Les jours avaient glissé depuis l'épisode de Tatooine, chaque mission comme un grain de sable de plus dans l'engrenage bancal de l'équipage. L'harmonie, si elle existait encore, n'était plus qu'un masque bien poli, posé sur des blessures encore à vif. Illaoï s'était retirée dans un silence presque religieux, cloîtrée dans leur cabine commune où les étoiles dansaient seules devant ses yeux. Elle écrivait, dessinait, jouait parfois à voix basse, des mélodies mélancoliques qu'elle semblait adresser au vide.

Dans le vaisseau, une routine s'était installée malgré tout. Loewen et Scourge s'entraînaient chaque jour avec la fougue de deux guerriers refusant d'admettre la moindre faiblesse, leur dualité un exutoire au tumulte intérieur. Le Jedi voulait comprendre, sentir son corps bouger, vivre, alors que le Sith, lui, cherchait à se contrôler pour ne pas tout détruire sous la pression de ce qu'il commençait à ressentir à nouveau. Doc, fidèle à lui-même, rafistolait les blessures avec des commentaires vaseux, et Kira, pleine d'entrain, avait pris à cœur la relève de la cuisine... pour un résultat que seul le mot "courage" permettait de qualifier de mangeable. Personne n'osait critiquer. Pas encore.

Mais une nuit, alors que le silence enveloppait le vaisseau, Scourge sortit silencieusement de leur quartier commun. Il avait un but, un besoin irrépressible de vérité. Il retrouva T7 à son poste de veille nocturne, et lui donna la dernière pièce de leur accord : un enregistrement précieux de la nuit sur Tatooine, alors qu'elle chantait. Le petit droïde trilla de bonheur, plus excité qu'un Jawa dans une casse. En échange, il lui remit les derniers éléments du décryptage du carnet d'Illaoï, patient travail de plusieurs semaines.

Scourge prit place dans la salle de réunion, déverrouilla l'accès à l'interface et lut. Toute la nuit. Pas un mot ne franchit ses lèvres, mais ses yeux, eux, brûlaient d'un feu ancien. Il avait vu des choses. Ressenti.

Le lendemain, Illaoï était dans la cambuse, levée avant tout le monde. Elle attendait. Loewen fut le premier à arriver. Elle s'inclina légèrement, offrant des excuses simples, honnêtes. Pour l'insubordination tacite, pour la rupture du lien de confiance qu'elle reconnaissait pourtant nécessaire. Le Jedi se rapprocha, tendit une main sous son menton et releva son visage. Ses yeux étaient des miroirs troubles, chargés de tout ce qu'elle ne disait jamais. Il murmura qu'elle lui avait manqué. Qu'il regrettait la dureté de ses mots. Et alors, il l'embrassa.

Ce ne fut qu'un instant suspendu, une pulsion dérobée, mais elle en resta figée. Rien dans son esprit ne l'avait préparée à cela. Dans l'ombre du couloir, une présence bouillonnait. Scourge vit rouge. L'instinct d'assassinat, le besoin de sang et de territoire, la rage pure. Il ne bougea pas, mais chaque fibre de son être était tendue comme un câble prêt à rompre.

Quand elle se déroba à l'étreinte du Jedi et fila, Scourge n'attendit pas. Il la suivit d'un pas déterminé. Elle était dans leur cabine, déjà sous la douche. Il se posta près de la porte, la fureur dans les veines. Pas cette colère brutale et sanguinaire... Non, une colère bien plus insidieuse : la douleur. La confusion.

Lorsqu'elle sortit, une serviette sur les épaules, il lui barra le chemin.

— Il faut qu'on parle.

Elle le dévisagea, surprise, puis passa dans un silence feutré pour s'habiller. Il ne détourna pas le regard. Après une brève hésitation à peine retenue, elle se posta devant lui et hocha doucement la tête. Oui, il était temps. Il avait besoin de réponses. Et elle aussi.

Car elle sentait que cette fois, elle ne pourrait plus tout esquiver. Ni dans ses gestes, ni dans ses silences.

Et surtout, pas dans ses yeux.