Le vaisseau impérial filait dans l'espace comme un requin d'acier, ses flancs sombres zébrés par la lumière des étoiles. À son bord, le silence n'était qu'apparent. Il était chargé de tension, d'ombres et de regards évités.

Illaoï était en cellule.

Pas une cellule ordinaire — un module de confinement de haute sécurité, situé au cœur même du vaisseau, à deux couloirs du poste de commandement. Six gardes stationnaient en permanence devant l'entrée, en armure complète. Des soldats triés sur le volet, censés n'avoir peur de rien. Surtout pas d'une femme aux mains vides.

La paroi de sa cellule n'était pas physique. C'était une grille laser, stabilisée par un champ magnétique qui empêcherait même un Sith expérimenté de passer sans laisser un bras. Aucun objet, aucun outil. Surtout, pas une seule goutte d'eau.

Et pourtant, elle semblait ne pas s'en soucier.

Elle était agenouillée au centre de la pièce, les mains posées sur les cuisses, les yeux clos. Sa respiration était calme, lente. Elle ne parlait pas. Ne dormait pas. Elle attendait.

Les gardes parlaient entre eux. Ils le faisaient toujours, une fois que les officiers avaient quitté le couloir. Par ennui, par nervosité, par cette tension animale qui les rongeait après des semaines de mission dans un vaisseau impérial, sous le regard d'un Seigneur Sith qui n'avait pas hésité à exécuter une dizaine d'entre eux.

— T'as vu ses yeux ? a grogné l'un. Ce bleu… j'en ai jamais vu un comme ça.

— J'ai surtout vu sa bouche. Et ses jambes. Tu penses qu'ils vont la garder ? Pour... des services impériaux ?

— T'as passé trop de temps loin des bordels réglementés, Korr.

— Nan, sérieux. Elle parle pas, elle bouge pas. Mais imagine un peu ce qu'on pourrait lui faire faire avec un collier bien ajusté…

— Ta gueule, sérieux. Le dernier qui a essayé de la toucher s'est pris un gel interne. Instantané. On l'a retrouvé les tripes congelées.

— Ouais. Mais c'était avant qu'ils virent toute l'eau. Maintenant, elle est comme tout le monde. Juste... jolie.

Ils ricanèrent. Un ricanement sec, nerveux. De ceux qu'on force pour faire taire l'angoisse. Parce que malgré tout… elle les dérangeait. Même sans parler. Même sans bouger.

Elle dérangeait leur équilibre.


De l'autre côté du vaisseau, dans un laboratoire temporaire, un scientifique Sith feuilletait le carnet confisqué.

C'était un homme sec, aux mains gantées, aux gestes lents. Il avait ouvert le journal avec la déférence d'un chirurgien et le vice d'un voleur. L'écriture qu'il découvrait à l'intérieur n'appartenait à aucun alphabet connu de la République ou de l'Empire. Ni Aurabesh, ni Sith, ni Rakatan. Mais les pages étaient remplies de dessins.

Des planètes. Des faunes. Des visages.

Il reconnut certains lieux — les plateaux pourpres de Jorgan V, une vallée sur Dxun, les arches de pierre de Baros. Mais d'autres lui échappaient totalement. Des jungles impossibles. Des lunes qu'il n'avait jamais vues.

Il consignait chaque détail sur son holopad. Fasciné. Méfiant.

Dans la cellule, les jours passaient avec leur lot d'interrogatoires. Elle ne répondait pas.

Froid. Privation de sommeil. Silence. Encore. Toujours.

Une fois, ils la mirent à genoux sous des lumières blafardes. Lui plongèrent des électrodes dans la nuque. Il n'y eut aucun cri.

Elle s'était contentée de leur rendre leur regard. Et cela avait suffi à faire reculer l'un des assistants.


Scourge, pendant ce temps, avait quitté la mission de terrain. Enfin.

Il en avait eu assez de superviser des imbéciles. De devoir rendre des rapports absurdes sur des pertes "opérationnelles". Il s'était retranché dans ses quartiers pour finaliser les derniers formulaires, les derniers comptes. Il avait tué treize hommes. Et cela ne lui faisait rien.

Rien.

Et pourtant, la nuit suivante, il rêva.

Il rêva d'elle.

Pas d'une femme. Pas d'un corps. Mais d'une présence.

