Le vaisseau venait tout juste de quitter Hoth. Dans le silence presque religieux de la cabine médicale, Doc se tenait penché sur le corps inerte d'Illaoï. Les brûlures avaient été stabilisées, son cœur battait de nouveau à un rythme régulier, mais son état restait préoccupant. Il avait vu bien des blessures dans sa carrière, physiques comme psychiques… mais ce feu-là — celui qui semblait être né d'elle-même — c'était autre chose. Une arme, et une malédiction.

Dans le couloir, l'agitation s'était tue. Le sergent Rusk faisait son rapport. Chacun avait retrouvé son poste, ou sa place dans un coin d'ombre pour digérer. Sauf Scourge. Il restait immobile, les bras croisés, adossé au mur du couloir extérieur à l'infirmerie.

Il avait vu beaucoup. Vécu davantage encore. Mais jamais… jamais il n'avait rien ressenti de tel. La colère, la peur, la perte, la chaleur d'une autre… c'étaient des choses qu'il croyait oubliées, rendues à l'éternité de son corps devenu indifférent. Pourtant, il s'était senti vulnérable. Pour la première fois depuis des siècles, il avait eu peur qu'elle meure. Vraiment.

Une silhouette se glissa dans son champ de vision.

T7.

Le petit droïde hésita, bipant d'un ton presque timide, ses optiques levées vers le colosse rouge.

« Illaoï... pas cassée. Juste fatiguée. »

Scourge le regarda un instant, sans mot.

« Scourge... rester. Elle aimer. Même si pas dire. »

Le sith haussa un sourcil, surpris.

« Scourge... peur ? »

Un silence. Puis, le droïde poursuivit, doucement :

« Peur… vouloir protéger. Vouloir comprendre. C'est normal. Pour... famille. »

Scourge le fixa longtemps. Il n'avait pas de réponse. Il ne savait même pas quelle émotion lui broyait les tripes. Mais ce tas de boulons bourdonnant avait mis le doigt dessus sans détour.

« Petit droïde… grande vérité. » murmura-t-il presque pour lui-même.

T7, satisfait de sa mission, émit un petit bip joyeux et repartit, ses roues cliquetant dans le couloir. Il n'ajouta rien. Il n'avait pas besoin.


Scourge entra enfin dans l'infirmerie.

La lumière y était tamisée, presque irréelle. Le corps d'Illaoï était allongé sous un drap léger, ses bras et ses mains bandés, des mèches de cheveux humides collées à ses tempes.

Il s'approcha.

Son regard la détailla. Chaque ligne de son visage, chaque infime contraction. Il ne se l'avouait pas, pas vraiment. Mais il en avait besoin. Il avait besoin de voir qu'elle respirait, qu'elle était là.

Puis il sentit une aspiration, un appel muet, et avant même d'y penser, il fut happé dans son esprit.

Un monde de feu et d'ombres. Un désert cendré, balayé par le vent. Une silhouette masculine se tenait là, sombre, familière. Scourge vit enfin l'homme. Son regard, son port, son aura. Son cœur se serra.

Il aurait pu être le frère jumeau de Loewen.

Les pensées se percutèrent en lui : le passé, la douleur, la promesse silencieuse d'un amour perdu… et ce murmure qu'il entendit :

« Tu dois vivre, Illy. »

Il vit Illaoï s'effondrer à genoux, brisée, et l'homme l'enlacer une dernière fois. Il lui parlait. Et même si elle ne le regardait pas, Scourge, lui, entendait. Chaque mot. Chaque blessure.

Il rouvrit les yeux, haletant.

Elle se réveilla, doucement.

Leurs regards se croisèrent.

Et tout fut silence.

Aucun mot ne fut prononcé.

Mais il y eut ce geste. Elle tendit la main. Il la prit. Le contact fut simple. Nu. Authentique.

Il s'assit sur le rebord du lit, ses doigts toujours autour des siens. Elle ne le lâchait pas. Lui non plus. Il n'y avait rien à dire. Pas pour le moment.

Son front se posa sur leurs mains jointes.

Un battement.

Un soupir.

Et dans cet espace où le langage n'existait plus, quelque chose de plus ancien que les mots naquit.

Une vérité. Nue. Incontestable.

Ils étaient liés, par le feu et la glace. Par le sang, le silence, et la promesse que chacun portait dans ses cicatrices.

Et dans un coin discret de la pièce, T7, silencieux pour une fois, enregistra l'instant.