Dans les couloirs du désert, la poussière retombe plus vite que l'agitation des cœurs.
Ils étaient tous debout, dans la petite pièce surchauffée du relais désertique où ils avaient trouvé refuge. Le silence entrecoupé de grognements, de souffles courts, de phrases jetées en l'air sans plan véritable. Kira tournait en rond. Rusk analysait tout haut chaque hypothèse, chaque probabilité d'infiltration, d'intervention, de rachat. Loewen gardait le silence, raide, le regard perdu vers l'horizon. Doc… restait couché, visage morne, soupirant à répétition depuis qu'on lui avait annoncé qu'Illaoï avait été emmenée chez les Hutts.
Et Scourge… restait en retrait, adossé contre le mur, bras croisés.
Il ne disait rien. Mais il pensait. Trop. Et cela, c'était déjà une anomalie. Depuis quand ressentait-il… l'inquiétude ? Non. Ce n'était pas le mot. C'était plus primal, plus insidieux. Un besoin. De la revoir. De savoir. Pas pour la sauver. Pas comme les autres. Mais pour comprendre. Pour mettre un nom sur ce qui germait en lui.
Il commençait à sentir. De nouveau. Et cela faisait mal. Il n'aimait pas cela.
Pendant ce temps, dans les profondeurs dorées d'un salon richement décoré du Palais des Hutts, les murs résonnaient d'un rire gluant. Les bassins bouillonnaient, les esclaves circulaient en silence, têtes basses, et l'air sentait la luxure, l'épice et la peur ravalée.
Illaoï fut amenée, pieds nus, vêtue d'un tissu translucide et de quelques colliers clinquants censés masquer le déshonneur d'une prisonnière de plaisir. Mais il n'y avait dans son port aucune soumission. Son regard ne cilla pas.
Les Hutts s'étiraient en grognant, discutant dans leur langue visqueuse, gloussant à l'idée des profits qu'elle pouvait générer. L'une des plus belles prises vues depuis des années.
Elle comprit tout. Sans bouger. Elle les laissa parler, débattre de sa destinée comme on tranche sur le sort d'une bête exotique. Et lorsqu'ils évoquèrent les Maisons de plaisir, elle décida que la farce avait assez duré.
Elle s'installa. Là. Sur un coussin de velours rouge sang. Et se servit, tranquillement, dans un plat de fruits exotiques.
Un murmure d'indignation remonta du trône.
— Insolente…
Elle leva une main gracieuse.
— Vraiment, chers messires… nous allons jouer à ce jeu-là ? Vous avez confisqué l'argent que j'ai honnêtement gagné devant plusieurs milliers de témoins, enchantés par ma performance. Ce sac, d'ailleurs — elle désigna le tas de crédits posé à côté du Hutt central — vous rapportera sans doute plus que bien des paris ce soir.
— Tu n'as pas été engagée. Tu es une usurpatrice.
Elle sourit, yeux plissés, dangereusement calme.
— Alors vous admettez avoir volé une artiste indépendante sous les yeux du public. Très mauvais pour les affaires, n'est-ce pas ?
Un silence pesant. Les Hutts grognèrent entre eux, hésitants. Elle continua.
— Je suis persuadée que vos futurs partenaires, vos réseaux alliés et vos bailleurs seraient ravis de savoir à quel point vous honorez vos contrats… même implicites. Vous savez aussi bien que moi que la pègre n'a qu'une vraie règle : la réputation. Et la vôtre vient de perdre quelques points.
— Nous pourrions te tuer maintenant.
— Oui. Mais alors vous confirmez mes paroles. Et surtout, vous prenez le risque de faire enrager l'Empereur, qui me cherche. Il ne serait pas très heureux d'apprendre que vous l'avez doublé pour récupérer une prime qui ne vous était pas destinée… Non ?
Le malaise s'installa. L'Empereur était connu pour ne pas laisser d'arriérés impayés. Et surtout pour écraser ceux qui pensaient le manipuler.
— Alors vous hésitez entre me vendre, me garder ou me faire disparaître. Je vous propose mieux : je repars. Avec mon équipage. Vous conservez l'intégralité du pactole que j'ai gagné — c'est déjà un joli profit — et vous nous fournissez les pièces dont nous avons besoin pour quitter cette planète de sable.
Un murmure s'éleva. L'un des Hutts s'exclama :
— Et pourquoi ferions-nous cela ?
— Parce qu'en nous laissant repartir, vous devenez les bienfaiteurs de la soirée. Acclamés, populaires. Intouchables pour quelques temps. Et surtout, vous ne vous mettez à dos ni l'Empire… ni les rumeurs. Car si je disparais… tout se saura.
Et puis…
Elle pencha légèrement la tête, sourire en coin.
— Imaginez ce que l'on dira… de puissants Hutts, dominants, réputés… mis en déroute par une simple inconnue ? Une petite chanteuse sans arme ni escorte. Quelle... hum... tragédie médiatique. Quelle honte. Quelle perte de prestige.
Un silence. Puis un rire gluant.
La pièce retomba dans un murmure de délibérations. Et Illaoï, impassible, croisa les jambes, bu une gorgée d'un breuvage inconnu, et attendit.
Elle avait dit ce qu'il fallait. Le reste… dépendait d'eux.
Mais dans ses yeux brillait une étincelle.
Ce n'était pas elle la proie. C'était eux.
Et elle avait tendu le piège. À eux. À l'Empire. À tous.
Personne ne la sauverait. Parce qu'elle n'en avait jamais eu besoin.
