Bonjour, bonsoir mes petits chats !

Putain, je suis À L'HEURE, déjà, on va noter l'exploit et l'incroyabilité de la chose, je suis refaite (heureusement que j'étais en congés la semaine passée ou j'aurais JA-MAIS tenu ce rythme).

J'ai passé la journée à corriger, trifouiller, remanier, ajouter des trucs que je modifiais dans la foulée, mais même vu la longueur conséquente du chapitre (30 pages, j'espère vous êtes prê XD), hé ba… Hé ba je l'aime. Je l'aime même sacrément bien, même, et il a quasiment réussi à me faire oublier que ça y est, c'est la fin, en fait – bon ok, il restera l'épilogue, d'accord, mais tout de même !

Je suis donc un peu émue de poster cet ultime chapitre, émue et BRIN anxieuse (pour changer), parce que y'a toujours le risque que ce que j'avais prévu dès le début vous déçoive (et gâche un peu 3 ans de lecture pour celles et ceux qui étaient là depuis le départ, au passage). Je ne peux que vous dire que je suis désolée, et que j'espère que le plaisir du voyage suffira à compenser la fin si ça n'était pas celle que vous attendiez/espériez.

Sachez que j'ai toutefois l'immense joie d'autrice de savoir que j'ai réussi à tout faire comme je le souhaitais, ce qui est inestimable sur un projet aussi long, aussi gros, et avec tant d'arc entremêlés.

Je vous souhaite ce que j'espère être une bonne lecture, du fond de mon cœur, et je m'en vais corriger l'épilogue en croisant les doigts pour que ça vous plaise !

Merci infiniment de vos reviews et de vos lectures, merci les Lecteurs-rices de l'Ombre d'être là !

(J'dis ça, j'dis rien, mais entre ce chapitre et l'épilogue, ce serait le moment de lâcher les reviews XD)


Chapitre 27 : « Un putain de hasard. »

Dans un demi-sommeil trouble, le matelas bien défoncé du canapé s'enfonça un peu, sur sa droite, et Izuku fit la grimace en s'attendant à une léchouille en plein visage de la part d'un Prince Carnage – lequel devait être fort agacé de voir ses humains éparpillés dans l'appart. À la place, quelques mèches balayèrent sa joue, et le baiser presque immatériel qu'Eij déposa au coin de ses lèvres faillit le faire sourire. Faillit, parce qu'il se rappela juste à temps qu'il n'avait aucune intention de se lever.

« Amour ? »

Non. Nischt amour et nischt réveil, il était trop fatigué pour ça. Il était si fatigué que même le vide intersidéral du canapé laissé par Kacchan, qui s'était levé en premier, suivit pas moins de deux minutes après par Eijirô avec autant de délicatesse que possible, ne l'avait pas décidé à les suivre. Pas plus que les furtifs sons de ce que son ouïe d'humain avait reconnu comme étant une douche, qui ne l'avait pas dérangé, à contrario du coup de fil tout sauf discret que passait actuellement le blond. En prime, se lever, c'était devoir retrouver la réalité moche d'un monde où il allait bientôt perdre et son fiancé, et son meilleur ami, et même s'il était plus à moitié évanoui de fatigue que réellement endormi, ça restait préférable.

« Amour… Je sais que t'es réveillé. »

Évidement. Maudites soient leurs truffes.

« Non. »

« Non, tu n'es pas réveillé, ou non, je ne sais pas que tu es réveillé ? »

« Les deux. » grommela-t-il sans ouvrir les yeux, et Eijirô pouffa légèrement contre lui, déposant une autre traînée de baisers sur sa joue, jusqu'à trouver son oreille :

« Qu'est-ce que je pourrais te proposer pour rendre ce réveil plus intéressant ? »

« Mmm… Une grasse matinée... »

« Désolé, ça, ça me semble irréalisable. » s'amusa Eij, glissant une main le long de son t-shirt pour se faufiler au niveau de sa taille. « Mais j'ai un petit-déjeuner, si ça peut compenser. »

Avec difficulté et force grommellement, Izuku ouvrit un œil en remerciant l'univers de la délicatesse de son fiancé dans ses baisers, et il s'étira dans un gémissement de douleur quand ses côtes protestèrent du geste trop appuyé. Rien qu'à la luminosité de la pièce, il sut qu'il n'avait pas dû dormir plus de deux ou trois heures, une déduction qui prédisait une superbe journée en perspective. L'esquisse de sourire d'Eij se fit plus douce, devant son air renfrogné de fatigue, et une onde de chaleur illumina ce qu'il fallait de son regard pour qu'il sente un sourire lui échapper à son tour. Le roux frotta délicatement son nez contre le sien avant de se redresser, apparemment lavé de frais et déjà habillé pour ce que l'esprit embrumé d'Izuku arrivait à percevoir, le temps de faire le point sur son environnement.

« Hey... » salua-t-il, détaillant au passage les cernes prononcés de son homme, et s'il ne s'abusait, les seules traces bleuâtres sur son visage, où ses ecchymoses étaient désormais définitivement guéries. « T'as dormi un peu ? »

« À ce stade, je sais même pas si l'heure que j'ai réussi à grappiller peut réellement compter… Puis Katsuki s'est levé tôt. »

« Mmm. » fut la seule réponse qu'Izuku réussit à lui faire, alors que la fatigue se remettait à lui piquer salement les yeux.

D'un geste léger, Eij repoussa une boucle de son front, ses doigts s'attardant sur sa peau et la délicatesse du geste envahit son monde quand il s'y attarda, déterminé à savourer la moindre seconde avec son amoureux. Il releva la main à temps pour attraper celle d'Eijirô avant qu'il ne l'ôte pour l'emprisonner contre sa joue, histoire de laisser sa caresse tacher sa peau d'un peu de douceur.

« Allez, lève-toi mon cœur. Sinon, je laisse Prince Carnage faire ! »

En entendant son prénom, le chien sauta sur le canapé avec tout l'enthousiasme du monde, qui fit rire Eij tout le long du couloir, laissant Izuku envisager réellement de se rendormir, ne serait-ce que pour une poignée de minute de ce sommeil qui manquait si cruellement à son corps. Mais Prince Carnage se mit à renifler avec application son oreille, et dans un soupir, il capitula en attrapant la petite bête pour la faire rouler sur le dos en guise de taquinerie :

« T'as gagné, je sors de là. Mais tu me revaudras ça lors de ta prochaine balade, mm ? »

Le chien victorieux à deux pas devant lui, truffe en l'air de contentement, Izuku débarqua dans la cuisine à l'exact moment où Kacchan y entrait avec une totale absence de discrétion, au niveau de l'escalier. Enfin, il n'y entra qu'une fraction de seconde, juste de quoi faire un demi-tour serré et remonter derechef l'escalier, scandant ses arguments d'une voix sourde dans son portable en ignorant le reste du monde. Sauf son chien qui se mit aussitôt à le suivre sous le regard dubitatif d'Izuku :

« Et il fait quoi, là ? »

« Il prépare son prochain meurtre. » éluda Eijirô devant l'évier, amusé de voir son fiancé froncer les sourcils sans comprendre. « Apparemment, l'agence de Kam a merdé dans les papiers, et son assurance réclame un document spécifique pour autoriser son transfert dans une chambre individuelle du service des soins intensifs. »

« Ah ? Mais ça se résout facilement ça, non ? »

« Ouiii, bien sûr, ça a l'air. » glissa le roux en retenant son sourire, sarcastique au possible et effectivement, le niveau sonore de Kacchan ne cessait d'augmenter, avec une légère gradation dans son teint en train de virer franchement vers le carmin.

Sur l'échelle Kacchanienne, on approchait d'un niveau inconfortable pour quiconque se trouvait à moins d'un mètre, mais ils étaient relativement en sécurité dans la cuisine. Du moins tant que ses allers-retours se cantonnaient aux escaliers. Trop fatigué pour s'attarder à ce genre de détail, Izuku haussa les épaules sans prendre la peine de rajouter quoi que ce soit, rejoignit Eijirô en deux pas pour lui ôter le verre qu'il tenait des mains et se cala d'office contre son torse. Il fallait bien un deuxième câlin pour réussir à démarrer sa journée, au moins. La chaleur comme toujours trop forte de l'organisme d'Eij coula le long de son dos quand il referma les bras sur lui, emportant une si grande partie de la tension dans le câlin qu'Izuku sentit sa fatigue se dissoudre dans l'odeur de caramel brûlé qui recouvrait son homme, la faute au savon de Kacchan. Sans mot dire, il déposa un baiser au creux de la gorge d'Eij, nota au passage la décontraction familière de son corps contre le sien. Fatigué, certes, mais aucune trace d'amertume ou de ressentiment qui auraient pu rester de la discussion houleuse de la veille, pas même une froideur dans la manière dont ses doigts caressaient distraitement ses hanches. Juste une légère anxiété, perceptible uniquement parce qu'il le connaissait sur le bout des doigts, et sans rien dire, il laissa Eijirô tourner son idée avant de se lancer d'un murmure contre lui, à moitié enfoui dans ses boucles :

« On risque de pas tellement avoir de moment à nous, dans la journée, et je voulais… Tu m'en veux, pour hier soir ? »

« Amour, pourquoi je t'en voudrais pour hier soir ? » bâilla Izuku, relevant les yeux sur une mine inquiète. Ah. « Écoute, je suis pas vous, je vis pas vos disputes comme vous le faites, et j'ai pas à t'en vouloir parce qu'il fallait que vous vous… « expliquiez » en tant que loups, ok ? »

« T'as eu peur ? »

À partir du moment où les loups s'étaient mis sur la truffe, très exactement, mais la tristesse dépitée dans la voix de son homme n'aurait pas supporté pareille réponse. À la place, il se haussa un peu vers lui et s'amusa d'appuyer son front contre le sien, notant nonchalamment que la chaleur d'Eij commençait à imprégner sa peau :

« Eij, n'importe qui de sensé aurait eu peur de voir deux loups de trois mètres se bagarrer dans une cuisine aussi petite, surtout en étant dans la cuisine en question, avec un chien minuscule dans les pattes. N'importe quel meilleur ami et fiancé aurait été mortellement inquiet de vous voir vous engueuler de la sorte. Je n'ai pas eu peur de toi, j'ai eu peur de la situation, et je suis désolé si je t'ai fait croire le contraire. Je serais jamais fâché pour ça. J'espère juste que ça va entre vous, aujourd'hui ? Enfin, vous vous en voulez pas ? »

« Non ! C'était réglé hier soir, de toute manière, mais non, ça va entre nous… Bon, ok, je m'en veux d'avoir été si peu patient avec lui, alors que je sais très bien à quel point c'est pas facile d'être dans cet état, et comme c'est usant d'être dans… Enfin, d'avoir les hormones qui travaillent autant, sans qu'on puisse rien maîtriser ni faire à part endurer ces pics émotionnels à la con. C'est complétement ma faute si la dispute s'est monté en épingle comme ça, et je suis pas fier qu'on en soit arrivé là pour régler le conflit, mais… Mais ça va. Vraiment. »

« Tant mieux. Je m'en serais voulu d'avoir créé une dispute avec… avec cette mauvaise nouvelle. » éluda-t-il en finissant la fin de sa phrase par un baiser, décidé à y dissimuler le tremblement dans sa voix.

« Mmm… C'était ça, le reste dont je voulais te parler. »

Izuku eut envie de demander une quelconque précision sur « le reste » alors que Kacchan entamait un autre aller-retour dans leur dos – on partait sur un début d'insulte, désormais – mais un coup d'œil sur l'infime froncement de sourcil de son homme lui suffit pour comprendre :

« Le fait que tu veuilles arrêter de chercher un remède dans ces conditions ? »

« Tu m'en veux ? » craqua immédiatement Eijirô d'un faux-calme composé à l'extrême, trahi par le réflexe qui lui fit resserrer le câlin et Izuku eut un mouvement surpris quand il réfuta sans réfléchir :

« Bien sûr que non ! D'ailleurs, j'ai même pas mon mot à dire, c'est quand même toi et Kacchan les premiers concernés vu que ça vous transforme vous. »

« Mais ça te concerne aussi... » rectifia doucement Eijirô, dix ans supplémentaires dans la voix tant le sujet était à manier avec précaution. « C'est… C'est toi qui vas devoir vivre avec un loup-garou comme petit ami... »

« Comme fiancé. Et après comme mari, vu que tu es coincé avec moi jusqu'à la fin des temps. Et si tu crois que j'en ai quelque chose à faire, c'est que tu laisses ton anxiété prendre plus de place que ce que tu connais de moi. »

Le silence pensif d'Eijirô n'était pas à son goût du tout, mais comme Kacchan revenait dans un aller-retour plus nerveux encore, il attendit que ses pas recommencent à marteler l'escalier pour lever les mains vers le visage de son fiancé. Glisser sa main le long de la cicatrice encore trop fraîche pour supporter le moindre contact lui demanda une maîtrise difficile pour ses nerfs épuisés, mais il s'arrangea pour ne toucher qu'une infime partie de la zone. Et réussis à caler son pouce au creux de sa joue en une caresse légère, touché de voir son homme s'appuyer légèrement contre sa main.

« Amour, c'est pas… Oui, je préférerais que tu ne sois pas un loup, clairement, mais uniquement parce qu'actuellement, ça te met en danger, et que je supporte pas du tout l'idée qu'on te veuille du mal pour quelque chose que tu n'as pas demandé. Ni même qu'on te veuille du mal tout court, d'ailleurs. On vivrait dans un monde dans lequel le gouvernement ne serait pas si obnubilé par le contrôle de cet alter par élimination pure et simple de ses porteurs que je m'en foutrais comme de l'an quarante. Là, ça me terrifie parce que… Parce que la seule manière qu'on a pour te protéger, c'est de te laisser t'enfuir, avec Kacchan, et que j'ai aucun moyen de vous aider, ni aucune certitude sur quand et comment on va réussir à se revoir… Mais c'est pas grave. Enfin, c'est pas le plus important à mes yeux. Hey, » insista-t-il en voyant Eijirô détourner le regard un instant. « je suis sincère, tu sais ? C'est pas la vie que j'aurais aimée pour toi, ça non, pas une seule seconde. Et c'est pas tellement la vie que j'avais imaginée, je te l'accorde, mais… Mais tant que t'es présent dans cette vie, dans ma vie, c'est tout ce qui compte. »

C'était un peu décousu et déconstruit, comme discours, surtout au vu de tout ce qu'il aurait aimé pouvoir lui dire s'il n'avait pas été si fatigué et sans l'aura menaçante de Kacchan imprégnant la maison d'une atmosphère tendue mais il ne pouvait cependant pas faire mieux, dans les circonstances actuelles, à part laisser l'odorat du loup capter tout ce que sa voix ne pouvait pas transmettre. Et cela devait suffire puisqu'Eijirô lui offrit un sourire d'une tendresse à renverser le monde, un « je t'aime » inarticulé qu'Izuku dévora des yeux. Si amoureux de son homme qu'il sentit son cœur louper un battement, quand celui-ci lui vola un baiser d'un mouvement trop rapide pour sa pauvre perception d'humain.

« Et toi, » réussit-il à murmurer avant que le baiser s'approfondisse bien trop pour passer inaperçu – et fasse hurler Kacchan, donc. « tu m'en veux de m'aligner sur l'avis de Kam ? »

« Non plus. Ça m'agace, je vais pas te mentir, mais vu que dans d'autres circonstances, j'aurais sans doute pensé comme toi, je comprends totalement ton point de vue. Par contre, je vais essayer par tous les moyens de le convaincre, et je compte bien lui en parler dès cet aprem. »

« Ha, je me disais que c'était bizarre que tu acceptes ça sans même essayer de te battre. » releva Izuku, ignorant royalement la détermination dans la voix d'Eij : « Et avant de te lancer bille en tête pour convaincre Kam, tu as ré-abordé le sujet avec Kacchan ? »

« Pas tellement… Je lui ai surtout présenté mes excuses, avec un résultat… mitigé, puisqu'il a refusé en disant que c'était à lui de s'excuser. Katsuki, quoi. Et après, disons qu'on a eu très vite un autre sujet de conversation plus intéressant à traiter. » éluda Eijirô, déposant un baiser sur son front, reculant d'un pas pour lui tendre une tasse de café qu'Izuku accepta avec une reconnaissance infinie. « Je me suis dit que tu ne m'en voudrais pas, de l'aider sur ce terrain-là. »

« Oh, mais si, je t'en veux ! » gronda-t-il avec un froncement de sourcil dans lequel il mit son meilleur jeu d'acteur, guère convaincant avec le début de fou rire en train de vriller sa voix. « Je t'en veux terriblement, même ! Pourquoi tu m'as pas réveillé pour voir ça ?! »

Eijirô éclata de rire avec lui, si fort qu'il fut obligé reposer précipitamment sa propre tasse de café avant qu'un accident arrive. Bien entendu, c'est pile ce moment que choisit Kacchan pour faire un énième aller-retour dans la cuisine, de plus en plus remonté, et ils eurent un mal fou à se contenir suffisamment pour ne pas se prendre une remarque acide sur leur hilarité mal-placée.

