La salle du trône était plongée dans une obscurité que même les torches vacillantes ne parvenaient à dissiper. Le silence pesait comme un suaire, juste avant l'orage. Chaque pas résonnait comme le glas d'un monde au bord de l'extinction.
Leowen se tenait droit. Sa silhouette svelte et souple, tendue comme un fil de vibro-acier, faisait face au trône d'obsidienne. Les deux sabres allumés à ses côtés projetaient une lumière pâle sur son visage, où rien ne restait de l'élève docile. Ses yeux luisaient de détermination. Il ne tremblait pas.
Scourge s'était placé à ses côtés. Imposant, puissant, la Furie renaissante. La rage et l'expérience vibraient sous sa peau. Mais cette fois, ce n'était pas la haine qui guidait ses mouvements.
C'était le sens.
Elle.
Ce qu'ils avaient construit.
Ce qu'il avait failli ne jamais avoir.
Ensemble, ils formaient deux piliers, une volonté partagée. Deux survivants prêts à tout pour faire advenir une aurore encore incertaine.
L'Empereur les observa avec le calme terrible d'un titan. Une silhouette drapée dans l'obscur, son visage noyé sous un voile d'ombre, mais dont la voix pouvait faire chanceler des planètes entières.
« Vous venez à moi avec votre lumière vacillante et vos illusions de rédemption… »
« Scourge, mon échec. Leowen, mon jouet brisé. Rien de vous ne mérite le pardon. »
Le combat explosa. Foudroyant.
Leowen bondit, guidé par la force et ses sens décuplés. Ses sabres virevoltaient comme deux étoiles affamées. Il portait les espoirs d'un ordre entier, d'une galaxie à genoux.
Scourge, à ses côtés, parait, contre-attaquait, absorbait. Il se jetait avec une fureur inédite, une force primale, brutale, maîtrisée. Pour la première fois, il voulait vivre. Pas simplement survivre.
Et pourtant… l'Empereur n'était pas un homme. C'était un gouffre sans fond. Une marée noire, un cosmos en furie. Il les contenait. Il souriait.
Dans les ombres, dissimulée, concentrée… Illaoï attendait.
Elle cherchait la faille. La brèche. Le moment où la marée basculerait.
Mais ce fut lui qui la trouva la première.
Un frisson. Une brûlure glacée. Une intrusion violente, déchirante, dans son esprit. Elle hurla en silence. Il était là. En elle.
"Tu t'es laissée aller, petite déesse oubliée... Tu as goûté à la faiblesse des mortels. L'amour. L'attachement. Le plaisir. Tu crois que cela fait ta force… Mais c'est ta fin. Tu m'as ouvert la porte."
Elle tenta de refermer la coquille de son esprit. Trop tard.
Des visions déferlèrent. Rakataa. L'abandon. Le contact. La peau contre la sienne. Les soupirs. La lumière. Le feu.
Et le germe. L'étincelle.
Son souffle se coupa. Ses mains se crispèrent. Son ventre, contracté par l'angoisse.
Il le savait.
Son cœur s'emballa, mais cette fois, ce n'était pas de peur. C'était… trop. La vérité s'épanouissait comme une étoile naissante, crue, inévitable.
Une vie... en elle. Nouvelle. Fragile. Présente.
Son enfant.
Le fruit de leur abandon, de leur promesse murmurée contre l'obscurité.
Et soudain, tout changea.
Son regard se durcit. Elle s'arracha à l'ombre comme une lame jaillit d'un fourreau.
Ses mains s'élevèrent, ses yeux s'illuminèrent d'un bleu surnaturel. L'eau, cachée dans les moindres recoins du palais, se mit à vibrer. Le métal gela par endroit. Une brume se leva.
Elle s'avança, les pas fermes. Chaque mouvement faisait frémir les murs. Elle portait la vie en elle. Et plus rien ne pourrait l'arrêter.
« Tu n'auras pas cette vie, démon. »
L'Empereur se figea. Un fragment d'étonnement traversa ses traits sombres.
Scourge la sentit avant même de la voir. Il comprit immédiatement. Ce qu'elle portait. Ce qu'elle était devenue.
Loewen chancela, repoussé par une onde noire. Scourge se glissa devant lui, son sabre écarlate crépitant, mais c'était elle que l'Empereur regardait désormais.
Et dans l'écho du silence naissant, elle dit, d'une voix calme et ferme :
« Tu m'as trouvée. Maintenant… découvre ce que cela signifie. »
