En montant dans la chambre de Solus, Marcus s'inquiétait.
- Dis, Anne, tu ne vas pas me dénoncer, hein ? Je ne veux plus revenir là-bas dans l'Armée ! Ce n'est pas fait pour moi...
- Non, rassure-toi, je sais que tu n'aime pas ça. Mais il faut que tu sois retiré officiellement des listes des recrues par le chef lui-même.
Sur ces derniers mots, elle ne pouvait pas s'empêcher de penser à cette décision que son patron avait prise sur l'exécution de Solus et qu'elle avait bien fait de quitter la base militaire pour l'instant, jusqu'à que ça se calme sinon elle aurait fait un malheur.
«Désolée, Bonanza... J'espère que tu t'en sortiras sans moi.»
Anne était présente pour soutenir Solus mais il manquait une personne qui faisait aussi partie de l'Armée : Geddy. Et justement, quand on parle du loup... Il avait toqué à la porte, en tenue de civil lui aussi, en conservant ses lunettes sur le nez.
Geddy s'en voulait énormément d'avoir participé à la traque de Solus et quand il avait appris la nouvelle de son décès, il en était évidemment dévasté. Aussi triste que lors de la disparition d'Advent et de ses habitants. Il était venu déclarer ses condoléances aux parents et s'excuser pour sa participation indirecte de cette mission.
Depuis la chambre, Otus aperçut son meilleur ami humain par la fenêtre, il descendit rapidement pour lui ouvrir et le faire entrer de force à l'intérieur de la maison des harfangs des neiges. Il avait poussé un petit cri de surprise au moment où Otus l'avait tiré vers l'intérieur. Le jeune garçon lui faisait un câlin, il lui avait tellement manqué, cela faisait tellement longtemps pour lui. Il présenta le visiteur à Hedwige et précisa en langue des signes que c'est un ami de longue date. Mais avant que Geddy n'ait eu le temps d'expliquer sa venue, Otus l'emmena vers la chambre de Solus pour lui montrer quelque chose.
Presque tous les amis étaient là : Anne, Marcus, Brindille et... Solus ?!
Geddy n'en croyait pas ses binocles, Solus était en vie ! Ou alors... C'est peut-être un fantôme... Ou un zombie ?!
Otus confirmait que Solus était bien vivant et solide.
- Mais c'est formidable ! J'étais vraiment triste quand j'ai appris sa mort mais maintenant qu'il est vivant...
Il lui fit un câlin, en larmes.
- Pardon, Solus ! Je suis vraiment et tellement désolé, je ne voulais pas du tout te causer de soucis !
Il désserra son étreinte.
- Les ordres venaient du chef alors, bêtement, je les ai suivis. Je ne voulais pas fabriquer cette puce de pistage et l'intégrer dans un des gants d'Otus. Mais il m'a obligé... J'espère que tu ne m'en veux pas.
- C-Ce n'est rien, comprit Solus en bégayant, je sais que t-tu ne voulais pas que je sois traqué et tué.
- J'ai voulu convaincre le chef que tu n'étais pas dangereux mais il n'avait rien voulu savoir... Pour lui, t'étais une menace...
- T'inquiètes, Geddy, rassura Anne, moi aussi j'avais essayé de le convaincre... rien à faire. Une vraie vieille tête de mule ! C'est pour ça que moi aussi, j'ai quitté la base militaire pour manifester mon soutien envers Solus et ses parents.
- Oui, pareil, c'est pour ça que je suis en civil.
Solus s'assit sur son lit, entouré de ses amis.
- À l'heure actuelle, tout le monde pense que je suis mort, tout le monde sauf vous, les gars. Mes parents aussi. Vous êtes les seuls à être au courant de ma résurrection et j'espère que ce secret sera bien gardé loin des oreilles des gardes et des soldats qui sont pour ma mort.
Les cinq amis tenaient leur promesse. Les quatres qui savaient parler seront aussi muets qu'Otus.
- M-Merci, les amis, les remercia Solus puis se leva de son lit. M-Maintenant, veuillez m'excuser, il faut que je mange quelque chose, j-je n'ai pas m-mangé depuis ce matin.
C'était la fin d'après-midi quand Solus avait repris vie. Pour tenir jusqu'au dîner, il mangea simplement un fruit. Un seul.
«Peut-être qu'une pastèque sans pépins suffira.»
En quelques bouchées, il put être un peu rassasié, il avait même mangé la peau du fruit !
Hedwige proposait à Anne et Geddy s'ils pouvaient rester pour dîner, Brindille, lui, était parti, l'esprit tranquille. Les deux militaires acceptaient la proposition cependant ils devaient rentrer chez eux, ils reviendront le lendemain matin pour voir comment allait Solus. Il n'y avait que Otus et Marcus qui restaient pour dormir. Le pauvre jeune militaire n'avait vraiment nullepart où dormir, les harfangs des neiges n'avaient pas d'autres choix que de l'accueillir jusqu'à que lui ou la famille trouve une solution à son problème de logement.