Ravi de constater à quel point sa connerie avait détendue Eij, toute tension envolée dans leurs éclats de rire, Izuku s'autorisa enfin une gorgée de café – la première, et la plus bienvenue possible tant son organisme exigeait une dose d'énergie faite liquide. Sans lui laisser le temps d'en prendre une deuxième, Eijirô l'attrapa par le menton dans un geste bourru d'affection, très canin, et lui déposa un baiser rude sur les lèvres, au goût de café et avec un tel sourire qu'Izuku fronça les sourcils dans un reste de fausse réprobation :

« Fais gaffe à toi, si tu dis que tu me mérites pas, je demande à Kacchan de te mordre dans la minute ! »

« J'oserais pas ! » gloussa le roux, frottant son menton contre ses boucles dans ce qui ne pouvait être qu'un geste de marquage de territoire. « Déjà que vu son état, il va sans doute pas tarder à arracher la gorge de l'agent d'accueil qu'il a en ligne. »

« Pitié, non, ça va faire encore plus de paperasse... » glissa Izuku, satisfait d'entendre son homme ricaner contre lui. « Mais il a quand même l'air plus détendu qu'hier soir. »

« Mmm… On peut remercier la douche pour ça. »

« La douche, ou ta langue ? » s'amusa Izuku, tentant de se libérer de l'étreinte des doigts de son homme d'un baiser léger qu'Eijirô prolongea en frottant légèrement son nez contre le sien, avant de réellement le lâcher.

Non sans une claque légère au niveau de sa cuisse nue sous le t-shirt de nuit, et en lui tirant la langue, Izuku s'assit sur la première chaise à sa portée, décidé à affronter la journée avec au moins un élément solide dans l'estomac, ne serait-ce qu'un fruit. Comme toujours prévoyant à l'extrême, Eij déposa presque immédiatement des couverts devant lui, avec un clin d'œil salace pour continuer leur discussion :

« Ma langue, et autre chose. »

« Kam va me tuer de pas pouvoir lui faire un compte-rendu exhaustif, tu réalises la merde dans laquelle tu me mets, à me laisser rater ça ?! »

« Et est-ce que tu réalises à quel point je t'aime, toi ? » souffla Eij en s'asseyant en face de lui, trop brusque pour la table qui s'enfonça un brin dans les côtes déjà douloureuses d'Izuku. « Qu'est-ce que je vais faire sans toi ? »

« Des conneries, pour sûr, mais n'en rajoute pas, ou je vais devoir t'épouser dans la minute histoire de te kidnapper, et Kam ne me pardonnerait jamais si je l'empêche de sortir sa blague de cul de la sorte. Ah, c'est pas Kacchan qui a fait ça. » remarqua-t-il devant les assiettes certes garnies plus que généreusement, mais sans l'habituelle indécence culinaire du blond – rien que du très classique avec bol de riz, un reste de soupe miso et assez logiquement, de l'omelette, sans un signe de viennoiseries.

« Nope. Il est déjà suffisamment occupé comme ça, j'ai décidé que je pouvais bien tenter de faire le petit-dej... Même si ça sera pas à son niveau. »

« Je suis sûr que ça sera très bon, amour. » le rabroua Izuku, amusé de voir la légère moue contrariée sur le visage de son homme. « Et ton omelette du matin m'avait manqué. »

« Menteur. »

« Même pas vrai. »

« Alors, tu me flattes pour avoir un truc ! Qu'est-ce que tu cherches à obtenir, mmm ? »

La plaisanterie légère, froncement de sourcil faussement suspect en prime, le fit sourire derrière sa tasse, incapable de résister à la tentation de prolonger encore l'illusion de normalité tranquille de cet instant. Ça avait beau continuer de gueuler dans le fond, cette fois avec un ton qui ne laissait aucun doute sur l'annihilation prochaine de l'interlocuteur en train de contrarier Kacchan, il s'accorda donc le plaisir de renchérir d'un froncement de nez :

« Une vidéo de votre session baise dans la douche… Après, je demande, c'est pour un ami. »

Eij plissa le nez de manière absolument adorable dans l'espoir de ne pas rire à nouveau, et en entendant les pas plus que lourds redescendant l'escalier, il préféra enfourner une bouchée de riz conséquente en guise de camouflage. Mais quand Kacchan traversa la cuisine, il était bien trop énervé pour remarquer quoi que ce soit, préférant se diriger droit vers l'évier pour le saisir à pleine main en inspirant le plus profondément possible.

« J'ai peur de demander, mais ça va ? » tenta tout de même Eijirô avec un luxe de précaution accordé à l'hérissement désormais monstrueux des mèches blondes.

« Nickel ! Comme une matinée parfaite ! Ces connards veulent absolument ce papier daté d'avant le transfert pour autoriser le paiement de la chambre et comme l'agence a pas été foutu d'envoyer ce document à l'hôpital dans les temps, faut passer par une autre procédure qui demande un autre putain de papier – qui mettra deux jours à être édité par l'hôpital parce que le type qui fait ça est en congés ! Donc là, je dois les rappeler d'ici deux minutes pour m'entendre dire qu'ils pourront rien faire, et pour couronner ce merdier, belle-maman vient de m'appeler, DEUX FOIS, et j'ai cinq minutes pour la recontacter avant qu'elle se mette à m'appeler non-stop jusqu'à ce que je décroche ! »

Une telle tirade sans reprendre son souffle, ça forçait l'admiration. C'était sans doute pas loin de son record, mais sa colère sourde était plus une fatigue consumée d'angoisse qu'une réelle colère, l'épuisant plus qu'autre chose. Dans une vaine tentative d'aider, Izuku lui tendit sa propre tasse de café que Kacchan refusa net, l'obligeant à se rabattre sur une proposition qu'il espérait censée :

« Au pire, avance la chambre ? Et laisse l'agence de Kam régler le souci et l'assurance te rembourser ? »

« Si seulement... » grommela Kacchan en se passant la main dans les cheveux, au bout de sa vie. « Mais j'ai vidé mon compte dans la semaine, et je toucherais pas à nos économies communes. »

« T'as vidé ton compte ?! » s'étouffa à moitié Izuku dans son café, abasourdi de cette réponse qui n'avait aucun sens à côté de l'habituelle prudence économique du blond. « Mais pourquoi ?! »

« Parce que ma carte m'autorise à tout sortir sans faire de demande préalable, et sans système d'alerte, contrairement à celle de Boule de poil qui a vingt-cinq mille plafonds à la con ! »

« J'y peux rien si on peut pas me faire confiance dès que ça concerne des équipements sportifs et que ce genre de chose coûte cher ! Et je suis désolé, je ferais… »

« Mais pourquoi t'as vidé ton compte ? » répéta Izuku en s'excusant d'un signe de la main auprès de son fiancé interrompu si cavalièrement.

Ce qu'il aurait pu s'épargner, vu qu'Eijirô et Kacchan le dévisagèrent en silence pendant deux secondes, l'air interloqué d'une pareille question avant que le blond se décide :

« Deku, le minimum syndical quand on prévoit de se casser du pays en douce, c'est d'avoir de l'argent intraçable, donc du liquide, sur soi, non ? »

Cette fois, c'est lui qui garda un silence médusé, avec la sensation qu'un truc indéfinissable commençait à lui bouffer la gorge en y repeignant un sale goût amer. Cette montée d'angoisse se répercuta immédiatement sur les deux loups, dont les nez se froncèrent à l'exacte même instant, et Eijirô tenta d'adoucir la chose d'un pauvre sourire contrit :

« Quand je te dis qu'on a tout prévu. »

« Ouais, enfin ça c'est moi qui y aie pensé hein ! » renifla Kacchan, et derechef, son portable sonna de cette alarme particulièrement stridente qu'il avait attribuée à ses beaux-parents afin d'être certain de l'entendre même sans ses appareils. « Putain, j'vais crever. »

« Décroche. » ordonna Eij à voix basse, renchérissant dans la foulée : « Je suis sérieux Kat, décroche, je vais me charger d'appeler l'hôpital – oui, je saurais m'en occuper, t'en fais pas, j'ai suivi toute ta conversation depuis le départ, je sais exactement où tu en es. »

« Merci, Boule de poil, je te revaudrai ça ! » accepta Kacchan sans chercher une seconde à protester, ce qui était plus que révélateur de sa fatigue.

Il décrocha son appel en se rependant en excuse auprès de ses beaux-parents, glissant d'avance qu'il était en ligne avec l'hôpital lors de leur précédent appel et quand il tendit à Eij le dossier administratif, c'était déjà parti en monologue parental. Izuku se garda bien de tout commentaire, mais il n'arriva pas à réfréner son sourire devant le froncement de sourcil de son homme, sérieux comme tout en trouvant de quoi écrire dans les affaires de notes qu'il avait poussé au bout de la table avant de la dresser. Un simple coup d'œil sur son ordinateur poussé encore plus au bout de la table effaça toute trace de sourire, et il soupira dans son café au moment où Eij composait le numéro de l'hôpital.

Aucun remède… Que son mec soit un loup-garou à vie était bien moins grave que son œil perdu, d'accord, mais c'était… C'était un changement qu'il n'arrivait pas totalement à appréhender pour l'heure. Et encore moins l'idée de devoir attendre des années pour le revoir, si jamais les étoiles s'alignaient correctement et pour éviter de pleurer, il serra sa tasse jusqu'à sentir ses nerfs protester en lui fournissant une sensation capable de contrer le désespoir dans sa gorge. C'était plus déprimant encore que la veille, avec en prime la perspective de devoir expliciter ça à Kam d'ici une poignée d'heure…

À mille lieux de ses réflexions, Eijirô se mit à expliquer le pourquoi du comment il appelait à la place de Kacchan sans se départir une seconde de son amabilité, appliquant à la lettre le proverbe que tout sourire s'entendait en ligne. En le voyant commencer à triturer le dossier en hochant la tête sous le monologue explicatif du service administratif de l'hôpital, Izuku sentit un truc casser quelque part, une bribe de patience qu'il ignorait encore présente et qui désormais n'était plus qu'un dommage collatéral de cette nuit de merde.

Sans crier gare, il se leva et tendit le bras par-dessus la table pour attraper le portable de son homme qui le dévisagea, un brin inquiet de son expression quand Izuku lança à la dame en ligne :

« Bonjour, désolé de déranger, Izuku Midoriya à l'appareil. Arrêtez de vous en faire et de chercher des solutions, on va faire au plus simple : je paie la chambre individuelle la plus luxueuse que vous avez pour Kaminari jusqu'à ce que vous fassiez le relai avec l'assurance, d'accord ? M. Kirishima va vous donner mes coordonnées bancaires, bonne journée – Amour, c'est dans mon portefeuille. » précisa-t-il en redonnant le téléphone à un Eijirô abasourdi, quoique plus fier que réellement surpris.

L'amusement de son fiancé s'entendait parfaitement dans sa voix, quand il se mit à donner d'un ton joyeux les numéros de ce qui avait l'air d'être leur compte commun plutôt que le sien, d'ailleurs, alors qu'Izuku abandonnait la cuisine pour le salon. Au passage, il s'arrêta une seconde au niveau du porte-manteau, remerciant la maniaquerie habituelle de son meilleur ami qui lui permit de mettre la main sur son paquet de clope et son briquet dans la poche de sa veste en trois secondes, montre en main.

Suivant son réflexe habituel au vu des remarques toujours inopinées de Kam, Kacchan avait mis l'appel en haut-parleur et coupé le micro, assis sur le canapé en vrac et portable à côté de lui le temps que son beau-père finisse de raconter la visite rendue à leur fils. La visite et la consultation sur une possibilité de prothèse qu'ils avaient eues avec le personnel hospitalier. Au ton de sa voix, ce pauvre homme était encore sous le choc et se repliait dans l'action pour encaisser, remarqua distraitement Izuku en sortant une clope du paquet, qu'il alluma d'un geste un peu maladroit au vu de sa fatigue. La première bouffée de nicotine lui brûla la gorge d'une chaleur un peu trop forte, le faisant fermer une seconde les yeux pour savourer la sensation sous le regard très très intéressé de Kacchan. Et très excité, comme il put le constater en rouvrant les yeux.

« T'es sex, comme ça. » signa le blond par fatigue, de toute façon obligé d'attendre la fin de la tirade inquiète de son beau-père avant de pouvoir en placer une. « En t-shirt à peine assez long pour cacher ton cul et une clope à la main. »

« On dirait Eij. »

« J'prends ça comme un compliment. »

« Tu peux. » sourit Izuku, avant de tirer une deuxième taffe plus conséquente, qu'il se garda bien d'inspirer complètement.

Dans une sensation de déjà-vu étrangement dissonante, il se pencha sur Kacchan et, frôlant ses lèvres, lui souffla doucement la fumée au creux de sa bouche. La ressemblance s'arrêta aussitôt, parce que là où le roux avait savouré l'action jusqu'au dernier souffle, par pur plaisir, Kacchan lui attrapa la nuque immédiatement, l'attirant contre sa bouche avec une telle force qu'Izuku faillit échapper la clope allumée. Il se rattrapa in-extremis aux épaules de son meilleur ami, souffle coupé de la violence du baiser et la langue de Kacchan contre la sienne lui interdit jusqu'à l'idée même de reprendre une inspiration. Sa langue et ses crocs une fraction de seconde plus tard, distillant une douleur un peu trop forte dans un manque de maîtrise logique au vu de son cycle hormonal, qui l'avait apparemment déterminé à récolter un gémissement le plus rapidement possible. Forcé de respirer, Izuku glissa sa main libre entre eux et attrapa le menton de Kacchan pour se libérer, à bout de souffle :

« Kacchan ? »

« Mmm ? »

« Ton beau-père attend une réponse. »

Dans un ronchonnement, Kacchan accepta la clope tendue et réactiva son micro après un juron que Kam n'aurait définitivement pas apprécié entendre dans toute situation liée à ses parents.


La première chose que vit Izuku en passant le seuil de la chambre de Kam à la suite de Kacchan, c'est que clairement, elle valait le prix exorbitant que l'hôpital avait d'ores et déjà prélevé sur leur compte bancaire – l'administration était toujours très sélective dans son efficacité. Immense selon les critères d'optimisation de l'espace en règles dans les établissements publics, lumineuse à défaut d'être colorée, équipement dernier cri. Et le moelleux des fauteuils destinés aux visiteurs était dangereux rien qu'au visuel, pour eux qui étaient épuisés d'une nuit blanche.

La seconde chose qu'il vit fut que l'équipe médicale aurait été bien avisée d'installer du matériel de contention sur le lit, parce que Kam vibrait tellement d'impatience que c'était un miracle qu'il n'ait pas encore basculé sur le sol.

« Une minute de retard sur le début des horaires de visites, qu'est-ce qu'il s'est passé, Katsuki est malade ? » s'amusa le platine, réussissant l'exploit de sautiller sans déclencher les bips énervés de ses machines.

Son cher et tendre – et absolument pas malade – bouscula Izuku au passage, gueulant avant même d'être complètement sorti du couloir :

« Je suis pas malade, on m'a juste pas autorisé à tuer le putain de réceptionniste qui voulait pas nous donner ton numéro de chambre ! »

« On a dit qu'on avait déjà trop de paperasse à gérer comme ça pour t'autoriser à tuer quelqu'un ! »

« Kam, je vais te german suplex. » annonça très sobrement Eijirô en ôtant sa veste qu'il abandonna sur place, la pièce soudainement illuminée du grand sourire de Kam quand il lui tendit les bras spontanément, alors que Kacchan s'époumonait de plus belle :

« TU GERMAN SUPLEX PAS MON MEC QUI SORT DU COMA ! »

Trop tard, Eij s'abattait sur Kam dans une chute maîtrisée à la perfection, enfouissant les mèches platines sous la masse de son câlin qu'Izuku percevait comme un peu trop appuyé, un peu trop brutal pour l'occasion – parfait, en d'autres termes. Une très légère décharge crépita autour d'eux, heureusement sans conséquence sur le matériel sans doute capable de résister à bien pire, mais devant le soupir réprobateur d'Eij et le gloussement amusé de Kam, Izuku céda à la joie extatique en train de lui bouffer les joues d'un sourire trop large pour son propre bien. Sans se gêner, il heurta Kacchan de l'épaule, déjà mort de rire :

« Dis donc, ça te va bien de dire ça alors que t'as passé la semaine à faire valser les perfusions d'Eijirô parce que t'es pas foutu de fermer une porte comme tout le monde ! »

« Mon cœur ! » gourmanda Kam toujours enseveli sous la masse de muscles du roux, et le sourire de Kacchan s'entendait parfaitement dans son hurlement :

« Mais quoi « mon cœur» ?! J'ai pas fait exprès, moi ! »

« Qui dit que je l'ai fait exprès ? »

« Mais tu te fous de moi ?! »

« Moi ? J'oserais pas ? » s'amusa Eijirô en relâchant une lichette la pression sur sa pauvre victime, agrémentant au passage sa remarque d'un clin d'œil à Kam, arrêté par ce dernier avant de pouvoir se redresser complètement.

Même à distance, Izuku perçut parfaitement l'hésitation de son fiancé à se laisser observer de la sorte d'aussi près, surtout sur une blessure encore si sensible à accepter, et seule l'amitié immense qu'il vouait à Kam le fit rester immobile. Avec délicatesse, celui-ci examina soigneusement son visage et ses nouvelles cicatrices, qu'il suivit du bout des doigts le plus légèrement possible. Eijirô intercepta sa main lorsqu'elle traça la zébrure descendant sur sa joue, et il tourna la tête de sorte à déposer un baiser sur la paume ouverte de Kam :

« Ça paraissait moins moche, de l'autre côté de la vitre ? »

« C'est pas moche du tout, ça te donne du chien. Tu fais vraiment voyou maintenant… Attends que je sorte d'ici, et je t'habille en cuir et en jean déchiré pour mon seul plaisir visuel ! »

« Et voila, mon Deku, on vient de se faire larguer pour une putain de balafre ! »

« Alors moi, je m'estime pas largué du tout, j'ai rien à redire sur le fait de prêter mon fiancé pour le plaisir visuel de ton amoureux, mais tu fais comme tu veux, Kacchan. » rétorqua Izuku pour le simple plaisir de voir le blond lever les bras au ciel, outré de cette réponse dans une posture dramatiquement délicieuse. Et qui lui avait manqué au moins autant que l'expression de Kam en train de se mordre les lèvres devant la scène.

