Le temps s'écoulait différemment à bord du croiseur Absolution. Un vaisseau taillé dans les ténèbres, gouverné par une volonté si forte que même les horloges semblaient ralentir à son contact.

Des semaines s'étaient écoulées depuis la défaite des Jedi. Depuis l'échec brutal, sans appel, de cette tentative de libération. Depuis que l'espoir avait été étranglé dans l'œuf.

Le rituel visant à soumettre l'étrangère avait été mis en suspens, officiellement pour permettre les réparations sur les sections endommagées du vaisseau. Officieusement, l'Empereur avait jugé que son attention devait se porter ailleurs, pour l'instant.

Et Scourge, comme toujours, observait.

Les Jedi capturés — Loewen, Tol Braga, Kiwix et d'autres — avaient été remodelés. Leurs esprits réduits en cendre, reconstruits selon le schéma pervers du Maître. Et dans leur soumission totale, ils s'étaient surpassés.

Ils avaient été testés.

Ils avaient exécuté.

Interrogatoires. Massacres. Conversions forcées. Ils avaient été envoyés sur des mondes proches, pour asseoir la domination impériale, non pas en tant qu'ambassadeurs… mais en prédateurs. Des cavaliers d'un apocalypse que personne n'avait su prévenir.

Et Scourge regardait.

Pas en juge. Pas en sauveur. Mais comme un chroniqueur de l'horreur.

Et dans ce théâtre de ruines et de sang, une pensée revenait, lancinante, insidieuse : avait-il été si différent ?

Il revoyait les salles austères de l'académie de Korriban. Les statues rongées par le sable, les cris des faibles, les leçons des Maîtres. Il se souvenait de l'odeur métallique des premières victoires, du plaisir coupable de voir un rival tomber.

Il avait été un élève brillant. Froid. Méticuleux. Fierté de ses instructeurs, honneur de son sang.

Il croyait en l'Empire. En la grandeur Sith. En la purification par la force, la sélection par le mérite. Il était convaincu que le pouvoir forgeait l'ordre, et que la peur était un outil sacré.

Et à présent…

Il les voyait. Ces marionnettes désarticulées vêtues de noir. Ces visages jadis lumineux tordus par une obéissance qui n'était plus de la foi mais une coquille vide. Des pantins que l'on remontait.

Et il se demandait : avait-il été pire qu'eux ?

Eux au moins, avaient été brisés. Lui, autrefois, s'était offert volontairement. De son plein gré. Il avait servi avec fierté.

Et s'il n'avait pas vu… c'est qu'il ne voulait pas voir.

Il devait reconnaître — sans joie, sans haine — que son Maître avait un sens de l'ironie acide inégalé. Il avait retourné la Lumière contre elle-même. Et s'en régalait.

Scourge aurait pu s'émerveiller de tant de malice… s'il n'était pas celui qui, en silence, fomentait sa chute.

L'étrangère, elle, dormait toujours.

Il lui rendait parfois visite. S'asseyait sans raison dans la salle où son corps flottait, suspendu dans les fluides du Kolto, comme une relique égarée.

Mais il ne ressentait plus rien.

Aucune pulsation. Aucune connexion.

Comme si elle aussi, malgré toute sa force, avait fini par baisser les armes. Par céder. Soldat anonyme d'une guerre qui n'offrait aucune victoire.

Et d'une étrange manière… cela lui manquait.

Il n'avait pas conscience de ce que c'était — le lien ? le trouble ? l'appel ? — mais son absence laissait un vide différent des autres. Un vide qui le ramenait, à chaque fois, à cette question brûlante :

Était-elle encore là ?

Mais il n'était pas seul à montrer des signes de tension.

Les Jedi.

Parfois, dans un mouvement. Un mot. Un soupir. Quelque chose bougeait.

Un sursaut. Minuscule. Trop bref pour être détecté par les autres. Trop ténu pour éveiller l'attention du Maître.

Mais Scourge le voyait.

Et il se demanda — pour la première fois depuis longtemps — si le temps n'était pas venu de cesser d'attendre.

Peut-être fallait-il provoquer le destin. L'aider à se redresser. À reprendre sa lame.

Même si cela voulait dire… tout risquer.