Trois jours.
Trois jours depuis l'extraction infernale de l'Absolution, la fuite explosive, les hurlements mentaux de l'Empereur et la mise en orbite du plus grand doigt d'honneur que la galaxie ait connu.
Trois jours depuis que Scourge avait claqué la porte… à travers trois escadrons.
Et depuis trois jours, Illaoï ne s'était pas réveillée.
Elle reposait à bord du vaisseau médicalisé que Doc avait investi comme une forteresse flottante, avec un soin qui mêlait nervosité chronique et un professionnalisme un peu trop zélé pour être rassurant. L'équipage faisait de son mieux pour l'assister, malgré une tension constante, alimentée par une seule réalité : Scourge était sur Tython.
Le Conseil Jedi avait réagi à la réapparition de ses maîtres disparus avec une émotion rare. Tol Braga, Kiwix, et d'autres avaient été accueillis dans une solennité calme, mais pleine d'intensité. Les étreintes discrètes, les regards humides, les silences prolongés étaient autant de preuves que, malgré leur formation, les Jedi restaient profondément liés à leur ordre… et à ceux qu'ils croyaient perdus.
On parla peu de ce qu'ils avaient subi.
Mais dans l'intimité d'un cercle réduit, les souvenirs revenaient.
Leurs mains souillées.
Leurs voix au service de l'ennemi.
Les actes, les ordres, les horreurs.
Ils ne s'excusèrent pas. Ce n'était pas de honte qu'ils parlaient, mais de lucidité. Ils n'avaient plus le luxe de se cacher derrière des illusions.
Et dans ce climat tendu, Scourge se retrouva au centre des débats du Conseil. Littéralement.
Il raconta encore. La prophétie. Les visions. Le plan. Le sablier renversé de ses trois siècles de servitude.
Mais cette fois, les répliques furent plus âpres.
— Tu crois que trois siècles d'attente effacent des milliers de morts ? lança Maître Korrus, le regard noir.
— Tu n'as rien d'un sauveur. Tu es un boucher méthodique, un monstre avec une montre, renchérit une autre.
Scourge… sourit.
Un sourire lent, sarcastique, provocateur.
— Touchant, tout cet élan. On sent l'amour fraternel. Je suis sûr que si j'étais resté du côté de votre Empereur préféré, vous m'auriez accueilli avec davantage de sérénité.
Il croisa les bras, savourant leur gêne à peine dissimulée.
— Continuez donc. Vos émotions débordent tellement que même vos padawans doivent vous prendre pour des Sith.
Loewen, lui, restait droit, calme, mais tendu. Il ne défendit pas Scourge, mais rappela que ce dernier avait sauvé leurs vies.
Satele mit fin au débat. Il resterait sous la responsabilité de Loewen, avec restrictions strictes : aucune interaction avec les élèves, aucune forme de formation, aucune perturbation. La moindre entorse, et il serait expulsé… ou éliminé.
Scourge haussa les épaules. L'avertissement n'était pas nouveau.
Plus tard, dans un salon d'audience plus intime, Satele, Loewen et lui se retrouvèrent.
— Parle-moi d'elle, dit-elle simplement.
— Je la traque depuis près de deux ans. Elle ne reste jamais au même endroit. Toujours en mouvement, toujours seule. Soignant, aidant, disparaissant. L'Empereur l'avait remarquée. Il voulait l'annexer à sa collection, pour ainsi dire. En faire une autre Furie. J'ai reçu l'ordre de la capturer. Et j'ai obéi.
— Pourquoi elle ? demanda Loewen.
— Ses pouvoirs sont uniques. Elle guérit sans technologie. Elle manipule l'eau, la matière, la Force… mais différemment. Et elle semble résister à tout ce qui devrait la briser. Physiquement et mentalement. Même endormie, elle continue de rayonner…
Il hésita, juste une seconde, puis poursuivit.
— J'ai essayé d'en apprendre plus. Mais rien. Son écriture n'est pas répertoriée. Son passé inconnu. Pas de trace dans les archives. Rien. Elle est… un mystère.
— Et tu ne sais rien de ce qu'elle est vraiment ?
— Non, trancha-t-il. Et je doute qu'elle-même le sache.
Loewen observa Scourge. Il sentait qu'il cachait quelque chose. Ce n'était pas un mensonge. Mais ce n'était pas tout.
Satele se leva, droite comme un sabre.
— Je veux la voir. Maintenant.
Et ils partirent.
Mais à peine la rampe descendue, une vague de malaise les frappa.
Doc les attendait à l'entrée, blême, suant, les bras tendus comme pour prouver son innocence.
— Elle… elle était là ! Je vous jure ! Il y a une heure, elle dormait encore, et je suis juste allé…
— Où est-elle ? gronda Scourge, la voix tremblante de rage.
— Je… je ne sais pas ! Elle s'est faufilée ! Elle est… elle est partie !
Il n'eut pas le temps d'en dire plus. Le bruit sourd d'un droïde de maintenance qu'on écrase contre une cloison retentit, suivi d'un couinement électronique pathétique. T7 recula prudemment.
Loewen posa une main sur la poitrine de Scourge, dans une tentative désespérée de calmer ce volcan à deux doigts de l'éruption.
Satele s'interposa, bras croisés, imperturbable malgré l'orage qui grondait sous l'armure de la Furie.
— Respire, Seigneur Scourge.
Il inspira. Deux fois. Trois. Les jointures de ses mains blanches de tension.
Puis il explosa :
— On perd des clefs ! On perd des chaussettes ! On perd son froc si on veut… MAIS ON NE PERD PAS UN ÊTRE HUMAIN ENTIER À PEINE EN ÉTAT DE MARCHER SANS S'EN RENDRE COMPTE !
Doc leva les bras. Les Jedi firent silence.
Et comme si la Force elle-même lui répondait… cela frappa.
Une inflexion brutale. Un cri sourd dans la trame. Un vacarme assourdissant, comme si l'univers lui-même avait vacillé. Puis… le silence.
Un silence absolu.
Et Tython… se tut.
Les regards se croisèrent.
Et sans dire un mot, tous se mirent à courir.
Vers là d'où venait le bruit.