Laissant Kacchan grommeler pour grommeler, il récupéra la veste d'Eij par terre et balança le tout sur le bout du lit, certain que Kam ne s'en offusquerait pas une seconde. Kacchan, c'était une autre affaire, mais comme il ronchonnait déjà, il ignora l'injure bonne enfant qui lui était adressée, et se pencha à son tour sur leur meilleur ami pour l'embrasser sur la joue. Malgré l'incongruité de l'odeur de désinfectant remplaçant l'habituelle saveur acidulée, Kam avait l'air moins fiévreux, définitivement moins ensuqué par la douleur et la fatigue. Et avait visiblement retrouvé toute sa vivacité coutumière, puisqu'il lui fila une chiquenaude sur le nez :

« Arrête ça de suite, je te vois en train de prendre des notes ! Je vais bien ! »

« Deku, arrêter de prendre des notes ? Autant te supprimer les blagues ! » siffla Kacchan en le poussant de côté pour accéder à son homme, et Izuku n'essaya même pas de se défendre.

De toute manière, le monde avait cessé d'exister au moment où Kacchan s'était penché sur son homme, avec toute la délicatesse dont il était capable entre son caractère et ses hormones qui le firent embrasser Kam avec un empressement plus que pressant. Le temps qu'Eijirô rapproche les fauteuils moelleux à côté du lit médical, un pour Kacchan et deux de l'autre côté pour eux, le blond poussait le vice jusqu'à voler un second baiser à Kam avant d'appuyer son front contre le sien et de se mettre à renifler discrètement son odeur avec adoration. Izuku essaya de ne surtout pas pouffer de rire devant cette indiscrétion impensable quelques semaines plus tôt, préférant s'asseoir à côté du siège de son fiancé sans déranger les amoureux. Pas besoin d'avoir la truffe d'un loup pour sentir l'amour prodigieux entre eux, mêlé d'une bonne demi-tonne de désir, mais la sensibilité d'Eijirô le fit grogner :

« Kat, lâche-le… » s'interposa-t-il en réajustant un brin son pantalon, sensible à ce que sa truffe décelait dans l'air. « Lâche-le, ou vous allez finir par baiser dans le lit d'hôpital. »

« Moi ça me va ! » s'amusa Kam, d'autant plus ravi de voir son mec adresser un éclat de croc agacé à Eij.

Mais Kacchan laissa pourtant le roux coller son fauteuil contre ses genoux, appuyant fermement jusqu'à ce qu'il accepte enfin de lâcher son homme. Enfin, lâcher son homme, façon de dire puisqu'il était absolument hors de question qu'il lui rende sa main, même en s'asseyant, et personne n'aurait osé lui dire quoi que ce soit. Kam se résigna donc à tapoter ce qu'il pouvait atteindre d'Izuku, en l'occurrence un bout de genoux, de sa main libre :

« Ne t'en fais pas Midobro, tu auras ta partie de jambe en l'air plus tard ! »

« Oh t'en fais pas, j'ai l'habitude, c'est la deuxième que je me fais sucrer aujourd'hui ! »

« La deuxième ?! »

« Mais je le prends mieux cette fois. Tu vois, les hôpitaux, c'est pas moins mon délire que la douche… En revanche, je te tiens au mot pour ta proposition de cuir et jean déchiré sur Eij ! »

Le clin d'œil dont il agrémenta sa plaisanterie, pourtant bien innocente vu les grivoiseries que Kam était capable de sortir, fit éclater de rire ce dernier, sans doute plus en raison de l'air faussement réprobateur d'Eijirô que pour la vanne :

« Ok , je note, mais d'abord je veux tout savoir sur cette partie de jambe en l'air dans la douche avortée ! »

« Elle a pas été avortée, il y a juste pas participé. » précisa Eijirô d'un air fin, aussitôt fusillé du regard par Kacchan et avant que ce dernier ne le rabroue, il lança par pure innocence : « Ton homme a un petit souci technique en ce moment, une histoire de cycle ou d'hormone, on sait pas trop, à moins qu'il soit incapable de résister à mon sex-appeal naturel... »

« Espèce de saloperie mal peignée, tu vas voir qui va avoir un souci technique quand j'en aurai fini avec toi ! »

Le jappement indigné de Kacchan se transforma dans la foulée en une tape sur la cuisse d'Eij, et le fou rire du roux l'enragea tellement qu'il recommença immédiatement, se tendant au-dessus du lit. Bien sûr, ça ne fit qu'approfondir le fou rire, donc l'agacement, et dans l'agitation somme toute naturelle entre les deux loups occupés à se chiquer pour rire, Izuku se pencha un peu vers Kam en voyant son expression se flouer un peu :

« Ça va ? »

« Oh oui, plutôt six fois qu'une ! T'inquiète, c'est juste que… Ça m'avait tellement manqué ! Vous, et toutes nos chicaneries, et nos conneries ! Vous m'avez tellement, mais tellement manqué ! Si vous saviez à quel point ça me fait plaisir de vous voir ! Et de pouvoir enfin parler à quelqu'un d'autre que les infirmiers, qui n'arrêtent pas d'essayer de m'empêcher de voir les news – oh superbe interview Eij, d'ailleurs, t'as été incroyable ! Ta popularité est en train de crever le plafond ! »

« M'en parle pas, j'ai dû couper toutes les notifications sur mon portable, il était en train d'exploser… Et ça m'emmerde un peu, je t'avoue. C'était pas le but initial... »

« En tout cas, tu sauras que j'ai déjà entendu plusieurs membres du personnel tenter de coordonner les soins avec tes visites, histoire de se rincer l'œil. T'as de la concurrence, Midobro ! »

« Je suis terrifié. » commenta ledit Midobro en faisant de son mieux pour conserver un ton neutre, récompensé du pouffement général suite à son faux sarcasme, et d'un sourire à crever de la part de son homme.

« Mais quel plaisir de pouvoir enfin réentendre une blague ! Je te jure, je deviens cinglé avec les infirmiers, ils n'ont aucun humour, c'est vraiment déplorable la perte de qualité du service public ! »

« C'est fort de café de t'entendre dire ça vu ce que tu leur as fait subir. » ronchonna Kacchan dans un naturel bougon revenu au galop. « N'est-ce pas, Chaton ? »

« Kam ! »

« Je les ai PAS électrocutés ! » protesta Kam sous le sourire moqueur d'Eijirô, qui l'approuvait d'un discret hochement de tête. « J'ai simplement… reporté une ou deux séances de pansements ! Enfin merde, ils voulaient me réajuster mon bandage dès que je faisais une sieste, ça fait mal ce bordel, et c'est chiant et long ! Alors j'ai juste... « suggéré » délicatement à un ou deux infirmiers que c'était inutile, voila, rien d'extraordinaire, et tout en subtilité, s'il vous plaît ! »

« Et tu t'étonnes qu'ils manquent d'humour avec toi ? » grinça Izuku avec ce qu'il fallait d'incrédulité pour qu'Eijirô soit obligé d'étouffer son gloussement dans sa main, tandis que le sourire de Kam s'élargissait plus encore :

« D'accord, j'y ai peut-être été un peu fort, mais comprends-moi, ils sont tous très gentils, mais j'en peux plus d'entendre vingt-cinq fois les mêmes recommandations et de voir leurs mines catastrophées dès que je fais un mouvement ! »

« Tu devrais peut-être pas en faire, des mouvements, si ton équipe s'inquiète comme ça ? »

« Ba ? Toi aussi, tu as une nouvelle cicatrice ? » l'ignora royalement Kam en désignant du bout des doigts la traînée de peau encore un peu grumeleuse au niveau de la gorge de Kacchan, qui massa la zone concernée avec embarras :

« C'est rien. Une dispute avec Boule de poil, laisse tomber. »

« Une dispute ? Vous deux ? »

« Tu serais surpris de ce qui arrive quand tu n'es pas là pour mettre un peu d'ordre. »

« Hey ! »

« Que veux-tu Midobro, je m'absente une semaine et tout fout le camp ! » soupira le platine pour le seul plaisir d'entendre son amoureux réitérer son « Hey ! » furieux, pas crédible pour trois sous vu le sourire qu'il se tapait. « Mais mon cœur, t'aime bien que je te rebrousse le poil dans le mauvais sens ! »

« Va te faire foutre. »

« Moi aussi, je t'aime ! Tiens, tu vois, même tes insultes, elles m'ont manquée ! »

« Hé ba, t'es bien le seul. » s'amusa Eijirô, et s'il n'avait pas été de l'autre côté du lit de Kam, intouchable donc, Kacchan lui aurait sans doute filé un sacré coup de pied.

Ou de croc, à en croire le retroussement de ses lèvres sur une grimace menaçante, oubliée sitôt que le pouce de Kam s'ingénia à dessiner un motif inconnu sur les doigts du blond, en une caresse nonchalante à souhait, parfaite pour souligner son argumentation :

« Et puis, faut vraiment pas t'en faire, ça va physiquement. Je vais pas jusqu'à dire que c'est facile à vivre, mais je gère pour l'instant… Vous savez, » continua-t-il l'air de ne pas y toucher, ce qui lui allait fort mal au demeurant, « Mirko m'a même proposé une opération pour la deuxième jambe, pour y installer une seconde prothèse… »

« Je le savais. » commenta Izuku d'un ton pince-sans-rire emprunté à Kacchan, affûté par des années de pratique, au moment où Eijirô éclatait de rire en le voyant enfouir son visage dans ses mains. « Je le savais que t'allais nous faire un truc pareil ! »

« J'ai jamais dit que j'allais le faire ! »

« Tant mieux, parce qu'il est hors de question que je laisse un chirurgien te charcuter une fois de plus ! Prothèse ou pas ! »

« Mais imagine, avoir des rollers en permanence ! »

« Dans tes rêves. »

« Je pourrais en faire n'importe quand ! Je serais si cool comme ça ! »

« Tu es déjà cool, Chaton, et c'est non pour cette idée à la con ! J'ai dit non ! Et si t'es pas content, je laisse Boule de poil et Deku se charger de toi ! »

« Moi j'veux bien, je sais d'avance que le cul sera d'enfer, mais Katsuki, qui me ferait à manger ?! » fit Kam, attrapant l'immense perche tendue par son homme avec une fausse moue angoissée.

Une jolie prestation, mais qui n'arrivait pas à cacher le moins du monde à quel point il était ravi de voir Kacchan lui faire le plaisir de marcher une fois de plus, et de faire mine de lui chiquer la main juste pour l'entendre éclater de rire. Malheureusement, le mouvement de son fou rire se répercuta jusqu'à sa jambe amoindrie, qui tressauta salement en lui tirant une grimace d'inconfort. Les deux loups se penchèrent immédiatement en avant, le même gémissement anxieux dans la gorge et Izuku vérifia d'un coup d'œil les statistiques sur l'écran de contrôle le plus proche, par pur réflexe :

« Ça va ?! »

« Oui, oui, j'ai pas maîtrisé mon mouvement, c'est rien... »

« T'es sûr ? »

« Certain ! Le choc s'est répercuté bizarrement dans l'os, ça m'a surpris, c'est tout ! Je suis assez gavé de médicaments pour que ne rien sentir, si tu veux tout savoir… Mais ils vont diminuer mes doses dans pas longtemps, et là, je risque de douiller. »

« Et tu t'habitues à… »

« Ça va… C'est plutôt les réflexes qui sont un peu crève-cœur. Tu sais, quand t'essaies de te redresser et spontanément, tu prends appui sur un pied – hé ba non, là, ça marche plus ! » grinça Kam, un mélange d'amusement et d'amertume que Kacchan réceptionna d'un regard triste. « C'est pas grave, tu sais ? Mirko m'a averti que ça risquait de prendre un peu de temps avant que je m'y fasse, mais que le corps finira bien par s'adapter naturellement. De toute façon, j'ai pas le choix, jusqu'à ce qu'on m'installe une prothèse. »

« On sera deux. » commenta Eijirô en fronçant le nez de manière à attirer spontanément l'attention sur son œil blessé. « Je me suis toujours pas habitué à avoir une vision tronquée et y'a eu… des accidents. »

« Des accidents ? »

« Il m'a mordu. » renifla Kacchan avec une telle expression de chiot malheureux que même Kam fut incapable de se retenir de se foutre de sa gueule et du pincer son gloussement, vexant au possible. « Merci le soutien, vraiment, quels amis vous faites ! »

« Oh pardon, mais ta tête... »

« Tu faisais vraiment chiot grondé, Kacchan, désolé d'approuver Kam. »

« Je vous en foutrais, du chiot ! »

« Ta manière à toi de me dire que tu veux des enfants ? » taquina Kam, rien que pour le plaisir de voir Kacchan pâlir affreusement. « Oh, mon cœur, comment tu peux te faire encore avoir ? »

« J'ai imaginé un gamin avec mon caractère et ton alter, et tout mon instinct de survie animal s'est hérissé ! »

« Heureusement que c'est pas transmissible par les gènes, sans quoi t'aurais pu avoir des louveteaux avec ton caractère et l'alter de Kam. »

« Je veux même pas l'imaginer. » grommela Kacchan, son expression indiquant clairement qu'il l'imaginait fort bien, et préférerait sans doute les tuer tous les quatre plutôt que de subir un truc pareil.

Pour le coup, Izuku ne lui donnait pas tort, rien que l'idée évoquée par Eijirô lui filait une sueur froide à concurrencer la chaleur de la chambre d'hôpital. Rien de comparable cependant avec le frisson qu'il récolta quand Kam rouvrit la bouche, sourcils froncés :

« Comment ça, c'est pas transmissible par les gènes ? Je croyais qu'on en savait rien ? Midobro a déjà fini ses recherches ? »

Ah. Merde. Celle-là, il ne l'avait pas anticipé, persuadé à tort que Kacchan avait d'ores et déjà abordé le sujet de la transmission par la salive au cours de ses précédentes visites à son amoureux. Cela dit, vu l'état de fatigue et de douleur de Kam dans les jours précédents, pas certain qu'il aurait pu suivre une discussion de la sorte, surtout venant d'un Kacchan qui avait à peine saisi le concept après un bon quart d'heure d'explication. Embarrassé de devoir réagir, et surtout parce qu'il n'avait pas la moindre envie de se lancer dans un sujet pareil au débotté, Izuku lança un regard en coin à Eijirô, uniquement pour réaliser que celui-ci faisait exactement la même chose. Forcément, dans l'idée débile qu'ils eurent pour éviter de se faire chopper, ils se tournèrent tous deux vers Kacchan qui bien évidemment les regardait avec une tête paniquée – et ils se firent attraper tous les trois :

« Ho-ho, j'aime pas du tout ce genre de regard à trois ! » siffla Kam, méfiant au possible. « Qu'est-ce que je dois savoir que je ne vais pas aimer savoir ? »

« Izuku va t'expliquer. » lança Eijirô dans ce qui était un pur lancé de son fiancé sous les rues du bus, littéralement, et Izuku dévisagea son homme, furieux.

Ils auraient très bien pu expliquer aussi, lui et Kacchan, et bien plus tôt en prime, mais par égard pour leurs conditions et l'air catastrophé de Kacchan, il capitula d'un soupir. Logiquement, il était le mieux placé pour ça, bien entendu… Ce qui ne rendait pas la chose plus facile, loin de là.

Sous l'air circonspect de Kam et dans un silence trop lourd pour être réellement confortable, il avança un peu son fauteuil, utilisant cette poignée de seconde pour remettre de l'ordre dans ses idées. Puis inspira un bon coup avant de se lancer dans ses explications qu'il s'efforça de rendre concises, avec l'espoir d'être le plus clair possible. Après une fort brève introduction empruntée à Aïzawa-senseï et un rapide exposé sur les groupes sanguins, il prit davantage de temps pour exposer la compatibilité de ceux-ci, les premiers signes d'une contamination lupine avec fièvre et changements presque immédiats de l'organisme, y compris le basculement de rhésus au niveau du groupe sanguin.

Aussi méthodiques soient ses explications, Kam le fit répéter deux fois la quasi-totalité de ses phrases, en reformulant au passage pour être certain d'avoir saisi le concept. C'était normal, lui-même avait mis un sacré paquet de temps à comprendre alors qu'il avait pourtant les documents sous le nez, mais chacune de ses questions rendait la suivante plus difficile encore. Parce que chacune de ses questions menait irrémédiablement à la conclusion amère que Kam était le seul à risquer encore une contamination dans leur quatuor – et par son homme, en plus.

En le voyant accuser le coup, il glissa mine de rien les chiffres sur les probabilités de contamination, pire que bas. Ce qui n'effaça guère le plissement inquiet au niveau du front de Kam, et désolé, Izuku acheva sur les cycles hormonaux, fort bref et pourtant bien trop long pour l'humeur de chien de Kacchan. Et tous les regards de reproche d'Eijirô ne détournait pas l'attention du blond de son homme une fraction de seconde, pas plus qu'ils ne l'empêchaient de se mordiller la lèvre pour évacuer son stress.

« Pour résumer, » conclut-il en se rencognant dans son fauteuil, désolé de n'avoir pas d'autres réponses à apporter, « c'est un processus complexe et extrêmement limité, mais… pas assez pour que tu sois immunisé. »

Kam réceptionna le message d'un hochement de tête, insensible au tapotement gentil d'Eij au niveau de sa jambe intacte tant il assimilait la chose. Son odeur véhiculait sans doute trop de ses émotions pour qu'il trompe les deux loups, mais il conserva un silence médusé encore une poignée de seconde, avant de se racler la gorge pour y dissoudre l'émotion présente.

