonne vertébrale :
« Oh, Andromeda Black… C'est parce qu'une femme prépare un chemin long et difficile à l'amour qu'elle est digne d'être conquise. »