Les parents de Marcus ne lui avaient même pas laissé de quoi payer en cas où l'Armée le virait pour une raison ou pour une autre. Il était prêt à rendre service mais pas dans l'Armée et puis l'école, ça ne l'intéressait pas du tout, lui, il voulait travailler tout en apprenant un métier qui lui plaisait. Hélios et Hedwige avaient forcément des connaissances pour lui chercher un petit travail qui ne demandait pas grand chose.
Avant de se coucher et vu qu'il commençait à faire un peu chaud, Solus testait la résistance du pyjama d'été (celui avec les manches courtes et le short) en prenant sa forme de dragon bipède.
Marcus tombait directement dans les pommes en voyant Solus serré dans son pyjama(oui, l'effet ne pardonne pas !) en saignant du nez au passage. Le sang avait failli se répandre sur la bibliothèque, Solus avait dû protéger ses livres par instinct sans recevoir la moindre goutte sur lui, c'était tombé sur le sol, presque à ses pattes.
- Ouf... C-C'était moins une...
Il fallait tout nettoyer au plus vite avant que ça ne tâche le parquet du bois ! Un coup de léchouille au sol (berk !) et sur le visage du jeune homme et c'était fait.
«Je devrais éviter de faire ça... sinon je risque d'apprécier le goût du sang humain à force...»
Pour éviter de le mettre encore plus dans un sale état, Solus mit Marcus dans son sac de couchage et le laissa dormir au sol à côté de son lit. Otus dormit dans le lit avec Solus. Il était vraiment content !
Le dragon-chouette pouvait bouger librement dans son pyjama sans risquer de le déchirer bien que ça soit (un peu) serré en apparence, mettant presque en valeur ses muscles. Pour Otus, avec Solus dans cette forme et la couverture, c'était sûr qu'il n'avait pas froid ! Mais il y avait quand même un problème de taille... et de place !
À plusieurs reprises, Otus se faisait écraser par son voisin de lit, l'empêchant ainsi de dormir normalement. Il se mettait à couiner à chaque fois qu'il se faisait malmener sans le vouloir par Solus et à chaque fois, pour se renforcer, il se transformait légèrement sans pour autant faire pousser ses cheveux et faire apparaître ses motifs clairs. Seulement des petites crocs, griffes et les muscles légèrement plus gros suffisaient. Il faisait attention à ce que son pyjama à lui ne craquait pas, il faisait vraiment attention à la limite de la masse musculaire.
«Je ne sais pas comment fait Marcus pour tenir mais moi, c'était presque impossible de dormir !»
Encore endormi, Solus se rendit compte de manière inconsciente qu'il y avait quelque chose à ses côtés et le saisit pour le prendre dans ses bras comme avec une peluche. Otus pouvait sentir sa respiration de dragon à côté de lui. Il put ENFIN réussir à s'endormir ! Ou presque... Otus ressentit des léchouilles sur le côté de son visage. Il ne savait pas si c'était perturbant ou agréable, il était épuisé.
Ce genre de situation assez gênante ne devrait pas arriver.
Le lendemain matin, Solus était en pleine forme, Otus était encore un peu fatigué, il était resté au lit sur le ventre, le derrière surélevé, en train de bailler. Solus l'avait laissé dormir en le mettant correctement dans le lit et en lui mettant la couverture dessus. Il n'oubliait pas de lui caresser la joue pour lui dire de bien se reposer. Il se culpabilisait de lui avoir fait vivre un tel enfer cette nuit mais c'était pour tester la résistance du pyjama pendant son sommeil et ça c'était confirmé !
Il reprit son aspect normal, s'habilla et prit son petit-déjeuner pour commencer sa journée. Aujourd'hui, il avait envie de sortir prendre l'air mais sous couverture pour rester discret. Sa mère lui accorda cette sortie, elle lui conseilla juste de rentrer avant le repas et de faire attention aux gardes et aux soldats.
- T-T'inquiètes pas, m'man, j-je ferai attention, lui disait-il en lui faisant un câlin pour la rassurer.
Cette fois, au lieu de passer par la porte principale, Solus prit la porte de derrière. La maison possédait deux portes : une normale et une plus discrète en cas d'urgence et c'était pratique.
Depuis la restauration du monde, le paysage s'était embellie, c'était beaucoup mieux que les iles flottantes. Comme il était blessé à cause de Molström et était occupé à étudier les Dofus avec Otus et avec tous les ennuis au passage depuis qu'il avait cette capacité de devenir un dragon, Solus n'avait pas pu profiter pleinement de ces nouveaux paysages. Désormais, il les profita tant que les villageois et l'Armée le croient mort.
L'endroit qu'il avait toujours voulu visiter c'était la forêt, avec les arbres et sapins en tout genres. Il avait étudié tout cela grâce à des livres expliquant l'existence de ces forêts avant la Boucle et la Fin du Monde. Quand les iles flottaient, il n'y avait presque pas de forêts, il y avait bien des arbres certes mais tous les continents étaient séparés en plusieurs morceaux, formant des ilôts. Désormais unis et sur l'océan, les forêts avec leurs continents sont recomposées comme il y a des siècles au temps des Chouettes Ancestrales. De là où elles étaient, elles pouvaient être très fières de Solus et d'Otus pour avoir sauvé le monde du désastre et ainsi être débarrassé de Molström au passage.