« Vraiment, l'univers a son humour que j'apprécie pas du tout… Bon. Ba, on fera attention, que veux-tu… Y'a pas le choix, là non plus - c'est un peu le crédo de ma vie en ce moment, j'ai l'impression... » commença-t-il, prudent à l'excès sans pour autant empêcher un sourire fragile de lui échapper : « Au moins, j'peux me consoler en sachant que j'avais raison : vous avez bien vos règles tous les mois ! »

La plaisanterie bancale au possible dissimula à peine à quel point ça lui faisait mal, l'idée de devoir composer avec ce risque constant au creux de sa relation avec son homme. Izuku lui adressa un regard désolé face à cette cruauté supplémentaire, et il se retint in-extremis de se pencher pour poser sa main sur la cuisse du platine. À la place, il joua machinalement avec la manche de la veste d'Eij à portée de main, s'effaçant comme son amoureux pour laisser un peu plus d'espace à Kam et Kacchan. Lequel se répandit aussitôt en excuses défaites, révélant au passage qu'il prenait la vanne maladroite de son mec pour un reproche :

« Je suis désolé Chaton… On fera… Enfin, je ferais très attention, et… Je pourrais m'éloigner le temps que ça passe, si jamais c'est… Et puis, Eij et Deku seront là aussi pour... » bafouilla-t-il dans un extraordinaire bordel, avant de s'arrêter net, coupé par un brusque mouvement d'Eijirô.

Lequel se tourna vers la porte avec une telle intensité dans son attitude que ses oreilles se redressèrent dans ses mèches rousses une fraction de seconde, aussitôt plaquées contre son crâne en raison du grincement métallique affreux de son fauteuil sous le mouvement. Cinq secondes plus tard, une discrète suite de coup sur le panneau de bois le forçait à faire disparaître sa paire d'oreille d'un grognement, et Kam renversa la tête en arrière dans son oreiller avec un soupir agacé, à bout de nerf :

« Vraiment, ils choisissent le bon moment, putain… Je vous préviens, je vais crever si c'est pour changer mes pansements une fois de plus ! Entrez ! »

Izuku adressa un froncement de nez encourageant à Kacchan, amusé de se voir répondre d'un haussement de sourcils sarcastique. Qui que soit le professionnel de santé qui passait le seuil, il y avait de fortes chances pour qu'il se fasse électrocuter de ras-le-bol – enfin, qu'il lui soit « suggéré subtilement » de foutre le camp – et pour se donner bonne consciente autant que pour mettre à l'aise le nouvel arrivé, Izuku sortit son sourire le plus professionnellement chaleureux. Et le perdit à l'instant où l'inspecteur Utagaï posa un pied dans la chambre de Kam.

Comme toujours vêtu impeccablement, son maudit calepin dans la poche de veston et insignes soigneusement accrochés sur son uniforme, M. Utagaï s'inclina très brièvement par politesse avant de s'avancer davantage, et referma soigneusement la porte derrière lui, aussi minutieux que d'ordinaire. Fou comme cet homme avait le don d'évoquer une austérité rigide digne d'une salle de torture par sa seule présence, et la température dégringola de dix degrés, au moins, rendant la chambre absolument lugubre. La bouche sèche d'angoisse, Izuku vit la silhouette si carrée qu'elle semblait découpée à l'emporte-pièce se tourner vers eux sans être étonné le moins du monde de les trouver tous les quatre réunis. Un tableau qui ne devait pas manquer de sel vu les expressions stupéfaites qu'ils devaient aborder.

De l'autre côté du lit, Kacchan se tassa derechef sur sa chaise dans une visible tentation de se transformer sur l'instant, retenu uniquement par la main de Kam sur son poignet, crispé de surprise. Le seul qui reprit ses esprits en une fraction de seconde, bien évidemment, fut Eijirô :

« Oh, Inspecteur Utagaï. » salua-t-il, tout sourire pour qui ne percevait pas la tension dans sa nuque et l'infime avancement sur sa chaise pour se porter en avant – un avertissement. Si l'homme faisait mine d'approcher, il se ferait tuer sur place.

Apparemment insensible à la tension dans la pièce, M. Utagaï s'immobilisa heureusement à distance respectable du lit, et s'inclina profondément face à eux pour les saluer dans une attitude empruntée au possible. Et… presque gênée, réalisa Izuku, incrédule, notant la rigidité de son salut impeccable. Comme s'il avait parfaitement conscience de ne pas être à sa place, en interrompant leur réunion de la sorte, ce qui, de la part d'un homme capable de venir les cuisiner devant la chambre de réanimation de Kam sans sourciller, était incongru. Bien assez pour qu'il fronce les sourcils, déconcerté de le voir se redresser dans une plus grande raideur encore et entamer immédiatement son annonce, si scandée qu'elle en sentait fort la récitation préparée avec le plus grand soin :

« Messieurs, je suis désolé de vous déranger de la sorte, compte tenu des circonstances... » commença l'inspecteur, se tourna plus franchement vers Kam, avec une esquisse de sourire sur son expression guindée : « Monsieur Kaminari, comme l'a évoqué votre collègue, je suis l'inspecteur Utagaï, en charge de l'enquête gouvernementale sur le loup-géant. J'ai beaucoup entendu parler de vous. »

« Moi de même, inspecteur. Vous êtes là pour la sextape de notre plan à quatre, c'est ça ? »

Kam se paya le luxe du sourire le plus faussement candide que l'univers ait jamais vu en prime de sa vanne, et Izuku en était certain, l'inspecteur Utagaï ne résista pas au besoin impératif de lever les yeux au ciel. Une fraction de seconde seulement, avant que son professionnalisme coutumier reprenne un ton bon enfant :

« Non, je vous remercie ! L'offre est… généreuse, mais comme je l'ai déjà explicité à vos collègues, ce n'est pas exactement mon champ de compétence. Si vous me le permettez, je vais être bref, au vu de la gravité de la situation et de la sortie de M. Kaminari du service de réanimation : mon bureau a reçu les résultats des premiers examens ce matin, et j'ai voulu venir personnellement vous en avertir. »

Complètement préparé à devoir laisser Kam réaliser un entretien avec l'inspecteur, comme celui-ci l'avait fait pour eux, Izuku entendit à peine la fin de la phrase tant le sang battait à ses tempes. Il n'enregistra pas plus le tressaillement de Kacchan, en face de lui, ni l'infime pression des doigts d'Eijirô sur son poignet, pour lui intimer de se tenir tranquille, tant il sentit la réalité lui échapper.

Pas si tôt. Pas là, pas maintenant, pas de suite. Il avait… Il avait calculé, il avait prévu en fonction des affluences de commandes auprès des laboratoires, selon les statistiques des années précédentes, et c'était pas si rapide d'ordinaire, ça n'avait aucun sens. Ils auraient encore dû avoir une poignée de jours. Ils auraient dû avoir au moins le temps de retrouver Kam, de lui expliquer la suite, de préparer quelque chose, mais tout s'effondrait sans crier gare, sans leur laisser aucune solution de secours et dans une seconde d'amertume, Izuku songea qu'il avait, une fois de plus, sous-estimé l'acharnement de l'inspecteur et ses contacts.

À côté de lui, Kam bougea légèrement sur son lit en s'avançant, mais son cerveau occulta le fait aussi efficacement que s'il n'avait jamais existé. Le monde s'effaçait dans une telle giclée d'adrénaline qu'Izuku se sentit physiquement malade, alors que le blanc de son esprit se zébrait d'une infinité de possibilités sur la manière de faire sortir Eijirô et Kacchan de la chambre sans avoir à tuer l'inspecteur Utagaï – et n'en trouver aucune acceptable. La plus viable de toutes ses idées impliquait qu'ils se transforment tous deux sur le trajet vers le commissariat et foutent le camp, à condition toutefois que l'inspecteur n'ait pas ramené de renfort. Ni de matériel adapté à l'arrestation, puis à la contention de deux loups-garous. Ou à l'application d'une méthode bien plus radicale.

Izuku n'avait aucune idée de ce que Kacchan et Eijirô avaient planifié pour s'enfuir, et il n'allait rien pouvoir faire pour les aider, pas même leur offrir une diversion… Pire, il n'avait tout simplement pas le droit de faire quoi que ce soit. Le concept seul le broyait, mais une pensée sadique au possible lui souffla que Kam allait assister à l'arrestation de son amoureux, le jour où il sortait enfin de réanimation, et ça détruisit le peu de volonté qui lui restait. S'il entendait Kam hurler, supplier, s'emporter ou avoir la moindre réaction, il le savait, il n'allait jamais pouvoir se retenir de se jeter sur l'inspecteur pour lui faire lâcher leurs hommes.

À des centaines de kilomètres de l'affolement de son cœur, l'inspecteur Utagaï se lança sans s'attarder sur le mutisme obstiné en face de lui, d'une voix grave :

« Je vous dois des excuses, je crois. »

Izuku loupa une marche, dans le noir. En tout cas, c'est la sensation que lui renvoya son organisme, une contraction de muscle involontaire comme sursaut d'instinct de survie. De surprise, Eijirô haussa les sourcils, l'image même de la stupéfaction la plus absolue qu'Izuku se refusa d'afficher à son tour alors que sa mâchoire faillit se décrocher sur une question qui les aurait immédiatement vendus. Prenant leur absence de réaction comme de la perplexité plutôt qu'autre chose, l'inspecteur étaya d'un sourire contrit :

« Au contraire des résultats de Mme Kathy Favren, les analyses n'ont rien révélé d'anormal vous concernant, à aucun niveau. À part une légère carence en fer chez ô, si vous me permettez la plaisanterie. »

« Si vous comptez lui faire manger plus d'épinard, va falloir vous levez tôt ! » souligna Kam avec un sourire retenu ce qu'il fallait pour conserver le sourire incongru de M. Utagaï avec eux.

Une diversion ô combien appréciée, particulièrement parce qu'elle camoufla à merveille le reniflement dédaigneux de Kacchan – et leur totale perdition. Techniquement, tous les mots voulaient bel et bien dire quelque chose, mais ensemble, bernique. Izuku se répéta mentalement les deux phrases dans l'espoir d'en décoder le sens caché alors qu'il faisait mentalement défiler les deux études qu'il s'était tapé, de long en large et en travers, plus qu'exhaustives, sur les marqueurs de la Morsure présents dans le sang. Et il avait beau chercher en se mordant la lèvre pour réfréner en vain ses marmonnements, ça n'avait toujours aucun sens. Complètement indifférent à ses réflexions, ou peut-être bien trop conscient de celles-ci, Eijirô s'avança sur son siège pour croiser le regard de M. Utagaï tout en cachant ce qu'il pouvait de son fiancé marmonnant derrière sa carrure :

« Hé bien, c'est vraiment gentil d'avoir pris le temps de venir nous annoncer ces résultats en personne, mais je vous avoue que je ne vois pas pourquoi vous nous devriez des excuses… »

« M. Midoriya a été bien indulgent envers moi, alors, s'il ne vous a pas fait part de mon opinion. J'ai… honte de l'admettre désormais, mais au vu des indices, j'étais persuadé que vous étiez tous les quatre de mèche avec le loup géant que M. Bakugô a heureusement éliminé. »

« Vous voulez dire, le loup géant qui a failli tous nous dézinguer ? » releva Kam, d'une telle perfection dans son acidité méticuleusement dosée qu'Izuku sentit un sourire lui échapper, en même temps que l'entièreté de la situation. « Le loup géant qui a éborgné Eij ? Celui qui m'a bouffé un mollet ? Ce loup-géant en personne ? »

« Exactement. Et j'étais plus suspicieux encore après votre séance de presse, M. Kirishima, où je vous croyais aux abois… Vous ne m'avez pas facilité la vie, en exigeant cette double vérification, ni en faisant un tel tapage autour de l'affaire. Et vous devez avouer qu'utiliser tous les recours de la sorte paraîtrait suspect à n'importe qui. »

« À force de traiter les gens comme des criminels, ils finissent par se comporter comme tel. » énonça sourdement Eijirô, mais avec une légère dose de douceur pour que son reproche passe comme une explication rationnelle – mieux encore, comme un argument pour étayer les excuses de l'inspecteur, qui saisit la balle au vol :

« En effet, et je vous assure que c'est une leçon que je n'oublierai pas à l'avenir ! D'où ma venue, » reprit M. Utagaï sans se laisser démonter ni par le sarcasme de Kam, ni l'intervention d'Eijirô, « M. Midoriya, M. Kirishima, M. Bakugô et M. Kaminari, je vous présente toutes mes excuses pour mon comportement déplacé, d'autant plus grossier que vous êtes dans des situations personnelles difficiles, avec vos blessures. Et absolument inexcusable vu les sacrifices que vous avez faits pour défendre la nation de cette menace, en protégeant nos concitoyens. Je suis absolument confus, et plus que navré de cette erreur. Toutes mes excuses. »

Et avec une raideur courtoise, l'inspecteur Utagaï s'inclina devant eux une nouvelle fois, quoique bien plus bas et bien plus longuement dans le silence médusé de la chambre. C'en était trop : Izuku se pinça, au niveau de la cuisse, si douloureusement qu'il tressaillît et Kacchan lui lança un regard suspicieux, ou plus exactement un regard de reproche, tandis qu'Eijirô se penchait encore en avant pour le dissimuler davantage :

« Oh, vous savez, ce n'est pas nécessaire ! Izuku nous l'avait dit, mais c'est tout à fait normal d'avoir des doutes, vu la complexité de l'affaire ! »

« Oui, c'est normal – même si cette saloperie m'a dévoré le mollet. » persifla Kam en déclenchant un rictus amusé chez Kacchan, plus que satisfait de voir son homme monter lui aussi au créneau contre l'inspecteur.

Beau joueur, celui-ci accepta d'un bref hochement de tête qui prouvait qu'il savait pertinemment à quoi s'attendre avant de rentrer dans la pièce, et continua de s'adresser directement à Eijirô :

« Disons qu'avec la complexité de l'affaire, les traces étranges de griffures dans la cage d'escalier, l'absence de rush caméra dans l'agence… Les restes de cheveux et de sang en quantité presque trop importante pour des êtres humains, vous deux retrouvés complètement nus – même si l'explosion de M. Bakugô expliquait fort bien votre absence de vêtement… Ça faisait beaucoup, pour un événement aussi grave dont il ne reste aucun témoin à part vous. Heureusement qu'avec vos déclarations et les preuves laissées par l'effraction de Mme Favren, on a pu reconstituer son cheminement et expliquer tous les dégâts occasionnés, parce qu'on a même pas retrouvé un bout de vidéo de votre combat contre elle pour l'examiner. Rien. Les techniciens sont persuadés que les chocs sur les serveurs ont débranché un ou deux câbles essentiels, rompant les capacités d'enregistrement des caméras ; une faille technique qu'ils travaillent à réparer activement, pour la prochaine fois. »

Merci Sero, qui méritait une médaille. Un putain de prix Nobel de génie informatique. Une statue. Minimum.

« Forcément, ça vous désignait comme suspects idéals. À vrai dire, » reprit l'inspecteur Utagaï dans une esquisse de sourire sincèrement amusé, pour une fois, « j'avais même pour idée que M. Kirishima aurait pu être un loup géant depuis un moment, en raison de la morsure qu'il a reçue lors d'une intervention, il y a quelques mois – oui, votre agresseur était porteur de l'alter transmissible de loup géant, je peux vous en informer maintenant que vous êtes officiellement rayés de la liste des suspects. Il a été arrêté et transmis en justice après votre intervention, mais les marqueurs de l'alter transmissible qu'il porte, l'alter du loup géant, n'apparaissent pas du tout dans vos résultats. Ni dans aucun des vôtres, messieurs. Vous avez eu de la chance, compte tenu de vos blessures et des méthodes de transmission. Tenez. »

Tout naturellement, comme s'il n'avait rien de plus évidemment, l'inspecteur Utagaï farfouilla dans sa poche pour en tirer les feuillets d'analyse, parfaitement reconnaissable à la mise en page rigoureuse des documents médicaux. Si Kacchan eut un infime mouvement de défense en voyant l'homme s'approcher du lit, il réussit à se contenter d'un froncement de nez le temps qu'Eijirô les récupère avec une nouvelle effusion de remerciement. Devant l'absurdité de la scène, Izuku eut envie de se pincer la cuisse une fois de plus, mais cette fois, c'est Kam qui le fusilla du regard, dans une acuité formidable pour qui n'avait pas la truffe des loups.

« Voici les documents pour tous les quatre, qui vous innocentent totalement, à ma courte honte. Je dois même vous avouer que j'étais si sûr de moi que j'ai demandé au laboratoire de faire appel à un spécialiste des alters pour les analyses. Comme quoi, on peut se tromper en beauté. » admit l'officier bien volontiers, et son humilité obligea Izuku à sortir de son hébétude, ne serait-ce que pour lui offrir un sourire :

« Au moins, vous avez l'honnêteté de nous en informer. C'est pas tout le monde qui ferait ça. »

« C'est vrai. On apprécie beaucoup, vous savez. » renchéri Eijirô sans lâcher ses documents, alors que la tronche de Kacchan en face d'eux affichait clairement qu'il n'apprécierait jamais rien venant de cet homme, à part peut-être la nouvelle de son décès.

« C'est le minimum que je puisse faire… D'autant plus que j'ai un service à vous demander, enfin plus précisément à vous, M. Midoriya : est-ce que vous seriez d'accord pour m'assister, sur le reste de l'enquête ? Je sais que vous êtes bien plus avancé que moi étant donné que vous avez déjà fait davantage de recherches sur le sujet, et je vous serais très reconnaissant si vous vouliez bien y participer. »

Assister l'inspecteur Utagaï sur l'enquête qui venait d'innocenter Eijirô et Kacchan au mépris de toute la logique du monde. Ba bien sûr. C'était le monde à l'envers. Il n'avait pas d'autre explication à portée de main, et aucune intention de sortir le moindre mot avant de comprendre exactement de quoi il en retournait, mais Eijirô lui écrasa le pied avec une telle force qu'il fut forcé de répondre précipitamment, la voix aiguë de douleur :

« Oh, bien sûr ! Si vous pensez que je peux vous aider, bien sûr ! »

« C'est très généreux de votre part, je vous en remercie. »

« C'est bien normal. » rajouta Izuku dans une couche de politesse supplémentaire pour cacher l'envie de couiner la douleur de son pied, avec une sérénité qu'il ignorait pouvoir jouer aussi bien.

