Tython. La planète du calme. Des arbres millénaires. Du vent dans les feuilles sacrées. Et maintenant… d'une étrangère aux yeux d'océan et à la soif insatiable de savoir.

Illaoï s'était jetée sur la bibliothèque comme une naufragée sur une oasis. Manuscrits anciens, holopads poussiéreux, fragments oubliés… elle lisait tout. Absolument tout. La bibliothécaire, d'abord méfiante, avait très vite baissé la garde face à cette dévoreuse de savoir. En quelques jours, elle était passée de « présence sous surveillance » à « protégée officielle du Temple des Archives ».

Avec sa mémoire parfaite, elle retenait chaque ligne, chaque mot, chaque annotation. Et ce n'était pas simplement pour apprendre : c'était pour comprendre. La Force. L'Empire. Les Jedi. Les Sith. Les civilisations disparues. Le langage symbolique. L'art. L'histoire. Elle écrivait aussi. Beaucoup. Dans un journal qui s'épaississait à vue d'œil, couvert de croquis, de pensées, de bribes de poèmes et de notes musicales.

En parallèle, ses balades dans les villages voisins suscitèrent d'abord l'inquiétude. Être suivie par un Sith sanguinaire et trois Jedi armés jusqu'aux dents, ce n'était pas exactement un gage de confiance. Mais il suffit de quelques soins offerts, de quelques mots justes, d'une mélodie jouée au bord du chemin sur une flûte de fortune, pour que les cœurs s'adoucissent. Les Twi'leks lui offrirent bientôt du tissu, du bois précieux, des plantes rares. Elle troqua, composa, fabriqua : un ehru, une flûte, une harpe miniature.

Elle guérissait. Et elle écoutait.

Ses escapades ? Fréquentes. Et involontairement comiques. Les Jedi chargés de sa surveillance finissaient souvent par s'agiter dans tous les sens. Et Scourge… Scourge observait tout ça avec un sourire en coin et des bras croisés. Il savait toujours où elle allait. Il aurait pu aider, mais ne le faisait pas.

— Ils doivent apprendre, disait-il laconiquement. Ce n'est pas en attachant un oiseau qu'on l'empêche de voler. On le rend juste plus malin.

Elle ne dépassait jamais les limites. Elle revenait toujours. Et cela suffisait.

Sur le vaisseau, elle s'était taillé une place tranquille. Elle passait parfois de longs moments seule, à dessiner, à jouer doucement pour elle-même. T7 la suivait souvent comme un chiot, enregistrant ses mélodies. Doc soupirait, torturé par la plus belle femme qui lui ait jamais adressé un sourire… purement poli. Kira, elle, l'adorait — et râlait tous les jours de ne pas pouvoir la kidnapper dans ses quartiers comme prévu.

Loewen, lui… il était troublé. Profondément. Mais gardait ses pensées bien enfouies, comme un bon Jedi.

Et Scourge… Scourge ne comprenait pas. Ou plutôt, il ne voulait pas comprendre. Des sensations revenaient. Des réminiscences d'émotions, des souffles fugitifs d'anciens souvenirs. Rien de clair. Rien de contrôlé. Et cela suffisait à l'agacer au plus haut point.

Quand la date du départ approcha, Illaoï proposa une idée saugrenue : un repas d'adieu, au village Twi'lek.

— Pour remercier. Pour célébrer. Pour honorer ceux qui m'ont accueillie malgré leurs doutes.

Et peut-être aussi pour se souvenir de ce que c'est… que de vivre ensemble, avait-elle murmuré à Loewen.

Les maîtres de l'Ordre furent invités. Le village entier se mobilisa. Des plats furent préparés. Des lumières suspendues. Des nappes colorées tendues entre les arbres. Des enfants riaient. Des chants s'élevaient. Illaoï, elle, cuisina.

Et ce fut une révélation.

Sous la direction précise et presque militaire de la jeune femme, l'organisation de la fête fut d'une fluidité à faire pâlir Rusk lui-même. L'alignement parfait des couverts, les cadences de préparation, l'anticipation logistique... tout était irréprochable. Rusk en resta muet d'admiration, hochant la tête avec un respect non dissimulé.

Et les plats ? Divins. Des saveurs exotiques, épicées, profondes. Rien à voir avec les plats sous vide du vaisseau. Même Doc en oublia de draguer pendant un temps, la bouche pleine, les yeux brillants.

— On la garde, marmonna-t-il, extatique. On l'épouse, on la couronne, peu importe, mais on la garde.

Ce fut après les rires, les jeux d'enfants et les chants que la proposition tomba. Illaoï se leva, ses yeux reflétant les lueurs du feu de camp.

— J'aimerais partager quelque chose avec vous. Un souvenir. Une image. Un peu de ce que j'étais, ailleurs.

Elle marcha jusqu'à l'étang. Des musiciens Twi'leks entamèrent un rythme doux et soutenu, presque tribal. L'eau frémissait.

Et elle monta dessus.

Ses pieds effleuraient la surface sans la briser. Elle marchait comme sur un sol de verre. L'eau sous elle vibrait, puis s'éleva en arabesques liquides autour d'elle, dansant au rythme de la musique. Des volutes de brume s'élevèrent en spirale. La lumière des lanternes s'y reflétait, se démultipliant comme un ciel d'étoiles.

Puis vinrent les sculptures.

D'un geste, elle modela des roses de glace qui s'ouvraient lentement à chacun de ses pas. Un arbre immense, dont les branches se paraient de givre. Une vague figée, cristalline, autour d'elle, écho d'un océan lointain.

Elle ne parlait pas. Mais tout en elle chantait. Son corps, ses gestes, son regard clos. Elle partageait, par la Force et par la beauté, des images d'un monde perdu. Des souvenirs que personne ici ne connaîtrait jamais… mais qu'ils ressentiraient dans leur cœur.

Ce n'était pas un spectacle. C'était une offrande.

Et dans la foule silencieuse, un Sith restait debout, en retrait. Scourge, immobile, les bras croisés. Il ne disait rien. Mais ses yeux, toujours privés de couleurs, voyaient. Et ce qu'il voyait… le touchait plus profondément qu'il ne l'admettrait jamais.

Même pour lui, c'était beau.

Et cela, c'était un miracle en soi.