Le désert n'épargne personne. Pas même ceux qui pensent pouvoir lui échapper.
Tatooine. Deux soleils brûlant le ciel. Une mer de sable sans fin. Et un crash. Violent, brutal, presque orchestré. L'attaque avait été aussi soudaine que précise — des traqueurs, armés et organisés, envoyés par l'Empire.
Le message était clair : l'Empereur n'oubliait rien.
Le vaisseau s'était abîmé sur une langue de terre sèche, hors de tout centre civilisé. Doc, qui avait tenté une manœuvre de dernière chance, avait pris un sale coup dans la cabine. Illaoï s'était précipitée à son chevet. En silence. Concentrée. Délicate. Et le torse nu du médecin, exhibé avec une complaisance trop appuyée, avait déclenché en elle une rare étincelle d'agacement.
Il avait tenté. Encore. Un mot. Un regard. Une main presque déplacée.
Elle l'avait soigné. Juste ce qu'il fallait pour qu'il vive. Mais pas plus. Son exaspération était si évidente que même Kira s'était tue. Scourge avait levé un sourcil, amusé. Loewen, lui, avait baissé les yeux. Un peu honteux. Un peu trop silencieux.
Doc resta à bord, sous la surveillance de T7, le cœur en miettes, la fierté encore plus. Les autres partirent en quête de pièces et d'aide.
Trois villages plus tard, ils n'avaient rien. Pas de crédit accepté. Pas de pièces disponibles. Même les intimidations, pourtant musclées de Scourge, n'obtenaient qu'indifférence ou rires discrets. Les gens ici n'étaient pas des colons de la Bordure : ils étaient nés du désert. Durs. Méfiants. Imperméables.
Illaoï, elle, observait. Toujours. Discrète. Attentive. Un murmure par-ci. Un regard par-là. Et elle comprit. Une course allait avoir lieu : la Fête de la Boonta. Une course de modules, mais aussi… un rassemblement. Un événement. Et surtout, un banquet. Un spectacle. Un enjeu pour les Hutt.
Un groupe de musiciens ne viendrait pas. Une dette non honorée. Une panique discrète chez l'organisateur. Et Illaoï s'éclipsa sans un bruit, usant de cette capacité qu'elle maîtrisait mieux que tous : disparaître.
Personne ne la vit partir.
Loewen sentit son absence le premier. Puis Kira. Puis Scourge.
— Elle est où ? — … — Tatooine, vraiment ? Tu crois qu'ici, elle peut se défendre sans eau ? Sans appui ?
Scourge restait impassible, mais dans ses yeux brûlait une interrogation. Elle avait dit qu'elle ne tuerait plus. Qu'elle ne puiserait plus dans certaines ressources. Alors… que faisait-elle ? Que préparait-elle ?
La colère montait. L'inquiétude aussi. Loewen ne le disait pas. Mais Scourge le voyait. Il enregistra la tension dans sa mâchoire, le serrement de ses poings. Cela devenait… intéressant.
Loewen était profondément troublé. Depuis leur départ de Tython, Illaoï occupait ses pensées. Il tentait de rationaliser : prudence, inquiétude pour la mission, stratégie… Mais tout sonnait faux. Ce qu'il ressentait dépassait la logique Jedi. Il méditait, sans relâche, espérant noyer ce feu qu'il refusait de nommer. Mais ce soir-là, alors qu'il la vit sur scène, il sut. Il ne contrôlait plus rien.
Et puis, au crépuscule, alors que les modules avaient tous franchi la ligne d'arrivée et que les festivités explosaient dans la chaleur du soir… ils entendirent une voix.
Une mélodie.
Leurs regards se tournèrent vers la scène improvisée dressée devant les tables basses et les braseros. Et là… elle était là.
Illaoï.
Vêtue de tissus colorés, drapée dans des voiles plus que suggestifs, maquillée à la manière des danseuses de Tatooine. Elle chantait. Des mots qu'ils comprenaient cette fois. Une langue claire. Une langue des sentiments. Elle improvisait sur l'amour, le quotidien, le courage simple de tous les jours, les pertes, les absences… la lumière, même faible, qui subsiste toujours. La foule, d'abord sceptique, s'était rapprochée, captivée. Les pourboires commencèrent à pleuvoir. Littéralement.
Les Hutts, eux, n'avaient pas prévu ça. Ils attendaient une autre tête d'affiche. Mais elle… elle remplissait le contrat. Et elle ne coûtait rien. Les marges étaient parfaites. Et tant que ça rapportait… pourquoi s'opposer ?
Les rythmes s'enchaînaient. Elle forçait. Beaucoup. Trop. La fatigue, la douleur dans sa poitrine… elle les ignorait. Elle devait tenir. Encore un peu.
L'équipage s'était figé. Entre admiration et incompréhension. Loewen était tendu. Troublé. L'alcool aidant, les pensées qu'il tentait d'étouffer refaisaient surface. Doc, s'il avait été là, aurait souri : même le Jedi perdait pied.
Et Scourge… savourait. Il connaissait ce regard. Cette ruse. Elle manigançait quelque chose. Il l'admirait. Mais ne parvenait pas à deviner la suite. Il sentait les fils de la stratégie se tendre, invisibles mais réels. Elle tissait une toile.
Alors elle changea de registre.
Un autre chant. Plus lent. Plus lourd. Plus tranchant.
Elle parla d'esclavage. De chaînes. De liberté. De choix. Elle ne hurlait pas, elle murmurait. Et pourtant chaque mot portait. Chaque mot frappait. Chaque mot restait.
La foule se figea. Certains regardèrent les mercenaires des Hutts. D'autres reculèrent. Des femmes prirent leurs enfants par la main. Les murmures montèrent. Une tension vibrante s'éleva comme une onde sourde.
Les Hutts n'appréciaient plus. Ils se mirent à hurler. À donner des ordres. Et leurs soldats commencèrent à charger la foule.
Le chaos. Pur. Brutal.
Cris. Poussière. Coups. Fuite.
L'équipage tenta de la rejoindre. Mais elle était déjà loin. Dans une ruelle, deux rues plus loin, ils l'aperçurent ramassant à la hâte les crédits tombés au sol…
Et puis… une ombre. Une embuscade. Pas un cri. Pas un pouvoir. Pas de résistance. Juste… la fin du spectacle.
Elle se débattit faiblement. Un geste de recul. Une protestation à peine audible. Un filet paralysant, et elle s'effondra. Capturée.
Ils coururent. Trop tard.
Scourge fut stoppé net par un tir. Loewen par un soldat en fuite. Et Kira, par une nuée de badauds paniqués. Lorsqu'ils atteignirent la ruelle, il ne restait que la poussière. Et le silence.
Elle avait disparu.
Et cette fois… ce n'était pas un jeu.
Dans les pensées du Jedi, une panique sourde, inavouée. Il avait failli. Il l'avait laissée partir. Il avait… perdu plus qu'une alliée.
Scourge, lui, resta figé plus longtemps. Le regard plongé dans le vide. Quelque chose clochait. Elle n'avait pas résisté. Pas un soupçon de défense. Pas même un frisson de peur. Tout semblait… trop parfait.
Et alors, un rictus presque imperceptible traversa son visage. Il comprenait.
Elle les avait tous eus.
Et le piège s'était refermé.