Kam avait beau avoir été un maître incontestable en matière de jeu d'acteur, il allait finir par virer chèvre si l'inspecteur ne se barrait pas dans les deux minutes en lui laissant tout loisir de trouver une explication rationnelle à ce bordel. Il fallait, non, il avait besoin, viscéralement, de réfléchir cinq minutes là-dessus, par pitié.

Sans aucune considération pour son esprit à l'agonie, M. Utagaï le remercia d'une nouvelle courbette de politesse, sortit son calepin pour y consigner la réponse, sans doute, soulevant un sourcil pour appuyer sa proposition :

« Si cela vous convient, je contacterai vos équipes pour organiser la chose. »

« Oh, il n'est pas nécessaire d'être si protocolaire, vous savez… Vous avez une carte professionnelle, peut-être ? Je pourrais vous smser ? » proposa Izuku en essayant de ne surtout pas voir le regard en coin que lui dédiait Kam, trouvant sans doute qu'il se pliait un peu trop en quatre pour un type pareil.

Mais l'inspecteur fut visiblement enchanté de la proposition, dont il le remercia avec effusion. Avec le sentiment de vivre dans un monde parallèle, Izuku récupéra la carte de visite de M. Utagaï qui les avait suspectés au point de faire subir un interrogatoire à un Eijirô à peine conscient, dans l'optique de travailler avec lui sur le sujet. Ça n'avait aucun sens, vraiment, et il se plia au protocole d'échange de carte en se demandant où était le piège. Peut-être que l'inspecteur avait confondu leurs résultats avec un autre dossier ? Peut-être que ses équipes le détestaient tellement qu'ils avaient filé un faux rapport à leur chef ? Sans réponse, il se contenta d'enchaîner inclinaisons légères en raison de ses côtes et politesse, écoutant vaguement l'inspecteur l'assurer qu'il n'y avait aucune urgence pour le contacter, qu'il se tenait à sa disposition – à sa disposition ? Le type qui avait suggéré qu'ils avaient été si stupides de se lancer à la poursuite de Kathy que quelque part, ils méritaient leurs blessures ?

« Vraiment, je vous remercie pour votre gentillesse, alors que vous auriez toutes les raisons de m'envoyer promener. » insista de plus bel l'officier, d'une amabilité rarement égalée. « Et je vous remercie de m'avoir accordé ce temps alors que vous êtes encore en convalescence, tous les quatre. Je vais prendre congés, avec une fois de plus toutes mes excuses, mais je reste joignable pour toutes questions ou demandes sur cette enquête ! Je vous souhaite un très bon rétablissement, M. Kirishima, et à vous aussi, M. Kaminari. »

« Ne vous en faites pas pour moi, je suis bien entouré ! »

« Je vois ça. » confirma l'inspecteur avec un regard amusé envers les trois chaises soigneusement disposées de part et d'autre du lit de Kam.

Izuku se releva à moitié pour le saluer lors de son départ, au contraire de Kacchan qui ne bougea pas d'un iota. Pas même un son pour agrémenter son froncement de sourcil on ne peut plus agacé, et il fallait le connaître pour savoir qu'il se retenait de toutes ses forces de ne pas éclater en jurons, ou en questions. Voir les deux.

Avec une dernière inclinaison polie, l'inspecteur Utagaï s'éclipsa comme il était venu, en laissant derrière lui l'esquisse d'un parfum frais et un silence absolument estomaqué. Plus pesant encore que lorsqu'il avait fallu aborder le sujet de la compatibilité sanguine vis-à-vis de l'alter de la Morsure, et Izuku se laissa retomber sur son fauteuil dans un bruit de chute plus proche d'un boucan d'enfer, sonné. Même l'éclair de douleur dans ses côtes ne réussit pas à fissurer son état de choc, trop perplexe pour arriver à démêler quoi que ce soit. Aucun résultat anormal ? Eij et Kacchan ? Il échangea un regard de perplexité ultime avec Kam, aussi perdu que lui à en croire son expression, mais avant qu'il réussisse à seulement ouvrir la bouche, Kacchan l'arrêta d'un geste :

« Attends. Eij, tu vérifies ? » signa-t-il avec un brin de maladresse que sa fébrilité expliquait parfaitement.

Maudissant son ébahissement qui lui embrouillait l'esprit, Izuku remercia mentalement la méfiance maladive de son meilleur ami, et plus encore, la réactivité de son homme. Si rapide qu'il avait sans doute anticipé la demande de Kacchan, Eij se leva dans la seconde, le plus silencieusement possible, sans même repousser son fauteuil d'un centimètre, pour aller plaquer une oreille de loup contre le bois de la porte. Dans la chambre, la tension devient telle qu'il aurait presque été possible d'entendre la plus infime respiration, s'ils n'avaient pas tous été en apnée pour laisser Eijirô s'assurer que le policier était bel et bien parti.

« C'est bon... » murmura le roux après une longue minute, secouant la tête en se débarrassant de sa paire d'oreilles disproportionnées. « J'ai entendu ses pas au bout du couloir, et y'a personne d'autre… Pas une respiration. »

« Un micro ? » signa Izuku par acquit de conscience, soulagé de voir son homme faire non de la tête :

« Non, il a rien touché dans la pièce – ni fait tomber le moindre objet. Je l'aurais entendu. »

« Izuku, passe-moi sa carte une seconde, s'il te plaît. » reprit Kam avec un froncement de sourcil, si impératif dans ses gestes qu'Izuku lui tendit l'objet sans réfléchir.

Il se murgea une volée d'étincelle piquante à l'instant où les doigts du platine effleurèrent le bout de carton. À dire vrai, la moitié de la chambre se mit subitement à clignoter en raison de la décharge brusque, et en face de lui, les mèches de Kacchan s'ébouriffèrent d'une électricité statique peu naturelle, en une combinaison visuelle intéressante vu le plissement de rage sur son nez. Quant à Eijirô, il grimaça de mal-être, à mille lieux du bond qu'Izuku fit sous la giclée de volt au creux de ses nerfs :

« Aïe ! »

« Là. Si c'était un micro, il serait foutu. » annonça fièrement Kam sans s'excuser une seconde, affreusement satisfait de lui-même.

Hélas, seul Eijirô releva son idée de génie d'un sourire appréciateur alors qu'il se reposait sur son fauteuil en déposant au passage une discrète caresse sur la nuque d'Izuku. Considérant leur sécurité assurée, ou en tout cas suffisante pour l'instant, Kacchan se décida enfin à rouvrir ses mâchoires concassées de colère depuis dix minutes, ulcéré :

« Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? » siffla-t-il, et pourtant Izuku était plus abasourdi encore que lui lorsqu'il bafouilla, perdu :

« Je… je sais pas, je... »

« C'était pas censé être visible dans le sang ?! »

« Si ! Je comprends pas… »

« C'est possible qu'un truc qui fait changer le groupe sanguin passe crème comme ça ? »

« Non ! Enfin, normalement non, certainement pas ! Mais je ne sais pas, je... J'ai dû me tromper dans mes lectures et... »

« Impossible. Tu te trompes jamais Midobro, et puis c'est pas comme si t'avais pas consacré des jours à lire et compiler tout ça ! Tu ne serais pas passé à côté d'un truc pareil ! »

« Ni toi, ni Aïzawa-senseï qui s'est quand même penché sur le sujet ! » rappela subrepticement Eijirô, ce qui n'avançait pas Izuku le moins du monde parce que comme le rappelait si innocemment Kam, comment avait-il pu passer à côté d'un truc pareil ?!

Incapable de s'en empêcher, il arracha le premier feuillet d'analyse des mains d'Eijirô sans s'attarder au « Hey ! » indigné de son homme, l'ouvrit en manquant arracher un bout de papier dans son empressement. Vu le nombre de feuillets trop important pour ses mains et sa nervosité, il se pencha au mépris de ses côtes sur le lit de Kam dont il repoussa le bras et s'octroya la place libérée en étalant côte à côte l'ensemble des documents. Par pure habitude autant que pour tenter de se calmer les nerfs, il suivit la méthodologie de vérification d'authenticité : il checka tous les cachets et tampons officiels, vérifia les dates, les différents transferts entre les sections du laboratoire, et avec un frisson, utilisa la technique de Kathy en léchant son index pour le passer sur les signatures et tampons, s'assurant de leur légitimité en voyant leurs encres baver légèrement. Et il prit soin de faire l'intégralité de tous les cachets avant de devoir s'avouer, estomaqué, que tout était vraisemblablement dans les règles. À moins que l'inspecteur tente de les piéger en fabriquant de faux documents avec un soin si méticuleux qu'il était allé jusqu'à utiliser tampons et signatures officiels, c'était bel et bien les résultats d'analyse.

Analyses qui certifiaient, écrits noir sur blanc, que tout était normal chez Eij et Kacchan. Pas la moindre trace de la Morsure. Ni d'autre chose d'anormal, à part la légère carence en fer de Kacchan. Alors que toutes les études compilées par l'Agence insistaient sur la détection facile de la Morsure pour peu qu'on ait un échantillon sanguin ! C'était même si facile comme test, que récupérer un échantillon sanguin avait toujours été la priorité dès qu'il y avait suspicions de contamination de la Morsure ! Et ça n'apparaîtrait pas sur les analyses faites par le gouvernement ? Sous la houlette de l'Agence de renseignement ?! Ça n'avait aucun putain de sens !

« C'est un faux ? » tenta Kacchan, rabroué d'un très sec « Non, j'ai vérifié ! » d'un Izuku toujours plongé dans le papier dont il se remit à parcourir chaque rubrique avec une attention renouvelée.

Il y avait forcément un détail quelque part, même infime, capable d'expliquer l'inexplicable. D'un même geste, Eij, Kacchan et Kam se détournèrent de sa lecture frénétique, conscients qu'il n'était plus disponible jusqu'à ce qu'il trouve un début d'explication et l'ignorèrent royalement en continuant de discuter :

« C'est un faux très élaboré, et il attend de voir notre réaction ? »

« Il serait resté derrière la porte, Kam, ou il aurait vraiment déposé un micro quelque part... »

« Peut-être qu'il endort notre confiance ? »

« Pour quoi faire ? »

« Ba je sais pas, il attend peut-être de bosser avec Midobro pour tenter de le cuisiner ou de lui faire avouer quelque chose par inadvertance. »

« Hé ba, il va attendre un sacré paquet de temps, cet inspecteur de mes deux, parce que bon courage pour tirer Deku hors de ses bouquins tant qu'il aura pas trouvé son explication ! »

« Ou alors, il attend de voir comment on réagit si on se croit en sécurité, dans l'optique de nous arrêter plus tard, la main dans le sac ? »

« C'est un pari trop risqué... Imagine qu'on foute le camp, Katsuki et moi ? Avec nos alters et nos ressources financières ? Ou alors qu'on vire cinglés et qu'on utilise nos formes de… enfin qu'on utilise notre « alter spécial » pour tuer des gens ? Difficile de justifier un tel dérapage avec un « Mais j'attendais de voir s'ils allaient recommencer », tu crois pas ? Non, s'il avait une bonne preuve, rien qu'une, il nous aurait arrêtés – et y'a pas meilleure preuve qu'un résultat formel d'analyse sanguine. »

« Donc, si cet inspecteur des deux de mon homme nous aurait arrêtés à la moindre petite preuve, on peut partir du principe que ça, » et la main de Kam tapota deux lignes en dessous de la case qu'Izuku tentait de déchiffrer, un peu perdu dans le tableau des éléments sanguins et leurs taux, « ça, c'est authentique et véridique ? »

« Apparemment. »

« Hé bien, ça n'a aucun sens. » renchéri Kam dans ce qui était, indubitablement, le résumé parfait pour l'illogisme de ce qui se passait et les deux loups hochèrent la tête.

Distraitement, Eijirô cala sa main sur la cuisse de son homme, toujours plongé dans ses analyses et ses marmonnements, désormais si prononcés que Kam ne put s'empêcher de sourire en les entendant monter en volume en même temps que la frustration de ne rien trouver. Izuku le sentit vaguement caler une boucle derrière son oreille pour lui faciliter sa lecture, sans s'offusquer de n'avoir aucune réponse de sa part.

« Au moins, ça rassure: Kam n'a pas été contaminé par Kathy. »

« On le savait déjà, ça fait presque une semaine que cette connasse m'a mordue, et les repas de l'hôpital me conviennent fort bien – si j'avais été contaminé, j'aurais déjà bouffé quelqu'un à force d'avoir faim. »

« Après, » renchéri Kacchan mine de rien, frottant une partie de sa mâchoire contre la main de Kam avec ravissement. « y'a toujours ma proposition sur la table : je lui mords les mollets jusqu'à ce qu'il crache le morceau, et... »

« Mais ! » s'indigna subitement Izuku en interrompant son meilleur ami, sourcils froncés à concurrencer Kacchan si agacé de se voir couper de la sorte. « Mais ils se sont trompés ! Ils ont mis… Enfin regarde, Eij, c'est pas ton groupe sanguin ça ! »

Il avait tellement froissé, lissé, re-froissé et chiffonné les feuilles que c'était un exploit d'arriver à en déchiffrer quelque chose, alors avec son empressement à montrer le minuscule paragraphe en question et la vision tronquée de son fiancé, la mission était perdue d'avance. Avec douceur, Eijirô lui subtilisa la feuille des mains tout en continuant ses caresses légères sur sa cuisse, le temps de lire le très exhaustif compte-rendu le concernant. En dépit de son impatience, il était si évidement qu'il peinait à suivre les lignes dans tous les plis du papier avec son œil valide qu'Izuku se contraignit à l'immobilité, essayant d'ignorer son pincement au cœur.

« Ba si. » contra le roux au bout d'une minute en lui rendant la feuille, avec un baiser furtif au passage qu'Izuku ne releva même pas tant il avait l'impression que son esprit allait exploser. « Enfin, amour, tu nous as expliqué toi-même qu'après la Morsure, on a changé de groupe sanguin. »

« Même que j'ai mis dix ans à comprendre. Alors que tu m'expliquais ça comme si on avait cinq ans et que tu m'expliquais comment All Might fait pour sauter d'immeubles en immeubles »

« Comme si on avait cinq ans ? » coupa Kam, à moitié ravi de relever un truc capable de lui fournir une nouvelle source de taquinerie à l'égard de son homme, mais Eijirô ramena tout ce petit monde sur le droit chemin en haussant légèrement la voix, rencogné dans son fauteuil :

« Donc si, c'est bien ça, O, c'est le mien désormais. »

« Oui, c'est le tien désormais ! » pointa Izuku, et à ce stade, il savait qu'il était en train de frôler l'apoplexie, au moins. « Après la Morsure ! Mais tu te doutes bien que le gouvernement a ton groupe sanguin depuis que t'as eu ta licence de pro-héro, amour ! Ils auraient déjà dû voir que le groupe a changé, et d'ailleurs, ça aurait dû alerter les techniciens de laboratoire d'avoir des résultats d'O pour quelqu'un qui est censé être O-. Et c'est pareil pour Kacchan, regarde ! »

« Tu suggères que quelqu'un a changé nos dossiers médicaux ? » résuma Kacchan, sans même daigner jeter un coup d'œil sur la feuille tendue à Eijirô, au contraire de Kam qui se tortilla pour mieux voir.

En réalité, Izuku ne suggérait rien du tout, pour la simple et bonne raison qu'il n'arrivait pas à entrevoir la moindre logique dans ce bordel inexplicable. Il n'y avait aucune raison que ce changement-là passe lui aussi inaperçu ! Il n'y comprenait rien et c'était en train de le rendre cinglé, tout simplement. Cinglé de ne pas trouver une explication rationnelle qui lui permettrait de comprendre pourquoi diable toutes les statistiques d'Eijirô et de Kacchan étaient normales ?

« Sero ? » proposa Kam en désespoir de cause, dans ce qui était somme toute une bien meilleure explication que toutes celles qu'Izuku avait à proposer, à son grand désarroi.

Il haussa les épaules, incapable d'apporter le moindre argument pour ou contre sur la suggestion, et ce fut Kacchan qui souleva la dizaine de questions qu'une idée pareille impliquait – comment Sero aurait su, pourquoi prendre un risque pareil, surtout sans leur dire, est-ce qu'il était même possible de changer leurs dossiers médicaux de manière discrète, est-ce qu'il pouvait entrer dans les systèmes informatiques de l'hôpital sans se faire lever… Et ainsi de suite. Il n'entendit même pas ce que répondit Eijirô, ou Kam, mais à la place, s'écorcha plus encore les yeux sur les minuscules kanji médicaux, qu'il relisait désormais pour la quatrième fois à la recherche d'un indice quelconque. En désespoir de cause, il essaya de raccrocher une pensée rationnelle à l'infinité de suggestions qu'il explorait mentalement, et songea qu'il partait trop loin au moment où il se demanda si le mélange de différents groupes sanguins pouvait brouiller les pistes comme ça. Même s'il se jurait de ne pas négliger une telle possibilité. Oh, ça promettait des migraines à n'en plus finir, cette merde.

