Le vaisseau semblait figé dans l'espace, suspendu entre les étoiles. Dans ce calme presque solennel, les quartiers de l'équipage baignaient dans une pénombre dorée, éclairés seulement par le halo diffus des planètes proches.
Scourge referma la porte derrière lui.
Elle était là. Assise, jambes repliées sous elle, drapée dans un tissu léger. Ses cheveux blancs retombaient en cascade sur ses épaules, dénoués, libres. Elle leva les yeux. Il ne parla pas tout de suite.
Il la regardait.
Pas comme avant. Plus comme avant.
Il ne voyait plus une arme. Ni un mystère à déchiffrer. Ni un symbole ou un allié nécessaire à son plan millénaire. Il voyait une femme. Une femme qui l'avait sauvé de sa propre damnation. Une femme qu'il aimait.
Il s'approcha lentement, s'agenouilla devant elle.
« Je me suis battu trois cents ans pour une prophétie. Pour une fin à l'aberration qu'est l'Empereur. J'ai tout sacrifié pour cela… Et jamais, pas une seule fois, je n'ai imaginé ce qui viendrait après. »
Elle baissa les yeux, touchée par la sincérité dans sa voix grave.
« Aujourd'hui… je le vois. »
Il prit ses mains dans les siennes. Elles étaient guéries, mais il les manipulait encore avec précaution, comme si elles étaient faites de cristal.
« Je nous vois. Toi, moi… sur une plage de Rakata, dans une maison simple, sans armes, sans menaces. Des rires. Des enfants peut-être. »
Elle sourit, doucement. Mais il lut dans ses yeux quelque chose de plus profond qu'un simple attendrissement. De la paix. Enfin.
« Tu rêves, Furie. » murmura-t-elle, presque espiègle.
« Peut-être. Mais pour la première fois en trois siècles… je veux croire que je suis autorisé à le faire. »
Elle le regarda. Longuement. Ses doigts caressèrent son visage, ses tendrils, les sillons marqués par des siècles de guerre. Elle voyait tout, et ne reculait devant rien. Elle voyait l'homme derrière la bête.
Et elle l'aimait.
« Alors faisons-le. Comme si demain n'existait pas. »
Ils se rapprochèrent.
Lentement, avec cette précaution propre aux guerriers qui savent la valeur d'un instant. Leurs corps s'effleurèrent d'abord. Puis s'épousèrent. Il n'y eut ni brutalité, ni conquête. Juste la tendresse d'un abandon.
Elle s'abandonnait à lui. Lui, pour qui l'émotion avait été un désert pendant des siècles, buvait à la source d'une chaleur retrouvée.
Leurs mains s'exploraient. Leurs regards se cherchaient. Les baisers se faisaient plus profonds, plus langoureux. Et quand enfin leurs corps s'unirent, ce fut comme une marée montant lentement sur la rive, inévitable, puissante, douce.
Le temps n'existait plus. Plus rien d'autre n'existait que les soupirs retenus, les murmures étouffés, les souffles mêlés. Chacun donnait à l'autre tout ce qu'il avait, comme une offrande.
Et lorsque, enfin, la vague s'échoua, les ramenant tous deux sur le rivage de la réalité, ils restèrent là. L'un contre l'autre. Silencieux.
Il caressait ses cheveux, comme s'il voulait les graver à jamais dans sa mémoire.
Elle avait la tête posée contre son torse, écoutant son cœur. Ce cœur qu'elle avait réveillé.
Il parla doucement, sans bouger.
« Si je meurs demain… »
« Tu vivras. » l'interrompit-elle, en posant un doigt sur ses lèvres.
« Et moi aussi. Même s'il ne reste rien, je porterai ça en moi. Toujours. »
Un long silence les entoura. Mais ce n'était pas un vide. C'était une promesse.
Ils s'endormirent ainsi, entrelacés, corps et âmes, dans la lumière douce des étoiles.
Demain, la guerre reprendrait. Demain, ils seraient des armes, des héros, des flammes vives contre l'obscurité.
Mais ce soir… ils étaient simplement eux.
