Sur les hauteurs de Rakata Prime, le ciel s'était voilé d'une étrange lumière ambrée. Les nuages lourds oscillaient entre l'orage et le crépuscule, comme si la nature elle-même retenait son souffle. Le vent soufflait fort, canopée ondulait en vagues sombres, mêlant sel, humidité et tension dans l'air.

Illaoï était là, immobile, les bras croisés, le regard figé vers l'horizon où se dessinaient les premières étoiles.

Elle attendait. La mer en contrebas s'était figée, comme suspendue. Les feuillages exotiques n'osaient plus frémir. Et quelque chose de plus ancien que le monde vibrait dans l'air.

Loewen arriva, seul. Silencieux. Il savait.

Elle ne lui laissa pas le temps de parler.

« Tu veux abattre un dieu, Jedi. Très bien. Alors montre-moi. »

Ses mots étaient froids, sans une once de cette chaleur qui d'ordinaire habillait sa voix. Elle ne portait ni son sourire, ni ses regards profonds. Elle était droite, dangereuse, prête.

Loewen ne bougea pas. Il ne comprenait pas encore.

« Tu lui ressembles. Trop. »
« Déréos ? »

Elle ne répondit pas. Pas tout de suite. Elle s'éloigna de quelques pas. Puis se retourna. Elle le regarda longuement. Ses yeux n'étaient plus océans. Ils étaient tempête.

« Tu es calme, droit, lumineux. Mais tout ça... c'est un vernis. Je vois tes failles, Loewen. Je vois ce que tu caches. Ce que tu refuses. Et je vais tout faire pour le faire sortir. Parce que si tu ne les affrontes pas maintenant, l'Empereur te détruira. »

Sans prévenir, elle se projeta sur lui.

Le combat fut fulgurant.

Loewen dégaina juste à temps pour parer un déluge d'éclairs d'eau cristallisée. Il roula sur le côté, se redressa, mais à peine son sabre activé que la terre elle-même se dressa contre lui. Des lianes d'obsidienne, surgies de nulle part, tentèrent de l'enserrer. Il bondit, la Force emplissant ses membres, et alla à sa rencontre.

Illaoï n'était plus la soignante douce, ni l'amie, ni l'alliée. Elle était rapide, brutale, létale. Chaque geste parlait d'un passé où l'on ne se battait pas pour gagner, mais pour survivre. Pour tuer avant d'être tué.

Elle tourbillonnait comme l'ombre d'une tempête. Il ne la voyait pas, il la sentait.

Le monde explosa.

Le sol se fendit sous ses pieds, une onde de choc résonna dans la terre. Le vent hurla comme mille voix d'anciens. Le lagon lui-même se retira sur les berges, comme fuyant sa présence.

Illaoï s'était envolée.

Littéralement.

Portée par une colonne d'air ascensionnelle, ses pieds touchaient à peine le sol. Le vent dansait autour d'elle. L'eau s'élevait derrière, en vrilles transparentes et acérées. Des braises flottaient dans l'air, léchant sa peau sans la brûler. Et sous la terre, une résonance sourde, profonde, faisait vibrer les pierres.

Elle était les éléments.

« C'est toi le héros de la République ? » souffla-t-elle à son oreille alors qu'elle frôlait son épaule.

Elle enchaînait les assauts, chaque mouvement appelant un élément : une gerbe de feu pour masquer une feinte, une rafale de vent pour déséquilibrer, une vague pour forcer le recul.
« Tu crois que l'Empereur te craindra ? Qu'il va plier devant tant de compassion ? »

Elle intensifia ses attaques, et sa voix se fit plus sombre, comme surgie d'un gouffre ancien.

« L'Empereur est un puits sans fond. Une horreur née dans le silence du vide. Et toi, tu n'as même pas affronté tes propres ombres. »

Il parvint à contre-attaquer. Une ouverture. Un souffle. Mais elle l'arrêta d'un simple mouvement de hanche. Trop fluide. Trop imprévisible.

Il résistait à peine. Son manteau brûlait. Ses bras saignaient. Mais il tenait. Parce qu'elle voulait qu'il tienne.

Autour d'eux, le paysage changeait.

La mer soulevait des spirales d'eau qui tournoyaient comme des serpents marins. La terre tremblait sous chaque frappe. Les nuages s'ouvrirent en un vortex au-dessus de leur duel, dévoilant une lumière céleste impossible.

L'équipage, réuni à bonne distance, observait.

Doc en perdait ses mots. Kira, les yeux agrandis, murmurait une prière. Rusk calculait les probabilités de survie. T7 bippait avec panique, incapable d'enregistrer une telle quantité d'anomalies à la seconde. Même Scourge... ne disait rien. Il regardait.

Et Loewen chut.

Un coup trop rapide. Une onde de choc trop violente. Il tomba à genoux. Le souffle court. L'esprit embué.

Elle s'approcha. Pas un mot.

Son aura irradiait. Ses yeux étaient incandescents.

Alors elle relâcha son énergie. Là, sur ce sol ancien, se dressait la Dernière Ombre.

Son aura dévorait la lumière. Une force profonde, terrible, mais tenue en laisse. Elle n'attaquait pas. Elle attendait. Observait. Jugeait.

« Voilà qui je suis, Loewen. Voilà ce que je peux redevenir. Et je ne suis pas la pire chose que tu auras à affronter. »

Le Jedi chancela. Pas de peur. Mais parce que ce qu'il venait de voir, ce qu'il ressentait, venait bousculer toutes ses certitudes. La guerre n'était pas une épreuve physique. C'était un combat pour l'âme.

Alors, doucement, il déposa son sabre au sol. S'agenouilla.

« Tu n'es pas encore prêt. » souffla-t-elle.

Mais alors...

Il leva les yeux. Et elle vit. Dans ce regard brisé, il n'y avait plus de fierté. Plus de contrôle.

Juste l'acceptation.

La douleur. La perte. La vérité.

Et c'est cela... qui les sauvera.

Elle relâcha tout.

Les flammes s'éteignirent. L'eau retomba en pluie douce. Le sol redevint stable. Et elle s'agenouilla à son tour.

Illaoï reprit son souffle. Les ténèbres se dissipèrent comme des brumes au petit matin. Elle avait vu dans ses yeux la vérité. Et ils étaient là, deux âmes nues, deux survivants.

« Je ne t'aimerai jamais, Loewen. Pas comme lui. Tu es trop proche. Trop semblable. Ce ne serait pas te choisir... ce serait choisir encore le passé. »
« Je sais. » souffla-t-il. « Et c'est pour cela que je t'en suis reconnaissant. »

Leurs regards se croisèrent. Silencieux. Paisibles.

Un respect. Une reconnaissance. Pas un amour, non. Mais un lien forgé dans la vérité nue, dans l'ombre et la lumière.