Izuku ferma les yeux une seconde et étira sa nuque, la tension ravivant les douleurs déjà présentes dans son corps perclus par les journées précédentes et dans ses côtes cassées. Et le manque de sommeil n'aidait guère. Il sortit de son étirement avec un soupir, abasourdi de n'avoir pas prévu un truc pareil, et machinalement, laissa son regard divaguer sur les différentes sections de la feuille de résultat, contemplant les dates et les transferts entre services soigneusement notés, ainsi que les noms des techniciens ayant travaillé sur les échantillons et…

Minute. Il connaissait cette suite de kanji.

Enfin, il crut reconnaître cette suite de kanji, et même si c'était d'une maigreur affreuse, comme début de fil, il s'y accrocha de toutes ses forces en le relisant trois fois, de plus en plus lentement, et un doute affreux l'envahit. Un doute ou une intuition un peu folle, aucune idée, mais il sortit immédiatement son portable, déverrouillé d'un geste fébrile en essayant de maîtriser assez le tremblement de ses mains pour taper sa recherche sans faire trop de faute. Il lui fallut ouvrir un site mal codé sur les portables, et pester intérieurement sur la lenteur du réseau avant d'arriver à s'identifier, puis à accéder à la liste de personnel qui l'intéressait, qu'il parcourut minutieusement… avant d'éclater de rire.

« Amour ? » s'interloqua Eijirô, une main sur son bras, et en face, Kacchan échangea un regard inquiet avec un Kam tout aussi surpris de son attitude, mais Izuku fut incapable de s'arrêter de rire.

Parce que c'était tellement improbable, tellement ridicule, tellement démentiel, qu'il n'arrivait pas à faire autre chose que rire à s'en faire mal au ventre, dans un dangereux mélange d'euphorie et de soulagement à deux doigts de le faire pleurer. Heureusement qu'il était assis, sans quoi il se serait écroulé sur le sol dans la foulée. Indifférent aux questions désormais franchement inquiètes de son amoureux et de ses meilleurs amis, il rit jusqu'à en avoir la voix enrouée, les côtes et les muscles en feu, retenu uniquement par le tapotement doux d'Eij au niveau de ses épaules.

« Je vous l'avais dit, que ses nerfs tiendraient pas, et voila, il nous claque entre les pattes ! »

« Mon cœur ! »

« Mais il faisait que lire sur son écran ! Toute la putain de journée, il mangeait même pas si on le forçait pas ! » gueula Kacchan dans le bordel ambiant sous le regard de reproche de son homme. « Tu m'étonnes qu'il craque ! »

« Donne-lui deux secondes, il va se remettre. » lança Eijirô à l'inquiétude de Kacchan, puis il se pencha un peu plus sur lui pour tenter de comprendre, doux au possible : « Ça va ? »

Le torse au martyr, tant en raison de l'absence d'oxygène que ses blessures, Izuku tenta bravement de répondre, incapable de lisser sa voix qu'il percevait fort bien comme hystérique. Et la seule chose qui jaillit de sa bouche fut un cri presque inintelligible :

« Regarde ! Regarde le nom du spécialiste des alters ! Celui qui a fait les tests ! »

Il réussit à soulever le feuillet en question à l'attention d'Eijirô, sous les regards perplexes de Kam et Kacchan, penché à son tour par-dessus le lit comme s'il pouvait voir à travers la feuille. En raison de son excitation survolée et du fou rire encore niché dans sa voix, il était absolument hors de question de lui faire lâcher ce papier porteur de toutes les réponses, et Eij n'essaya même pas. Du coup, entre l'empressement de son geste et l'incongruité de sa requête, il fallut une bonne minute au roux pour réussir à lire le tampon officiel qu'il lui montrait – et Izuku remercia tous les dieux que son fiancé ait une bien meilleure mémoire de nom que lui, parce qu'il fit le lien tout de suite, lui :

« Mais... »

« Oui ! »

« Mais c'est le... »

« OUI ! »

« Est-ce que ça vous dérangerait de commencer à parler un truc compréhensible pour le commun des mortels, merde !? »

« Pardon, c'est juste que c'est… Je m'y attendais pas, mais c'est le spécialiste des alters qu'on est allé voir, quand j'ai été mordu. Ici, à l'hôpital. » glissa Eijirô en récupérant définitivement la page incriminée.

Qu'il tendit à Kacchan et Kam pour qu'ils vérifient – même s'ils n'avaient jamais su son nom au demeurant, mais les deux se penchèrent diligemment sur le document pour le déchiffrer à leur tour. Et réagir comme d'ordinaire :

« L'autre con incompétent ? »

« Mais qu'est-ce qu'un spécialiste des alters de l'hôpital a à voir avec les analyses sanguines d'une enquête policière en cours ? Et surtout avec le fait que ces analyses ne montrent rien pour Kat et Eij ? »

« Il a changé vos dossiers. » déclara sourdement Izuku, yeux dans le vide alors que ses pensées carillonnaient dans son esprit comme autant de réalisations douloureuses. Douloureuses et dans le même temps, incroyablement sereines d'arriver enfin à trouver un fil capable de démêler la pelote d'emmerde de leurs vies. « Il a changé vos dossiers médicaux, parce qu'en tant que professionnel de la santé et spécialiste réputé des alters, il en a toutes les autorisations – même celles d'effacer les traces informatiques de ces changements. Il a même pu faire les rectifications en prétendant qu'il y avait eu une erreur de frappe dans la saisie, pourquoi pas, après tout ? Et il a falsifié vos tests sanguins par la même occasion. »

« Mais pourquoi il… »

« Pour être en sécurité. Ah, » s'amusa-t-il avec un éclat de rire échappé, encore trop sous le choc pour maîtriser le soulagement en train d'anéantir toute sa retenue : « dire que je l'ai traité d'incompétent ! Que je lui en ai voulu de n'avoir pas pris le cas d'Eij au sérieux ! J'ai dit qu'il était débile, et nul, et que c'était pas possible d'être un branleur pareil pour simplement conclure qu'un pro-héro venait de déclencher un alter de super-guérison sans crier gare à l'âge adulte, mais en fait, c'est… c'est un génie ! »

« Je pige rien. »

« Moi non plus. » ajouta Eijirô pour approuver le grognement vexé de Kacchan, et les deux se tournèrent du même mouvement surpris vers Kam quand celui-ci hocha la tête à son tour, le regard brusquement illuminé :

« Moi, j'ai. »

« Comment ça, tu l'as ?! »

« C'est un loup-garou aussi, non ? »

« Quoi ?! » hurla Kacchan derechef, rappelé à l'ordre d'un froncement de sourcil d'Eijirô et il réitéra un tout petit peu plus doucement – aussi doucement que son caractère explosif le lui permettait : « Quoi ? Comment ça, c'est un loup-garou lui aussi ?! »

« Hooooo… »

« Exactement. » appuya Izuku en souriant à son fiancé et son expression de stupéfaction absolument adorable, même avec ses nouvelles cicatrices. « Exactement. Un génie. Tu vas te dissimuler où, toi, en tant que loup-garou ? » lança-t-il à son meilleur ami, qui haussa les épaules face à la question et daigna cracher une réponse au moment où Kam leva la main pour la perdre dans les mèches blondes en pétard :

« Je bouge pas de mon poste, y'a peu de chance qu'on vienne me faire chier là. Enfin, si je fais pas de connerie… »

« Voilà ! La planque parfaite, parce que tu sais que tu risques rien, et que tu peux même anticiper en ayant accès à certaines infos, et il a fait pareil. En tant que spécialiste des alters, il a l'accès total à une sacrée base de donnée au cas où un remède serait découvert, et il est insoupçonnable parce qu'il peut carrément falsifier ses propres tests si jamais il devait en passer. Ou ceux des autres quand il a une forte suspicion. »

« Et c'est facile d'avoir des suspicions quand on reçoit des gens à longueur de journée pour des problèmes d'alters ! Surtout quand certains développent subitement « des alters de guérison » grâce à « un gène récessif » ! Il nous a bien embobiné avec tout son discours sur mes éventuels cousins au 15 degrés capables de se régénérer à des vitesses incroyables ! »

« Mais s'il… s'il savait, pourquoi il a rien dit ? » souligna bien légitimement Kam, ramenant Eijirô à un peu plus de pragmatisme :

« Parce qu'on l'aurait pas cru, de toute évidence. « Bonjour, tout cela est normal, vous êtes désormais un loup-garou, ça fera dix mille yens » ? »

« Nan mais ok, présenté comme ça… »

« Sans compter que ça l'aurait mis en danger. » rectifia Izuku, les mains si crispées sur le document qu'il allait devoir en demander une copie à l'inspecteur Utagaï, il le sentait. « Il y avait toutes les chances du monde qu'Eijirô se fasse arrêter peu de temps après sa première transformation, alors pourquoi il se serait dévoilé ainsi en risquant sa couverture absolument parfaite ? »

« Mais Boule de Poil se serait peut-être pas fait arrêter s'il avait eu un bon coup de pouce de la part de quelqu'un de plus expérimenté, peut-être ! Ils savent pas faire, ça, les loups-garous, filer un coup de main ? »

« Un coup de patte, plutôt. » rectifia Kam pour le plaisir de voir un bref instant le désespoir réapparaître sur les expressions d'Eijirô et Kacchan.

Le platine gloussa de sa connerie, un son bien plus normal que l'éclat de rire hystérique d'Izuku et dans la chambre, la tension s'estompa légèrement. Assez pour qu'Izuku rassemble quelques notes mentales, piochant dans sa base de donnée pour compléter le tableau :

« C'est plus compliqué que ça – déjà, c'est pas l'évidence même de risquer sa vie pour de parfaits inconnus, surtout dans ces conditions. Si le nouveau loup-garou est un vilain, ou une personne qui décide d'utiliser ses nouvelles capacités pour voler, tuer, ou un truc du genre, ce serait plus que dangereux de l'aider. Et ça attirerait forcément l'attention du gouvernement. De toute façon, c'est pas dans la nature des loups-garous. » conclut-il un peu trop sobrement, récoltant trois froncements de sourcils plus ou moins prononcés et qu'il balaya d'un geste de la main :

« Je vous expliquerai plus tard de long, en large, et en travers, avec plaisir, mais vous êtes une espèce solitaire par nature ! Les seuls loup-garous qui se côtoient sont en général une fratrie, ou exceptionnellement des amis extrêmement proches avant d'être mordus, comme vous. En tout cas, c'est ce que le recensement de l'Agence indique, et les études tendent à suggérer que c'est un comportement naturel en lien avec le partage des ressources et la concurrence entre vous – ce qui ne marche pas, dans notre cas, puisqu'on partage ! C'est pas pour rien que Kathy nous a immédiatement catalogué comme une meute en sentant nos odeurs. Et c'est aussi à cause de ce comportement solitaire que les autorités ne prennent généralement pas la peine de rechercher les gens mordus, parce qu'ils savent que les infectés transformés n'auront pas désormais plus le réflexe d'aller chercher de l'aide. Et qu'ils vont forcément être peu discrets lors de leur première transformation, ce qui facilite donc leur repérage — mais on s'en fout, actuellement, c'est pas ça l'important ! »

« Moi, j'me fous pas du tout de savoir que je suis devenu une espèce solitaire par nature, tu m'excuseras ! »

« Mon cœur, tu étais déjà une espèce solitaire par nature. » rectifia Kam en réussissant le tour de force de ne pas bouger son regard fixé sur Izuku d'un millimètre, pas même quand son mec se tourna vers lui avec un grondement dans la gorge et en dépit du sourire à deux doigts de les faire exploser de rire.

« Kacchan, je t'assure qu'on en parlera autant que tu voudras, mais là, c'est vraiment pas l'important ! » s'étrangla à moitié Izuku, la faute autant à la vanne de Kam qu'au soulagement frôlant la décharge de pure adrénaline dans ses veines. « L'important, c'est que ce médecin vient de nous sauver la vie ! Pour la deuxième fois, en plus ! D'abord en laissant Eijirô repartir, et ensuite en modifiant vos tests et vos dossiers médicaux ! Et je suis prêt à vous parier qu'actuellement, il vient de prendre ses meilleures vacances improvisées pour être certain qu'on vienne pas l'emmerder avec nos questions, ou qu'on attire davantage l'attention sur lui ! »

Plus que dubitatif et renfrogné au possible avec son expression des mauvais jours, Kacchan tendit le bras par-dessus les jambes de Kam pour lui voler son portable, et à une vitesse éclair, composa le numéro professionnel indiqué dans le registre de l'hôpital pour le spécialiste des alters. Sans un mot, il porta l'appareil à son appareil auditif en se rencognant au fond de sa chaise, ne laissant que la main de Kam sur son genou pour réguler son stress. Après un nombre bien trop élevé de sonnerie audible même sans l'ouïe d'un loup, une boite vocale se déclencha, que Kacchan interrompit au bout de deux secondes en jetant le téléphone sur le lit d'un geste brusque. Et il n'y eut rien besoin d'ajouter.

La satisfaction infinie d'avoir raison, d'ordinaire jouissive vu son goût prononcé pour la résolution de problème, n'était rien comparée à l'euphorie en train de lui bouffer le cœur. Et sans être aussi sensible que les loups aux changements hormonaux, le cocktail d'adrénaline et de dopamine lui montait à la tête, Izuku le sentait parfaitement aux fourmillements dans son corps. Il n'était pas le seul, d'ailleurs, parce qu'en face, les mèches blondes explosées de la nuit de fatigue oscillèrent dans le tremblement de Kacchan. Eij se leva d'un coup, mais il n'eut pas le temps de faire le tour du lit que Kacchan basculait en avant sur sa chaise, la respiration sifflante et le teint subitement blême.

« Katsuki ? » s'inquiéta Kam en se penchant à son tour au mépris de toutes règles de sécurité.

Si Izuku ne s'était pas précipité pour le maintenir en place en écrasant au passage les comptes-rendus d'analyse, définitivement foutu, le platine serait sans doute passé par-dessus la rembarre du lit médical, lequel glissa de quelques centimètres sur le lino sous leurs poids réunis. Au-dessus de la tête de lit, une flopée de bip indigné ralluma toute une partie des appareils de surveillance, aussitôt mouchés d'une giclée d'étincelle de Kam. Lequel n'aperçut même pas le pincement de lèvre réprobateur que lui adressa le vert, trop occupé à chercher à capter l'attention de son homme toujours plié en deux.

« C'est rien. » rassura Eijirô accroupi à côté de sa chaise, en glissant sa main sur la nuque du blond, qu'il fit ployer davantage jusqu'à rendre la ligne de son dos quasi-droite. « L'émotion. Ça va passer. »

Pas convaincu le moins du monde, Kam se tortilla un peu plus dans les draps et à son grand désespoir, Izuku fut obligé d'appuyer de presque tout son poids pour continuer de le maintenir à peu près immobile. Un geste ridicule, vu que son meilleur ami était capable de lui faire frire les nerfs si l'envie lui en prenait, mais le simple fait que Kam le laisse faire était révélateur de la confiance infinie que celui-ci lui accordait pour lui permettre de se tenir entre lui et son amoureux.

« Les hormones, » continua le roux sans ôter sa main de la nuque de Kacchan, « c'est dur à encaisser, alors un truc pareil… Surtout en plein cycle. »

En plein cycle, après une nuit d'insomnie et une période que l'adjectif « infernale » suffisait à peine à décrire, ajouta mentalement Izuku. Et la dispute de la veille, et le fait de dealer avec l'absence totale de remède, et Kam, et…

« On… On est d'accord, on risque rien ? J'ai bien tout suivi ? » réussit à sortir Kacchan entre deux inspirations un peu trop sifflantes, faisant manifestement des efforts monstrueux pour ne pas se transformer sur la minute et son ton était suffisamment pressant pour qu'Eij et Kam se tournent vers Izuku, attendant son verdict définitif.

« On risque rien. » affirma-t-il en essayant d'être le plus solennel possible – une gageure, vu son sourire et les mèches de Kam en train de lui chatouiller la joue, sans parler de sa position étalée-rassemblée par-dessus le platine sur ce lit d'hôpital mal-pratique. « On risque plus rien. Vos analyses sont normales, vos dossiers ont été falsifiés, et à moins qu'on refasse des conneries, on risque plus rien. »

« On risque plus rien. » répéta sourdement Kacchan, et ça craqua méchamment au niveau de sa colonne vertébrale ou de son t-shirt, impossible à savoir.

Par réflexe, Eijirô s'avança jusqu'à pouvoir caler son menton sur son épaule, et appuya fermement contre, histoire d'encaisser avec lui. Sa main libre cadenassa l'épaule de Kacchan juste sous sa mâchoire, rajoutant une pression supplémentaire qui calma presque immédiatement une partie de l'émotion du blond. Laissant tout le temps nécessaire à Kacchan pour se remettre, Eij rassura Kam d'un demi-sourire enfoui derrière les mèches blondes. Puisqu'en l'état, ils ne pouvaient pas faire grand-chose de plus, le pragmatisme de Kam le tourna vers Izuku avec une telle vivacité que ce dernier se murgea son front dans un son sec, qui fit presque plus mal à Eijirô qu'à eux.

« Aïe, Kam ! »

« T'es vraiment sûr ? » lui souffla son meilleur ami d'une voix creuse et pour la première fois depuis qu'ils étaient rentrés dans sa chambre, son ton était une supplique.

