Deux mois s'étaient écoulés depuis l'incident du vaisseau.
Deux mois depuis qu'Illaoï, vidée, affamée, torturée et oubliée, avait trouvé en quelques gouttes d'eau la force de se relever. De frapper. De choisir.
Depuis, elle n'avait plus ouvert les yeux.
Elle était maintenue en stase, dans un sarcophage de Kolto d'une technologie avancée, baignée de lumières émeraude, au cœur d'un complexe sécurisé sur Dromund Kaas. Des électrodes maintenaient un faible courant traversant ses muscles pour éviter l'atrophie. Elle était suspendue dans un demi-sommeil, un monde sans conscience, sans mots, sans bruit.
Mais pas sans visiteurs.
Les scientifiques de l'Empire s'étaient relayés. Des prélèvements réguliers avaient été faits — tissus, liquides, même osseux. Des observations médicales poussées. Son ADN ne révélait rien d'extraterrestre, et pourtant… tout en elle défiait les lectures standards de la biologie humaine. Une harmonie qui ne répondait pas aux règles.
Ses affaires personnelles, elles aussi, avaient été fouillées, scannées, répertoriées. Mais une énigme persistait : l'écriture de son carnet. Aucun système de déchiffrement impérial n'avait permis d'en comprendre un seul mot. Aucun alphabet connu, aucune correspondance avec les langages de la République, des Sith, des mondes du Noyau ou des territoires inconnus. Rien.
Mais dans les rêves… Scourge les avait vus.
Ces signes. Ces courbes. Ces glyphes étranges, inscrits parfois sur des murs, sur des pages flottant dans le vent onirique, sur la peau même d'Illaoï dans certaines visions.
Alors, il avait commencé son propre travail.
En secret.
Un petit carnet noir, relié de cuir. Il y traçait, maladroitement, les symboles qu'il reconnaissait, les associait à des sensations ou à des mots qui avaient émergé dans ses rêves. Un charabia personnel, désordonné. Mais un début.
Un embryon de tentative de compréhension.
Et il allait la voir.
Pas souvent. Mais assez pour que les assistants se soient habitués. Il se postait devant le sarcophage de verre, les bras croisés. Et il regardait. Longuement. En silence.
Il avait retenu chacun de ses traits. Il la connaissait par cœur. La courbe de ses pommettes. La ligne fine de ses sourcils. L'ombre de ses cils sur ses joues. Même plongée dans l'inconscience, elle semblait porter un éclat.
Et il devait l'admettre : elle était belle.
Belle, dangereuse, et inconnue.
Il avait reçu un nouvel ordre. Un Sith fugitif, rallié à la République, agissait dans l'ombre sur Quesh. Sa mission : le retrouver. Le ramener. Mort ou vif.
Avant son départ, il était venu. Une dernière fois.
La salle était vide. Le sarcophage, comme toujours, palpitait de lueurs vertes.
Il s'en approcha. Lentement. Et posa la paume sur le verre.
— Je ne sais pas ce que tu es, dit-il, à voix basse. Et je déteste ça.
Aucune réponse. Juste les bulles, lentes, qui remontaient le long des parois internes.
— Tu n'aurais jamais dû entrer dans mes rêves.
Son regard se posa sur le visage d'Illaoï, paisible, suspendu dans le liquide épais.
— Et pourtant, tu t'y es incrustée. Comme un poison. Comme une présence. Tu brises ce que je suis censé être.
Un silence, puis :
— Je reviendrai. Et peut-être qu'un jour, tu me diras enfin ce que tu cherches…
Il ferma les yeux une seconde.
Et dans le silence de son propre esprit, quelque part, quelque chose répondit.
Ce n'était pas un rêve. Il en eut la certitude à l'instant même où la première note s'éleva.
Il se tenait là, debout, dans les geôles-laboratoires impériaux, face au sarcophage de Kolto. Et pourtant… il entendit.
La musique.
Un instrument à cordes, aux sonorités étranges, plus organiques qu'aucun autre qu'il n'eût jamais entendu. Lointain, mais clair. Comme s'il venait d'un autre espace, d'une autre couche de réalité.
Et avec elle, une voix.
Elle chantait. Encore plongée dans le Kolto, inconsciente, et pourtant... elle chantait. Ou quelque chose en elle. Une vibration. Un écho.
Les mots étaient inconnus. La langue, absente de toutes les bases de données impériales. Mais les lettres… flottaient devant ses yeux. Ils apparaissaient dans sa tête. Des symboles mouvants, fluides.
Et il comprenait sans comprendre.
Amour. Tristesse. Perte. Chagrin. Absence. Solitude. Regret.
Tout cela résonnait dans cette mélodie muette. Il le sentait au plus profond de lui. Une pulsation sourde dans son corps, un poids dans ses entrailles.
Et puis elle ouvrit les yeux.
Dans le Kolto. Dans l'instant.
Elle le regarda.
Un NON. Clair, absolu. Aucune voix, aucun mot. Mais une volonté nue, tranchante comme la glace. Il n'était pas censé être là. Pas ainsi. Pas maintenant.
Il recula. L'instant s'éteignit. Le silence revint, aussi brutal qu'une claque.
Il cligna des yeux. Toujours dans la salle. Toujours face au sarcophage.
Mais son souffle s'était bloqué.
Il ne savait pas ce qu'il venait de vivre. Ni pourquoi cela avait semblé… aussi réel.
Il ouvrit les yeux.
Toujours dans la salle. Devant le sarcophage.
Un scientifique, qui l'avait aperçu se figer, s'était approché par prudence.
— Seigneur Scourge… tout va bien ?
Il mit quelques secondes à répondre. Puis hocha la tête.
— Parfaitement. Ce n'était rien.
Il tourna les talons sans ajouter un mot. La mission l'attendait. Mais les échos, eux, restaient
