Le sanctuaire impérial n'était pas un bâtiment. C'était une cicatrice dans la chair même de Dromund Kaas.
Érigé dans la roche noire, à flanc de montagne, le temple trônait comme une silhouette difforme entre ciel d'orage et forêt crépitante. L'air y était lourd, chargé d'électricité et de malveillance. Des pointes d'obsidienne perçaient les cieux, tels les crocs d'une bête millénaire encore affamée.
À l'intérieur, la lumière ne filtrait jamais naturellement. Des torches au feu violet pulsaient lentement, alimentées par un mélange de technologie Sith et de souffrance canalisée. Les murs chuchotaient en permanence. Des murmures indistincts, des mots oubliés, des prières à l'envers.
Et au cœur de ce vide, lui.
L'Empereur.
Scourge s'avança d'un pas calme. Mais sous ses bottes, chaque dalle semblait peser cent fois plus lourd. La pression dans la Force était absolue. Comme si le temple rejetait toute lumière, toute paix, toute volonté autre que celle du trône qui le gouvernait.
C'était un lieu où un être « faible » mourrait instantanément, la vie aspirée hors de son corps comme un souffle arraché. Même Scourge, sa Furie, sentait le poids constant de cette domination.
Il s'agenouilla.
— Maître.
La voix répondit. Elle ne venait pas d'un point fixe. Elle était le temple.
— Tu es revenu. Parle.
— La mission sur Quesh est terminée. L'ancien Sith n'était plus utile.
— Et pourtant tu ne l'as pas tué.
— J'ai trouvé plus important.
Un silence.
— Le Jedi.
Scourge inclina légèrement la tête.
— Fort. Calme. Imprégné d'une clarté qui le protège du doute. Il m'a reconnu comme un ennemi potentiel, mais n'a pas attaqué.
— Et toi ?
Un battement.
— Je l'ai reconnu. De visions anciennes. De rêves. Des siècles passés à attendre ce moment.
Le silence se fit plus profond. Comme si même les pierres s'étaient figées.
— Tu savais.
— Depuis longtemps. Depuis que tu m'as fait Furie.
Un grondement vibra dans les colonnes.
— Et tu t'es-tu. Pendant trois siècles.
— Je me suis préparé.
— Pour me trahir ?
Scourge ne leva pas la tête.
— Pour comprendre. Pour voir s'il était réel.
Un rire glacé résonna à travers les murs. Sans joie.
— Tu crois que ce Jedi est ta délivrance ? Ton salut ? Tu crois que tu es encore capable de ressentir la foi, Furie ?
Scourge répondit calmement.
— Non. Je ne ressens rien. Depuis des semaines, depuis Quesh, le silence est revenu. Les rêves ont disparu. Même l'étrangère… elle n'est plus là pour faire vibrer ce qui m'échappait.
— Et tu le regrettes ?
Un long silence, cette fois de la part du Sith.
Puis :
— Je ne sais pas.
L'Empereur sembla se redresser. L'air devint plus lourd encore, comme une marée noire.
— Parlons d'elle. Toujours dans son bain. Toujours en vie. Qu'as-tu appris ?
— Elle est différente. Sa connexion à la Force n'est pas de ce monde. Ni Sith. Ni Jedi. Plus ancienne. Plus… instinctive.
— Et tu ressens quelque chose, près d'elle.
Scourge choisit ses mots avec soin.
— J'ai perçu des anomalies. Des échos. Une inversion ténue de mes limitations. Mais cela s'estompe avec la distance. Mon état normal est revenu. Je suis ce que tu as fait de moi.
L'Empereur se tut un long moment. Puis :
— Je compte bien la modeler. En faire plus que ce que tu es. Une Furie parfaite. Libre de contraintes, mais soumise en pensée.
Scourge releva enfin les yeux.
— Et si elle résiste ?
— Tu la détruiras.
— Oui, mon maître.
Mais dans sa poitrine, dans le vide qui battait là où un cœur aurait dû résider, une vibration se fit sentir. Furtive. Un refus qui n'osait pas encore naître en pensée. Une étincelle de dissonance.
Et pour la première fois depuis longtemps, Scourge se demanda s'il serait vraiment capable d'obéir…