Subitement, l'immense bleu qui s'étalait sur sa joue devint plus voyant encore qu'une blessure béante, rappelant un cri inhumain de douleur en filigrane de l'hésitation qu'Izuku eut, de voir sa maîtrise de soi vaciller ainsi. Même avec tout le protocole médical, ses cathéters et ses pansements, même avec le lit immense et les couleurs dégueulasses typiques d'un hôpital, c'était facile à oublier. Si facile d'oublier qu'il était laminé de ce qu'ils venaient de vivre au regard de sa bonne humeur et de son caractère enjoué, presque trop facile d'oublier sa jambe et ses blessures dans l'aplomb qu'il mettait à sortir des vannes, à les mettre à l'aise. Si facile de ne pas réellement percevoir qu'en dépit de sa facilité à rendre à leur quatuor son énergie, Kam était bien trop fracassé pour tenir la distance, qu'Izuku sentit un sale truc lui remonter dans la gorge face au regard désespéré de son meilleur ami. Un regard qui lui fit réaliser en un battement de cœur qu'il avait désespérément besoin que quelqu'un reprenne son rôle, rien qu'une seconde où il pourrait se raccrocher aux mots de quelqu'un en qui il avait une confiance absolue.

Personne n'avait le talent de Kam, certes, mais il pouvait tenter. Précautionneusement cette fois, Izuku se pencha sur lui de sorte à effleurer son nez du sien, et plissa les yeux dans une moue féroce à laquelle Kam ne résistait jamais :

« La seule chose qui risque encore quelque chose, c'est ton cul une fois que Kacchan se sera remis de ses émotions ! »

« Midobro ! » hurla Kam dans un éclat de rire irrépressible, qui balaya le flou dans son regard et effaça presque l'esquisse de sanglot soulagé dans sa voix – presque.

Le reste, Izuku se chargea de le noyer d'un baiser, rien que pour le plaisir de sentir le sourire de Kam contre lui et un picotement le long de sa peau, là où la joie de son meilleur ami menaçait surgir en éclairs. Heureusement encore assez contenus pour ne pas être douloureux, et qu'importe si ses boucles étaient en train de s'hérisser doucement sous l'électricité statique naturelle de Kam.

« Oh putain. » grogna Kacchan dans ce qui semblait être une rechute, à moins que ça ne soit un désespoir d'un genre tout particulier. « J'ai cru entendre Deku faire une vanne de cul comme mon homme. Et je veux plus jamais entendre Deku faire une vanne de cul comme mon homme. »

« J'ai pas l'impression qu'on ait voix au chapitre... » renifla Eijirô, yeux levés au ciel de voir Kam lui tirer la langue pour approuver son sarcasme. « Ça va mieux ? »

« Donne-moi encore cinq minutes. »

« Mais tu as l'air de… »

« Cinq minutes. Que ça rentre. »

Avant que Kam rouvre sa bouche sur une grivoiserie bien trop facile, Izuku haussa le ton, obligé de s'asseoir définitivement sur le lit à côté de lui pour soulager ses muscles :

« En même temps, ça se comprend : il y a moins d'une demi-heure, vous étiez persuadés que vous alliez devoir fuir le pays et vous cacher à l'étranger. Un sacré écart avec la situation actuelle, t'as le droit d'être déconcerté, Kacchan… »

« Comment ça, fuir le pays ? » interrompit Kam, perdu et fort ignoré par l'éclat de rire d'Eijirô :

« J'avoue que ça fait un bien fou de savoir qu'on aura pas à faire ce qu'on avait prévu de faire ! Et non, amour, tu sauras pas — on sait jamais, ça peut toujours servir. »

« J'espère bien que ça ne servira jamais, tu m'excuseras ! » grimaça Izuku sans prêter attention à l'expression dubitative de Kam contre lui. « T'en fais pas, on va te faire un compte rendu exhaustif. Tu me demanderas pitié tellement tu en auras marre, et je n'en aurais aucune ! »

Son ton faussement agressif fit pouffer Kam, qui pour une fois laissa effectivement tomber le sujet, trop extatique de la nouvelle pour s'attarder sur cet élément, au grand soulagement d'Izuku. Un jour, ils lui raconteraient tout par le détail, chaque micro-seconde qu'ils avaient vécu alors qu'il était coincé dans ce foutu lit et Izuku avait pire que hâte de le voir sourire ou rire au manque de patience légendaire de Kacchan. Et s'énerver parce que lui aussi, il avait manqué la session baise dans la douche. Un jour, quand ils l'auraient ramené à la maison et que la vie reprendrait son cours – là, il y avait déjà bien assez de joie pour les occuper durant les six prochains jours, minimum.

« Par contre, faudra qu'on trouve un moyen se débarrasser des oreillettes... » remarqua Eijirô d'un air pensif.

Comme toujours, méthodique jusqu'au bout dans sa décision inébranlable de les protéger. Sûr et certain que Sero serait ravi de reconstituer son stock vu le prix que devait coûter une seule de ces oreillettes dernier-cri, Izuku balaya le souci d'un sourire :

« Oh, c'est pas un problème, je suis certain qu'on trouvera à qui les refiler. »

« Et… Et les dossiers, d'ailleurs ? On en fait quoi ? » pointa bien logiquement Kam, déclenchant un haussement d'épaule général.

« On les garde dans la clé sécurisée. Ou on les imprime et on trouve un moyen de dissimuler les copies papiers – dans la bibliothèque d'Izuku, ça serait un jeu d'enfant, y'a tellement de bordel. »

« Hey ! C'est pas parce que tu ne comprends pas mon système de rangement que je n'en ai pas ! » s'indigna ce dernier, tandis que Kacchan opinait, sa tête toujours enfouie dans ses mains et regard sur le lino, mais respiration bien plus posée désormais, avec une toute autre proposition en tête :

« Tout cramer. »

« Ah non ! J'ai fait une lecture rapide et tronquée par manque de temps, d'accord, mais il est hors de question de s'en débarrasser avant que je sois devenu un expert sur le sujet ! »

« Que ça m'avait manqué, mon Midobro et son amour des recherches ! Tu t'es échiné les yeux dessus pendant des jours, et tu n'en as pas marre ? »

« Pour nos hommes ? Jamais ! »

« C'est moche, de faire passer ça pour de l'amour alors que c'est que de la curiosité intellectuelle ! » le piqua Eijirô avec un sourire.

Un sourire si lumineux qu'Izuku se retint à grande peine, surtout par égard pour la jambe de Kam, d'ailleurs, d'écraser ce dernier pour aller embrasser son fiancé et étouffer l'éclat de rire que sa remarque venait de faire naître. Et c'était si normal, si incroyablement et extraordinairement normal de les voir tous les trois pouffer de rire à la suite d'une connerie pareille, que ça le submergea avec une intensité à deux doigts de le faire suffoquer sous la réalisation : tout était sous contrôle. Aussi incroyablement insensé soit-il, tout était sous contrôle. Son amoureux était en sécurité, protégé par un coup de chance monstrueux qu'il n'avait pas l'ingratitude de repousser, pas une seule micro-seconde, si ça lui permettait de garder Eijirô et Kacchan sains et saufs. Sans oublier Kam, Kam qui allait pouvoir se rétablir avec la présence quotidienne de son homme, sans être obligé de le voir disparaître dans la nature pour échapper à un mandat d'arrêt national et en accumulant les deux concepts, il eut l'impression qu'une demie-tonne de plomb glissait de ses os sur le sol. Pour la première fois depuis plus d'une semaine, il prit une inspiration – une vraie, profonde, à même de faufiler un vertige dans sa perception du monde. Et se promit de couvrir Eij de baisers jusqu'à essoufflement une fois qu'ils seraient tous les deux.

« Tu veux que je te dise Eij, » continua Kam sans réaliser l'immobilité incrédule d'Izuku à ses côtés. « ce qui est moche, c'est de se foutre de son esprit analytique alors que sans ça, il aurait jamais trouvé le nom de ce type, et on aurait passé des semaines à chercher en s'angoissant comme pas possible ! »

« Ah, mais je me moque pas ! Et je sais très bien que mon homme est incroyable ! » admira Eijirô, si fier par procuration qu'il en lâcha Kacchan pour se tourner franchement vers Izuku, au grand damne du blond déstabilisé de l'action. « Et j'arrive toujours pas à comprendre comment t'as fait pour déduire tout ça d'un simple nom dont tu ne te souvenais même plus ? »

« Ça s'appelle le talent, Eij, et je l'entraîne suffisamment dur pour que tu ne ruines pas mes efforts en n'admirant pas tout simplement ses prouesses ! » renifla Kam, assis si droit dans son lit que son dos ne touchait pas l'allonge relevée, dans la figure la plus parfaite de la dignité offensée qu'Eij ponctua d'un sourire :

« Mille excuses à sa Grandeur, je n'avais pas l'intention de vous offenser ! »

« Sa Grandeur t'excuse ! »

« C'est pas plutôt à Deku de l'excuser ? » glissa Kacchan l'air de rien, et le renfrognement de sa voix rassura définitivement Izuku, car il n'y avait rien de plus normal qu'un Kacchan ronchon et taquin.

« Katsuki, ô mon amour infini et mon espèce solitaire par nature préférée, si c'est pour ruiner mes efforts de la sorte, tu es autorisé à ne rien dire ! »

« Oui, Chaton. »

« Et c'est reparti ! » geint Izuku du meilleur ton dramatique qu'il put trouver dans l'ambiance survoltée de la pièce, récompensé par le gloussement de son fiancé, et une chiquenaude sur le nez de la part de Kam déjà passé à une autre idée :

« Vous savez quoi ? On mérite de se faire plaisir et de fêter ça dignement ! Pas aussi dignement que votre mariage, d'accord, mais sacrément bien, genre minimum avec un festin ? »

« Tu veux quoi ? » le suivit Kacchan bille en tête, déjà en train de dresser mentalement la liste de course nécessaire pour combler son amoureux et Izuku fronça les sourcils :

« On est pas censé rapporter des trucs à manger dans un hôpital... »

« Dois-je te rappeler qu'on est pas censé cambrioler un bâtiment national, non plus ? »

Il eut la bonne grâce de rougir sous la remarque, et décida qu'il était plus sage de ne rien ajouter alors qu'Eijirô venir se percher à son tour sur le lit, vu que Kacchan se remettait fort bien sans lui. Même avec Kam entre eux et le soin scrupuleux qu'il mettait à ne surtout pas approcher à moins de cinq centimètres sa jambe amputée, par mesure de sécurité, il se pencha tout juste assez pour qu'Izuku réussisse à l'embrasser. Un baiser bien trop furtif et bref à son goût, mais l'agitation de Kam rendait tout approfondissement impossible :

« On s'en fout de la légalité, on est obligé de se faire plaisir ! Et de porter un toast à notre spécialiste préféré ! Hé bé, si on m'avait dit qu'on se tirerait d'un truc pareil comme ça… je l'aurais jamais cru ! »

« Tu aurais électrocuté la personne. »

« Y'a des chances ! » hurla de rire Kam à la remarque pince-sans-rire et un brin sérieuse d'Eij, la faute à l'espèce d'incrédulité admirative aux effets proches de l'alcool, désormais, même pour les simples humains moins sensibilités aux fluctuations hormonales. « Nan mais Eij, sérieusement, tu réalises ? S'en sortir pas un truc pareil ? Juste par un putain de hasard ! »

Et lui et Eij repartir dans le même fou rire soulagé, incapable de s'arrêter là où une idée absurde venait de zébrer l'esprit d'Izuku, arrêtant toutes ses autres réflexions d'un coup. Étrangement, le réflexe qui lui vient fut de jeter un regard vers Kacchan, pour réaliser sans grande surprise que ce dernier avait fait de même en relevant les yeux vers lui. Dans les prunelles écarlates, il vit remonter l'exact même souvenir qui était en train de lui plomber la langue en guise de réponse, avec l'infinité de changements que ce simple et banal événement avait apporté dans leurs vies.

Et si ça n'avait pas été Kacchan, capturé par le vilain-gluant, il y a des années ? S'il n'avait pas croisé le regard de son ami d'enfance, tétanisé par une peur panique impossible à ignorer ? Si ça avait été quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'aurait pas réussi à inoculer d'un simple regard le besoin viscéral d'aider, de se porter en avant, de faire quelque chose, n'importe quoi ? Si Izuku avait pris un autre chemin après son entrevue avec All Might, s'il n'avait pas collé celui-ci au péril de sa vie, s'il n'avait pas fait tomber le gluant tout juste capturé ? Si All Might ne s'était pas trouvé là au moment où Izuku se précipitait à l'aide de Kacchan, complètement inconscient du danger, ou si All Might était arrivé juste dix secondes plus tard, à cause d'un civil ou d'une voiture ? Il aurait suffi d'un infime changement, quelque part dans cet enchaînement, pour qu'Izuku ne soit jamais détenteur de son alter. Et en dépit des efforts et sacrifices monstrueux qu'ils avaient tous fournis lors de la guerre terrible de leur adolescence, tout le reste n'avait été aussi qu'une suite terrible de hasard et de bonne fortune, jusqu'à la simple de présence de Kacchan vivant parmi eux – si Edgeshot n'avait pas été dans les alentours immédiats, s'il n'avait pas pris la décision en un instant de sacrifier tout ce qu'il pouvait pour sauver Kacchan… Par hasard. Par chance.

Comme toute la vie, finalement.

« Un putain de hasard. » reprit très doucement Izuku en rattrapant ses mots à l'étincelle de connivence dans le regard de son meilleur ami. « Mais si on réfléchit deux secondes, toute cette histoire relève du hasard : Eijirô s'est retrouvé mordu par hasard, le groupe sanguin de Kacchan était compatible avec celui d'Eij par hasard aussi, que Kathy ait un plan qui impliquait de trouver un autre loup-garou était tout aussi improbable… »

« Le fait qu'on ait parmi nous quelqu'un capable de faire cramer un loup. » renchéri Eijirô avec un discret signe à l'attention de Kacchan, un remerciement muet que le blond réceptionna d'un hochement de tête royal.

« Et l'univers soit loué pour le plus grand hasard parfait de tous les temps, le fameux con incompétent ! »

À voir son rictus satisfait quand il vint les rejoindre sur le lit en se collant à son homme, Kacchan était décidément très heureux de voir son amoureux réutiliser sa propre définition du spécialiste des alters, qui ne méritait définitivement pas un tel sobriquet. Mais bien plus heureux de pouvoir dévorer Kam des yeux, d'un mélange d'amour et de fierté si éclatant que l'atmosphère médicale de la chambre s'effaça presque sous la chaleur de son regard.

« Fais gaffe Kat, tu vas finir par le bouffer sur place. Et oui, mille fois oui, l'univers soit loué pour cet homme. Même si je reconnais que ça me fait étrange, de s'en sortir… aussi facilement. Comme si c'était pas réel. » grimaça Eijirô, avant de se raidir sur le lit quand Kam glissa dans une pointe d'acidité nécessaire pour que son sarcasme pique tout en restant drôle :

« Je crois qu'on a une définition différente du « aussi facilement ». »

« Je voulais pas... »

« T'excuse pas Eij, je plaisantais – et va falloir vous y habituer, je refuse de passer à côté d'une bonne blague parce que vous faites vos têtes de six pieds de longs à chaque fois que j'évoque ma jambe ! »

« On va faire de notre mieux. » grommela Kacchan, pas réellement convaincu de la chose, mais bien trop énamouré par son homme pour oser le contredire plus que cela.

Les fluctuations d'émotions et de montées d'hormones ne cessaient de lui brouiller le regard, et Izuku lui dédia un sourire contrit en voyant à quel point il avait du mal à reprendre réellement ses esprits. À vrai dire, la main de Kam sur sa cuisse ne devait pas l'aider, en l'inondant de ses propres sensations physiques et émotionnelles, et dans son cycle, ça devait lui paraître autant comme une torture que comme un délice. De l'autre côté du blond, Eij s'éclaircit la gorge de manière fort peu naturelle et fort peu discrète, ramenant l'attention sur lui :

« Dîtes… J'aime pas… J'aime pas faire mon rabat-joie, mais vu qu'on est tous ensemble et que le plus gros problème est réglé... » commença-t-il avec une telle douceur qu'Izuku sentit un raidissement de mauvais aloi s'installer dans sa nuque. « Est-ce qu'on peut… parler ? De la suite ? »

« Du festin ou du toast ? » fronça les sourcils Kam, bienheureux ignorant alors que le teint de Kacchan se remettait à perdre des couleurs de manière alarmante, et Eij secoua la tête :

« Pas exactement. Je parle de ce qu'on va faire maintenant avec… avec nos loups. »

« Hé bien ? Tu m'aides à me déplacer, et moi à voir ce que tu fais, Katsuki nous nourrit avec son talent incroyable pour la cuisine, et on laisse Izuku continuer les recherches jusqu'à ce qu'il trouve un remède, comme on l'avait prévu. Non ? »

Izuku se mit à analyser avec méticulosité la trame filée du drap sous lui, notant distraitement qu'il était sacrément froissé et l'absence totale de bruit dans le silence redevenu épais comme du sirop lui indiqua que tout le monde faisait comme lui. Tout le monde, sauf Kam, qui soupira de fatigue :

« Si je dois redire « Ho-ho, j'aime pas ça. », il y a des gens ici qui risquent de passer un très sale quart d'heure avec les cheveux en pétard. »

« Tu vas pas aimer. » se lança bien courageusement Eij avec une bonne volonté matinée d'hésitation. « C'est… c'est la partie vraiment pas fun de la journée et... »

« Laisse. » coupa délicatement Izuku, au vu de la décharge d'anxiété que se murgeait Kacchan redevenu verdâtre, et s'il ne se trompait pas, en train d'envisager actuellement de sauter par la fenêtre.