Mais justement... en parlant des Chouettes Ancestrales... À quoi penseraient-elles si elles savaient que Solus était un dragon ? D'abord, elles chercheraient la cause et essayeraient de comprendre la situation avant de prendre peur, elles avaient un immense savoir et de la sagesse après tout. Et tout comme Solus, les chouettes ancestrales essayeront d'étudier les Dofus si elles le trouvaient à leur époque où elles étaient encore en vie. Elles pourraient aussi même théoriser que ces œufs venaient d'ailleurs, dans un autre monde, après une étude appronfondie. L'univers du Krosmoz les intéresserait fortement mais étant obsédées par la Boucle elles n'auront pas le temps... Leur monde devait d'abord être sauvé avant de s'intéresser à un autre !
Les animaux terrestres ont pu revenir, il n'y avait pas QUE les oiseaux à présent ! Il y avait des renards, des lapins et même des cervidés ! C'était quand même incroyable comme la vie revenait de plus en plus dans la région ! Bien entendu, il y avait aussi des chouettes dites animales et non humanoïdes comme Solus et Strix. Il y en avait de toutes sortes d'espèces : Grand Duc, Moyen-Duc...
Ironiquement, l'une des espèces porte le nom latin d'Asio Otus ! Solus jubilait à chaque fois en lisant ce nom-là dans un livre sur les oiseaux et rapaces mais bon, ce n'était pas fait exprès. La plupart des chouettes ont des noms d'espèces de... chouettes mais aussi d'hiboux (en anglais, il n'y a qu'un seul mot pour ces oiseaux nocturnes : Owl) ! Il fallait bien que ça corresponde à leur communauté (sauf s'ils sont à court de noms bien spécifiques) Les humains, eux, pouvaient s'appeler comme ils voulaient ! Ils peuvent même s'appeler par des noms de chouettes s'ils le souhaitaient ! Un exemple avec Lettia, la maman humaine d'Otus.
Parmi les animaux, ils pouvaient y avoir ceux qui ont des petits soucis pour trouver leur chemin. Solus trouva par hasard un harfang des neiges égaré, loin de Mesos. C'était un mâle adulte due aux très peu de tâches au plumage blanc.
- Tiens ? Qu'est-ce que tu fais là, toi ? Tu n'es pas à Mesos ?
L'animal le fixait de ses yeux jaunes avec de petites pupilles noires. Il avait l'air méfiant. C'était comme s'il rencontrait une chouette anthropomorphe pour la première fois de sa vie. Solus s'approcha prudemment pour ne pas l'effrayer tout en lui rassurant que l'animal et lui se ressemblaient avec quelques différences.
- T-Tu dois avoir un peu chaud ici... B-Bon d'accord, moi aussi je devrais a-avoir chaud mais m-ma famille s'est habituée au climat tempéré... mais ce n'est pas le cas pour toi. Allez, viens. J-Je vais te ramener chez toi.
Une fois qu'il s'était rapproché suffisamment, il tendit son avant-bras orné du bracelet pour que l'animal monta dessus avec quelques petites battements d'ailes pour recouvrir l'équilibre. Direction : Mesos.
- N-Ne t'inquiètes pas... J-Je n'ai pas peur c'est juste q-que je suis bègue. Il m'arrive de bégayer de temps à autre. Mais c'est surtout que quand j'ai peur ou que je ne me sens pas à l'aise...
Il lui caressa un peu la tête durant tout le trajet pour la rassurer jusqu'à la région froide de Mesos. Sentant la fraîcheur, l'animal commença à se sentir mieux tandis que Solus se sentait plus qu'en forme ! Dès qu'il vit la région enneigée, Solus brandit son bras pour que sa congénère sauvage s'envola, il lui fit un petit signe d'au revoir pour lui souhaiter bonne chance.
D'autres animaux commençaient à revenir aussi dans cette région comme des petits rongeurs. En voyant l'un d'eux qui tentait de se cacher dans un trou, Solus se jeta dessus pour le dévorer. Qui avait pris le dessus ? L'instinct de chouette ou l'instinct de dragon ? Difficile à dire...
Solus aspira la queue du rongeur comme un spaghetti une fois qu'il était dans sa bouche et avala après l'avoir mâché. Contrairement aux chouettes sauvages, les chouettes anthropomorphes possèdent des dents comme chez les humains. Ce n'était pas difficile pour lui de manger une telle proie, c'était comme manger un bonbon avec une première couche tendre à mâcher et une couche dure à croquer. Oui, il mangeait les os avec ! Ou pas... C'était son erreur de tout manger. Il n'avait pas réfléchir en dévorant ce rongeur en entier comme ça.
Il se sentait vraiment mal même si ce n'était que des os, ce n'était pas une très bonne idée de les manger...
Quelques minutes plus tard, il se massait le ventre, soulagé de s'être débarrassé de ce qu'il avait dans l'estomac.
«Je prendrai plutôt un fruit... ça me fera du bien... Beurk... La prochaine fois, je le mangerai en laissant seulement les os... Ce n'était pas comme la dernière fois dans la montagne...»