Il la voyait, dans une pièce qu'il ne connaissait pas. Elle chantait. Une mélodie étrange, comme de l'eau glissant sur du verre. Il ne comprenait pas les mots. Il ne comprenait pas pourquoi il entendait.

Puis elle se retournait. Elle le regardait.

Et lui… ressentait quelque chose.

Le lendemain, il la rêva encore. Mais cette fois, elle ne chantait pas. Elle hurlait. Prisonnière de cauchemars. Elle se débattait contre des ombres.

Il se réveilla, haletant. Froid. Perturbé.

Il comprit alors que ce n'étaient pas des rêves.

C'étaient des fragments. Des transmissions.

Et elle… ne dormait presque plus.

Alors, ils l'appelèrent.

— Seigneur Scourge, dit un officier en se tenant droit. L'Empereur exige des résultats. Elle ne parle pas. Elle faiblit. On pense qu'elle se laisse mourir. Peut-être… peut-être que vous pourriez essayer.

Scourge leva lentement les yeux. Son visage resta neutre. Mais une étincelle vibra, fugace, dans sa pupille écarlate.

Il se leva.

— Amenez-moi à elle.


Pendant ce temps, dans le sanctuaire du vaisseau, l'Empereur immobile sur son trône d'obsidienne, observait à travers les flux de la Force. Il ne parlait pas. À ses côtés, un conseiller chuchotait.

— Son lien à la Force est unique, Seigneur. Non aligné. Non sensible à nos lectures traditionnelles. Son esprit est un silence… mais vivant. Je n'ai jamais ressenti pareille dissonance. Elle ne vient pas de cette galaxie. Ou alors… elle n'est pas née dans la même réalité.

Le silence de l'Empereur se prolongea.

Le conseiller hésita.

— Peut-être devrions-nous… la soumettre au rituel. Le Grand Puits de Sang. Cela révélerait ses structures cachées. Peut-être même que…

— Non, murmura enfin l'Empereur.

La voix était à peine un souffle. Et pourtant, elle fit trembler les parois.

— Pas encore. Laissez la Furie entrer. Il faut voir ce qu'il est encore capable de ressentir.


Dans ses quartiers, Scourge était assis dans l'obscurité.

Pas par fatigue. Il n'était jamais fatigué. Pas par besoin. Il n'avait plus de besoins depuis longtemps.

Mais parce qu'il avait besoin de comprendre. Et cela, il le haïssait.

Il avait traqué, tué, observé. Il avait vu les morts supplier, les héros tomber, les rois se briser. Et jamais, jamais il n'avait douté.

Jusqu'à elle.

Elle n'avait pas crié. Pas lutté. Pas supplié.

Et dans ses rêves — s'ils étaient bien cela — il y avait des couleurs. Des sons. Des émotions.

Il se surprit à fermer les yeux.

Et à chercher son chant. Entre deux mondes

Dans le silence de la cellule, entre veille et sommeil, Illaoï sentit qu'elle n'était plus seule.

Quelque chose… quelqu'un l'observait. Non pas avec les yeux. Pas même avec la Force, pas de la façon dont elle la ressentait d'habitude. Mais une présence, distante, brûlante, lucide. Qui ne la touchait pas, mais la voyait.

Elle se recroquevilla légèrement. Ses paumes se posèrent sur le sol nu. Et dans son esprit, elle plongea dans l'eau intérieure, cet espace de paix et de résonance qu'elle était la seule à comprendre. Un océan calme sous sa peau.

Mais dans cette eau… une image remonta. Un souvenir.

Son regard. Rouge feu. Fixé sur elle. Et une étreinte d'acier autour de son ventre. La sensation précise, obsédante, de sa présence tout contre son dos, dans la vague.

Elle se retourna. Dans son esprit, dans ce rêve. Personne.

Mais elle sentit le creux de son bras, là, encore présent.

Et au même instant, Scourge vit.

Un monde ravagé. Un ciel noir, brûlé.

Et elle.

Debout, dans une tenue de combat inconnue, le visage couvert de suie, le souffle court. Son sabre ensanglanté dans sa main. Un homme contre elle. Mort ou mourant. La lame encore plantée en lui.

Ses larmes coulaient. Et elle hurlait. Non pas de rage. Mais de désespoir.

Et lui, pour la première fois en trois siècles, ressentit sa peine.