De toute façon, c'étaient ses recherches, ses lectures et sa conclusion, il était logique qu'il s'en charge. Mais en prenant son inspiration pour annoncer, pour la seconde fois en un temps record, une mauvaise nouvelle à un Kam allongé dans un lit d'hôpital, il dut se faire violence pour réussir à lisser sa voix et être le plus clair possible :

« Kam, y'a pas de remède. J'ai lu toutes les études qu'on a récupérées, et pour le moment, aucun remède à la… à la lycanthropie n'a été trouvé. Je suis désolé de devoir te le dire de la sorte, sans réellement prendre de pincettes, et… Et j'ai des tas d'explications et de diagrammes si tu veux que je t'explique plus en détail le pourquoi du comment et les raisons génétiques, et… »

« Ils vont rester comme ça. » coupa la voix quasi atone de Kam, blanche comme les murs. « Tous les deux. Toutes nos vies. »

« C'est l'idée… »

Il ne voyait pas réellement quoi dire d'autre à ce stade de réalisation qui l'obligea à rester silencieux, désolé de voir une certaine rigidité envahir le visage d'ordinaire si expressif de Kam. Et une inspiration soudaine sur sa droite le tourna vers Eij avec indignation quand ce dernier se relança sans attendre :

« Katsuki veut continuer de chercher sur le sujet, même avec nos moyens limités. Histoire de voir si quelque part dans le monde et dans un futur plus ou moins proche, un remède existe. »

Profiter de la stupeur de Kam pour la pousser à son avantage sans même lui laisser le temps d'encaisser pleinement la nouvelle, c'était minable, et sacrément petit pour un mec élevant la courtoisie au rang d'art de vivre. S'il l'avait pu, Izuku lui aurait écrasé un pied ou filé une tape sur les doigts, tant ça frôlait l'indécence. Le regard de défi que lui renvoya son homme manqua lui faire mettre sa menace à exécution dans la foulée, n'eut été la réaction spontanée de Kam. Dont il ne remercierait jamais assez les réactions instinctives, les seules capables de rassurer Kacchan, car sans attendre une seconde, le platine se tourna vers son amoureux pour le dévisager avec une intensité qui se passait de mots. Fou ce qui passa entre eux, dans cet instant que leur laissa Eijirô avant de continuer son explication sous le froncement de nez furieux d'Izuku :

« En ce qui me concerne, je trouvais ça trop dangereux... Même si j'étais pas ravi d'être coincé comme ça. Mais vu qu'on n'est plus des suspects, merci le spécialiste et ses analyses, je suis d'accord avec Katsuki. On peut sans doute trouver un moyen de continuer à s'informer, dans l'espoir de trouver un médicament ou un alter qui fonctionne un jour, même si ça nous prend du temps, on s'en fout. On se remet sur pied, et on continue de chercher dans notre coin sans faire de vagues. Et Izuku… »

« Moi, je pense que la seule personne qui ait le droit de choisir ce qu'on fait, c'est toi. » s'interposa Izuku dans une moue bravache, scandant chaque syllabe pour appuyer un peu plus son opinion que Kacchan commenta à sa manière d'un grognement agacé purement lupin.

Le blond se fit recadrer d'un claquement de croc d'Eij, vestige de leur engueulade de la veille que Kacchan eut la sagesse de ne pas raviver, préférant reporter toute son attention sur son homme. À qui il lança un regard de chien battu dans l'attente du verdict, et le silence buté du platine ne l'aida pas le moins du monde à se maîtriser. Deux craquements d'os égrainèrent les secondes, et la douleur fusa dans son regard quand sa main se froissa sur son jean en une patte griffue, obligeant Izuku à lui saisir ladite patte pour prévenir toute catastrophe.

Sa poussée de croissance ralentit un instant, au moment où il refermait ses doigts encore pourvus de griffe sur la main d'Izuku, et celui-ci comprit au lent reflux de poils sur l'avant-bras de Kacchan qu'il était bien plus serein qu'il le pensait. Le seul réellement serein, finalement, une position facile puisqu'il avait fait le choix de suivre le mouvement quel qu'il soit, sans volonté propre. La seule et unique chose qui lui remontait dans la gorge, c'était le dépit de voir Kam aussi effacé et immobile, si loin de son caractère habituel qu'Eijirô ne put s'empêcher de se pencher sur le lit pour le relancer très doucement :

« Kam ? »

« Je... »

« T'es pas obligé de répondre de suite, Chaton. » gronda Kacchan entre deux crocs mal maîtrisés, et Eijirô se tint coin. « On peut en parler, et… »

« Y'a pas à en parler, je sais très bien ce que je veux. » commença Kam d'une voix érayée, qu'il s'éclaircit dans la foulée, se tournant plus franchement encore vers Kacchan, désormais en apnée pure et simple à côté de lui :

« Je suis désolé, Katsuki, mais je peux pas accepter qu'on continue, je peux pas vouloir ça. Je sais que c'est égoïste, et je suis vraiment désolé de te faire ça, de vous faire ça à tous les deux, enfin tous les trois, d'ailleurs, mais je… Je peux pas me remettre là-dedans. Et encore moins après avoir appris qu'on ne risque rien, tous les quatre, et qu'en plus, on peut rien faire pour vous guérir ! »

Sa voix sonnait terriblement fragile dans le silence de la chambre et même si au-dehors, quelques sons de l'hôpital parvenaient encore à leur parvenir, Izuku eut la sensation que le monde s'était effacé dans les fêlures de Kam. Comme un truc enrayé aux interstices de son épuisement, perceptible rien qu'à la manière dont il dut reprendre son souffle pour continuer, corps tendu d'appréhension :

« J'ai besoin d'avoir du temps pour me remettre, et… Et même si je sais, grâce à Mirko, que je vais finir par me remettre de la perte de ma jambe, je – j'arriverais pas à le faire sans un semblant de normalité. Sans autre chose que l'angoisse, et la peur, et la douleur, et je sais que c'est pas ce que t'as envie d'entendre, je sais que ça change pas grand-chose à la déception que ça doit être de m'entendre dire ça, mais je… Je m'en fiche, mon cœur, que tu sois un loup-garou. Je m'en contrefous, je te jure, et je m'en fous aussi de toutes les conséquences. On peut déménager à la campagne, et avoir une immense baraque pour que toi et Eij puissiez vous transformer quand vous voulez en sécurité, et puisque vous supportez pas qu'on soit séparés, ba moi ça me va très bien de vivre avec Midobro et Eij, ça me va parfaitement ! Et on peut claquer bien plus dans la nourriture pour vous nourrir, vous et vos estomacs de géants, et s'acheter un lit géant vraiment confortable, je m'en fous ! Du moment que… du moment qu'on s'en sort aussi bien que maintenant. Du moment qu'on est tous à peu près en sécurité et qu'on va bien. J'ai vraiment... » et sa voix se brisa sur une inspiration, le temps de ramener une odeur métallique de sang au creux de sa phrase, souligné par la seule silhouette des machines autour de lui si ses multiples bandages leur avaient permis de l'oublier : « J'ai vraiment cru que j'allais mourir. J'ai cru que j'allais mourir dans une salle de serveur à la con, sous les yeux de mon mec, et même si je suis encore terrifié quand je m'endors à l'idée que c'est une erreur et que je vais jamais me réveiller à nouveau, je veux pas gâcher ce… je veux pas gâcher ma deuxième chance, en fait. Surtout pas maintenant qu'on sait que vous risquez plus rien. Le reste, c'est pas important. »

Aucune idée de comment Eijirô réceptionnait ce discours d'un bon sens absolu, et Izuku se serait mordu au sang plutôt que de risquer interrompre le moment d'un geste trop brusque, mais Kacchan avait très visiblement cessé d'exister en dehors des mots de son homme. Suspendu à ses phrases comme si sa vie en dépendait, même avec son plissement de nez pour signifier la douleur de devoir réellement envisager une vie en tant que loup. Sans bouger d'un millimètre, Izuku jeta un regard vers Eij, absolument pas étonné de le voir aborner le même froissement de museau mécontent – tout en respectant bien trop Kam pour faire la moindre remarque. Discrètement, il glissa sa main le long du drap jusqu'au poignet de son amoureux et réussit faufiler ses doigts entre les siens, sentant immédiatement une partie de la tension se dissiper contre lui.

À une éternité de là, Kam prit une inspiration et en perdant quelques octaves, sa voix se fit plus un accompagnement qu'autre chose pour les phrases qu'il se mit à tracer à même la peau de Katsuki, dans leur monde à eux où sa main accrochait le souffle du blond en ouvrant son cœur :

« Je veux retrouver notre vie – loup ou pas, jambe ou pas, je m'en fiche, je veux notre vie. Je veux retrouver notre quotidien, se lever ensemble et pouvoir me rendormir dans tes bras tous les soirs sans me demander si on survivra à la journée du lendemain, ou quelle merde va encore nous tomber sur la gueule… Ou sur celles de nos meilleurs amis. Je veux nos soirées films, nos soirées jeux vidéos, nos promenades avec Prince Carnage et nos discussions sur nos conneries et nos fous rires, je veux même… Je veux t'entendre me hurler dessus parce que j'ai laissé traîné mes rollers dans l'entrée, même si ça doit être mes béquilles qui vont te faire gueuler désormais. Ou parce que j'ai encore oublié d'étendre le linge, ou que j'ai pris l'appel de ma mère en plein repas. Je veux nous retrouver, nous… Et… Je t'aime, tu sais ? »

S'ils n'avaient pas pulvérisé toutes limites entre eux, Izuku aurait sans doute été gêné de voir Kam attirer Kacchan de sorte à pouvoir reposer son front contre le sien, mais en l'occurrence, il dut se retenir un sourire de voir son meilleur ami utiliser cette technique qu'ils avaient si souvent vue chez les deux loups. Kam faisait décidément ça bien plus à l'instinct que lui, tout comme lorsqu'il frotta délicatement son nez contre Kacchan, saturant celui-ci de son odeur pour mieux déposer une parcelle de son âme entre ses mains :

« Loup ou pas, je t'aime, Katsuki. »

Sans bouger d'un millimètre, ils restèrent dans un silence que pas même un seul bip de machine osa rompre, perdus dans leur univers à deux. Et Izuku aurait écrasé d'un fouet d'alter le premier truc qui aurait eut l'idée malheureuse d'oser les déranger de toute façon. Dans un coin de sa vision périphérique, la masse d'Eijirô pencha lentement vers lui, trop sensible pour ne pas se laisser influencer par leurs odeurs et absolument pas impressionné par les gros yeux qu'il lui fit en guise d'avertissement.

Inutile au possible, parce qu'il avait beau avoir une stature mémorable et une position on ne peut plus inconfortable, Eij réussit le tout de force de faire ça tout en finesse, son habilité de loup lui offrant même la possibilité de ne garder qu'une main en guise d'appui. De sa main libre, il redessina doucement la joue d'Izuku dans un geste attendri, si délicatement que celui-ci sentit un frisson lui couler dans la nuque. Mais lorsque son fiancé se pencha pour l'embrasser, le lit grinça sous leur poids combiné et ils eurent la même grimace désolée d'entendre le brusque mouvement de recul de Kam, à côté. Oups.

« Et, je… » toussota le platine d'une voix trop rauque pour être honnête, jetant un coup d'œil vers eux. « Je pense pas que ça dérange Midobro non plus, que vous restiez ainsi… Et peut-être... Eij non plus ? »

« Ça ne dérange pas Midobro du tout. »

Kam fut très visiblement soulagé de la réponse comme du vigoureux hochement de tête qui allait de pair, et son regard se reporta immédiatement sur Eijirô alors qu'Izuku s'efforçait d'ignorer sans ignorer le reniflement de Kacchan et ses yeux rougis d'émotion. Un exercice de haute-voltige, que le silence prolongé de son homme lui donna l'opportunité de fuir tout bonnement en lui adressant un coup d'œil étonné.

Le plus en bout de lit, Eij les engloba du regard un instant, lèvres pincées. Puis il haussa les épaules, acquiesçant distraitement avec une lichette d'amertume trop faible pour tenir seulement deux heures, surtout si Kam recommençait ses vannes. Ça se voyait déjà, rien que dans les changements infimes de ses expressions et le retour des légères pattes d'oies au coin de son œil, que son caractère décidé et habituellement joyeux reprenait le dessus. Si son fiancé avait été filmé, Izuku aurait pu pointer le moment exact où son désir de protéger ses proches atténua suffisamment sa déception pour lui rendre sa sérénité. En tout cas, l'amorce d'une sérénité qu'il se faisait fort de consolider, et il porta leurs mains liées à lui pour y déposer un baiser, satisfait de tirer enfin un sourire à son homme. Son homme le plus parfaitement chevaleresque du monde, songea-t-il en le voyant lui rendre la pareille, mais d'un baiser un peu plus appuyé, et avec un sourire qui n'avait rien de chevaleresque.

« Bon. » jappa Kacchan sans pré-avis, d'une telle violence qu'il fit sursauter tout le monde, jusqu'à Kam à qui une étincelle échappa par mégarde. Et le blond reprit sans attendre la moindre réponse, continuant une conversation connue de lui seul sous leurs regards un brin perdus : « Ba puisque tout le monde est d'accord… Et que du coup, ma première idée tombe à l'eau — merci moi, et merci Boule de poil... »

Il s'interrompit une seconde, rien qu'une où il abandonna littéralement sa tension sur le sol, réussissant l'exploit ahurissant de refouler la moindre miette de déception ou de tristesse de son être d'un simple ébrouement. Et lorsque son meilleur ami releva le regard du lit d'hôpital, Izuku décela aisément l'infinité d'émotions au creux de ses prunelles – amusement, soulagement, détermination et amour fou. Courage. Absolument rien qui aurait pu les préparer à l'esquisse de sourire ravageur de normalité qui suivit en plissant ses lèvres d'un éclat de croc ravi :

« On met quoi, à la place du chocolat, dans votre pièce montée ? »


C'est parti !

(MERCIII !)

Boa marron : Hey ! Ta vanne était PARFAITE XD ! Et elle était méritée XD !

Ba « évidement qu'on l'a aimé », ça aurait pu ne pas être le cas, moi je trouille de ouf hein ! Du coup merci infiniment de prendre le temps de me le dire, vraiment ! Ah ouais, c'est plus confort que sur ordi… Ba ma foi, je saurais, me coucherais moins bête XD.

C'était prévisible, l'absence de remède, mais il fallait bien qu'ils passent par tout ça pour avoir leur réponse et oui, Kam et Katsuki s'en murgent pas mal, les pauvres (dit la femme qui avait prévu leurs arcs narratifs dès le début). J'espère que du coup tu es rassuré sur leur sort en attendant l'épilogue !

MAIS OUI, au départ on voulait tous lire du cul de loup-garou, c'est tout, pourquoi j'ai eu l'idée de faire genre UNE HISTOIRE AUTOUR ?! Je me défrustrerais au prochain Kinktober où je ferais des loups-garous, voila XD.

Merci à toi de me lire et surtout de prendre le temps de laisser des reviews, merci du fond du coeur, si tu savais comme ça fait plaisir! J'espère que ce chapitre t'aura plu aussi (en tout cas pas trop déçu!) !

Omiya : Coucou ! Oui les chapitres sont denses en ce moment, quel enfer, j'espère c'est pas trop relou à lire en vrai T-T ! Mais je suis ravie d'avoir pu apporter beaucoup plus de Kam et sa réponse, que j'ai ADORÉ écrire !

OUF sur le rythme, c'est gentil ! J'te jure, j'étais en PLS en voyant la si longue pause que j'ai dû faire alors que j'étais vraiment sur la fin-fin de la fic, c'était frustrant et chiant comme pas deux T-T. Même si ça me fait bien rire d'arriver à poster la fin en un gros mois après trois ans à poster UN chapitre par mois XD.

Du coup j'espère tellement, mais TELLEMENT que cette suite t'aura plu et que ça aura été à la hauteur de tes attentes, vraiment je croise doigts et doigts de pieds, rien que ça ! MERCI POUR TA REVIEW, ça fait SI PLAISIR, merciii et au plaisir de te relire !

Yume Danlalune : Holà ! Merci pour ta review et OUI, il est vrai que Katsuki est d'ordinaire plus alerte, mais je voulais réellement montrer l'effet que son cycle pouvait avoir sur lui, vu que ça lui embrouille sacrément l'esprit – mais si ça t'a perturbé, c'est que je n'ai pas réussi à l'écrire assez bien, et j'en suis navrée T-T.

Je suis ravie que tu aie trouvé la scène pleine d'émotion, c'est une super bonne nouvelle pour moi ! Awww c'est extrêmement gentil de me dire que ça se sent que j'y aie réfléchi, et que je m'implique dans mon histoire, vraiment merci du fond du cœur ! Comme tu t'en doutes, c'est un gros projet et j'ai tellement peur de passer à côté d'un truc que j'aurais prévu, mais oublié de mettre ou oublié d'expliquer parce que ça fait sens dans ma tête et pas sur le papier… Du coup ce compliment me fait extrêmement chaud au cœur, merci !

Et du coup, j'espère de tout mon cœur que cette suite aura été à la hauteur et que tu l'auras aimé ! Et merci encore pour ta review, merci !

Athena : Coucou ! Ah oui, on peut dire « les pauvres », ils méritent ! Je suis refaite que t'ai apprécié la bagarre, c'était un pur plaisir à écrire – et on va pas se mentir, ça manquait un peu, de les voir se friter sous forme de loup. OUF pour les explications d'Izuku, j'ai toujours peur de les faire trop relou ou pas assez claires, mais si ça marchait, je suis soulagée !

Bon du coup, j'espère que ce chapitre aura répondu à tes questions et attentes (même si on va pas se mentir, l'épilogue va faire du bien pour clôturer tout ça proprement et avoir un peu plus de fluff qu'on mérite XD), mais surtout, j'espère que ce chapitre t'aura plu ! Et que cette fin ne sera pas une déception !

De rien pour le coup de collier, j'ai tenu et je suis bien soulagée XD ! Merci encore pour ta review, merci pour toutes tes reviews, d'ailleurs, c'est toujours un plaisir de te lire et d'avoir ton avis ! Je croise les doigts pour ce chapitre-ci, et des câlins par milliers, en fait !